Règle numéro huit : le véritable Amour ne meurt jamais vraiment

J'étais partie de chez William aux alentours de quinze heures, non pas que j'en ai eu franchement envie, mais j'avais d'autres choses à faire du reste de ma journée. Léa et moi avions convenu de nous retrouver dans l'après-midi pour boire un café, afin de parler de ce qu'il s'était passé la veille entre William et moi, et il faut dire que j'avais aussi très envie de la voir.
Will et moi avions fini de petit-déjeuner au soleil, et j'avais profité de cet instant si magique, en oubliant presque l'incident Aurélie. Mais j'étais néanmoins déterminée à me débarrasser d'elle. J'étais tellement heureuse maintenant, je ne voulais pas qu'une quelconque personne, surtout pas une ex, vienne mettre de l'ombre dans la situation.
Aurélie était un peu comme le nuage qui serait venu s'installer dans notre ciel : si je ne le chassais pas tout de suite, il risquerait de faire beaucoup de dégâts et de provoquer un orage.
Une fois notre petit-déjeuner avalé, j'étais allée prendre ma douche après que nous ayons regardé un épisode de notre série préférée. William avait insisté pour me rejoindre et, bien entendu, les choses avaient vite dérapé.
S'il n'avait pas couché avec Daisy, comme il l'affirmait - et j'espérais que ce soit vrai - cela voulait dire que sa dernière relation sexuelle devait remonter à un petit mois, ce qui expliquait pourquoi il avait été fougueux à ce point.
Au terme d'une heure de plaisir intense et d'eau écoulée, j'avais dû insister pour sortir, craignant d'arriver en retard au rendez-vous fixé avec Léa. Je m'étais rhabillée, non sans difficulté étant donné que Will en redemandait sans cesse, et était partie rejoindre ma voiture en disant à William qu'il pouvait me recontacter quand il le souhaitait.
J'allumai le contact et observai l'heure sur le tableau de bord : quinze heures quinze. Je n'allais pas avoir le temps de rentrer chez moi me changer. J'envoyai un bref SMS à Léa pour la prévenir, en espérant qu'elle ne soit pas déjà sur notre lieu de rendez-vous.
Léa me connaissait suffisamment bien pour savoir que j'arrivais presque toujours en retard, mais je savais aussi qu'elle détestait perdre son temps à attendre quelqu'un ou quelque chose.
Je démarrai sans attendre sa réponse et rejoignis le centre-ville.

Je garai ma voiture dans un petit parking gratuit et fis le reste à pied en consultant mon téléphone. Un SMS de Léa :
« Je suis là. Je t'attends. »
Il datait d'à peine cinq minutes. Ouf. Je répondis un « J'arrive. » et l'aperçu, assise à une table en plein milieu de la terrasse, en train de lire un bouquin.
Je m'approchai d'elle, elle leva les yeux de son livre et nous nous fîmes la bise, puis elle fronça les sourcils et me renifla.
- Tu sens la baise.
Léa et sa manière toujours aussi élégante de s'exprimer...
Je m'assis en lui répondant :
- J'ai pris ma douche.
- T'étais pas toute seule apparemment...
Comment pouvait-elle deviner cela rien qu'en me sentant ? Elle enchaîna :
- Tu m'as dit que tu n'avais pas couché avec ce naze !
- C'est la vérité ! Au moment où je t'ai envoyé le SMS, on n'avait pas encore... Et je ne t'ai pas fait de réflexions quand toi tu m'as dit que t'avais recouché avec Stéphane pour la quarantième fois., lui fis-je remarquer.
- Ce n'est pas pareil, c'est Stéphane !
- C'est exactement pareil, il t'a trompée, tu t'es remise avec lui, puis vous vous êtes séparés, il t'a de nouveau trompée, et puis vous avez remis le couvert et finalement aujourd'hui vous ne vous voyez presque plus. Sauf quand Monsieur a une envie bien précise.
- Peut-être, mais au moins lui, il ne m'a pas quittée juste avant le mariage.
