Règle numéro trente : celui qui a fait souffrir souffrira en retour.
- Vous êtes en état d'arrestation, vous êtes suspectée d'être impliquée dans la disparition de Mademoiselle Daisy Pouget, vous serez donc placée en garde à vue jusqu'à onze heures du matin. Vous avez le droit de consulter votre avocat, si vous n'en avez pas, il pourra vous en être commis un d'office. Si vous souhaitez prévenir votre employeur ou un membre de votre entourage, vous pourrez le faire une fois au poste...
J'écoutai à peine l'agent de sécurité déblatérer son discours comme il avait déjà dû le faire des centaines de fois auparavant, si bien qu'au bout d'un moment, je n'entendis même plus ce qu'il était en train de me dire. Je crois qu'il parlait de consultation médicale, ou de je ne sais trop quoi, je n'y faisais pas attention tellement j'étais abasourdie. Tout se bousculait dans ma tête, et la panique s'infiltrait en moi de plus en plus au fur et à mesure que ma respiration et mon rythme cardiaque se mettaient à accélérer.
Que faire ? Me mettre à courir et tenter de fuir le plus loin possible ? Je ne ferais sans doute pas long feu, l'un des deux flics au moins devait sans doute être armé, il m'aurait tiré dessus avant que je ne fasse cent mètres. Et si je fuyais, cela ne ferait-il pas de moi quelqu'un d'encore plus suspect ? On ne fuit que si l'on a quelque chose à se reprocher, et je n'avais rien à me reprocher.
Je n'ai rien à me reprocher.
- Mademoiselle ? Est-ce que vous avez bien compris vos droits ?
Le policier me tira de ma grande réflexion, et, sans même que je ne m'en rende compte, son collègue m'avait déjà menotté les poignets et confisqué mon sac à main.
Des menottes ?, me dis-je. Ça veut dire que c'est grave ?
Non, c'est sans doute la procédure...
Clame-toi, calme-toi, essaye de ne pas paniquer...
Je hochai la tête pour signifier que j'avais compris mes droits alors que je les avais à peine entendus, et ils m'embarquèrent dans leur voiture de patrouille.
Il fallait environ quatorze minutes pour relier le quartier de Léa au poste de police, et ce furent les quatorze minutes les plus longues de mon existence. Je n'avais pas prononcé un seul mot, et je n'avais pas cessé de me torturer l'esprit en me demandant comment diable ils avaient bien pu remonter jusqu'à moi et faire un lien avec la disparition de cette conne.
Est-ce qu'ils savaient pour elle et William ? Est-ce qu'ils savaient pour moi et William ?
Intérieurement, j'avais déjà fait trois malaises cardiaques, mais extérieurement, je ne devais surtout, surtout pas avoir l'air paniquée.
Alors, j'essayai d'afficher un air calme et détendu, mais pas trop quand même. Je semblai soucieuse, l'air de dire « quoi ? mais je n'ai rien fait.. » et je réfléchis à ce que j'allais bien pouvoir dire pour ma défense.
Léa et moi avions récité notre alibi ensemble, je priai de toutes mes forces pour qu'elle s'en souvienne au cas où elle serait elle aussi interrogée, ce que je ne souhaitais pas, bien entendu.
Mais si ça se trouve, à l'heure actuelle, ils avaient peut-être déjà débarqué chez elle et retourné tout son appartement dans le but de trouver un semblant de preuve, peut-être même qu'ils avaient fouillé chez moi ou chez William... L'idée fit violemment bondir mon cœur dans ma poitrine, et il accéléra de manière fort désagréable.
La voiture s'arrêta. De ma fenêtre, je pus observer le bâtiment dans lequel j'allais subir, d'une minute à l'autre, un interrogatoire. Il était haut de deux ou trois étages, carré, avec des murs d'une couleur blanc délavé. L'enseigne « POLICE MUNICIPALE », en lettres bleues sur un fond blanc, surplombait la grande porte grise qui menait à l'entrée principale.
