Règle numéro dix : tout est prémédité.
Je me réveillai le lendemain matin, non sans difficulté, aux alentours de dix heures. Enfin, je crois qu'il était dix heures, compte tenu de la luminosité présente dans la pièce.
À côté de moi, je pouvais entendre William qui ronflait doucement. Je profitai donc du fait qu'il dorme encore pour étirer discrètement mon bras gauche et attraper mon téléphone posé sur la table de chevet. Je voulais savoir si Mademoiselle Aurélie avait daigné me répondre.
J'allumai donc mon portable, tournai lentement la tête vers Will pour vérifier qu'il dormait encore profondément, et saisis mon code pin. Le temps que le téléphone démarre et que j'active le wifi, et j'avais déjà une notification : un nouveau mail.
Je souris en priant très fort pour que la réponse d'Aurélie soit positive avant de le lire :
« Bonjour Sarah.
J'accepterais volontiers de vous aider dans la conception de votre site Internet. Je travaille à l'heure et il vous faudra vous rendre chez moi, à mon atelier, je ne me déplace pas à domicile. J'espère que cela ne vous pose aucun problème.
Veuillez me recontacter rapidement pour que nous puissions convenir d'une date de rendez-vous. »
Mon sourire s'élargit de plus belle. Si ça me posait un problème de me déplacer jusque chez elle ? Au contraire ! J'étais ravie. C'était exactement ce qu'il me fallait.
Je m'apprêtai à lui répondre quand je sentis la main de William caresser mon dos nu. Je verrouillai immédiatement mon portable et le reposai à côté de mon oreiller.
- Qu'est-ce que tu fais ?, demanda-t-il d'une voix endormie en se tournant vers moi.
Je me tournai également dans sa direction pour me mettre face à lui, et répondis en souriant :
- Rien, je regardais mon téléphone, c'est tout.
Il sourit à son tour et passa ses bras autour de ma taille, m'attirant à lui pour que nos deux corps se collent.
Je pouvais sentir la chaleur de son torse et la douceur de sa peau qui ne demandait qu'une chose : être caressée et embrassée. Je passai ma jambe droite au-dessus de sa hanche, me serrai encore plus fort contre lui et plaçai mon nez dans son cou. Je m'imprégnai de son odeur douce et boisée, vestige du parfum qu'il portait la veille mélangée à son gel douche. J'adorais cette odeur et tous les souvenirs auxquels elle était associée. Je fermai les yeux, déposai un baiser dans son cou et fis glisser mes lèvres jusque son épaule.
Nous restâmes ainsi pendant de longues minutes où je ne pensai à rien d'autre qu'à lui et à ce que nous partagions. Je crus même qu'il s'était rendormi quand je le sentis qui caressait doucement ma cuisse du bout de ses doigts.
- On va déjeuner ?, fit-il.
Pour toute réponse, mon ventre se mit à gargouiller. William éclata de rire, considérant cela pour un oui, et se releva en s'étirant.
Il s'extirpa du lit et enfila un bas de pyjama pendant que je le regardai faire, amoureusement. Il se pencha ensuite vers moi et m'embrassa tout en me disant qu'il allait préparer à manger. Je lui répondis que j'allais prendre ma douche et que je le rejoindrais plus tard, puis sortis à mon tour du lit et fouillai dans mon sac pour en sortir la tenue que j'allais mettre aujourd'hui.
Je choisis un short en jean assez court et un petit débardeur blanc que je déposai sur le bord du lit défait.
J'entrai ensuite dans la salle de bain, tandis que William se dirigeait vers la cuisine.
Mes yeux se posèrent sur le miroir situé au-dessus du lavabo, et l'image qu'il me renvoya me fit doucement rigoler : mes cheveux blonds étaient tout ébouriffés, et j'avais encore la marque de l'oreiller incrustée sur la joue droite.
J'essayai d'arranger ma coiffure tout en ouvrant le robinet de la douche afin que l'eau soit bien chaude quand je me glisserai dessous.
Au bout de quelques secondes de lutte avec ma tignasse, je décidai enfin d'entrer dans la baignoire et de refermer le rideau de protection. Je profitai de ce moment pour me détendre encore plus que je ne l'étais déjà, attrapai le gel douche de William et me savonnai avec.
Après quelques minutes à avoir laissé l'eau couler sur mon corps sans aucun but précis, je coupai le robinet, sortis, et m'enroulai d'une serviette de bain en coton molletonnée.
Je retournai dans la chambre, sentant au passage les odeurs d'œuf au plat et de toast grillés qui ravivèrent à nouveau ma faim, et enfilai ma tenue.
