Règle numéro dix-neuf : les choses changent.

Je suis chez moi, dans mon grand salon, et je fixe ma cheminée des yeux. Je ne sais pas pourquoi, mais le feu me fascine et m'attire. Il danse, c'est si beau, j'approche ma main des flammes comme pour les toucher, et je peux sentir leur chaleur me caresser la peau et me la roussir légèrement. Une faible odeur de viande grillée me chatouille les narines, et soudain, elle devient fétide, insupportable, à vomir... Je porte la main à ma bouche en ayant un haut-le-cœur, et je sens une présence inquiétante dans mon dos.
Je me retourne : elle est là.
- Mathilde ?, fais-je, incertaine.
Elle me fixe d'un air noir, son corps et son visage sont à moitié carbonisés, et sa chair tombe progressivement en lambeau. Je voudrais partir, mais mes jambes s'enfoncent dans le sol. Derrière moi, le foyer de la cheminée s'ouvre et se déforme, et je peux voir les flammes qui grandissent et qui se propagent le long des murs et du plafond. Elles l'envahissent à une vitesse folle, presque anormale. Des braises virevoltent un peu partout et une épaisse fumée noire recouvre le sol. Je dois sortir d'ici ou je vais mourir. Une partie du plafond s'effondre juste derrière Mathilde. Elle me fixe toujours avec méchanceté, je suis certaine qu'elle en a après moi, je crois que c'est elle qui a déclenché l'incendie...
- Ne fais pas ça., dit-elle en s'approchant d'un pas vers moi.
- Ne pas faire quoi ?
Je ne comprends plus rien, mais dans le fond, je le sais : il n'y a rien à comprendre.
Elle tend alors ses bras vers moi, et ceux-ci se détachent en trois parties dans des coupures très nettes. D'abord, ce sont ses mains qui tombent à terre, puis ses avant-bras, et enfin ses bras. Tout son corps finit par se disloquer, et la voilà qui tombe littéralement en pièces. Je ne peux pas détacher mes yeux de cette vision, je voudrais les fermer, mais c'est impossible, ils sont fixés sur elle. Ses membres se mettent alors à bouger et se déplacent vers moi, tandis que le feu se fait de plus en plus insistant. Je crois même que les murs se rapprochent. Je hurle :
- Aidez-moi, je veux sortir ! Au secours !
Et j'entends une voix au loin qui m'appelle :
- Cassidy ? Cassie ? Cassie !

Je me réveillai dans un sursaut, la respiration haletante et le corps en sueur. Je regardai autour de moi : Léa était penchée au-dessus de mon visage, l'air inquiet.
- Tout va bien ?, demanda-t-elle. Je t'ai entendu crier...
Je me remémorai alors toute la soirée : Léa et moi avions parlé de tout et de rien, comme on le faisait toujours, et avions regardé un film en buvant de la sangria et en mangeant des oursons, des marshmallows et des chips : un grand classique. J'avais dû m'endormir vers quatre heures du matin, exténuée, devant un épisode de série que Léa avait continué de regarder.
Et puis, ce cauchemar.
Comment est-ce que j'en étais parvenue à rêver d'un truc aussi affreux ? Le film et la série que nous avions regardés n'étaient pas violents pourtant... Je me souvenais avoir parlé de A Serbian Film, mais de là à faire un cauchemar pareil...
Mais tu sais pertinemment d'où cela provient, chuchota une petite voix dans mon inconscient.
Oui, je le savais.
Je m'assis et repliai mes jambes vers moi, en essayant de retrouver un rythme de respiration normale afin d'éviter la crise d'angoisse.
Léa posa une main sur mon épaule, et demanda doucement :
- Tu veux une cigarette ?
Léa, tu as décidément toujours le mot qu'il faut au moment où il faut. Une cigarette serait la bienvenue, dans mon état actuel, je pense que ça me calmera un peu.
J'acquiesçai d'un signe de tête et lui indiquait mon sac d'un geste. Elle revint quelques secondes plus tard avec mon paquet et mon briquet. Elle sortit une cigarette, me la tendit directement dans la bouche, et alluma l'embout de celle-ci. J'aspirai la première latte, puis l'attrapai entre mon index et mon majeur pour l'ôter de ma bouche et recracher la fumée. C'est là que je remarquai que je tremblais comme une feuille. Pourtant, j'avais très chaud. J'essayai de stopper ces spasmes tandis que Léa attrapa un vieux gobelet dont nous nous étions servies pour boire l'alcool, et me le tendis en guise de cendrier. Je le pris de ma main libre et mis ma cigarette au-dessus pour éviter que des cendres ne tombent sur les draps de Léa.
Elle se leva ensuite pour aller ouvrir la fenêtre, histoire d'aérer.