Ma portière s'ouvrit et l'un des deux policiers m'ordonna, sans animosité, de bien vouloir descendre du véhicule. Je m'exécutai, et aussitôt lui et son collègue m'attrapèrent chacun un bras, doucement mais fermement, sans doute afin que je ne m'enfuie pas ou que j'avance plus vite, peu importe... Je me laissai faire sans opposer la moindre résistance, après tout, je ne pouvais rien faire à part espérer que tout ça ne soit qu'un malheureux cauchemar dont j'allais me réveiller bientôt.
Nous entrâmes et traversâmes un petit couloir sombre, aux murs couverts d'une peinture verte défraichie. À l'exception de quelques policiers et d'un trentenaire qui avait visiblement trop bu, le bâtiment semblait vide, mais je n'eus pas le temps d'observer vraiment les lieux. En à peine quelques secondes, une fois ce grand couloir traversé, nous nous retrouvâmes dans un autre couloir dont le mur gauche était recouvert de la même peinture horrible, ainsi que d'une multitude de portes peintes dans un vert légèrement plus foncé. Elles étaient espacées de quelques centimètres et avaient l'air d'être blindées, j'en déduisis donc que ce devait être les cellules de garde à vue. Au moins, cela semblait individuel...
Nous marchâmes jusqu'à la quatrième porte, celle qui se trouvait environ au milieu du mur, et l'un des deux policiers me lâcha pour ouvrir la porte à l'aide d'un trousseau de clefs qui était maintenu à son uniforme par une chainette.
La porte s'ouvrit dans un grincement sourd et douloureux pour nos oreilles, dévoilant une pièce froide et sans lumière : sa seule source provenait d'une petite ouverture se trouvant juste en dessous du plafond, et recouverte par des barreaux épais.
J'entrai, légèrement poussée par l'un des deux policiers.
La pièce était étroite, aussi froide qu'accueillante, et seul un meuble qui ressemblait vaguement à un lit venait l'égayer un peu.
J'entendis la porte grincer derrière moi et je fis volte-face immédiatement.
Le premier flic était en train de m'enfermer, et son collègue était déjà parti.
- On viendra vous chercher dans quelques minutes pour vous interroger., m'annonça-t-il sans m'adresser un regard.
- Attendez !, fis-je d'une voix apeurée avant qu'il ne referme la porte complètement. Et mon coup de fil ? Vous aviez que je pourrais prévenir quelqu'un...
Il fallait absolument que Léa soit prévenue.
- Tout à l'heure, quand mon collègue viendra vous chercher.
Je hochai la tête en avalant ma salive, avec l'air de celle qui est perdue et qui ne comprend vraiment pas ce qu'elle a bien pu faire de mal.
La porte se ferma complètement, j'entendis les clefs s'actionner dans la serrure et cette dernière se verrouiller, et je me retrouvai alors plongée dans l'obscurité. Aucun rayon de soleil ne venait s'infiltrer par l'espèce de petite fenêtre pour apporter un peu de chaleur ou de lumière. Un frisson parcourut mon corps, plus à cause de l'hostilité de la cellule que du froid, et je m'assis sur le lit inconfortable en attendant que quelqu'un daigne venir me chercher.
Je ne sus pas combien de temps exactement je patientais dans cette cellule froide, assise sur ce lit ô combien inconfortable. Je ne possédais pas de montre, et le peu de lumière dans la pièce ne me permettait pas de connaître l'heure approximative qu'il était.
Toujours est-il qu'au bout d'un moment qui me sembla avoir duré une éternité, la porte de ma cellule s'ouvrit, toujours dans ce même grincement insupportable qui aurait pu réveiller un mort.
Un homme d'une petite quarantaine d'années, mal rasé et visiblement très fatigué, vêtu du même uniforme que ses collègues qui m'avaient arrêtée plus tôt dans la matinée, apparut dans l'encadrement de la porte. Je me levai d'un bond, ravie de pouvoir enfin quitter cette maudite pièce et à la fois angoissée de ce qui pourrait bien suivre.
