chapitre 37

Elisabeth

C'en devient une habitude, de pleurer comme un enfant dans la cabane. Je fais peine à voir ; même mes petits cousins sont moins bruyants quand ils se mettent à geindre. Si ma mère était là, elle me dirait de hausser le menton et de combattre mes émotions. Charlie, lui, aurait une ébauche de sourire et regarderait ailleurs en sifflotant.

Que la vie est compliquée, pour une ado de dix-sept ans de mon acabit. Les adultes se plaisent à faire remarquer en permanence que les vrais problèmes surviennent à l'âge adulte, que les enfants et les adolescents se font du mauvais sang pour un rien. Cette idée est fausse. Je n'ai pas une, mais plusieurs raisons de me faire du mauvais sang.

J'en suis là de mes pensées quand la cabane se met à trembler, signalant la venue de quelqu'un. Je reste toute chose, le cœur battant puissamment sous ma cage thoracique.

C'est sans surprise que Shirley me rejoint. Avec elle flotte une traînée de silence brutal. Je me recroqueville dans un coin, tel un agneau sur le point de se faire égorger, tout en prenant soin de ne pas croiser son regard, des fois qu'il me fusillerait sur place. J'ose espérer qu'elle n'est pas là pour de mauvaises intentions...

Shirley s'assoit en face de moi sans piper mot. Il se passe de longues minutes épouvantables avant qu'elle ne brise le silence, et accessoirement la glace.

— Je t'écoute, se contente-t-elle de soupirer.

J'humecte mes lèvres. J'ai la gorge sèche, et l'horrible sensation que mon cœur va sortir de ma poitrine.

— Arrête de fuir mon regard comme si j'étais le diable en personne, réplique Shirley. Je ne suis pas là pour faire la guerre, si c'est ce qui te perturbe.

Je relève la tête.

— Vraiment ?

— Vraiment. Je veux juste que tu me dises la vérité – toute la vérité. Et sans omettre quoi que ce soit. Tu peux faire ça pour moi ?

— Oui.

J'inspire un bon coup. Même si Shirley me laisse l'opportunité d'étaler ma version de l'histoire, ce qu'elle me demande de faire n'est pas facile. Je dois être franche envers elle, assumer mes fautes, m'excuser sans fondre en larmes. En clair, je dois me comporter comme la fille courageuse que je ne suis pas.

— Je suis désolée, Shirley, dis-je à mi-voix.

C'est la première chose sincère que j'arrive à prononcer, mais ça ne suffit pas, j'en ai bien conscience, c'est pourquoi je reprends tout de suite la parole.

— Je suis désolée, car je n'ai pas été l'amie que tu attendais de moi. Je t'ai trahie, j'ai joué sur deux tableaux, j'ai été lâche... Même si c'est sans doute trop tard pour que tu me pardonnes, sache que je regrette infiniment tout ce que j'ai fait. Vraiment.

Jusqu'ici impassible, Shirley prend une expression dubitative. Elle ouvre la bouche, mais la referme aussitôt pour me laisser continuer.

— Shirley. Je sais que ce que je m'apprête à te dire ne plaidera pas en ma faveur, mais tu m'as demandé toute la vérité, alors je vais te la donner.

« Entre Kai et moi, ça a commencé bien avant que vous soyez ensemble. C'était l'année dernière, le jour d'Halloween, quand nous étions déguisées toutes les deux en Frida Kahlo. Ce soir-là, il m'a rejoint dans la chambre en pensant que c'était toi et il m'a embrassé. Un vrai baiser, comme je n'en avais jamais connu de ma vie. Je l'ai embrassé à mon tour car j'ai aimé cela, jusqu'à ce que je comprenne de quoi il retournait.

« Quand Kai s'est rendu compte que je n'étais pas celle dont il pensait, nous nous sommes expliqués. C'est là qu'il m'a dit qu'il descendrait tout te raconter. J'étais toute chamboulée. Je redoutais ta réaction. J'ai préféré le croire plutôt que de te le dire moi-même. Après ça, vous avez perdu contact, et comme tu ne m'en a jamais reparlé, je me suis dit que tu étais passée à autre chose.