Mon visage se renfrogna. Léa n'appréciait vraiment pas William, elle penchait toujours en ma faveur et le dénigrait par tous les moyens. D'après elle, je méritais mieux, bien qu'elle ait respecté ma décision d'être en couple avec lui. Elle faisait sa vie, je faisais la mienne, et William et elle ne se fréquentaient pas.
Leur discorde remontait à presque trois ans et demi auparavant. Will et moi étions ensemble depuis seulement six mois, peut-être même moins, et j'avais décidé de l'inviter à la soirée d'anniversaire de Léa. Je pensais qu'ils allaient bien s'entendre, et au lieu de ça, ils avaient trouvé le moyen de se disputer pour je ne sais plus quelle raison, et, l'alcool n'aidant pas, William avait tenu à Léa des propos plutôt injurieux. J'avais essayé de gérer les choses entre eux du mieux que je pouvais, tout en étant déchirée de voir les deux personnes que j'aimais le plus au monde s'affronter de la sorte.
Au final, j'étais désolée pour Léa d'avoir en partie gâché sa fête d'anniversaire, et désolée pour William qu'il ne se soit pas entendu avec elle, même si j'étais convaincue que toutes les choses qu'il avait pu dire ou faire ce soir-là n'étaient que le résultat d'une trop grande quantité d'alcool ingurgité.
Le lendemain, Léa m'avait affirmé qu'elle ne le sentait pas, que ce mec finirait forcément par me faire souffrir, mais j'étais restée avec lui et il m'avait fait sa demande presque trois ans plus tard.
Will, quant à lui, avait tenté de s'excuser, du moins à sa manière, et les choses s'étaient quelque peu pacifiées, bien qu'ils ne se soient plus jamais fréquentés directement.
Je tentai, d'une voix douce :
- Il ne m'a pas vraiment quittée, je dirais plutôt que nous avons rompu d'un commun accord...
- Il avait l'air plus d'accord que toi alors.
La serveuse nous interrompit, Léa demanda un café latte, je choisis la même chose, et nous reprîmes notre conversation là où nous l'avions laissée.
- Donc, tu t'es remise avec lui ?
- Oui., répondis-je sans argumenter ou sans donner davantage de détails.
- C'était avant ou après que vous ayez couché ensemble ?
- Avant !, m'indignai-je. Et puis même, peu importe qu'on l'ait fait avant ou après...
- Et pour le mariage ?
- On n'en a pas reparlé. Je pense qu'on est peut-être encore trop jeunes pour envisager de se marier et qu'on avait précipité les choses...
- Tu m'étonnes que vous êtes trop jeunes !, s'exclama-t-elle. Surtout lui. Il a encore du lait derrière les oreilles.
- Il a vingt-deux ans..., fis-je remarquer.
- C'est bien ce que je dis !
La serveuse revint avec nos deux cafés. Nous la payâmes tout de suite et, une fois qu'elle fut suffisamment éloignée, Léa se pencha vers moi et chuchota :
- Et... Pour le cadavre ?
Cela faisait quelques jours que je n'avais pas observé la décomposition du corps de Daisy. À mon avis, il devait avoir complètement disparu, maintenant, mais je ne pourrais en être certaine qu'en allant le vérifier par moi-même.
- J'y suis allée il y a quelque temps, c'était en bonne voie., expliquai-je à Léa, toujours en chuchotant. J'y retournerais cette nuit ou dans les prochains jours, histoire de voir l'avancée.
- Tu veux que je m'en occupe ?, proposa-t-elle. Ou que je vienne avec toi ?
- Non... C'est moi qui suis responsable, c'est à moi d'en assumer les conséquences. Et si on est deux, j'ai peur qu'on attire davantage l'attention.
Elle acquiesça et but une gorgée de son café. Je l'imitai.
Décidément, j'allais encore avoir une nuit chargée.

J'étais rentrée chez moi vers dix-sept heures, après que Léa et moi eûmes parlé de tout et de rien pendant un long moment, comme l'auraient fait deux vieilles amies qui ne s'étaient pas vues depuis longtemps.
