Règle numéro trente-six : la distance n'est pas qu'une affaire de kilomètres.
« I've got trouble on my mind. I see the cracks in the open sky. I feel lightning illuminate the pain Inside, I don't know what I will find deep inside. I feel the weight of the world, weighing on my mind. I can't carry the Earth, I'm not strong enough. I've got trouble on my mind, I've got trouble on my... With every joy that you display, a little piece of me just fades away. All around me fallen angels hit the ground, I can't catch them as they're raining down. I feel the weight of the world, weighing on my mind. I can't carry the Earth, I'm not strong enough. I've got trouble on my mind. I've got trouble on my mind. Don't let me down, don't let me go, don't let me down, don't let me go, don't let me bear this weight alone. » Hurts.
J'aurais aimé que Maël et moi ayons un endroit privé, rien qu'à nous, sans présence policière aucune pour pouvoir nous exprimer et parler librement de sujets comme ceux-ci. Avec en prime un café, et pourquoi pas quelques petits gâteaux à grignoter avec.
Malheureusement, ce n'était pas le cas, et nous devions faire preuve d'une discrétion hors pair afin de pouvoir continuer notre discussion sans éveiller le moindre soupçon.
- Mais qu'est-ce que tu as fait... ?, s'était exclamé Maël quelques secondes plus tôt.
Je baissai les yeux avant de le regarder à nouveau. J'eus à peine le temps d'ouvrir la bouche qu'il demanda :
- Est-ce que tu l'as...
- Oui., répondis-je dans un souffle.
- Mais enfin...
- C'était un accident !, coupai-je, toujours en chuchotant. J'ai eu un accès de rage, elle n'arrêtait pas de... De se vanter d'avoir réussi à me voler William, enfin tu sais, toutes ces choses-là quoi ; elle méritait ce qu'il lui est arrivé.
Maël marqua une pause. Aucune expression ne put se lire sur son visage. Je ne savais pas s'il était déçu, triste, ou étonné par mon comportement. C'était un trait de caractère qui lui était propre : il ne laissait jamais entrevoir ce qu'il ressentait vraiment au fond de lui.
- Comment tu t'es débarrassé du corps ?, chuchota-t-il.
Je frissonnai. La différence de température entre l'intérieur de la sale et l'extérieur était vraiment importante, et je regrettai alors de ne pas avoir pris une veste avec moi. Tout en restant penchée vers mon cousin, je croisai mes bras entre eux pour apporter un semblant de chaleur à mon corps, et répondit :
- Une baignoire et du White Spirit. Le corps a entièrement disparu.
Maël eut un mouvement de recul. Peut-être arrivait-il a dissimuler ses émotions et ses pensées sur son visage, mais son corps, parfois, parlait pour lui.
- Donc tu veux dire que les flics n'ont pas de corps ?, demanda-t-il.
Je hochai la tête.
- Comment se fait-il qu'ils te soupçonnent de meurtre, alors ?
Je lui expliquai brièvement les choses : la disparition présumée de Daisy signalée par le propriétaire de son taudis, mon image retrouvée sur une caméra de surveillance, la quantité de sang importante qui avait été découverte sur son parquet, et le fait qu'ils sachent que Daisy et William avaient eu une aventure. Cette dernière information constituait un mobile solide, je ne pouvais pas le nier, mais en ce qui concernait le reste...
- Cassidy., commença mon cousin. Tu sais que les gars auraient pu faire quelque chose pour toi...
- Mais tu crois que j'ai réfléchi, Maël ?, m'emportai-je légèrement. Tu crois que j'ai prémédité le meurtre de cette pouffiasse, que j'y ai réfléchi pendant des jours et des jours et que j'avais tout bien organisé ? Non, c'est arrivé comme ça ! Si j'avais su... Si j'avais voulu la tuer depuis longtemps, évidemment que j'aurais fait appel à Dave et à toute la bande.
En vérité, j'avais eu envie de tuer Daisy depuis bien longtemps, avant même qu'elle ne s'engage dans une relation avec William.
Dès qu'il l'avait rencontrée, et que j'avais senti, par la suite, qu'ils devenaient de plus en plus proches, mes envies de meurtres s'étaient déclenchées. Je ne supportais pas de la voir ou d'entendre parler d'elle, je comprenais clairement ses intentions, il suffisait d'observer les petits messages qu'elle laissait à Will sur son mur Facebook, par exemple, mais lui ne cessait de me répéter de ne pas m'en faire, que c'était simplement une amie, qu'il ne se passerait jamais rien entre eux, et je l'avais cru.
J'aurais dû m'occuper du cas de Daisy dès le départ.
- C'est tout ce qu'ils ont comme preuve contre toi ?, questionna Maël, me sortant de mes pensées.
- Oui, c'est tout. Pas d'ADN, pas d'empreintes...