- Veuillez me suivre, Mademoiselle Darsen., m'ordonna le policier.
J'obéis et sortis de la cellule avant qu'il ne referme à clef derrière nous. Il se tourna ensuite en m'indiquant la direction à prendre, et je pus constater tout en marchant derrière lui qu'il n'était pas très grand et qu'un début de calvitie attaquait le sommet de son crâne, ce qui amena mon esprit de déduction à penser qu'il devait avoir une bonne quarantaine d'années à son actif, finalement.
J'essayai de me distraire de n'importe quel moyen et de trouver une façon de prendre les évènements avec légèreté. Dans le cas contraire, je risquais de paniquer si je prenais conscience de la gravité des choses.
Non, je n'étais pas actuellement dans un poste de police, non, je n'étais pas sur le point de me faire interroger à propos de la disparition d'une fille que j'avais de bonnes raisons de détester, non, je ne risquais pas de finir le reste de mon existence en prison si quelqu'un découvrait ce que j'avais fait...
Nous entrâmes très vite dans une grande pièce dans laquelle étaient disposés quatre bureaux, tous munis d'un ordinateur qui devait dater des années 1998 et d'un téléphone fixe sûrement issu de la même année. C'est là que le lien se fit dans ma tête. Léa ! Elle devait s'inquiéter de ne pas me voir revenir avec les chaï latte comme c'était prévu à l'origine...
- Monsieur l'agent ?, m'adressai-je d'une voix aimable à celui qui était venu me libérer de mon placard à balai. Est-ce que je suis autorisée à prévenir quelqu'un que je suis ici ?
Il hocha la tête et se dirigea vers le bureau se trouvant à notre diagonale. Je le suivis et il décrocha le combiné avant de me demander le nom et le numéro de la personne que je souhaitais prévenir. Bien sûr, je me doutais que je ne serais pas autorisé à parler à Léa et que le flic se chargerait de transmettre un message pour moi. Je lui indiquai donc le numéro du portable de mon amie, que je connaissais par cœur, en priant pour que les enquêteurs n'aient aucun indice la concernant et la reliant à cette affaire.
J'entendis faiblement, à l'autre bout du fil, deux tonalités puis la voix de Léa qui prononça, je crois, un « oui » interrogateur.
- Mademoiselle Bauller ?, demanda le policier.
Il déclina ensuite, après un bref silence, son identité et la raison de son appel, et je suppliai intérieurement de toutes mes forces pour que Léa reste calme et détendue lorsqu'elle comprendrait la gravité de la situation ; mais vu son intelligence et son esprit de déduction légendaire, je n'étais pas tellement inquiète.
- Non, tout va bien, nous souhaitons simplement l'interroger dans le cadre d'une enquête de police., affirma le flic dégarni.
Il ajouta ensuite quelques « hum », hocha la tête, et conclut par dire que ma garde à vue prendrait fin à onze heures ce matin. Encore un bref silence, je n'entendis pas ce que ma meilleure amie répondit, puis il lui souhaita une bonne journée et raccrocha.
- Votre amie viendra vous chercher à la fin de votre garde à vue., m'annonça le policier. Vous souhaitez prévenir quelqu'un d'autre ?
Je secouai négativement la tête sans mot dire, et il m'indiqua ensuite que nous allions passer à l'interrogatoire en me désignant une chaise se trouvant devant le bureau qui faisait l'angle en haut à droite de la pièce.
Derrière ce bureau était assise une femme, elle aussi en uniforme, et aux cheveux bruns si tirés en arrière qu'ils semblaient déformer les traits de son visage et lui donner un air constamment étonné. Elle était effrayante et ridicule à la fois, si bien que je ne savais pas si je devais être amusée ou en avoir peur.
Son collègue dégarni vint s'asseoir à ses côtés, et je pris place sur l'une des chaises qu'il m'avait indiquées en m'installant droite, les paumes des mains posées sur mes genoux, du moins autant que les menottes qui me striaient les poignets pouvaient le permettre.