« Le jour où tu me l'as présenté comme ton petit ami officiel, j'ai cru que c'était un cauchemar. Non seulement il ne t'avait rien dit au sujet de notre baiser, mais on devait faire comme si rien ne s'était passé entre nous. Plusieurs fois j'ai pensé à tout t'avouer, je te le jure, mais je ne savais pas comment m'y prendre sans que tu nous en veuilles – moi la première. Alors Kai et moi avons gardé le silence, tout en continuant à nous détester. Parce que oui, Shirley, au départ on ne s'aimait pas du tout. Quand on sortait entre filles et que tu le rajoutais à la partie au dernier moment, j'étais furieuse. Furieuse parce que je voulais passer du temps rien qu'avec toi. Furieuse parce que Kai me provoquait, et toi tu n'y voyais rien !

« Je ne me souviens plus trop comment les choses ont changé entre nous, mais le fait est qu'un jour, lui et moi avons fini par nous apprécier. Une chose en a entraîné une autre et je... il... Enfin voilà, c'est arrivé sans prévenir. Je n'ai pas su contrôler ce que je ressentais, et j'ai bêtement fait passer ma relation amoureuse avant ma meilleure amie. Si Grace ne t'avait rien dit, j'aurais fini par te le dire moi-même. Je ne sais pas quand, mais je l'aurais fait, il faut que tu me croies.

— Je vois, répond simplement Shirley.

Son ton est monocorde ; son regard, totalement inexpressif. Luttant contre la tentation de m'enfuir, je me triture les ongles. Désormais que j'ai tout déballé, je redoute son jugement final. Et si mon discours accentuait son sentiment de trahison... ?

— Tu sais, ce n'est pas Grace qui a vendu la mèche, Elisa.

Sa phrase me prend au dépourvu. Impossible. Ce qu'elle avance est impossible. Ça ne colle pas. Il n'y a que Grace qui m'ait entendu parler de cette histoire au Sam's Paradise ; à la suite de quoi, elle m'a même lancé un regard évocateur alors que je quittais les lieux. D'accord, Chloe était aussi présente ce jour-là. Mais cette dernière était trop absorbée dans sa conversation pour faire attention à moi. Non ?

Soudain, un souvenir refait surface. Je me représente la chambre de Fabianna, à la fête, quand Kai et moi étions dans le lit et que la drogue que j'avais inhalé me brouillait le cerveau : il y avait cette fille, accompagnée d'un mec, qui sont entrés sans toquer et qui nous ont vue. Je n'avais pas la tête tournée vers eux, mais j'ai entendu cette voix féminine répondre à Kai quand ce dernier leur a ordonné de dégager : elle était aussi aiguë et désagréable que le bruit que fait une craie quand on la fait crisser sur un tableau.

Mais oui ! Maintenant que le lien est fait, c'est évident !

— Chloe-la-Tarée, réalisé-je à haute voix.

— Chloe-la-Tarée, approuve Shirley.

Mes épaules s'affaissent, coupable d'avoir fait porter le chapeau à Grace. Je l'ai soupçonné sans pousser plus loin ma réflexion. C'était idiot. À bien y réfléchir, Chloe n'a jamais su tenir sa langue ; même si Grace a toujours été la meneuse dans leur duo, Chloe est de loin la plus sournoise. La preuve : elle me déteste pour la seule raison que Grace ne m'aime pas. Elle n'a jamais souhaité se faire son propre avis sur moi, pas plus qu'elle n'a cherché à mieux me connaître. Tout ce qu'il l'intéressait, c'était me rabaisser rien que pour être dans les bonnes grâces de son amie – si amie est bien évidemment le mot adéquat pour définir leur relation.

Je déteste ne pas avoir saisi cette évidence, mais le point positif dans tout cela, c'est que Grace a bel et bien respecté la part de notre deal. C'est sûrement une preuve de plus qu'il y a du bon en elle.

La voix de Shirley m'arrache à mes pensées.

— Alors c'est vrai, ce qu'on dit ? Kai. Tu l'aimes vraiment ? hasarde-t-elle de façon hésitante.