Il sembla soulagé un instant :
- Ça devrait se tasser alors. Mais si jamais... Est-ce que tu as pensé à fuir ? Dans un autre pays, je veux dire...
J'acquiesçai et répondis :
- Oui, j'avais pensé m'exiler au Canada par exemple, mais les flics m'ont interpellée avant que... Et là, je suis placée sous surveillance policière.
- Pardon ?!
Maël avait haussé la voix sans le vouloir, si bien que l'un des gardiens et l'autre visiteuse présente dans la salle tournèrent la tête dans notre direction. Un sourire bienveillant s'afficha sur mon visage, le temps que leur attention soit reportée sur autre chose. Une seconde et demi plus tard, Maël poursuivit :
- Bien, cette solution est donc inapplicable.
- Je sais., soupirai-je.
Pendant un bref moment, il eut l'air de réfléchir, mais c'était à peine perceptible dans son visage et dans ses yeux. Moi seule pouvais tenter d'y déceler ses sentiments tant j'y avais été habituée depuis mon plus jeune âge. C'était d'ailleurs une faculté dont je m'amusais : pouvoir comprendre et déceler ce que tout le monde semblait avoir du mal à discerner.
- Et, tu as déjà pensé à...
Il marqua une pause. Je l'encourageai à continuer d'un geste du menton.
- À tout avouer ?, conclut-il.
- Tu veux rire ?, me braquai-je. Tu voudrais que je leur dise que j'ai tué cette conne ?
- C'était un meurtre sans préméditation, tu pourras peut-être t'en sortir avec une peine plus clémente. Parce que là, Cassidy, tu risques la prison à perpétuité...
Une sonnerie bruyante et désagréable retentit, indiquant que le temps des visites était terminé. Un gardien s'approcha de Maël et posa une main sur son épaule en lui disant qu'il était temps d'y aller. Je me levai de ma chaise, fis un sourire forcé à mon cousin, et lui promis de revenir le voir bientôt avant d'attraper mon fedora et de sortir de la salle.
Une fois de retour à l'accueil, la policière responsable des entrées me fit signer un papier, je fus fouillée une dernière fois, et on me rendit mon sac à main. J'y cherchai immédiatement les clefs de ma voiture et sortis enfin de cet endroit maudit.
Seize heures et trente-deux minutes. C'est l'heure qu'indiqua l'horloge du tableau de bord de ma Citroën quand je m'installai au volant, en laissant les deux portières grandes ouvertes afin de laisser l'air rentrer à l'intérieur. J'avais mis le contact pour faire tourner la clim et attendais que celle-ci produise enfin de l'air froid. Pendant ce temps, je fis un rapide calcul dans ma tête : si je partais maintenant, j'avais pile le temps pour arriver à la gare aux alentours de dix-huit heures, heure à laquelle le train de William devait normalement arriver.
Je lui envoyai un bref SMS pour le prévenir, avant de fermer mes portières et de démarrer.
Plus loin, derrière, je pus constater que la voiture de police qui me suivait depuis le jour de mon interrogatoire avait fait de même.
Décidément, ces deux bouffons n'allaient pas me lâcher d'une semelle. Mais au moins, peut-être se lasseraient-ils à force de voir à quel point ma vie était peu trépidante. Passer quelques jours chez sa meilleure amie, puis revenir vivre dans l'appartement de son petit-ami en sa compagnie étaient des actes tout à fait anodins auxquels s'adonnait une grande partie du commun des mortels. J'ignorais combien de temps cette surveillance allait encore durer, mais selon moi, ils perdaient une occasion précieuse d'investir leurs forces dans des affaires beaucoup plus importantes que celle-ci.
À nouveau je pris l'autoroute et roulais à une vitesse assez lente. Il ne manquerait plus qu'ils prétextent une infraction au Code de la route pour pouvoir m'arrêter de nouveau. J'observai ma jauge d'essence : encore deux barres remplissaient le petit voyant du réservoir. Je ferais le plein après être allée chercher William. Je ne voulais pas m'arrêter maintenant et prendre le risque d'arriver en retard à la gare.
J'arrivai à dix-sept heures cinquante-cinq, trouvai, par chance, une place pour me garer, et envoyai un SMS à Will pour le prévenir que je l'attendais.
« OK. J'arrive dans cinq minutes. » répondit-il dans la seconde.
J'étais tellement impatiente de le voir, je trépignai comme une petite folle de savoir que j'allais enfin pouvoir le prendre à nouveau dans mes bras, l'embrasser, le câliner...
Je le vis arriver au loin, son sac jeté sur son épaule, son casque sur les oreilles. Il était si beau à la lumière de la fin du jour. Mon cœur se remplit de joie rien qu'à sa vision, et un grand sourire s'étala de part et d'autre de mes joues.
