chapitre 19
Elisabeth
— Merci pour ce magnifique bœuf, Elisa, t'as tout déchiré !
Andy nous raccompagne jusqu'à la porte. Il se déplace en se dandinant, et fredonne l'air de la musique qu'on a jouée ce soir. A priori j'ai bien fait de choisir Kiss.
— Revenez quand vous voulez, la porte est grande ouverte, reprend Andy une fois que nous sommes dehors. La prochaine fois on se fera un riff encore plus dément. Elisa, si l'occasion t'en dit, tu es la bienvenu dans notre bande. On n'a pas encore trouvé son nom, mais ça va venir.
— Aucun souci ! dis-je.
— Comptez sur moi pour apporter ma contribution en faisant les chœurs, lance Kai.
— Ne dis jamais ça devant Tallulah ! Elle serait prête à te faire signer un contrat pour que tu t'y engage.
Kai et Andy se font une accolade, au cours de laquelle Kai lui frotte le haut du crâne avec son poing. Ils se détachent l'un de l'autre avec un sourire entendu.
— Encore merci pour cette soirée, dis-je à Andy. Ça faisait très longtemps que je ne m'étais pas autant amusé.
— Le plaisir est partagé, la batteuse. Allez, à un de ces quatre les tourtereaux !
Je suis si heureuse que je ne pense pas à rougir face à la dernière remarque.
— Alors. Comment tu te sens ? m'interroge Kai sur le chemin pour retourner à sa moto.
Eh bien...
— Je me sens... SUPER BIEN ! explosé-je, l'adrénaline coulant encore dans mes veines. J'ai adoré tes amis, ils sont super cool ! Et tu as vu la voix de Tallulah ? On aurait dit un mélange d'Adele et Amy Winehouse. C'était parfait ! Tu les connais depuis combien de temps, au fait ?
— Si tu veux tout savoir, on s'est rencontrés à nos dix ans dans un camping. On a tous sympathisé très vite et, pour marquer le coup, on a fait un pacte de sang près d'un feu afin de nous promettre de ne jamais briser notre amitié. C'était super con. À cause de ça, Tallulah a failli aller à l'hôpital ; elle s'était entaillé la main trop profondément.
— Waouh, ça a l'air dingue ! Moi je n'ai pas de souvenir de ce genre à raconter. D'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais eu que Shirley comme amie. Les autres ne voulaient pas s'approcher de moi car je ne parlais que très rarement, au point que certains croyaient que j'étais muette. C'était une période... compliquée, achevé-je.
Je crois que je n'ai jamais autant parlé en présence de Kai. Peu importe. Pour l'heure, mon flot de paroles me fait du bien.
Kai me dévisage comme s'il me voyait pour la toute première fois.
— Pourquoi tu nous prive toujours de cela ? questionne-t-il.
— Quoi donc ?
L'air qu'il m'adresse alors est d'une telle intensité qu'il me cloue sur place.
— Ce sourire, sur tes lèvres. Il est magnifique, avoue-t-il en me faisant face. Tu es encore plus belle avec. Ne prends pas l'habitude de nous le cacher.
Faute de trouver quelque chose à répondre, je laisse échapper un bruit à mi-chemin entre le hoquet et le glapissement. Kai secoue la tête avec un petit sourire, puis reprend sa route pour aller grimper sur la moto.
En enfilant mon casque, je croise son regard dans le rétroviseur. Une émotion que je ne peux définir traverse ses prunelles foncées. Ne me fixe pas de la sorte, ou sinon je vais être prise d'une combustion spontanée. Je détourne les yeux et monte derrière lui en enroulant timidement mes mains autour de son abdomen.
Tandis qu'il démarre, je songe à ce qui s'est passé ce soir. Après de longs mois d'abstinence, j'ai enfin pu réussir à monter sur une moto et faire de la batterie. Cela m'a tellement revigoré que j'ai une sensation de flottement, aussi bien dans le corps que dans la tête. Ma vie est en train de rencontrer un changement sans précédent, et je sais que Kai a son rôle à jouer dans tout cela, pour la simple et bonne raison que c'est lui l'élément déclencheur de toutes ces folies.
— Tu dois rentrer tout de suite ? demande celui-ci à un feu rouge.
— Non. Pourquoi ?
— J'ai un dernier endroit à te montrer. Partante ?
J'opine de la tête, et il n'en faut pas plus pour que la moto reparte sur les chapeaux de roue.
Dix minutes plus tard, nous atteignons la lisière de ce qui ressemble à un bois. Je ne suis jamais venue par ici, j'en déduis que nous nous tenons éloignés du centre-ville.
— Suis-moi, déclare Kai après que nous avons rangé les casques dans le coffre.