Sans le vouloir, je hoche la tête. Bon. Si mon corps parle à ma place, c'est qu'il a sans doute raison.

— Je crois bien, oui.

— Tu crois, ou tu en es sûre ?

— J'en suis sûre, confirmé-je. J'aime Kai de tout mon cœur. Mes sentiments ne sont pas une humeur de passage.

Shirley pousse un long soupir. Son regard se promène un instant sur les coussins à l'autre extrémité de la cabane, éparpillés et plutôt en mauvais état, avant de revenir lentement sur moi.

— Très bien. Dans ce cas, je te pardonne, Elisabeth, lâche-t-elle.

Ses paroles sont si inattendues que j'ai un petit mouvement de recul. Je soutiens son regard.

— Pour de vrai ? Tu... tu me pardonnes pour de bon ?

C'est plus fort que moi, ma question a sonné comme une supplique. Je n'arrive pas à croire qu'elle accepte de passer l'éponge sur cette histoire. Je pensais l'avoir perdu à jamais – après ce que je lui ai fait, qu'elle me tourne le dos n'aurait été que justice, après tout.

Mais non. Shirley veut toujours de moi. Shirley m'aime toujours.

Euphorique, c'est tout juste si je ne lui sautais pas dessus pour la bombarder de bisous mouillés.

— Je ne veux pas qu'on se perde, avoue Shirley en se mordant la lèvre. Et puis, ton fameux « Va te faire foutre ! » adressé à Chloe était fantastique. J'ai hâte de découvrir cette nouvelle Elisabeth plutôt coriace.

— Tu serais étonnée d'apprendre que j'ai enfin appris à montrer les crocs, confirmé-je non sans une pointe de fierté. J'ai réussi à envoyer balader Grace-la-Garce et Chloe-la-Tarée ; à partir de là, je peux rembarrer n'importe qui les doigts dans le nez.

Shirley laisse échapper un sifflement d'admiration.

— Qui êtes-vous, et qu'avez-vous fait d'Elisabeth Dawson ?

— Je suis sa jumelle maléfique. Enchantée.

Nous nous esclaffons de concert.

Rire avec elle me rend beaucoup plus légère. Je n'ai eu de cesse d'envisager le pire une fois que Shirley découvrirait le pot-aux-roses, mais en réalité, je me suis fait une montagne pour rien. Sam avait raison : l'amitié qu'elle me porte est plus forte que les zones d'ombres qui parsèment nos vies. Parce qu'elle a vu que j'aimais réellement Kai, elle a décidé de ne pas tenir rigueur de ce que nous avons fait. Raison de plus pour me réjouir d'avoir une meilleure amie comme elle !

— Puisque l'heure est aux révélations, je crois que c'est le moment pour t'avouer que je n'ai pas été tout à fait franche avec toi moi non plus..., lance Shirley sans crier gare.

Elle se gratte nerveusement les cuisses.

Loin de paraître offensée, je lui donne le temps qu'il faut pour me révéler son secret. Je sais ce que ça fait, d'être en porte à faux. Je l'ai précisément vécu un instant plus tôt.

— C'est Bill, reprend-elle alors, tout en fuyant mon regard.

— Bill Kavinsky ? m'étonné-je.

— Euh, ouais...

Silence, et puis :

— Quand il a compris qu'il n'y aurait rien avec toi, il s'est rapproché de moi. Le soir en boîte de nuit, on s'est bien amusés ensemble. J'étais bourrée, comme souvent, et je sais que mes émotions étaient décuplées mais, contre toute attente, en le revoyant sobre le lendemain, notre feeling est resté intact. Pour tout te dire, depuis ce jour, on ne se quitte plus.

Eh bien, en voilà des révélations ! Mon cerveau a du mal à enregistrer l'information. Shirley est populaire, extravertie, fofolle ; Bill, c'est un garçon introverti et très maladroit. Il est tellement aux antipodes des autres mecs que Shirley a fréquentés que ça me paraît surréaliste.

— Vous êtes... en couple ? demandé-je pour avoir le cœur net.

— Entre autres choses, oui. Kai nous a surpris au restaurant il n'y a pas longtemps. J'étais terrifiée car j'étais persuadée qu'il te le dirait, et qu'ensuite vous me jugeriez tous les deux.

