>> Nerve, Don Broco. 

        Il est debout, dans l'entrée. Son regard est rivé vers le fond de la classe, vers moi. Il ignore les applaudissements et sifflements, il semble sous le choc.

Je sens mon coeur battre au niveau de mes tempes .

Mon visage est inexpressif, figé.

Ma respiration, bloquée.

Mon cerveau est en agitation.

Ce n'est pas possible, ce n'est pas possible. Pourquoi il a fallu que je tombe dans le même lycée que lui ?

Je panique, je sens l'angoisse monter en moi. Puis, je me rappelle qu'il ne sait rien, que je dois paraître détendue . Je suis juste nouvelle, oui, c'est ça, et par un pur hasard... Je remercie à nouveau mon karma, et baisse les yeux, réalisant que des élèves ont suivi le regard de Will.

- William, vous pouvez gagner votre place, votre moment de gloire est passé ! Crache le professeur.

Will se ressaisit, et j'observe ses pas. Le mouvement de la première chose que j'ai vu de lui lors de cette soirée, à l'hôpital, ses baskets.

Ses pas se déplacent sur le carrelage de la classe. Et plus je les observe, plus je les vois se rapprocher vers ...

- C'est ma place.

Je relève brusquement la tête, et tombe sur son regard gris .

- Comment ?

- Tu es assise à ... Ma place, répète-t-il.

Je le fixe, incrédule. J'ai du mal comprendre, ou bien ... ?
Puis, voyant toute la classe me regarder, ainsi que l'enseignant, je sors de ma bulle.
Will est face de moi, les bras croisés, les sourcils froncés, et une expression froide et menaçante sur le visage . Je déglutis. Ce n'est pas le Will de mes souvenirs.

Je me lève, tremblante. Et tandis que le professeur de biologie, dont je ne connais pas encore le nom, continue son cours, je ramasse mes affaires.

Will s'installe à sa place , aux côtes de Thaïs. Cette dernière le regarde totalement hébétée. Puis, son regard se pose sur moi, elle exécute une vague grimace, qui semble signifier son désarroi. Je hausse les épaules, l'air de rien, bien qu'à l'intérieur je bouillonne, et cherche une nouvelle place.

Mes yeux passent de chaise en chaise, et je me rends compte avec horreur, qu'elles sont toutes prises.
Ma réaction peut paraître enfantine, mais avec toutes les émotions qui se bousculent en moi, ma gorge se serre.
Je ne prends pas la peine de m'excuser, et sors en trombe de la salle de sciences.

J'ai les larmes aux yeux, serrant mon livre et mon bloc-note dans mes bras tremblants.
Pendant que je cherche par tous les moyens un échappatoire, je n'entends que le bruit de mes pas résonner dans les grands couloirs du lycée St-Peter.

Je gagne les premières toilettes que je trouve. J'investie une cabine, et balance mes affaires sur le sol, ainsi que mon sac à bandoulière.

Je m'effondre à mon tour sur le sol froid, appuyée contre la porte, le visage entre les mains .

Je me sens ... Mal, rejetée, seule .
C'est débile, je sais. Pour une simple place dans un cours dont j'en ai rien à faire, mais ... Will.
Je suis sûre que c'est lui, oui, j'ai pas rêvé. Alors pourquoi son expression si froide et dure ? Il m'a forcément reconnue, non ?

Et puis, je ris. Bien sûr qu'il sait que c'est moi, sinon il ne serait pas resté là, droit comme un piquet à me regarder, comme si j'étais un fantôme.
Je ne comprends pas pourquoi il s'est comporté comme ça ...

Mais temps pis. C'est mieux s'il reste distant, qu'il décide d'oublier qu'on s'est déjà vus, parlés.
Pourquoi ? Parce que les fois où nous nous sommes parlés, c'était à l'hôpital. Et je parie qu'il sait que ce n'était pas pour une simple appendicite.

Je me jure qu'il ne doit jamais savoir la véritable raison. À savoir le coma. Je ne veux pas entendre les questions qui suivront, car je ne saurais y répondre.
Alors, je préfère qu'il se comporte de cette façon avec moi. On ne se connait pas.

Je respire profondément, repétant cette opération autant de fois que nécessaire.
Je dois me calmer.

À l'aide d'un mouchoir, je nettoie les traces de mascara sur mes joues. Allez, tout va bien Nia.

Je regarde l'heure sur mon portable, il reste encore vingt minutes avant le début du prochain cours. Je dois penser à aller à l'administration, pour régler cette histoire de cours de biologie... Pourquoi pas intégrer le cours de chimie ? Si cela peut m'éviter de voler la place de quelqu'un, places visiblement très restreintes...

Je souffle, l'ennuie commence à se faire sentir dans la petite cabine. Et je m'ennuie tellement que j'attrape mon livre de bio, et le feuillette.

                               ***

La cloche retentit. Je ferme mon manuel de philosophie, et me lève de ma chaise, tout en rangeant mes affaires dans mon sac. Je ramasse ma béquille sur le sol, et l'empoigne .
Avant de sortir de la classe, je prends le sujet du prochain devoir, et file vers l'administration.

Mais je suis vite stoppée par... Une sacoche en cuir. Je m'arrête net, et me tourne vers le propriétaire.
Le professeur de biologie se tient devant moi.

