chapitre 26

Elisabeth


—    Enfin une chambre où il n'y a personne ! s'écrie mon amie avant de se jeter sur le lit. Cette maison se transforme en love hôtel à chaque fois qu'il y a une fête, c'est relou.

    Les pas d'une autre personne se font entendre. Plongée dans le noir, je ne parviens pas à voir qui accompagne Shirley. Derrière moi, Kai pousse un soupir. Nous sommes collés l'un contre l'autre : s'il recule ne serait-ce que d'un centimètre, notre planque est fichue.

—    Tu nous fais quoi, là ? Un remake de Narnia ?

    Je penche ma tête vers lui ; chercher son regard dans cette obscurité s'avère inutile, puisqu'on n'y voit strictement rien.

—    Désolée. J'ai agi sans réfléchir.

—    Pour ne pas changer..., murmure-t-il. Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?

—    On attend que Shirley s'en aille.

—    Quoi ?

    Il a parlé plus fort qu'il ne le voulait. Par mesure de précaution, je m'assure que Shirley n'a rien entendu avant de reprendre la parole.

—    Tu as une meilleure idée, peut-être ?

—    Non, c'est juste que... je n'aime pas trop les endroits clos, en fait.

    Au ton qu'il a employé, je sens qu'il n'est pas rassuré.

—    Kai. Tu ne serais pas claustrophobe, par hasard ?

    Le silence qui s'ensuit confirme mes doutes. Sérieusement ? Ça ne pouvait pas être pire ! J'ouvre la bouche pour réagir, mais la voix de Shirley me coupe net.

—    Ne reste pas planté là ; viens t'asseoir à côté de moi ! lance-t-elle à son interlocuteur. Je ne vais pas te manger, du moins, pas entièrement...

    Je connais trop bien ma meilleure amie pour savoir qu'elle est en train de flirter. Je me demande qui peut bien être l'heureux élu. En tout cas, celui-ci n'est pas très bavard...

—    Tiens, je n'avais pas remarqué le verre, observe soudain Shirley de façon suspicieuse. Il est encore plein. Tu penses qu'il y avait quelqu'un avant nous ?

     Je me crispe. Ne me dites pas qu'on va se faire prendre à cause d'un maudit verre d'eau abandonné par mégarde ?!

—    Ne t'avise pas de m'en vouloir, chuchote Kai, qui a compris à quoi je pensais. Ton regain d'énergie m'a pris au dépourvu, je n'allais tout de même pas me laisser emporter avec ça dans les mains !

    Je ne trouve rien à répliquer. OK, un point pour lui.

    Par chance, Shirley délaisse cette histoire de verre d'eau pour se concentrer de nouveau sur le type qui l'accompagne. Le silence retombe dans la pièce. En prêtant l'oreille, des bruits plus qu'explicitent me parviennent.

—    Ils sont en train de s'embrasser, ou je rêve ? lance Kai.

—    Tu ne rêves pas.

—    C'est répugnant.

    Je roule des yeux.

—    Dois-je te rappeler que tu l'as déjà embrassé, toi aussi ?

—    La situation n'est pas du tout comparable, objecte-t-il tout de go. Bon, je commence à étouffer, avec tous ces vêtements autour de moi. Si ça continue, je vais être obligé de sortir de notre cachette.

—    Ne fais surtout pas ça ! paniqué-je.

—    C'est soit ça, soit la crise d'asthme, Frida.

    Je cille. D'abord il me dit qu'il est claustrophobe, et maintenant j'apprends qu'il est asthmatique ? Dans quel autre pétrin va-t-on devoir se fourrer pour que j'aie connaissance de nouveaux points importants chez lui ?

     Le torse de Kai est plaqué contre mon dos, si bien que je sens son cœur battre d'un rythme effréné le long de mon omoplate. Je ne l'ai jamais senti aussi agité et mal à l'aise. Il faut que je fasse quelque chose avant qu'il ne perde le contrôle de lui-même.

     J'ai une idée !

—    Dis, Kai. Et si on s'occupait pour passer le temps, toi et moi ? proposé-je d'une voix enjôleuse.