— Pourquoi je te jugerais sur ça, Ley ?

— Parce que je me sentais honteuse de faire le même coup que je te reprochais ? Parce que je ne suis qu'une égoïste qui pense toujours à elle ? Parce que... parce que Bill s'habille comme un plouc, qu'il est souvent à l'ouest et parfois même bizarre, mais qu'il a aussi un grand cœur et qu'il m'aide à arrêter de boire, et que je l'aime quand même malgré tous ses défauts ? Pouah ! Qu'est-ce que je dis, moi ? Le romantisme me traîne par la peau des fesses, il faut que je me ressaisisse !

Son humour a raison d'elle : elle est vraiment éprise de Bill.

— Maintenant que tu en parles, c'est vrai que tu as un problème avec l'alcool, Ley. Je pensais que c'était passager, mais ce n'est pas le cas, pas vrai ?

— Tu as raison. J'ai bu à outrance ces dernières semaines, reconnaît Shirley. D'ailleurs, et je ne suis pas fière de te le dire : je fume aussi.

— C'est vrai ?

— Ouais. Ça craint, hein ?

— Ce n'est pas grave. Je t'aime quand même.

Je me lève et vais m'asseoir à côté d'elle. Ma main presse la sienne et je dépose ma tête sur son épaule. Son odeur de vanille m'avait douloureusement manquée.

— N'ai jamais honte de ce que tu es, Ley. Tu bois ? Très bien, tu en as le droit, il suffit juste de ne pas aller dans l'abus. Tu fumes ? Si j'ai bien compris tu veux arrêter, et je sais que tu en es capable. Quant à Bill, tu es amoureuse de lui, et alors ? Quel mal y a-t-il à cela ? Tant qu'il y a de la confiance et du respect, l'amour est une chose merveilleuse. Ce serait bête que tu passes à côté pour des futilités.

Les épaules de Shirley s'agitent. Elle est en train de rire.

— De tous ceux que je connais, je n'aurais jamais cru que tu serais celle qui me conseillerait le mieux en amour, dit-elle. Tu as vraiment changé, Elisabeth. Je t'ai toujours aimé, mais je crois que je t'aime davantage aujourd'hui.

Je souris de toutes mes dents. Dans ce roman où la fille et le garçon ne finissent pas ensemble, il y a au moins l'amitié qui triomphe. La vie n'est pas si horrible, tout compte fait.

— Qu'importe ce que le destin nous réserve, nous nous battrons côte à côte jusqu'à la fin, dis-je. Compte sur moi pour veiller sur toi.

— Et moi sur toi, acquiesce ma meilleure amie en resserrant sa paume dans la mienne.

Nous restons ainsi plusieurs minutes dans un silence agréable, jusqu'à ce qu'un détail remonte à la surface et me percute.

— Oh..., lâché-je malgré moi.

Shirley pivote la tête.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Je viens de comprendre quelque chose, avoué-je.

— Dis-moi.

— Tu te souviens de la dernière soirée chez Fabianna ? (Elle opine de la tête.) Tu es entrée dans une chambre avec un garçon. C'était Bill, c'est ça ?

— Attends, comment tu peux savoir ça ? m'interroge Shirley, incrédule.

— Ne me demande pas pourquoi, mais il se trouve que Kai et moi étions cachés dans l'armoire de cette même chambre...

— Hein ? Mais tu... Comment vous... Alors ça veut dire que vous avez tout vu ? s'étrangle-t-elle.

Non, tout était plutôt... sonore. Ne panique pas ! Je t'assure que nous n'avons pas fait les curieux. En réalité, nous étions également pas mal occupés de notre côté...

J'en ai beaucoup trop dit. Impossible que Shirley ne saisisse pas le sous-entendu de ma phrase.

J'en reviens pas ! s'écrie-t-elle. Tu as fait mumuse avec le jouet de Kai pendant que je faisais mumuse avec celui de Bill !

Euh, pas vraim...