J'attrapai mon téléphone, le glissai dans ma poche, et rejoignis Will dans la cuisine. Il avait déjà dressé la table de la terrasse, et s'apprêtai à apporter nos assiettes. Je lui proposai de l'aider mais il refusa, m'ordonnant doucement de m'asseoir et de le laisser s'occuper de tout.
Je profitai donc de son côté serviable et m'installai au soleil afin de profiter au mieux de sa chaleur et de ses bienfaits.
Je pouvais entendre au loin les oiseaux qui gazouillaient, et cela me surprit que William n'ait pas pensé à mettre de la musique. Je l'appelai donc :
- Chéri ?
- Oui ?, répondit-il après avoir déposé une bouteille de jus d'orange et un pot de confiture à la fraise sur la table.
- Je peux mettre un vinyle ?
- OK, choisis celui que tu veux.
J'entrepris donc de fouiller dans son disquaire et tombai sur un vieux disque que je lui avais offert au début de notre relation.
William ne partageait pas spécialement les mêmes goûts musicaux que moi, du moins dans les grandes lignes, mais je savais que quelque part, ils étaient similaires.
Je lui avais donc offert le best of de Nightwish, un groupe de métal symphonique qu'il ne connaissait pas et que j'adorais. Cela m'avait tellement surprise d'apprendre qu'il n'avait jamais entendu parler de ce groupe ni même entendu une seule de leurs musiques, que j'avais décidé de lui offrir la compilation de leurs meilleures chansons.
Je sortis le vinyle et plaçai directement la face B sur la platine tout en l'allumant. C'était sur cette face-ci que se trouvait ma chanson préférée de l'album, et j'avais une envie irrépressible de l'écouter.
Je positionnai l'aiguille à un endroit précis du disque pour sauter les sept premières chansons et arriver directement à la dernière, celle que je voulais.
https://youtu.be/6IpiTdF83d0
Après les dernières secondes de Dead Boy's Poem et quelques crépitements typiques aux disques vinyle, il enchaîna sur High Hopes, une reprise de la très célèbre chanson de Pink Floyd.
Je montai le son et allai m'installer à nouveau à la table pendant que William me rejoignit en grimaçant.
- Tu sais que je préfère la version originale., dit-il.
- Je sais, mais moi, je préfère celle-là., répondis-je en tirant la langue pour le taquiner.
Il me servit mon assiette d'œufs au plat et de toasts grillés avec une tasse de chocolat chaud qui dégageait une douce odeur sucrée.
- On ira acheter du café cet après-midi si tu veux., fit-il en désignant la tasse.
J'acquiesçai tout en buvant une gorgée de mon chocolat. Il avait ajouté une pointe de cannelle, un régal. Will enchaîna :
- Au fait, je travaille ce soir donc ne m'attends pas, je fais le service de nuit. Je ne serais pas rentré avant deux heures du matin facile.
J'hochai la tête. William était serveur dans un petit restaurant assez chic de l'ouest de la ville, un job qu'il avait choisi pour payer ses études et mettre un peu d'argent de côté, avant de décrocher un poste de journaliste après l'obtention de son diplôme et la validation de son stage ; validation qui devait d'ailleurs se faire en janvier de l'année prochaine, si ma mémoire est bonne... S'il assurait le service de nuit cette fois-ci, cela voulait dire qu'il devait sans doute commencer à dix-neuf heures ou dix-huit heures trente. C'était parfait.
Non pas que j'eus envie de me débarrasser de William ce soir, loin de là, mais si je voulais aller chez Aurélie afin de lui régler son compte une bonne fois pour toutes, je ne pouvais pas me permettre d'avoir William dans les pattes. S'il n'était pas là pour savoir ce que je faisais, je n'aurais aucun prétexte à inventer pour pouvoir m'éclipser en pleine nuit pendant deux ou trois heures.
Je sortis donc mon téléphone et envoyai discrètement une réponse au mail d'Aurélie en demandant à la voir ce soir aux alentours de vingt heures, si cela lui convenait, bien entendu. Je coupai ensuite le vibreur et posai mon téléphone sur la table.
- Tu voudras que je te dépose ?, demandai-je à William.
- Seulement si ça ne te dérange pas.
- Pas du tout., répondis-je en souriant et en me beurrant une tartine.
Au moins, je pourrai aller directement chez son ex dans la foulée.
Je consultai alors mon téléphone et constatai une réponse de sa part. C'était du rapide.