—    Comment veux-tu qu'on s'occupe dans un espace aussi réduit ? rétorque celui-ci. Je suis sûr qu'il n'y a même pas un mètre carré, là-dedans.

—    Justement, avec cette proximité je peux facilement faire... ça.

    Je me frotte contre son entrejambe. Déjà, une petite bosse prend forme dans son jean. Kai a un hoquet de surprise.

—    Frida, qu'est-ce que tu es en train de faire ?

    Je réprime un gloussement. Le voir aussi perturbé dans un espace où il est forcé de rester immobile est très drôle à regarder. On dirait un poisson bloqué dans un bocal.

—    J'essaie juste de te détendre, le tranquillisé-je. T'en fais pas, tu es entre de bonnes mains, je t'assure.

    J'appuie mes paroles en glissant ma main à l'intérieur de son jean. Sans la première couche de vêtement, mon toucher est bien plus sensible : je le sens dur, et... Oh. Ces choses sont-elles censées être aussi... aussi...

—    Tu veux me faire perdre la tête ? souffle Kai entre deux respirations.

     Je crois que c'est déjà le cas.

—    Et si on reprenait là où on en était dans le sous-sol, avant que le type nous interrompe ? demandé-je tandis que mes doigts coulissent le long de son membre palpitant que je ne manque pas de me représenter.

     Transi de plaisir, Kai ne trouve même pas la force de me répondre. Ce remake de Narnia n'est pas si mal, tout bien considéré. D'une certaine manière, c'est moi qui contrôle la situation, j'aime beaucoup ça. Il penche la tête vers moi et tente de reprendre son souffle. Je donnerais cher pour voir à quoi ressemble son visage à l'heure actuelle.

—    Tu aimes ? m'enquiers-je.

—    Oui, répond Kai, la bouche contre mon épaule. On ne m'avait jamais fait autant de bien par-dessus un putain de boxer. Comment tu fais ça ?

—    Je ne sais pas. J'improvise.

—    T'improvises, hein...

—    C'est ça.

     Ma main frôle les poils de son pubis. Soudain, Kai se redresse de toute sa hauteur et se met à gesticuler. Il se cogne contre toutes les parois qui nous entourent. Cela fait un raffut pas possible. Je me retourne vivement pour le forcer à ne plus bouger.

—    Tu as entendu ? s'inquiète Shirley. Ça venait du dressing.

    Elle a arrêté de faire mumuse avec la bouche de son compagnon. Bien évidemment, ce petit carnage ne pouvait pas passer inaperçu. Je pince le bras de Kai pour lui intimer le silence le plus total ; entre-temps, Shirley s'est levée du lit et s'est rapprochée de la penderie.

—    Tu crois qu'il y a quelqu'un là-dedans ? demande-t-elle à son interlocuteur.

—    Ce sont sûrement des vêtements qui se sont décrochés de leurs cintres, raisonne ce dernier.

    Ah, enfin il se met à parler, celui-là ! J'avais fini par penser qu'il était muet... Eh, attendez une seconde. Pourquoi ai-je l'impression d'avoir déjà entendu cette voix quelque part ?

    Persuadée que Shirley va ouvrir l'armoire, je ferme les yeux, prête à lui rendre des comptes. Salut Shirley ! Ça va ? Qu'est-ce qu'on fait ici, Kai et moi ? Oh, tu sais, jouer à colin-maillard est la dernière tendance en soirée. Comment ? Tu n'étais pas au courant ? Allez, viens jouer avec nous ! Mais quel est le problème de mon foutu cerveau ? Tenir ce discours est le meilleur moyen de recevoir une gifle.

    Shirley avance d'un pas, puis d'un autre...

    C'est alors que quelqu'un ouvre la porte à la volée.

—    Hey, Shirley ! crie-t-on. Tu descends ? On t'attend, depuis tout à l'heure !

    Cet inconnu vient de me sauver la mise. Il ne pouvait pas tomber au meilleur moment.

—    Ouais, on arrive..., dit ma meilleure amie.

     Elle reste un instant devant l'armoire, puis fait volte-face en direction du couloir. Le garçon lui emboîte le pas.