La policière me demanda de décliner mon identité, tandis qu'elle tapait les informations que je lui donnais sur son clavier et avait les yeux fixés sur son écran cathodique.
Je lui communiquai mon nom, mon prénom, ma date de naissance, mon adresse actuelle, et d'autres banalités administratives qu'elle notait au fur et à mesure avec une certaine lenteur qui m'agaça presque.
Et enfin vinrent les choses sérieuses.
Monsieur calvitie posa ses avant-bras sur le bureau en inox gris, croisa ses doigts entre eux, et se pencha vers moi. De près, je pouvais observer à quel point les marques de fatigue ravageaient son visage et à quel point l'étendue de ses cernes était importante. Je revins à moi lorsqu'il me posa la première question :
- Bien, Mademoiselle Darsen, quelles étaient vos relations avec la victime ?
- La victime ?
J'eus un mouvement de recul que je tentai de réfréner. Est-ce qu'ils avaient fini par découvrir qu'il s'agissait en réalité d'un meurtre et non d'une simple disparition ?
- Oui, dans le cadre d'une disparition ou d'un enlèvement, on parle également de victime. Répondez à la question, je vous prie.
Je fus intérieurement soulagée, et tentai de ne rien laisser paraître tandis que mon cerveau essayait d'analyser au plus vite la situation : si je répondais que je ne connaissais pas cette pauvre fille, je mentais ; et si le flic comprenait que c'était un mensonge, je deviendrais encore plus suspecte que je ne l'étais déjà. Or, affirmer immédiatement que Daisy était la maîtresse de William, puisque c'est ce qu'elle était, risquait de jouer également en ma défaveur puisqu'il s'agissait d'un excellent mobile, que ce soit pour un enlèvement ou pour un meurtre. D'un autre côté, une question de ce genre était sans doute rhétorique, le flic devait déjà connaître la réponse, puisque j'avais été embarquée ici afin que l'on me pose des questions à propos d'elle. J'en déduisis donc qu'il devait forcément savoir qu'on se connaissait déjà, elle et moi, alors il était inutile de mentir.
Encore un truc, me rappela ma conscience : ne surtout pas parler d'elle au passé comme si elle était morte. Tout doit laisser sous-entendre dans tes propos qu'elle est encore vivante, et qu'elle est simplement partie faire un tour on ne sait où sans en informer personne.
Je répondis alors, le plus simplement du monde :
- Elle a eu une brève liaison avec mon mari, il y a quelques mois.
- Votre mari ? Votre état civil indique que vous n'êtes pas mariée., répondit la femme au chignon trop tiré tout en consultant ce qui devait être ma fiche sur son vieil ordinateur.
Je roulai les yeux au ciel avant de rectifier :
- Mon fiancé, si vous préférez. On devait se marier alors...
- Le mariage a-t-il été annulé à cause de la liaison qu'entretenait votre compagnon avec la victime ?, me coupa Monsieur calvitie.
- Non., répondis-je sans m'offusquer. Les circonstances ont fait que nous avons décidé de reporter la cérémonie à cause de notre jeune âge, notamment.
Le policier hocha la tête, se frotta les mains et s'enfonça dans sa chaise, et sa collègue entra mes mots exacts dans son fichier informatique. J'attendis quelques secondes qu'elle eut fini de tout écrire, et Monsieur visage ravagé par la fatigue fouilla quelques instants dans un tiroir du bureau. Il en sortit trois documents qu'il étala devant moi : l'un était une photo en noir et blanc - sans doute issue d'une caméra de surveillance puisqu'elle indiquait en bas à droite la date du 8 Août 2016 et dix-neuf heures seize et trente-quatre secondes - qui montrait de manière très floue une jeune femme, de dos, marchant dans la rue en direction de ce qui semblait être l'immeuble où vivait Daisy ; un autre était également une photo, cette fois-ci en couleur, sur laquelle on pouvait voir le plancher en parquet de Daisy recouvert d'une espèce de tâche bleutée légèrement fluorescente et relativement étendue, et enfin, le dernier document était une enveloppe adressée à Daisy et qui provenait d'un laboratoire d'analyses médicales.