Ce qu'il y avait de bien avec elle, c'était qu'on pouvait lui parler d'absolument tout, et que nous avions toujours quelque chose à nous dire après toutes ces années. Je la considérais plus comme une sœur que Malorie d'ailleurs, étant donné que Malorie et moi, malgré nos liens sanguins, avions des sujets de conversation beaucoup plus conventionnels et bien moins de fous rires et de moments de bonheur partagés à notre actif. C'était d'ailleurs pour ça que je n'avais pas appelé Malorie le soir où j'avais été confrontée au fait de devoir cacher un cadavre pour la première fois. Elle serait tombée des nues et m'aurait réprimandée, me forçant certainement à aller voir la police sans essayer de comprendre les choses. Léa aussi me réprimandait, parfois même de manière plutôt violente, mais je savais que dans le fond, c'était pour mon bien. Même si je ne l'écoutais pas toujours.
Bien entendu, je lui avais caché mes intentions de me procurer une arme et avais omis volontairement de lui mentionner l'incident Aurélie. Je ne voulais pas l'impliquer une fois de plus dans un évènement qui allait peut-être dégénérer et me mettre encore un cadavre sur les bras. J'essayais de la protéger du mieux que je pouvais, et donc, mieux valait qu'elle ne sache rien.
Une fois chez moi, j'avais fait un vrai repas avec ce qu'il me restait dans mon frigo, m'étais changée, et avais entrepris d'envoyer des messages aux proches de Daisy avec son propre téléphone.
J'avais appris, via les réseaux sociaux, que cette fille parlait à beaucoup de monde, mais de manière très superficielle. La seule véritable amie, si je puis dire, que je lui connaissais était Mélodie. Les autres étaient sans doute quelques connaissances qu'elle fréquentait de temps en temps en classe.
Quant à sa famille, j'avais cru comprendre qu'elle ne parlait plus à sa mère depuis des années, et que son père et elle se voyaient seulement de temps en temps puisque celui-ci habitait à l'autre bout du pays.
Mon premier message s'adressa donc à Mélodie :
« Coucou ma puce, juste pour te prévenir que je suis partie à l'étranger comme on en avait parlé. J'ai pas beaucoup de forfait puisque j'ai encore mon ancien téléphone, mais je te recontacte dès que j'aurais une nouvelle carte SIM adaptée. Love. »
Je n'avais, bien entendu, pas donné davantage de précisions sur le pays ou cette fille aurait pu se rendre, je m'en fichais royalement d'ailleurs, et Mélodie avait répondu :
« Ça marche, donne des nouvelles quand tu peux, je pense à toi. Love »
Pour son père, ça avait été le même genre de SMS, en un peu plus élaboré, et la seule réponse que j'avais obtenue avait été un :
« OK pas de soucis tu voles de tes propres ailes maintenant, bisous. »
Il ne devait pas se sentir très concerné par le bien-être de sa fille, ou peut-être trop occupé pour y penser apparemment, mais peu m'importait puisque cela arrangeait mes affaires.
Ensuite, j'avais supprimé son compte Facebook : ça serait déjà ça de moins à gérer. Puis j'avais effacé du téléphone toutes les photos, toutes les conversations, et tous les contacts, en prenant soin de noter quand même le numéro de Mélodie et de son père dans un coin, au cas où.
J'avais fait la même chose avec l'ordinateur, le formatant complètement pour pouvoir m'en servir moi-même comme d'un ordinateur professionnel, bien que je possède déjà le mien.
Maintenant qu'elle ne donnerait plus aucun signe de vie, sa famille et ses amis penseraient sûrement qu'elle avait dû avoir un problème dans un pays qu'ils ne connaissaient pas, ou qu'elle n'avait pas trouvé le moyen de les recontacter.