J'avais le droit de fumer dans sa chambre, sur son lit, car Léa avait eu l'habitude de côtoyer des fumeurs et de fumer elle-même dans cet appartement. C'était très contradictoire avec son côté tout bio et tout naturel, mais cela faisait déjà plusieurs mois qu'elle essayait d'arrêter. Elle qui avait eu l'habitude de fumer un paquet par semaine, elle n'en était plus désormais qu'à un seul paquet par mois, et encore.
Elle s'assit en face de moi, en tailleur, plongea ses grands yeux bruns dans les miens, et me demanda :
- Est-ce que tout va bien ?
- Je... J'ai fait un cauchemar. Désolé, je t'ai réveillée ?
Elle hocha négativement la tête.
- Je ne dormais pas, j'étais partie travailler dans le salon pour éviter de te déranger. Et puis, j'ai entendu des cris.
Elle marqua une pause avant de poursuivre :
- Ton cauchemar, c'était à propos de...
De Mathilde. Mais je ne pouvais pas lui dire, alors je mentis :
- De Daisy, oui.
Je tirai une autre latte. C'était presque pareil après tout. Même le mode opératoire était similaire.
- Comment tu fais ?, demandai-je alors à Léa en relevant la tête vers elle. Tu côtoies des cadavres tous les jours, et parfois tu dois les découper pour inspecter leurs... Leurs organes. Comment tu fais pour ne pas faire de cauchemars toutes les nuits ?
Elle sembla réfléchir un instant, passa la langue sur ses lèvres et me répondit :
- Je ne sais pas trop... Je crois que, à force, on s'habitue. J'en fais aussi parfois, tu sais, mais j'essaye de prendre beaucoup de recul par rapport à ça, de me dire qu'il s'agit de mon travail et que, aussi bizarre que cela puisse paraître, j'aime mon travail. Dans ta situation les circonstances sont différentes, non seulement tu connaissais la personne, mais en plus, l'accident à fait que... enfin, tu sais quoi.
- Oui, je vois. Que je l'ai tuée., dis-je d'une voix faible.
- C'était un accident.
C'est ça, un accident. Un malheureux accident. C'est ce que croyait Léa : dans sa vision des choses, je m'étais défendue, et dans la mienne, j'avais perdu mon sang froid. Mais cela restait tout de même un accident.
- Essaye de ne plus y penser., me dit Léa avec un doux sourire. Je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire, mais tu verras, les cauchemars finiront par cesser.
Je lui fis un léger sourire quelque peu biscornu en écrasant mon mégot de clope dans le cendrier de fortune.
- Il est quelle heure ?, demandai-je.
- Presque cinq heures. Tu arriveras à te rendormir tu crois ?
- Je n'en suis pas sûre... Tu es fatiguée ?
Elle secoua la tête de gauche à droite.
- Absolument pas, je ferais ma nuit plus tard s'il le faut. Je vais rester avec toi.
- Et ton boulot ?
- Ça peut attendre.
Elle m'adressa un autre sourire, il était si tendre que j'eus alors l'impression que toute ma peine et mon malheur s'envolaient d'un coup. Léa était une personne tellement rassurante et apaisante, rien que de l'avoir à mes côtés et la savoir dans ma vie me remplissait de joie. Elle était de ce genre de personnes qui peuvent absorber la douleur des autres juste en vous regardant ou en vous tenant la main, c'était un véritable don de la nature.
- T'as prévu de faire quoi aujourd'hui ?, enchaina-t-elle pour changer de sujet.
- Cinéma ce soir, avec William et ses potes.
- Non, dingue, William t'embarque dans une soirée avec ses potes ?
Elle semblait aussi surprise que moi - voire plus - que lorsque Will m'avait demandé si je voulais venir avec eux.
- Oui, je sais... On va voir un film d'horreur, apparemment. Ce n'est peut-être pas une bonne idée du coup.
Sa bouche se tordit dans une grimace de désapprobation.
- Effectivement... Et vous y allez avec qui ?
- Freddie, James et... Un autre mec, je crois.
Léa fronça les sourcils.
- C'est qui ça, James ?, demanda-t-elle, perplexe.
Je haussai les épaules.
- Pas la moindre idée. Une vieille connaissance de Will, apparemment... Je n'en avais jamais entendu parler jusqu'à il y a quelques jours.
- Tu crois qu'il est mignon ?, demanda Léa d'un air intéressé.
Je lui frappai la cuisse avec le revers de ma main.
- Non mais dis donc toi, tu ne perds pas le nord !, fis-je en rigolant.
- Quoi ? Je te rappelle que je suis célibataire moi, et j'ai envie de sexe en ce moment !