Le policier me montra d'abord d'un doigt la première photo, celle qui devait être issue de la caméra de surveillance.
- Pouvez-vous me dire qui est cette personne ?, me demanda-t-il comme si j'avais été candidate à un examen.
Sérieusement ? La photo est floue et on ne voit cette femme que de dos, que voulait-il que je réponde, enfin ?
Bien entendu, au vu de la date et de l'heure qui étaient indiquées, ainsi que de la tenue vestimentaire et de la coupe de cheveux, je pouvais facilement affirmer que c'était moi, mais quel intérêt aurais-je eu à me jeter dans la gueule du loup?
- Difficile à dire., répondis-je en fronçant les sourcils et en me rapprochant du cliché pour faire mine de mieux l'observer. La photo est floue, et on ne voit pas vraiment le visage de cette personne...
- Nous pensons qu'il s'agit de vous, Mademoiselle Darsen.
- Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer une chose pareille ?, demandai-je d'un ton plus curieux qu'indigné.
Il sortit alors un autre cliché, encore plus flou que le précédent. C'était la même image, mais agrandie au niveau de ce qui devait être ma nuque, et dévoilant une tache noire informe qui prenait une bonne partie de celle-ci. Monsieur calvitie tapota son doigt au niveau de cette tâche et m'annonça :
- Le tatouage. Vous avez le même dans la nuque.
- Vous voulez rire ?, m'emportai-je légèrement. Le dessin est illisible, et beaucoup de personnes sont tatouées dans la nuque, vous savez.
Je me détendis quelque peu : cette preuve était irrecevable devant un tribunal, à moins qu'ils arrivent à en tirer un cliché plus net et détaillé.
Mais quand bien même, en quoi des images de caméra de surveillance me montrant de dos pouvaient m'impliquer en quoi que ce soit dans un crime lié à Daisy ou à qui que ce soit d'autre ? Je poursuivis alors, d'une voix plus paisible :
- Écoutez, je veux bien admettre que, d'après la tenue vestimentaire et la coupe de cheveux, il est possible que ce soit moi sur cette photo, mais je ne peux pas vous l'affirmer à 100%.
Et vous non plus d'ailleurs., pensai-je silencieusement.
Monsieur calvitie hocha une nouvelle fois la tête en clignant des yeux, cette fois, et sa collègue continuait de taper sur son clavier avec cette même lenteur agaçante. Après quelques secondes, sans même attendre que Madame cheveux trop tirés n'ait fini d'écrire ce que j'avais dit, il me demanda :
- Vous êtes-vous déjà rendue au domicile de la victime ?
Et voilà, encore une question rhétorique ! Je faillis exploser de rire.
Bien sûr qu'il savait que je m'étais déjà rendue chez cette pouffiasse, et bien sûr que cela correspondait, comme par hasard, à la date indiquée en bas du cliché pris par la caméra de surveillance qu'il pensait sans doute que je n'avais pas vu tant c'était écrit petit, et bien sûr qu'il devait croire que je répondrai par la négative afin de prouver que je n'étais rien d'autre qu'une menteuse. Malheureusement pour lui, je ne lui ferai pas ce plaisir.
- Une fois, oui., affirmai-je sans broncher.
Monsieur calvitie fit un signe de tête à sa collègue comme pour lui dire « note bien ça surtout, c'est important », avant de me demander :
- Quand ?
Je fis mine de réfléchir en laissant mes yeux partir dans le vague.
- Il y a un peu moins d'un mois, je crois... Il me semble que c'était au début de ce mois-ci.
Une pause le temps que la policière note toutes les informations, et son collègue poursuivit :
- Pour quelle raison vous êtes-vous rendue au domicile de la victime ?
- Elle voulait me voir pour me parler de William.
- William Bertan, votre conjoint ?
J'affirmai d'un hochement de tête, et le flic fit de nouveau un signe à sa collègue qui s'activa sur son clavier.
- Pourquoi Mademoiselle Pouget a-t-elle demandé à vous voir à son domicile et non dans un endroit public ?