Il est déjà en train de s'enfoncer dans la clairière. Je le rejoins à grandes enjambées pour ne pas le perdre de vue. Ce n'est pas que j'ai peur du noir, mais me retrouver seule dans les bois alors qu'il fait nuit est un cas de figure qui ne m'enchante pas le moins du monde.
Tout au long de notre escapade, un petit sourire ne cesse d'occuper mes lèvres. Je devrais rester sur mes gardes du fait qu'un garçon que je ne connais pas très bien m'emmène dans la nature en pleine nuit, et pourtant, ce n'est pas le cas. Etrangement, j'ai confiance en Kai. Et pour tout dire, la curiosité de découvrir un endroit inconnu et désert l'emporte sur tout le reste de mes émotions.
Kai s'arrête dans un petit renfoncement, où l'odeur des pommes de pains qui jonchent une herbe fraîchement humide se fait sentir plus que jamais. Je m'immobilise à côté de lui, fascinée par tout ce qui nous entoure. Le cadre est sublime : sur notre gauche s'étend une vaste étendue de conifères parmi lesquelles je reconnais deux bouleaux et un cèdre. Depuis l'autre extrémité de la forêt se trouvent quantité d'arbustes et de bancs tous inoccupés. La lune, belle et rassurante dans le ciel, est le seul point de lumière qui nous éclaire à la ronde. J'ai beau faire l'inventaire de mes souvenirs, je ne me souviens pas avoir déjà vu un paysage aussi calme et apaisant que celui-ci.
— Ça te plaît ? s'enquiert Kai.
— Beaucoup.
Cet environnement a le mérite de changer de la rivière et des centaines de bâtiments qui surplombent le quartier où je vis. Il me donne envie de voyager plus souvent pour m'abreuver des moult panoramas dont le globe terrestre dispose.
Sans un mot, Kai s'allonge par terre et embrasse du regard un point fixe à l'horizon. Une jambe sur l'autre et les bras en arrière, l'humidité de l'herbe ne tarde pas à imprégner ses vêtements. Faute de mieux, je me laisse tomber à mon tour en vérifiant au préalable qu'il n'y a pas de crotte de chien alentour. On n'est jamais trop prudent.
Nous restons ainsi un moment sans parler, profitant juste de ce que la nature a à nous offrir. Le vent effleure mes oreilles, caressant ma peau à découvert. La fraîcheur de la nuit est agréable. Pas loin dans les arbres, un hibou – ou peut-être une chouette, je n'arrive jamais à faire la différence – hulule dans un cri persistant. Deux minutes plus tard, le calme refait surface.
— J'aime bien venir ici, concède Kai à brûle-pourpoint. Ressentir les choses qui émanent de l'environnement et prendre des vidéos, causer en silence avec Dame Nature... S'embrouiller aussi avec elle, parfois.
— J'aime bien la nature, moi aussi. Avec Shirley, on a l'habitude de monter dans une cabane quand la tension à la maison est trop lourde à supporter et qu'on a besoin d'espace.
— Ces tensions... Est-ce que cela a un rapport avec ton frère ?
La question semble banale pour Kai, mais pour moi, elle est surtout synonyme d'angoisse et de souvenirs défectueux. Aussi, je contracte la mâchoire et serre les poings.
— Oui. Ça a en partie un rapport avec mon frère.
— Pourquoi ? s'aventure Kai.
— Je... je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'en parler.
— Comme tu veux. Je ne te force à rien.
OK, c'est vrai, je m'attendais à ce qu'il insiste bien plus sur le sujet. De fait, je suis troublée par sa preuve de compréhension et de respect. Il n'a pas de curiosité malsaine, c'est tout à son honneur.
Aussi, je n'aurai pas l'esprit tranquille tant que je ne lui partagerai pas la vérité.
— Mon frère est handicapé, dis-je d'un ton que je me force à rendre imperturbable.
Kai hoche la tête. Bien évidemment, il est déjà au courant. Tout le monde ayant vu au moins une fois Charlie le sait, ce n'est un mystère pour personne – pas même pour lui-même.
— Je t'ai vu le fixer au restaurant, tu sais, avoué-je en évitant de le regarder dans les yeux. Je ne sais pas pourquoi, les gens ne peuvent pas s'empêcher de fixer les personnes atteintes d'un handicap seulement quand celles-ci ont le dos tourné ou l'attention ailleurs. Je trouve ça... malsain, et un peu lâche, aussi.
— Peut-être bien, admet Kai, mais tu fais erreur sur un point : ce n'était pas ton frère que je regardais durant cette soirée.
— Qui, dans ce cas ?
Il a un petit sourire en coin.
— Toi, Elisa. C'est toi que je regardais.
— Oh...
Déroutée par sa confidence, j'en oublie comment respirer le temps de cinq secondes. C'est donc moi qu'il ne cessait d'observer ce soir-là ? Mais comment ai-je pu ne pas le remarquer ? Suis-je si stupide que ça ?
