Chapitre 11

>> Secret, Angel Snow. 




Will ferme la porte d'un casier, sûrement le sien, et s'avance vers moi.
Il se place devant moi, à un mètre environ, les mains dans les poches, et son sourire à fossettes fixé au visage.

Je m'appuie sur ma béquille, et scrute le garçon qui se trouve à deux pas de moi. La seule hypothèse pouvant justifier son comportement, relève du médical. Il y a deux heures à peine, il m'excluait du cours, me parlait comme une moins que rien, et là ...
Il est bipolaire, c'est sûr.
Je commence à sérieusement m'inquiéter pour ma sécurité, surtout que le couloir se vide à vue d'œil.
Je chasse ma paranoïa, et me concentre sur autre chose, l'ourlet de ma salopette par exemple.

- Tu veux toujours pas me parler ?

J'entends son fameux rire dans sa voix, là, c'est trop.

- Arrêtes.

Je repose les yeux sur lui. Les traits de son visage se durcissent à la vue de mon regard, froid. Si un regard pouvait tuer, il serait écroulé dans une marre de sang, sur le carrelage jaune du lycée St-Peter...
Je ne joue plus. Ca suffit . Tout ce que je veux, c'est terminer mon année scolaire sans problème. Et William Stone, en représente un, de problème.
Il fronce les sourcils, et penche la tête sur le côté, l'air perdu.

- Quoi ? Je comprends pas .

Je ris, d'un rire faux. Ok, ce mec a vraiment un soucis.

- Tu te souviens de moi ? Je demande.

- Bien sûr, Nia.

- Nia ? Sérieux ? Tu te souviens vraiment de moi alors. Pourquoi tu m'as fait ça ce matin ?

Mon agressivité le fait reculer. Je lis aussi de la surprise dans ses yeux clairs. S'il a cru qu'il pouvait jouer avec moi, il se trompe. Je suis sur-entraînée, et je l'enverrai au tapis en moins de deux.
Même eux, n'ont pas réussi à me faire chuter. Alors, qu'il y aille franchement, parce que son amnésie passagère et bipolarité, me donnent le tournis.

- Nia, écoute ...

Il se rapproche de moi, en se passant une main dans les cheveux. Je continue à le fixer, je ne baisse pas ma garde.

- Je suis désolé, je ...

- C'est bon . Je le coupe sèchement.

- Quoi ?

- J'ai dit stop . J'ai mieux à faire que de t'écouter. T'es un abruti, j'y peux rien.
Ou alors, j'ai pas saisi l'importance d'une place de cours. Je suis désolée alors, si je t'ai mis en colère, mais tes parents ne t'ont pas appris à partager ? Sérieux, grandi un peu !
Ça fait pitié . J'espère vraiment que tu auras une belle vie, parce que tu risques de sauter d'un pont, si tu te mets hors de toi pour si peu !

Je m'arrête, à bout de nerfs. Au fur et à mesure que je parlais, il reculait. Il est à présent appuyé contre un casier. Il me regarde. Je l'imite. Il ne riposte pas. Puis, il souffle bruyamment .

- Je suis désolé . Je voulais pas réagir comme ça, ok ? Et tu crois que je sais pas que ma réaction était totalement gamine ? Mais je savais pas quoi faire !

- Ah ouais ?

- Oui ! Ça fait quinze jours que je vais à l'hôpital, tous les soirs. Ne me regarde pas comme ça, je ne suis pas un psychopathe, je ne venais pas pour toi, mais pour les enfants. Mais n'empêche, je suis passé plusieurs fois devant ta chambre, pensant que tu y étais. Et puis un jour, une infirmière m'a dit qu'un homme habitait cette chambre depuis plusieurs jours déjà.
T'avais quitté l'hôpital, et je ne savais rien sur toi. Alors tu crois vraiment que je m'attendais à te voir ce matin, dans mon lycée ? À ma place de bio ? Tu t'attendais à quoi ? Que j'allais dire à tout le monde qu'on se connaissait, que t'étais une patiente du centre ?

Je suis sans voix. L'entendre me parler ainsi, comme si du venin lui parcourait les cordes vocales, me serre le coeur. Je reviens alors quelques mois plus tôt. S'en est trop. Je me redresse, et m'éloigne le plus vite possible de lui. Ignorant la sonnerie indiquant le début du cours. Mais avant, je fais demi-tour, et lui siffle :

- D'ailleurs, en parlant de l'hôpital, t'as intérêt à te la fermer, compris ?

Je n'ai pas le temps de voir l'expression qui passe sur son visage, lorsque ces mots sortent de ma bouche. Je tourne les talons, et de façon précipitée, je recherche activement, pour la seconde fois aujourd'hui, les toilettes.
Quand je les ai trouvées, je m'enferme à clés, et m'effondre sur le sol.
C'est plus fort que moi, je craque.
En quelques secondes à peine, je suis replongée dans mes souvenirs.
Tout tourne autour de moi, et j'ai du mal à respirer. Puis, d'un coup, je sens se frailler un chemin vers ma gorge, mon angoisse. Je me penche rapidement au dessus de la cuvette, et vomie toute ma peine.

Les larmes coulent sur mes joues, et j'en ai marre, tellement, de tout ça ! Je me sens sale aussi. Sale, d'avoir fait confiance une fraction de seconde, à ce type quand j'étais encore internée. Il est comme les autres, mauvais. Les anti-douleurs devaient jouer beaucoup aussi.