Je fronçai les sourcils et eus un léger mouvement de recul.
- Je n'en sais rien, vous n'aurez qu'à lui demander., répondis-je quelque peu déstabilisée.
L'officier me regarda d'un air blasé, comme pour me dire « si nous savions où elle était, vous ne seriez pas assise ici ». Il attrapa ensuite le deuxième cliché, celui avec la tache bleue fluo, et le positionna bien en évidence devant moi.
- Savez-vous de quoi il s'agit ?, me demanda-t-il.
Mais on joue aux devinettes ou quoi ? J'en ai assez de perdre mon temps avec leurs questions à la con !
Je hochai négativement la tête en tentant de maîtriser la colère et l'impatience qui grandissaient en moi, avant de dire :
- Une tache de peinture ?
- Ce cliché montre une partie du plancher du séjour de l'appartement de la victime...
Appartement... J'aurais plutôt dit taudis, mais c'est vous qui voyez.
- La tache bleue représente en réalité une flaque de sang que nos collègues de la scientifique ont révélée à l'aide de leurs produits chimiques. Il semblerait que ce sang ait été nettoyé à l'aide de produits d'entretien ménager.
- Et donc ?, demandai-je au bord de l'implosion.
Foutus progrès scientifiques, foutus produits ménagers qui n'effaçaient qu'en surface ! Et Léa qui bosse dans ce domaine, elle n'aurait pas pu me prévenir ?
Peu importe, ça n'aurait rien changé, à part remplacer le plancher je ne vois pas ce que nous aurions pu faire de mieux...
J'inspirai un grand coup et attendis la prochaine question de l'officier.
- Si ce sang appartient bien à la victime, comme nous le soupçonnons, les enquêteurs et moi-même partirons davantage sur la piste d'un meurtre.
- Je ne vois pas ce que j'ai à voir avec tout ça., affirmai-je d'une voix neutre, le visage fermé.
- Il semblerait que vous soyez la dernière personne, avec le propriétaire de son appartement, à avoir vu Mademoiselle Pouget avant le signalement de sa disparition, et vous, vous aviez un mobile solide.
Il semblerait que, nous pensons que... Encore des affirmations hésitantes. Ils attendaient que je leur livre des aveux sur un plateau d'argent, à ce qui me semblait.
- Un mobile ?, demandai-je. Vous voulez dire le fait qu'elle a essayé de me voler mon mari, par exemple ?
- Exactement., affirma le policier. Vous ne supportiez plus que votre conjoint vous ait quitté pour elle, alors vous l'avez tuée.
- Quoi ?, m'étonnai-je. Attendez, il y a cinq minutes, on parlait encore d'une disparition, il n'a jamais été question d'un meurtre... Écoutez, j'ignore qui est la personne qui a fait du mal à Daisy, en admettant qu'on lui ait fait du mal, et je dois bien avouer que je la remercierais volontiers si je savais de qui il s'agit puisque je déteste cette fille, mais je n'ai rien à voir avec une disparition ou un meurtre présumé.
Monsieur calvitie se pencha alors de nouveau vers moi et me regarda d'un air grave avant d'ajouter d'une voix formelle :
- Mademoiselle Darsen, soyez bien consciente que, au vu de la quantité de sang retrouvée sur le plancher de l'appartement de la victime, nous nous penchons davantage sur la piste d'un meurtre, sans occulter celle d'une éventuelle disparition, bien entendu. Et soyez bien avertie également que, si la piste du meurtre est vérifiée et que vous avez quelque chose à voir là-dedans, comme nous le pensons, vous serez coupable d'un double homicide.
Je reculai légèrement dans ma chaise et fronçai les sourcils.
- Un double homicide ?, fis-je, incompréhensive. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
L'officier pencha sa tête sur le côté, regarda sa collègue, et fixa à nouveau ses yeux injectés de sang dans les miens avant de m'annoncer d'un air qui se voulait dramatique :
- Mademoiselle Pouget était enceinte.
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