Une grande satisfaction s'installa en moi quand je lus que ce soir à vingt heures lui convenait parfaitement. Je copiai l'adresse qu'elle m'avait indiquée dans mon application « notes » et repris ma tartine là où je l'avais laissée.
C'est alors que me revinrent en mémoire les messages que Léa m'avait envoyés la veille.
- Pendant qui j'y pense., demandai-je donc à Will. Tu ne saurais pas où est mon collier ?
- Ton collier ?, répondit-il tout en fronçant les sourcils et en prenant une bouchée de ses œufs au plat.
- Oui, tu sais, les deux squelettes qui se font un câlin. Je le mettais tout le temps et je suis sûre de l'avoir oublié chez toi...
- Ah non., répondit-il spontanément. T'as dû le récupérer, parce qu'il n'est pas chez moi.
- Merde, tu es sûr ? Je ne le trouve pas chez moi non plus, il est toujours rangé d'habitude...
William fit non de la tête tout en prenant une nouvelle bouchée.
J'étais certaine que ce collier n'était pas dans mes affaires, il était donc forcément chez William. À moins que je ne l'aie perdu...
Je finis mon petit-déjeuner, légèrement triste et contrariée, puis William s'étira de tout son long en m'annonçant :
- Je vais me préparer et on y va ?
J'approuvai d'un hochement de tête en me forçant à sourire. Je n'allais pas gâcher le reste de ma journée à cause d'un collier perdu, même si j'y tenais beaucoup au vu de sa valeur sentimentale.
Nous avions passé notre journée comme deux amoureux transis à déambuler dans les galeries du centre commercial du centre-ville. William m'avait offert du café à la noisette, celui que je préférais, bien entendu, et m'avait promis qu'il essayerait un jour de goûter, malgré son aversion pour le café.
Je lui avais répondu que le café à la noisette, ce n'était pas pareil, ça n'avait pas le goût amer du café traditionnel, mais que c'était beaucoup plus fin et délicat.
Pas la peine de débattre pendant trois heures avec lui, William était un grand consommateur de thé, je n'aurais pas réussi à le changer.
Aux alentours de seize heures, nous étions partis nous installer dans un parc, à l'ombre d'un platane, et avions dégusté des crêpes vendues par un petit marchand qui se trouvait là.
Le parc était bondé de monde, rien d'étonnant en cette période de vacances scolaires et cette magnifique journée d'été, mais William et moi avions réussi à nous trouver un petit endroit assez calme et couvert des regards. Malheureusement, pas suffisamment couvert pour nous permettre d'assouvir certains besoins, mais suffisamment quand même pour nous laisser un minimum d'intimité.
Pourtant, nous aurions pu être au milieu d'une foule de cinq cent mille personnes, cela n'aurait pas changé grand-chose pour moi. Quand j'étais avec William, il n'y avait que lui qui existait. Les autres autour semblaient s'effacer, l'environnement devenait flou, les sons, les senteurs et les sensations se faisaient rares, il n'y avait plus que lui et lui seul.
Comme si ma vision fonctionnait uniquement pour le voir lui, que mon odorat ne percevait que la douceur de son parfum, que ma peau était faite de capteurs que lui seul pouvait stimuler... Même mon ouïe semblait réglée sur la fréquence de sa voix.
Quand les coups de dix-huit heures trente avaient sonné et, avec eux, l'annonce que William et moi devions sortir de notre farniente pour aller au travail, il m'avait attirée à lui et avait enfoui sa tête dans mon cou en bougonnant :
- Je ne veux pas y aller.
- Moi non plus je ne veux pas que t'y ailles., avais-je répondu tout en l'encourageant et en lui disant que c'était juste un mauvais moment à passer.
Nous avions donc rejoint ma voiture, et je l'avais déposé devant le restaurant.
Il sortit, ferma la portière et me confia ses clefs à travers la fenêtre ouverte.
- Pour que tu puisses rentrer, quand même.
J'attrapai les clefs en le remerciant tout en les glissant dans la poche de mon short.
- Vu que tu dormiras sûrement quand je rentrerai, je te dis bonne nuit tout de suite., fit-il en rigolant.
Il se pencha à travers la vitre et m'embrassa. Je fis durer ce moment un peu plus longtemps que prévu, puis ajoutai avec un clin d'œil :
- Tu me réveilleras si t'as envie de faire l'amour.
Il m'embrassa de plus belle durant une longue minute pendant laquelle ses lèvres ne voulaient pas se détacher des miennes.
- Le devoir m'appelle..., fit-il enfin en s'éloignant doucement.
- Va !