Je sortis de la voiture et lui fit un geste de la main pour qu'il me repère plus facilement.
En quelques secondes, il fut à ma hauteur, et je me précipitai dans ses bras.
- Salut., fit-il, froidement, après avoir ôté son casque et m'avoir embrassée du bout des lèvres.
Mon sourire s'effaça immédiatement.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?, demandai-je, soucieuse.
Sans me répondre, William ouvrit de coffre de ma voiture, balança négligemment son sac dedans, et vint prendre place sur le siège passager après refermé le coffre dans un geste violent.
Il ferma sa portière, toujours aussi violemment, et je pris lentement place derrière le volant.
- On y va ?, demanda-t-il, impatient.
Je hochai la tête et démarrai.
https://youtu.be/rOegVDm_Z2s
J'avais mis la chanson Weight of the World de Hurts, le groupe préféré de William, car je savais qu'il l'appréciait beaucoup et qu'elle le détendait. Nous ne nous étions pas adressé la parole depuis que nous étions partis de la gare, cela devait bien faire un quart d'heure, et je sentais bien que quelque chose le tracassait et l'énervait.
- Tu veux en parler ?, risquai-je d'une voix douce.
Il croisa les bras contre sa poitrine, tourna la tête en direction de sa fenêtre, et soupira bruyamment.
- Je me suis encore pris la tête avec mon beau-père et mes demi-frères., confessa-t-il. Je ne peux vraiment pas les supporter, ce sont vraiment des gros cons, putain.
Je savais que la relation entre William et sa belle famille n'était pas simple, même carrément conflictuelle, mais nous n'en parlions presque jamais. Le sujet était trop sensible.
- Je ne savais même pas qu'ils seraient là., poursuivit William. Je pensais qu'on pourrait passer un bon moment, ma mère et moi, mais même pas, tout ça à cause de ces trois bouffons !
Visiblement, ces quelques jours de vacances avaient vraiment eu l'effet inverse de celui escompté. Je tentai de le rassurer :
- C'est fini maintenant. La prochaine fois, explique à ta mère que tu veux la voir elle et seulement elle...
- Parce que tu crois qu'elle va renoncer à voir son mec ? T'es bien naïve ma pauvre.
Il soupira et j'en conclus que la conversation était close.
En jetant un regard au tableau de bord, j'aperçus que je venais de perdre une barre d'essence. Il était temps que j'aille faire mon plein si nous ne voulions pas nous retrouver en panne en plein milieu de l'autoroute. Je levai la tête pour repérer un panneau indiquant dans combien de kilomètres se trouvait la prochaine aire de service, et c'est alors que William se tordit sur son siège avant de se retourner carrément pour observer la route.
- Il y a une voiture de flic juste derrière nous., annonça-t-il. Je crois qu'ils nous suivent.
Il se remit droit et je jetai un bref regard dans le rétroviseur intérieur.
Forcément, c'était toujours les deux mêmes abrutis qui ne me lâchaient pas d'une semelle. Bien qu'ils fussent relativement éloignés, il est vrai que leur attitude sur la route pouvait laisser à penser qu'ils nous suivaient. Dès qu'une voiture les doublait et venait se rabattre entre eux et nous, par exemple, ils doublaient à nouveau et venaient se remettre juste derrière ma voiture. Je ne pouvais pas dire à William que ces flics étaient chargés de ma surveillance, ç'aurait été me tirer une balle dans le pied, alors j'inventai :
- C'est sûrement une coïncidence, ils n'ont pas de gyrophares allumés ni rien, regarde.
- Tu n'es pas en excès de vitesse ?, s'affola-t-il en se penchant vers le tableau de bord pour observer les chiffres indiquant à combien de kilomètres-heure je roulais.
- Mais non je te dis. Je suis à cent-vingt, tu vois ? C'est juste une voiture de flic qui prend l'autoroute tout ce qu'il y a de plus normal.
Je pris alors la sortie qui menait à la première station-service avant quinze kilomètres. La voiture de police était toujours derrière nous.
J'avais fait le plein, William était resté dans la voiture, et les flics s'étaient garés un peu plus loin pour nous observer. Je les avais vus marcher jusqu'à la boutique pour s'acheter deux trois bricoles à boire et à manger, sans doute un prétexte pour justifier leur présence aux yeux de William, et j'avais été terriblement agacée qu'ils viennent s'immiscer jusque dans notre vie privée.
Quand nous étions repartis, ils nous avaient à nouveau suivis et ne nous avaient pas lâchés d'une seule semelle jusqu'à la fin du chemin.
William se doutait bien de quelque chose, mais j'avais persisté à lui dire qu'il s'agissait simplement d'une grosse coïncidence en espérant qu'il oublie cette histoire.