Kai laisse le silence s'installer entre nous. C'est un silence gênant tout au long duquel je n'ose ni bouger, ni reprendre là où j'en étais dans mes propos. Si Kai voulait me mettre mal à l'aise, c'est réussi !
— Donc, fait Kai comme si de rien était, et je suis soulagée qu'il reprenne la parole le premier. Ton frère a un handicap. Lequel ? Il était en fauteuil roulant, je suppose que c'est physique.
Je secoue la tête. Si seulement c'était aussi simple que ça.
— On appelle ça le polyhandicap, l'apprends-je. Charlie a une déficience motrice et une déficience intellectuelle.
— Il est né ainsi ?
— Non. C'est arrivé il y a sept ans. C'est lui qui m'a initié à la moto, tu sais ? Il adorait en faire, c'était son activité préférée. Malheureusement, un jour il a eu un très grave accident qui lui a valu un traumatisme crânien, et depuis, il souffre d'une pathologie mentale. Voilà pourquoi il est en fauteuil roulant et qu'il a une cicatrice le long du menton.
— Qu'est-ce que c'est, exactement, la pathologie mentale ? s'intéresse Kai.
C'est bien la première fois que quelqu'un me pose cette question. En général, les gens se sentent mal à l'aise à l'idée d'évoquer Charlie et ses « problèmes ». Ils font tout pour ne pas se soucier de lui – et dans les rares cas où ils le font, c'est toujours pour savoir comment Maman et moi gérons la chose, pas comment il la gère lui.
Le fait que Kai prenne autant à cœur l'histoire de Charlie me pousse davantage à me confier. C'est étrange, car même avec Shirley, nous ne parlons que très rarement de cela. Dans mon entourage, Charlie est plus considéré comme un tabou qu'une honte. Cependant, avec Kai... eh bien, ce n'est ni l'un ni l'autre. Entre nous, c'est juste un sujet comme un autre. En même temps, Kai est si... Kai. De toute évidence, il n'est pas comme les autres.
— La pathologie mentale, c'est tout une multitude de merdes psychiques qui empêche une personne d'être considérée comme « normale ». Il y a les troubles de la pensée, les troubles de l'humeur, les fameux troubles du comportement alimentaire ou bien les troubles de la dépression... Ce phénomène est très complexe.
— Ton frère a toutes ces choses ?
— Presque toutes, oui.
— Je suis désolé, lance Kai doucement.
— Tu sais ce qui est le pire ? (Je sens les larmes monter, alors je m'empresse de lever la tête pour éviter qu'elles ne tombent sur mes joues.) Ce n'est pas tant le fait que Charlie soit dans un fauteuil, ou que son cerveau ait un petit retard mental. Non. Le pire de tout, c'est de savoir qu'il est loin de nous, Maman et moi. Pendant qu'il a ses sautes d'humeurs excessives, ses crises de panique et ses coups de blues qui lui font voir la vie en noire, nous sommes chez nous, en train de vivre notre vie sans même savoir ce qu'il traverse. Je ne supporte pas ça. Je ne supporte pas que mon frère ait été arraché à sa propre famille, soufflé-je et ma voix se fêle. Il a besoin de nous plus que de quiconque, mais c'est comme si tous faisaient semblant de ne pas le comprendre, et ça me tue.
Quelque chose presse ma paume avec plus de force que nécessaire. Je ne m'étais pas rendu compte que Kai avait pris ma main dans la sienne. Depuis combien de temps nos doigts sont-ils entrelacés ? Une partie de moi me crie de retirer ma main, mais une autre désire que nous restions ainsi pendant encore de longues minutes.
Kai est loin de se douter des idées qui me traversent. Il presse une nouvelle fois ma main, et poursuit :
— Tu n'as rien à te reprocher, Elisa. Si Charlie est parti de chez vous, c'était pour une bonne raison. Même si le manque se fait ressentir, je pense qu'il est mieux là où il est, en compagnie d'un groupe d'aide-soignant formé spécialement pour ce genre de cas. Tu comprends ? Tu n'es pas coupable. Et d'ailleurs, personne ne l'est : vous êtes tous les victimes de cet horrible accident.
Peut-être que, en un sens, Kai dit vrai. Peut-être qu'au fond, je suis autant victime que mon frère et que tout cela n'est pas de ma faute. Toutefois, les remords me rongent, et je me remémore le jour de l'accident, la scène, la violence, les cris à en perdre la voix... Tout s'est déroulé devant mes yeux d'enfants, et je n'ai rien fait pour sauver Charlie. Je suis restée plantée là, devant son corps inconscient, comme si ce qui venait de se produire n'était qu'une hallucination. J'aurais pu appeler à l'aide, j'aurais pu composer le numéro des urgences. J'aurais pu faire un nombre incalculable de choses que je n'ai pas mises en pratique ce jour-là. Aussi longtemps que je vivrai, ce souvenir restera profondément gravé dans ma mémoire, rappel d'une erreur fatale que je ne pourrai jamais me pardonner.