Après tout ça, j'étais allée dormir en prévision de la longue nuit qui m'attendait. William m'avait envoyé un message juste avant que j'aille me coucher. Il souhaitait me voir ce soir. J'avais prétexté que je sortais avec des amis, mais que je pouvais le rejoindre après s'il était motivé, ce à quoi il avait répondu qu'il était toujours motivé pour me voir.
Cela m'avait fait sourire comme une adolescente découvrant les joies d'un premier amour et je m'étais endormie comme une masse.

À vingt-deux heures trente, mon alarme sonna. Je me réveillai en pleine forme et enfilai la tenue que j'avais préparée quelques heures avant, la même que j'avais mise quand j'étais allée vérifier l'état du corps de Madame la Connasse qui m'avait volé mon futur mari la première fois. Le même trench noir, les gants noirs, le chapeau noir...
Une fois prête, je sortis et démarrai ma voiture pour rejoindre la ville.
Comme la dernière fois, je me garai quelques rues plus loin et eus la même sensation de stress au moment d'entrer dans l'immeuble.
Le dimanche soir, l'endroit était très calme, et je ne fus pas surprise de ne croiser à nouveau personne.
J'entrai chez Daisy, toujours à l'aide de ses clefs, et refermai vite derrière moi. Je ne perdis pas mon temps et allai directement dans la salle de bain pour vérifier la baignoire.
À mon grand bonheur, je constatai que le corps avait entièrement disparu. Quelques petits bouts de chair trainaient encore dans le fond de la baignoire, mais rien qui ait pu laisser supposer qu'un cadavre s'était trouvé là quelques semaines plus tôt.
Je débouchai alors le siphon pour laisser s'écouler le white spirit, et rinçai la baignoire afin d'évacuer toute trace de produit chimique et de chair. Une fois cette opération effectuée, je cherchai dans les placards un bidon d'eau de javel que j'utilisai pour nettoyer le reste. Après quelques passages d'éponge, la baignoire était comme neuve.
Je repartis avec un énorme sentiment de soulagement, verrouillai la porte, et, avec toute la force que je pouvais avoir, je cassai la clef dans la serrure. Le verrou désormais bloqué, personne ne pourrait plus entrer, même avec un double. Je fourrai ensuite l'autre moitié de clef dans la poche de mon trench en pensant qu'il faudrait que je m'en débarrasse bientôt. Au moins, le problème Daisy était maintenant réglé.

https://youtu.be/4jbA6plNYbE

D'après ce que m'avait raconté William quelque temps après notre première rencontre, Aurélie et lui étaient sortis ensemble au lycée, alors qu'il était à l'aube de ses dix-huit ans. Ils étaient dans la même filière littéraire et dans la même classe, et Will m'avait expliqué qu'elle et lui s'étaient très vite plu. Je le savais, cette fille avait été son premier amour, sa première copine, et également sa première fois. Mais, au bout de quelques mois de relation, elle était devenue très froide et très distante avec lui sans lui donner la moindre explication, si bien que mon cher William en avait eu le cœur brisé. D'autant plus quand il avait appris qu'elle entretenait une relation plutôt ambigüe avec un autre garçon, alors que celui-ci était censé être seulement un de ses amis.
C'était, d'après ce que j'avais compris, une fille plutôt volage qui se fichait pas mal du fait que Will ait pu être fou amoureux d'elle ou non.
L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais Aurélie avait trouvé le moyen de retourner tous les amis de William contre lui en se faisant passer pour la victime. Il avait été tellement malmené et persécuté qu'il avait même décidé de changer d'établissement scolaire.
Je ne pouvais pas concevoir qu'après ça, il ait encore des sentiments pour elle, ou même seulement qu'il lui parle de nouveau, même après toutes ces années.
J'entrai dans ma voiture, mis le contact, et partis en direction des quartiers nord de la ville.
Il existait, dans ces quartiers quelque peu mal fréquentés, une rue dans laquelle on pouvait presque tout trouver, à condition d'avoir la bonne somme d'argent et le bon contact. De la drogue, des armes, de faux papiers, et même des femmes...