C'est alors que j'entends quelqu'un rentrer dans la pièce, et frapper doucement à ma porte.

- Nia ...

- Va-t-en !

Je ferme les yeux, et tente de reprendre le contrôle sur ma sensibilité, redevenir vide.
J'en ai marre de pleurer. J'ai connu bien pire, alors pourquoi, lui, en peu de temps, a t'il réussi à tout faire remonter ?

- Nia, s'il te plaît, ouvre la porte.

- Non !

- Bien ...

Il abandonne aussi vite ? C'était facile, en fait.
Mais le petit bruit de la serrure, me prouve le contraire...
La porte s'ouvre, sans que je n'ai rien demandé. Et Will fait son apparition, un couteau de poche dans la main.
Il le plie et le range dans son sac, avant que je n'ai eu le temps d'imaginer la future scène de ma mort.

En voyant l'état de mes joues, il sourit faiblement.
Du regard, il me demande silencieusement s'il peut s'asseoir en face de moi, j'accepte d'un hochement de tête.
Je me décale un peu. Ses pieds touchent presque les miens. Il est obligé de plier les genoux sous son menton pour qu'on puisse tenir à deux dans la petite cabine. Il croise les bras sur ces derniers, et m'observe calmement.

L'espace d'un instant, je me retrouve ailleurs, dans le passé...

Je pars du cours de littérature sur les nerfs. Ce n'est pas juste ! Je rentre dans les toilettes, et claque avec violence la porte d'une cabine. Je m'assois par terre, le visage entre les bras . Je boude. Mme Wall m'a enlevée des points sur ma dissertation, sans véritable raison, je suis énervée. Une si petite chose, mais qui bouleverse mon quotidien, dans ma petite vie tranquille . Je relève la tête quand je sens sa main sur la mienne.

Ce n'est pas ses  doigts que je sens sur ma joue, mais ceux de Will. Je me recule à son contact.

- Désolé, une larme coulait sur ta joue, j'ai ... Voulu l'essuyer.

Je pince les lèvres, et essuie du revers de la manche mon visage mouillé. Je croise son regard, et souris légèrement.

- Je suis désolée de mettre emportée comme ça, je suis assez sensible en ce moment ... Je souffle.

- C'est moi qui dois m'excuser, c'était stupide de ma part ...

- Ouais...

Il détend une de ses jambes, et l'appuie sur le mur, qui me sert de dossier.

- Alors, t'es nouvelle ? Dit-il avec le petit rire qui lui est propre.

- Eh oui...

Il prend une inspiration, et tourne le visage vers le plafond. Au bout d'un instant, il brise le silence confortable qui s'était installé quelques minutes auparavant.

- C'est marrant, qu'on se retrouve comme ça...

- Le karma, je chuchote.

- Alors pour toi, c'est le destin ? Me demande-t-il avec un grand sourire .

- Je sais pas, je réponds en souriant à mon tour.

- Tu sais, pour l'hôpital, je dirais rien, promis. Même si je comprends pas pourquoi tu veux le cacher...

-Will... Je le supplie .

- Je ne te poserai aucune question, c'est promis.

J' expire, soulagée.

- Merci.

- T'es étrange quand même, Nia James.

- Tu te souviens de mon nom complet ? Je le questionne, surprise.

Il rit, d'un rire joyeux. Et je ne peux m'empêcher de l'imiter.

- J'adore, je te dis que tu es étrange, et toi, tu es surprise que je me souvienne de ton nom ? Ouais, t'es bizarre.

Je grimace.

- Mouais... Alors, pourquoi je suis " étrange" ?

Il croise les bras, l'air d'être en pleine réflexion.

- Disons, que tu as des réactions assez ... Spontanées . Mais... J'ai le sentiment, et je l'ai ressenti dès la première fois que je t'ai vu, que t'as pas une vie facile ... Je me trompe ?

Je le regarde, le souffle coupé. J'avale ma salive.

- Oui, je murmure. Mais...

- Je sais, pas de questions, me coupe-t-il gentiment.

J'approuve d'un mouvement de tête.

- Mais à une condition .

À ses mots, mon cœur manque un battement.

- Laquelle ? Je demande la gorge nouée.

- Qu'on reprenne tout à zéro, je veux dire, on oublie ce matin. Et...

- OK, je le coupe stressée.

Il esquisse un sourire.

- Et, je veux que tu acceptes de me parler, ne garde pas le silence, ça te va ?

Je le fixe, analyse sa sincérité.
Je pourrais accepter son accord. Mais une petite voix me chuchote que je ne peux pas lui faire confiance, que je dois rester sur mes gardes.
Je me mords la lèvre en regardant la main qu'il tend dans ma direction. C'est alors, qu'une deuxième voix me crie de la serrer, que j'ai le droit d'avoir des amis, et de tout recommencer, définitivement.
Une idée me traverse l'esprit.

- J'ai une condition moi aussi.

L'assurance de ma voix contraste beaucoup avec ma lutte intérieure.

- Vas-y, m'encourage t'il avec patience.

Je respire, puis me lance :

- J'ai le droit de revenir sur notre accord... J'inspire, j'expire . Si ça devient trop dur pour moi .

Il fronce les sourcils, intrigué. Mais il finit par accepter. Je serre sa main.

- Alors, amis ? Me demande-t-il en souriant.

La première voix me dit que j'ai fait une erreur, mais je décide de l'ignorer. Je dois avancer.

- Oui.


<3

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