— Ne te bousille pas le cerveau, Elisa.
La voix de Kai me rappelle à la réalité. Je feins un sourire afin de le rassurer. Ce n'est pas de cette manière que j'envisageais notre soirée.
Alors que je suis sur le point d'entamer un nouveau sujet de discussion, Kai me devance juste à temps en reprenant :
— Alors. Comment se fait-il que tu sois aussi timide avec les gens, Frida ?
Je me rembrunis. Pourquoi disent-ils tous que je suis timide ? C'est faux, je ne le suis pas ! Je suis simplement précautionneuse avec les gens que je rencontre. Est-ce un délit ?
— J'ai du mal à me fondre dans la masse, concédé-je malgré moi. Peu de gens réussissent à me mettre vraiment à l'aise. Il faut que je connaisse bien la personne pour que cela arrive – et encore, je ne suis pas tout à fait moi-même avec Shirley. Surtout ces derniers temps.
— Un grand sage m'a dit un jour que là où il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir. Tu t'entêtes à vivre comme si tu t'empêchais de savourer les plaisirs de la vie. Pourquoi fais-tu cela ?
— C'est... c'est compliqué à expliquer.
— Ça tombe bien, j'ai tout mon temps, affirme Kai en s'enfonçant un peu plus dans l'herbe.
Je pousse un petit soupir, m'avouant vaincue.
— Tu vois, le monde est rempli de personnalités différentes. Il y a ceux qui aiment la compagnie, montrer qu'ils existent, s'adapter à tout et à rien ; et puis il y a les solitaires, ceux qui ne comptent que sur eux-mêmes pour avancer et qui n'attachent pas plus d'importance que ça aux autres. Moi, je suis entre les deux. Au-dehors, je me fais toute petite et évite du mieux que je peux de me mélanger, mais à la maison, je suis l'enfant qui est prête à tout pour recevoir du réconfort auprès de sa mère. Pour tout te dire, je cherche aussi du réconfort auprès de mon père, mais c'est débile, puisque que je n'ai que de vagues souvenirs de lui. Ça va te sembler paradoxal mais, le seul endroit où je me sens le mieux, c'est dans le foyer de mon frère, avec les personnes aux déficiences mentales et physiques qui ne me jugent jamais, pas plus qu'elles ne prêtent attention aux codes qu'impose la société. Là-bas, je me sens comme un poisson dans l'eau. Tu penses que c'est normal ? Je suis consciente que parfois, mon comportement sonne étrange aux yeux d'autrui.
Je reprends ma respiration. J'ai parlé très vite sans marquer de pause. C'est une grande première dans ma vie. Cela signifie que je progresse et que rien n'est perdu pour moi. Maman serait fière si elle était là.
— Je t'assure que tu n'es pas étrange, rétorque Kai, les yeux rivés dans les miens et le visage baigné par le clair de lune. Tu es juste... incomprise. Ça m'arrive à moi aussi de l'être.
— C'est vrai ?
— Bien sûr. C'est ce qui fait de nous des êtres humains. Écoute, tu dois te mettre en tête que personne n'est parfait. On a tous une part obscure qui vient assombrir le tableau. Puis, de toute façon, paraît-il que la perfection c'est surfait... Alors ne doute plus de toi, d'accord ? Tu es une fille extraordinaire. La plus extraordinaire de toutes, même.
Après un petit temps de méditation, il juge préférable de préciser :
— Enfin, après Frida Kahlo, évidemment.
— Évidemment, répété-je en levant les yeux au ciel.
Nous rions en même temps. Une fois encore, ses paroles sont remplies d'intentions, tant et si bien qu'elles me font l'effet d'une douce et chaude couverture que l'on déposerait tendrement sur mon corps un soir d'hiver.
— Je suis contente qu'on ait fait table rase du passé, toi et moi, avoué-je. Être constamment fâchée contre toi me fatiguait plus qu'autre chose.
— Je suis bien d'accord avec toi, s'esclaffe-t-il. Mais, Elisa. Il faut que tu saches que je ne t'ai jamais voulu de mal, poursuit Kai. Si tu étais aussi à cran avec moi, c'est parce qu'en réalité tu te battais avant tout avec toi-même. Ne pas avoir confiance en soi, c'est s'exposer au risque de ne faire confiance à personne. À quoi rime la vie si l'on refuse chaque main qu'on nous tend ?
Je ne trouve pas les mots pour répondre à sa question.
Au lieu de quoi, je serre davantage sa main dans la mienne et dépose ma tête tendrement contre son épaule.
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