     Au bout de longues secondes, Kai et moi nous extrayons de l'armoire, extenués d'être restés aussi longtemps debout dans le noir. En fermant la porte, je l'observe aller chercher l'objet du crime sur la table de nuit.

—    Dingue ! On l'a échappé belle, hein ?

—    Bois, lance-t-il en me tendant le verre. Tu dois t'hydrater.

    Je m'exécute. Ma gorge, jusque-là pâteuse, redevient froide et se revigore. Mais mes paupières restent toujours aussi lourdes. Je m'allonge sur le matelas, en position fœtale, et ferme les yeux. Le collier que Kai m'a offert aujourd'hui s'emmêle dans mes cheveux. Kai se glisse près de moi, cale sa poitrine contre mon dos. Sa main libre vient encercler ma taille. Je ronronne de plaisir.

—    Dors, chuchote-t-il. Tu as besoin de te reposer.

—    J'ai surtout besoin de ton corps et de tes abdominaux, oui !

    Il s'esclaffe.

—    Toi, alors... Quand tu es dans un état second, c'est quelque chose.

    La fatigue m'accueille comme un coup de massue. Je m'entends dire dans un murmure :

—    Reste avec moi, Kai, s'il te plaît...

—    Je ne bouge pas d'ici, promet-il.

    C'est tout ce que j'avais besoin de savoir avant de m'endormir.


Kai

    Elisa s'endort rapidement. Sa respiration devient plus calme et régulière, ses bras arrêtent de trembler. J'entends des petits soupirs sortir de sa bouche. Elle ronfle. Dans mes souvenirs, certaines filles avec qui je dormais faisaient très exactement le même bruit qu'une Mustang avec un moteur V8. Ce ne sont donc pas les ronronnements d'Elisa qui vont me déranger.

    Mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon jean. C'est un message de Jacob, qui me dit qu'ils décampent de la fête. Je lui réponds en lui ordonnant qu'ils fassent attention sur la route et qu'il m'envoie un message quand ils seront rentrés. Je mets ensuite le téléphone en sourdine et le pose sur la table de nuit. J'espère que Fabianna ne va pas monter se coucher tout de suite. Je suis bien, là, avec Elisa près de moi.

    Dans les films, le passe-temps favori du mec est de contempler sa nana dormir, un peu comme Edward Cullen dans Twilight. Je sais, c'est super glauque. Voilà pourquoi je m'interdis de le faire avec Elisa, même si j'en ai très, très envie.

    Celle-ci gigote dans son sommeil ; je m'écarte de quelques centimètres de peur de l'étouffer. Presque aussitôt, sa main se lève et replace d'elle-même mon bras autour d'elle. Je reste interdit, ne sachant pas si elle l'a fait de manière consciente ou non.

    Un bruit de poignée qu'on abaisse s'élève. Je me retourne d'emblée, pour apercevoir une blonde faire irruption dans l'encadrement de la porte.  C'est celle qui cause des ennuis à Elisa. Chloe machin bidule. Elle titube contre le chambranle, accompagnée d'un mec tout aussi bourré qu'elle. Les deux sont sur le point d'entrer pour faire leur affaire. Instinctivement, je redresse le buste pour cacher la silhouette d'Elisa. Je n'ai pas envie que les gens sachent qu'elle est ici. Ils pourraient mal interpréter la chose et lui faire une mauvaise réputation du jour au lendemain.

—    Foutez le camp ! grogné-je.

    Chloe me dévisage de ses yeux charbonneux et tout dégoulinants. Elle m'a reconnu.

—    Tu fais quoiii ici, toi ? s'informe-t-elle d'une voix nasillarde.

—    T'es sourde ou quoi ? J'ai dit foutez le camp ! Allez, débarrassez le plancher !

   Les deux ressortent de la chambre en ronchonnant. La porte se referme derrière eux avec un bruit sourd. Ils n'auront pas leur fameuse partie de jambe en l'air ce soir, quelle tristesse !

    Je reviens vers Elisa. Elle dort toujours à poings fermés, indifférente aux bruits alentour. Je l'embrasse sur le front, puis je m'assoupis à mon tour.

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