À Sin City si tu prends la bonne ruelle, tu trouveras ce que tu cherches.*
Je me garai à l'entrée de la rue et sortis de ma voiture. J'avançai d'un pas assuré quand un homme au visage biscornu et qui dégageait une odeur fort désagréable m'accosta :
- Eh... Qu'est-ce qu'une jolie poupée comme toi vient faire dans le coin ?
Je serrai le taser qui se trouvait dans la poche de mon trench. Bien entendu, un taser aurait été inutile contre cet individu, il devait certainement avoir une arme sur lui, mais je n'étais pas inquiète.
Mon cousin était un ancien dealer de drogue qui avait longtemps fréquenté cette ruelle et s'y était établi une excellente réputation. Un jour, alors que j'étais bien plus jeune, il m'avait fait venir avec lui dans ce quartier, et m'avait présenté à tout le monde en jurant que si quelqu'un s'avisait de toucher à un seul de mes cheveux, il lui ferait connaître un enfer. J'avais alors dix-huit ans, et j'étais très peu habituée à ce genre d'endroits. Pourtant, je n'avais pas eu peur une seule seconde, car je savais que Maël me protégerait quoi qu'il arrive.
Par la suite, il m'avait emmenée dans ses magouilles presque tous les vendredis soir pendant près de trois ans, et je m'étais fait quelques contacts dans le milieu.
Si mes parents avaient été au courant de ses agissements - bien que ce soit toujours moi qui demandais à l'accompagner - ils m'auraient sans doute interdit de le voir à jamais, alors que j'étais pourtant déjà majeure à l'époque.
Malheureusement, aujourd'hui, Maël purgeait une peine de cinq ans de prison. Il avait été arrêté par la police après que ceux-ci aient découvert ses plantations de cannabis.
Je regardai l'homme qui m'avait accosté. Il devait être nouveau dans le milieu. Je m'apprêtai à lui dire de dégager lorsqu'une voix grave s'éleva dans la pénombre :
- Joshua, tu lui fous la paix, tu veux ?
Le dénommé Joshua s'éloigna en grimaçant, et l'homme à qui appartenait la voix s'avança dans la lumière.
- Cassie ?, fit-il. C'est bien toi ?
- C'est moi, Dave., répondis-je en le reconnaissant à mon tour
Un grand sourire s'étendit alors sur son visage. Il s'approcha de moi les bras ouverts, et m'étreignit.
- On ne t'avait pas vu depuis l'arrestation de Maël ! Mais qu'est-ce que tu viens faire ici toute seule ?
- Il me faut un flingue., répondis-je sans tergiverser.
Dave eut un mouvement de recul et fronça les sourcils. Puis il se radoucit, et, tout en plaçant sa main dans mon dos, me dit :
- OK, viens à l'intérieur, j'ai tout ce qu'il faut.
Je le suivis dans un vieil immeuble désaffecté qui avait été réaménagé à sa sauce. Nous traversâmes un couloir dans lequel se trouvaient deux drogués et trois prostituées jusqu'à la pièce du fond, celle qui servait à Dave de bureau.
Il contourna un buffet, le seul meuble de la pièce, ouvrit un des tiroirs et posa une arme devant moi.
Un Beretta 92. L'arme la plus utilisée dans le monde, d'après ce que j'en savais.
L'ampoule du plafond grésilla et je m'approchai pour observer le pistolet d'un peu plus près. David enchaîna :
- C'est tout ce que j'ai à te proposer. À moins que tu ne préfères un fusil de chasse ou une carabine...
- Non, ça ira très bien. Je peux le prendre ?, demandai-je.
- Fais donc.
Il balaya lentement l'air de son bras en désignant le Beretta. Je m'en emparai. L'arme était plus lourde que ce que j'avais imaginé, mais j'arrivais à la tenir à bout de bras sans trop de difficultés. Dave s'approcha de moi.
- Si je peux me permettre, Cassidy... C'est pour quoi faire ?
- Question de sécurité., répondis-je d'un ton froid.