Je le regardai s'éloigner et entrer dans le restaurant avant de démarrer.
Maintenant, j'allais devoir m'occuper du cas Aurélie.
Aurélie la Connasse qui avait fait souffrir mon homme dans sa jeunesse habitait un petit quartier dans le sud de la ville. C'était un quartier un peu excentré, dans lequel on pouvait observer des petites maisons mitoyennes en briques rouges qui se ressemblaient toutes autant les unes que les autres.
Si j'avais dû en faire une description sommaire, j'aurais dit qu'il était à l'exact opposé du quartier dans lequel je résidais.
La rue était sale, les façades ternes et mal entretenues : certaines étaient fissurées et couvertes de mousse, et il y traînait une forte odeur de déchets provenant sûrement des poubelles entreposées telles quelles devant certaines maisons.
Les loyers n'étaient sûrement pas chers à cet endroit de la ville, ce qui expliquait qu'une étudiante ait pu se permettre le luxe d'habiter dans une maison, bien qu'elle soit relativement petite. À moins qu'elle ne vive pas seule, et dans ce cas, cela n'arrangeait pas mon plan.
Je garai ma voiture dans une sorte d'allée de garage gravillonnée à l'endroit indiqué par mon GPS, et remontai les vitres avant de sortir en faisant bien attention de vérifier que les portières et le coffre étaient tous parfaitement fermés.
Avant de venir ici, j'avais bien entendu pris soin de repasser par chez moi me changer et récupérer mon arme, que je serrais à présent bien fort dans la poche de mon trench.
Celui-ci était beige, court, et avait des manches trois-quarts. J'estimais qu'il était plus discret et plus adapté que le long trench noir que j'avais mis pour aller chez Daisy, d'autant plus qu'il faisait encore jour, et très chaud. M'habiller d'un long manteau noir ainsi que d'un chapeau et de gants de la même couleur n'aurait fait qu'attirer davantage l'attention sur moi. Ainsi, pour plus de discrétion, j'avais choisi d'enfiler une simple paire de lunettes et un canotier.
J'observai la rue : hormis un groupe d'enfants qui jouaient bruyamment avec un ballon sur le trottoir d'en face, il n'y avait personne.
Cela dit, je me méfiais. C'était dans ce genre de quartier que les gens étaient le plus souvent collés à leur fenêtre pour espionner ce qui se passait chez leurs voisins.
Je me fis donc la plus discrète possible, montai les quelques marches du perron de la maisonnette et appuyai sur le bouton de la sonnette de chez Aurélie.
J'attendis quelques secondes et une jeune fille m'ouvrit.
C'était elle, j'en étais sûre.
Bien que je ne l'aie jamais vue en vrai, je la reconnus tout de suite, notamment grâce au piercing qu'elle arborait au milieu de son nez : un anneau rose rehaussé d'une boule bleue. La discrétion et l'élégance même.
Le reste de sa tenue avait lui aussi matière à attirer l'attention. Je ne savais pas très bien si c'était un long t-shirt ou une robe très courte qu'elle avait décidé d'enfiler pour seul vêtement, ou encore si elle s'était simplement glissée dans un tube de tissu moulant vert pomme.
Remarque, elle était chez elle, il devait probablement faire très chaud à l'intérieur, et j'imagine qu'elle n'avait pas la clim dans un endroit pareil.
Ses cheveux, bruns et épais, étaient attachés négligemment dans ce qui devait être au départ un chignon, je crois, mais qui avait davantage l'air d'une masse de nœuds sans forme juchée sur le haut de sa tête.
J'ignore comment elle était à l'époque du lycée, mais si William était vraiment tombé amoureux de cette fille, ses goûts en matière de femme avaient dû faire un sacré bond lorsqu'il m'avait rencontrée.
- Bonjour !, claironnai-je d'une voix que je modifiai légèrement pour la faire paraître plus enjouée. Je suis Sarah.
- Ah, mais t'es jeune en fait, je m'attendais à une vieille qui ne sait pas se servir d'un ordinateur moi ! Viens, entre.
Elle se décala pour me laisser passer, j'entrai et elle referma la porte derrière nous. Effectivement, il faisait une chaleur vraiment étouffante. Je faillis enlever mon trench de suite avant de me rappeler qu'il dissimulait une arme dont j'aurais forcément bien besoin dans un avenir très proche. J'enlevai mes lunettes de soleil afin d'acclimater mes yeux à l'obscurité de la maison, pendant qu'Aurélie m'invita à m'installer directement dans son bureau. C'est alors que je remarquai son cou.
Elle portait mon collier.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top