chapitre 41

Kai


Je sais, au moment où je raccroche, que je regrette déjà tout ce que je viens de dire.

Il n'a jamais été question que je m'emporte contre Shirley. Je ne voulais pas insulter son petit ami et encore moins parler d'Elisa de cette manière. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Les autres écoutaient notre conversation, j'avais trop honte de paraître faible devant eux, trop honte de leur montrer à quel point je me sens minable pour une fille...

Je ne me reconnais plus, ça devient vraiment n'importe quoi.

Mon ventre se réveille. Tout l'alcool que j'ai ingurgité en début de soirée remonte de mon estomac. J'ai envie de gerber. Je cours jusqu'aux toilettes, mais une fois au bord de la cuvette, rien ne sort. Je me laisse tomber au sol en désespoir de cause. Le bourdonnement dans ma tête est tel que ma vision se trouble.

Cette situation craint. J'en ai plus qu'assez.

— Tu t'en va ? hasarde Tony lorsque je reviens avec ma veste sur les épaules.

— Ouais. J'ai des trucs à faire.

Je m'empare de mon casque puis, avec un sourire factice, je les abandonne dans le salon.

— Kai ! m'appelle-t-on alors que je franchis le portail.

C'est Gabriella. Je n'essaie même pas de trouver quelque chose à répondre, je monte sur ma moto et enfile mon casque. Elle me rejoint dans la rue. Sa mine semble préoccupée.

— Tu es sûr de pouvoir rouler dans cet état ?

— Ne t'inquiète pas.

— Si, justement, je m'inquiète ! Tu es bourré. Ce n'est pas prudent.

Je balaie sa phrase d'un geste.

— Ça va, je peux gérer, retourne à l'intérieur.

— Kai..., souffle Gabriella.

Et, sans prévenir, elle relève ma visière pour déposer ses lèvres sur les miennes.

Sa bouche a un goût acidulé et sa langue n'est que douceur et exaltation. Son baiser m'inspire une tonne d'émotions, et malgré cela, il n'y a pas celle que je recherche par-dessus tout : l'amour.

— Non, dis-je en la repoussant gentiment. Je suis désolé, je ne peux pas. C'est trop tôt.

— Trop tôt pour quoi ? questionne Gabriella.

— Trop tôt pour tout.

Elle en comprend suffisamment pour ne pas insister.

J'abaisse la visière de mon casque, puis je démarre. À une époque, l'ancien Kai se serait jeté à cœur joie sur une occasion pareille. Gabriella ou une autre, peu importe, tant qu'il y avait une fille avec qui passer du bon temps, tout était bon à prendre. Le nouveau Kai se contrefout de plaire aux filles. Celle qu'il désir est à plus de 4000 kilomètres de lui ; s'il ne peut pas l'avoir, autant ne plus ouvrir son cœur à personne.

Le reflet de Gabriella est toujours dans mon rétroviseur quand j'atteins le bout de la rue. Mes yeux fixant sa silhouette rétrécir jusqu'à ne devenir plus qu'un petit point noir, je ne vois pas tout de suite la voiture qui tente de me dépasser. Pris de cours, j'ai un mouvement maladroit : la moto dévie de sa trajectoire, et m'entraîne droit vers les barrières de sécurité. Je freine brusquement. La roue avant glisse. Je m'accroche puissamment au guidon et évite de peu une chute mortelle. L'automobiliste, déjà loin devant, klaxonne un bon coup, avant de disparaître dans la nuit noire.

Putain de merde. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? Je savais que rouler en état d'ébriété n'était pas sans risque, Gabriella m'avait prévenu. J'ai failli à ma propre promesse de ne pas faire le fou sur la route. Je suis un putain d'imbécile.

J'allume les feux stop je puis descends lentement de ma moto. Chose inédite, mes jambes tremblent comme pas permis. Pour un coup d'adrénaline, c'en était sacrément un ! Toujours avec précaution, j'enjambe la barrière de sécurité. Une pente bordée de rochers et sillonnant un long ravin m'accueille. La vache. Et dire que cet endroit était à deux-doigts de devenir le lieu de ma mort !

Un bruit affreux remonte de ma gorge. C'est le moment que choisit mon estomac pour se vider. Spectatrice de la scène, la lune m'aveugle de sa blancheur éblouissante. Les jugements qu'elle abat sur moi sont aussi durs que mes regrets sont écrasants.

Je crois qu'il est temps de réparer les pots cassés.

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