- Tu sais, si quelqu'un te menace ou te cherche des emmerdes, on se fera un plaisir de lui régler son compte, les gars et moi.
L'idée me tenta, mais je me rationalisai. Aurélie n'était pas vraiment menaçante, du moins pas au sens où l'entendait David, et je ne connaissais que trop bien leurs méthodes pour savoir qu'ils ne faisaient pas dans la dentelle ni dans la discrétion. La police aurait forcément découvert le corps et aurait pu faire un quelconque rapprochement avec moi, ou même avec William.
- Ne t'en fais pas., répondis-je alors. C'est juste une précaution.
Il hocha la tête et ajouta :
- C'est un chargeur de quinze coups. Si tu veux t'entrainer à tirer, je connais un endroit sympa en campagne où personne ne viendra te déranger.
Il contourna à nouveau le buffet et sortit une recharge de balles du tiroir.
- Tiens, ça c'est cadeau., fit-il en la posant sur le meuble.
Je n'allais sûrement pas avoir besoin d'autant, mais j'acceptai l'offre en souriant. On n'était jamais trop prudent.
- Combien t'en veux ?, demandai-je enfin.
- Cinq cents. En liquide. Tu sais comment ça fonctionne.
Je sortis alors un petit rouleau de billets que j'avais pris soin de prendre avec moi avant de sortir et que je gardai précieusement dans la poche intérieure de mon trench. Il y avait cinq cents tout pile, en coupure de cinquante. Je le tendis à Dave. Il l'attrapa, déroula l'élastique qui maintenait les billets accrochés ensemble, et compta.
- Nickel., fit-il à la fin de son calcul. L'arme est à toi.
Je la coinçai alors dans mon dos, entre la ceinture de mon jean et mon t-shirt, et rabattis mon trench par-dessus. Je pris ensuite la recharge que je glissai simplement dans ma poche.
- Juste une dernière remarque., fit Dave alors que j'allais le remercier.
- Je t'écoute.
- Si jamais tu tues quelqu'un avec... Surtout... Tu la jettes. Après avoir nettoyé tes empreintes bien entendu. Si la police te chope avec une arme non déclarée tu peux dire adieu à ta liberté ma petite Cassidy.
- Même si je plaide la légitime défense ?, m'enquis-je.
- La légitime défense ? Tu veux rire ? Les flics ne savent pas ce que c'est, la légitime défense ! Tout ce qu'ils voient, eux, c'est une arme de contrebande dont tu t'es servi pour tuer un mec, point barre.
- Je prends note.
- Fais attention à toi., ajouta-t-il d'un ton bienveillant en m'embrassant sur le front. Et cache bien l'arme dans un endroit connu de toi seule.
Je le remerciai et sortis. Il me raccompagna jusqu'à ma voiture en prenant soin d'adresser un regard noir à toutes les personnes, notamment les hommes, qui lorgnaient un peu trop sur moi.
Dave était un excellent ami de Maël, et depuis que nous nous étions rencontrés, il avait toujours été très protecteur avec moi, parfois même plus que mon cousin lui-même.
J'entrai dans ma voiture, David s'appuya à la fenêtre du côté passager, et je baissai la vitre pour entendre ce qu'il avait à me dire.
- Tu passeras le bonjour à Maël quand t'iras lui rendre visite. Tu sais bien que je ne peux pas vraiment m'approcher de la prison...
- Ne t'en fais pas Dave, je lui dirai.
Je lui dirai que je t'ai croisé, oui, mais surtout pas pour faire affaire. Il se serait évanoui sur place s'il avait su que sa chère petite cousine avait acheté une arme dans le but de régler son compte à quelqu'un que le karma avait visiblement oublié depuis longtemps.
Je souris une dernière fois à Dave, remontai la vitre et démarrai. Il était vingt-trois heures quarante-cinq. Le temps de rentrer chez moi cacher l'arme, et je pourrais passer le reste de ma nuit avec William.



[*citation issue du film Sin City, de Robert Rodriguez (entre autres), que je conseille fortement 😉]

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