Fort heureusement, alors que nous étions arrivés au niveau de l'immeuble où vivait William, les flics avaient tourné dans une rue adjacente, nous laissant enfin tranquilles.
J'avais été soulagée de ce geste, même si je savais au fond que cette rue menait également à l'immeuble de Will et qu'ils allaient sûrement se garer dans un endroit un peu moins visible que la place où je stationnais d'habitude.
Une fois rentrés à l'appartement, William avait défait et rangé ses affaires, et nous avions mangé un hachis parmentier décongelé en regardant un film avant d'aller dormir.
Cela faisait bien une heure déjà que nous étions au lit, et je ne parvenais toujours pas à trouver le sommeil.
William se trouvait à côté de moi, à quelques centimètres à peine, et pourtant, je le sentais froid et distant, beaucoup trop distant.
Nous avions eu l'habitude de dormir assez éloignés l'un de l'autre, moi de mon côté et lui du sien, afin de ne pas se gêner pendant la nuit, mais là, il s'agissait d'une autre forme de distance.
Pas de câlin avant de dormir, un baiser du bout des lèvres en guise de bonne nuit, même pas un « je t'aime »... Je n'avais pas l'impression de lui avoir manqué plus que ça, et bien que je puisse concevoir qu'il ait été énervé et agacé par le comportement de sa belle famille au cours de ces derniers jours, je devinais bien qu'il y avait autre chose que ça. Quelque chose de plus grave, de plus important, je me sentais rejetée et abandonnée sans même qu'il ait eu à prononcer le moindre mot : son corps et ses actes parlaient pour lui.
Je me tournai sur le côté et serrai mes bras contre ma poitrine, gardai mes yeux ouverts, mais aveugles dans cette obscurité, et laissai mes larmes couler silencieusement le long de mes joues.
Je fus réveillée à neuf heures le lendemain, et pourtant, j'avais l'impression qu'il était à peine six heures du matin.
William était déjà levé, je le compris au bruit de la télévision qui provenait du salon, sans même regarder dans sa direction. Je m'étirai un instant et sortis une tenue de mon sac avant de m'enfermer dans la salle de bain pour prendre ma douche.
Je fis couler une eau glacée et plaçai immédiatement ma tête dessous. Rien de tel pour se réveiller et se remettre les idées en place.
Après m'être shampooingnée et lavée aussi vite que le permettait ma tolérance à rester sous une eau à dix degrés, je sortis, me séchai, essorai mes cheveux et m'habillai avant de rejoindre William dans le salon.
Il était avachi sur le canapé, habillé d'un jean et d'un vieux t-shirt et décoiffé, un bol de céréales à la main. En me voyant arriver, il se redressa et posa son bol sur la table basse.
- Ah t'es déjà réveillée., s'étonna-t-il. Désolé, je pensais que tu dormirais tard, je n'ai pas préparé le petit-déj...
- Ce n'est pas grave., répondis-je en m'approchant de lui pour déposer un baiser sur ses lèvres.
J'avais une envie irrépressible de le prendre dans mes bras, de me coller à lui et d'oublier toutes les sombres pensées qui m'avaient prise la veille. Pourtant, au fond de moi, je ne pouvais pas m'empêcher de ressentir comme un malaise.
- Tu regardais quoi ?, demandai-je en jetant un bref regard vers la télé : c'était la pub.
- Une série, je ne sais même pas le nom, mais c'est drôle. Tu n'as pas faim ?
Je hochai la tête et lui dis que j'allais me préparer à manger.
Une fois dans la cuisine, je sortis un petit plateau, attrapai une assiette, un grand verre, des couverts, des biscottes, de la confiture et du jus d'orange, et je me fis des tartines. Je remplis mon verre presque à ras bord et rangeai la bouteille dans le frigo avant de disposer mon assiette de biscottes tartinées sur le plateau, juste à côté du verre, et de revenir dans le salon.
William me proposa de venir m'asseoir juste à côté de lui, contre lui, et j'en fus extrêmement ravie. Je me lovai dans ses bras tout en mangeant une tartine et compris très vite qu'il allait être compliqué de concilier les deux.
- Je mange d'abord, OK ?, plaisantai-je.
Il répondit avec un petit sourire qu'il ne faudrait surtout pas que je meure de faim, et nous concentrâmes notre attention sur la télé et la série qui avait repris.
J'avais déjà avalé la moitié de mes tartines et de mon verre de jus d'orange lorsque l'on tambourina à la porte, si fort que j'en sursautai et manquai même de me renverser ma biscotte sur les genoux. William coupa le son de la télé et demanda :
- C'était quoi, ça ?
Je me tournai vers lui en fronçant les sourcils. À nouveau un bruit sourd provenant de l'entrée se fit entendre, et une voix s'éleva au travers de la porte :
- Police, ouvrez !
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