Est-ce qu'on peut dire qu'on a fait un plan à quatre sans le savoir ? Bordel de cul, c'est trop dément. Hé, minute papillon. Tu as dit que tu as vu le machin de Kai ?!

Mais non ! répliqué-je d'une voix suraiguë. Enfin, il y a bien eu quelque chose... mais je n'ai rien vu de concret. Bon, arrêtons d'en parler, tu veux bien ?

Ignorant ma demande, Shirley tape dans ses mains et entame une danse de la joie tout en restant assise. C'est une vraie pile électrique quand il s'agit de sexe, ma parole ! Sur quel bouton doit-on appuyer pour qu'elle passe en économie d'énergie ?

Mazette, ma petite Elisa. Vraiment, toutes mes félicitations. À quand la partie de jambe en l'air ? s'enquiert-elle avec une expression coquine.

— Pitié !

Je me relève d'un bond, secouant la tête pour m'extraire de ces images perverses qui apparaissent devant mes yeux. Ce sujet aurait pu être drôle dans d'autres circonstances, malheureusement les faits sont là : il n'y aura jamais de partie en l'air, car Kai et moi ne sommes plus ensemble.

Encore que. Ai-je raison de baisser les bras alors que je n'ai même pas essayé d'arranger les choses ? Si je tente de le récupérer, il y a une chance pour que cela marche, mais il y a aussi une chance pour que tout foire.

Et pourtant, et pourtant...

Si je ne me donne aucune chance, je ne serai jamais fixée.

— OK. Je vais parler à Kai.

Tandis que je descends de la cabane, Shirley se lance à ma suite. Je débouche dans la ruelle le regard rivé devant moi. Elle galope pour me rattraper.

— Oh là, là ! Ça se passe comme dans les films !

— Quoi ?

— Tu sais, le moment où la fille se rend compte qu'elle aime le garçon et qu'elle court à travers le monde pour lui déclarer sa flamme...

— Je ne cours pas à travers le monde, Ley. Je vais seulement à l'autre bout de la ville.

— Rien que ça ! ironise-t-elle.

Rien que ça, en effet.

J'allonge le pas. Shirley reprend la parole mais j'ai décroché. Dans ma tête gît une réflexion intense : à présent que Shirley est au courant et a accepté notre relation, je peux dire à Kai que je suis désolée de l'avoir quitté. Nous pouvons repartir du bon pied et faire les choses correctement, sans nous cacher, sans mensonge, sans retenue. Je veux tout simplement l'aimer et recevoir le même amour en retour. Est-ce trop demandé ?

— Elisa, tu peux ralentir l'allure ? Elisa, attends. ATTENDS ! s'époumone Shirley, le souffle haletant.

Je m'arrête net ; elle manque de peu de me rentrer dedans. En me retournant, je constate que les joues de mon amie sont marquées par l'effort. J'étais trop concentrée pour me rendre compte que je marchais aussi vite.

— Quoi ? hasardé-je.

— C'est Kai ! Je viens de me rappeler qu'il s'en va aujourd'hui.

— Ce n'est pas grave. J'attendrai devant chez lui avant qu'il revienne.

— Non, tu ne comprends pas. Il retourne dans l'Oregon, Elisa. Il repart pour de bon !

— Quoi ? Mais... il faut... il faut que je lui dise que...

La panique m'ôte tout mot de la bouche. J'espère ne pas être arrivée trop tard. S'il est déjà parti, alors tout est fichu, je ne le reverrai plus jamais.

Dans les films, le personnage principal réussit toujours à retrouver l'amour de sa vie, que ce soit dans un aéroport ou dans une gare ferroviaire, ou bien même à l'embarcadère d'un paquebot transportant plus de 5000 passagers.

À l'image de ce personnage, le temps me fait cruellement défaut. Mais il y a encore de l'espoir. Je dois seulement reprendre la route, et plus vite si je veux arriver à temps chez Kai. Il n'y a pas une seconde à perdre.

— Passe chez toi pour prendre ton vélo ! se souvient Shirley, comme si elle avait lu dans mes pensées.

— Bonne idée. Merci !

Cinq minutes plus tard, je pédale avec toute la rage, tout l'empressement, et toute la détermination que j'ai dans le ventre.

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