- Mademoiselle James, je suis Monsieur Stevenson, votre professeur de biologie. Il y a eut un problème dans l'attribution de vos cours, comme vous avez pu le remarquer ce matin. Mais vous êtes inscrite dans mon cours, et je ne compte pas  vous renvoyer par manque de place. C'est pourquoi, avant de fuir vers une autre matière, nous allons tout simplement rajouter une table dans ma classe.
J'ai étudié votre dossier, Mademoiselle, vous êtes brillante, et j'ai besoin de vous pour monter le niveau ... J'espère que ça vous convient ?

- Euh... Oui,oui , je réponds avec  précipitation sur le coup de la surprise.

- Très  bien, je vous retrouve donc demain ?

- Oui, merci.

Je regarde mon professeur s'éloigner. Eh bien ... Rajouter une table, bien sûr ! Quelle idiote !

Je tourne sur moi-même, je suis au milieu du couloir bondé, et figée comme un bâton.
Je sors mon emploi du temps de mon sac : littérature. Je souris, ravie de mon prochain cours. Je m'apprête à me diriger vers ma salle, quand je suis percutée de plein fouet par quelqu'un.

- Hé ! Mais ça va pas non ! Je m'exclame.

Je me frotte le front, tout en relevant la tête vers mon agresseur. Non, ce n'est pas celui que vous croyez, le karma n'est pas aussi cruel.

- Et toi, t'es obligée de rester en plein milieu du couloir ! Réagis Jason, sur l'offensive.

- Roh ça va !

Je remets la lance de mon sac sur mon épaule, et pousse de l'épaule le jumeau de Sarah.

- Hé ! Attend !

Quoi ?
Jason me rattrape en quelques foulées.

- Je peux t'accompagner ?

Je hausse les sourcils.

- Toi ... Tu veux m'accompagner ?

Je fais bouger ma béquille entre nous deux pour appuyer mes propos. Il l'a regarde, mais ne semble pas surpris de sa présence sur mon poignet.

- Ouais ...
Je continue à marcher.
À ce qu'il paraît, tu t es faite recaler par Stone ce matin ?

- Stone ?

Je lâche ce nom sans réfléchir, mais à peine le mot sorti de ma bouche, je connais déjà la réponse . Évidente qui plus est .

-Will.

- Ah... Oui, en quelque sorte... Pourquoi ?

- Rien.

Je le dévisage, il a un sourire en coin, vraiment agaçant.

- Bon, c'est quoi le truc ? Je m'énerve.
Tu peux pas me voir, ça j'ai compris, et moi je te trouve détestable, alors pourquoi tu me parles ?
Pourquoi tu prends la peine de m'accompagner en cours ?

Il rit .

- Wahou ! Et dire que tout le monde te crois à moitié muette ! Tu vois, j'ai des bons côtés, je te fais parler avec spontanéité !

Il ponctue sa phrase d'un clin d'œil.

Je m'arrête, et croise les bras. Il stoppe également sa course quand il remarque mon absence à ses côtés. Il revient vers moi.

- C'est quoi déjà ton nom ?

- Nia, je siffle.

- Ouais, bah Nia, je croyais que t'avais compris qu'il ne fallait pas s'arrêter au beau milieu d'un corridor bondé, me dit-il à l'oreille, en me tirant par la manche de mon pull noir, ignorant totalement ma canne.

Insupportable !

- Jason, je le coupe sèchement et en me libérant de son emprise, dis moi ce que tu veux à la fin !

- Eh bien, tu vois la nouvelle, t'as raison, je t'aime pas beaucoup. Ça me saoule de devoir faire le gentil parce que soit disant il faut être cool avec les nouveaux.
Mais ce qui me mets hors de moi, c'est que Stone, le saint Stone, t'ait virée du cours de bio.
Et Stone, je peux pas l'encadrer, alors voir qu'il prend exemple sur moi, ça m'énerve.

J'éclate de rire.

- Sérieux ? T'es fâché parce que le gars que t'apprécie le moins, m'a " virée de cours " ? C'est vraiment trop drôle, tu sais quoi, je te trouve bien plus sympa que lui finalement .

- Ah ouais ? Il me regarde, une lueur rieuse dans le regard. Bah c'est qu'il m'a sacrément doublé alors ! Tu sais quoi ? Débrouille toi pour trouver ta fichue classe !

Et il fait demi-tour. Je ris de plus belle. Complètement taré ce type. En m'entendant rire, il se retourne .

- Ah oui, j'oubliais ! Ta classe est dans l'autre bâtiment ! Faut pas me faire confiance, la nouvelle !

Je ris à gorge déployée, quel gamin susceptible.
J'ai les larmes aux yeux, tellement je ris. Je crois que les nerfs en sont pour beaucoup aussi. Je dois à contre cœur me calmer, car ça fait tellement du bien, quand je vois les regards posés sur moi.

- Pourquoi tu ris comme ça ?

Je me tourne vers la voix.  Tiens ... Le karma n'est pas si gentil que ça... Finalement.

Voilà pour le chapitre 10 ! Que pensez vous du comportement de Will ? Pensez vous que Nia et Jason pourraient s'entendre ?
La suite bientôt ! ❤