Je rigolai. Léa et sa façon de dire les choses... Au moins, c'était clair, net et précis.
- Appelle Stéphane., lui conseillai-je, bien que ce ne soit pas la recommandation la plus judicieuse du monde.
Elle fit une moue boudeuse.
- Mouais, je ne sais pas trop, je crois que c'est vraiment la fin entre lui et moi. Il commence à voir quelqu'un...
- Ah.
Je ne savais pas trop comment réagir. Malgré tout ce qu'elle pouvait dire ou laisser croire, je savais que Léa avait encore des sentiments très forts envers Stéphane, et j'imagine donc que le fait de savoir qu'il voyait quelqu'un d'autre et que leur histoire était sur le point de se terminer définitivement devait lui faire mal.
- Comment tu gères ?, demandai-je quand même, bien que je ne m'attendisse pas à ce qu'elle me fasse un grand sourire en me répondant que tout allait pour le mieux.
Au lieu de ça, elle haussa les épaules en soupirant.
- Je gère comme je peux. Ce n'est pas une mauvaise chose en soi, je pense qu'il y a un moment où on doit laisser les évènements se faire, alors s'il doit partir...
Je m'apprêtai à lui répondre, mais elle enchaina avec un petit sourire en coin et en se tortillant sur place :
- Du coup, ton James, s'il n'est pas trop à jeter... Quoique, c'est un pote de William alors...
- Alors quoi ?, fis-je en rigolant. Ils sont peut-être très différents l'un de l'autre.
- Oui, mais je n'ai pas trop envie de devoir fréquenter Will par son intermédiaire, vois-tu ?
Je souris en approuvant d'un signe de tête.
- Je te ferais un bilan ce soir de toute façon, ou même en direct si tu veux. Je t'enverrai des SMS.
- Envoie une photo, carrément !
C'était une excellente idée. Je souris en pensant à ce qu'allait être ma soirée. Je l'imaginais parfaite, magique, j'aurais voulu que Léa soit là pour compléter l'équation de mon bonheur, mais malheureusement, le courant entre elle et William ne passait définitivement pas. Peut-être qu'un jour, sait-on jamais...
Elle me proposa de remettre la série là où nous nous étions arrêtées.
- Même si t'as raté trois épisodes., précisa-t-elle.
- Quoi autant ?, m'exclamai-je étonnée.
- Oui !, rigola-t-elle. Tu t'es endormie comme une masse !
Décidément, cela m'arrivait régulièrement en ce moment.
J'allais me dire qu'il me faudrait des vacances avant de me rappeler qu'il me restait encore une bonne semaine de congés avant de reprendre le chemin du travail. L'idée me fit soupirer.
Léa alluma la télévision, remit la série à l'épisode où je m'étais endormie afin que je ne sois pas complètement déboussolée, et vint s'asseoir à côté de moi. J'en profitai pour caler ma tête contre son épaule.
Dix minutes plus tard, mes yeux se fermèrent malgré moi, et je m'endormis à nouveau.

Je fus réveillée par le soleil et l'odeur de café, cette fois. Pas de cauchemar notable, ni même de rêve. En tout cas, je ne me souvenais pas d'avoir rêvé. Je m'étirai doucement et m'apprêtai à me lever pour rejoindre Léa dans la cuisine ou dans le salon, quand celle-ci arriva dans la chambre avec deux tasses fumantes à la main.
- Tiens, ça tombe bien !, claironna-t-elle. J'ai ton café à la noisette.
- Léa, tu es parfaite.
Elle me tendit la tasse. Je l'attrapai d'une main et me frottai les yeux avec l'autre. Non seulement ma meilleure amie arrivait à être synchronisée avec mon réveil et à m'apporter mon café pile au moment où j'en avais le plus besoin, et en plus, elle réservait exprès un paquet de mon café préféré pour les matins et les nuits que je passais chez elle.
Je m'assis en tailleur, soufflai sur ma tasse pour refroidir le café brûlant, et Léa s'installa à côté de moi, son mug dans la main, se cala le dos contre le mur et replia ses jambes vers elle.
Elle alluma la télé par réflexe afin de mettre un fond sonore comme elle le faisait souvent les matins.
- Fais attention, c'est très chaud., précisa-t-elle.
- Oui maman., me moquai-je.
Je ne pouvais pas la voir, mais je savais qu'elle m'avait fait son regard qui voulait dire « t'es sérieuse là ? »
- Tu es levée depuis longtemps ?, demandai-je après avoir soufflé une nouvelle fois sur ma tasse.
- Environ une heure. Après que tu te sois rendormie devant la série - une fois de plus - je t'ai bordée et je suis restée éveillée un moment. C'est incroyable, tu dors comme une masse Cassidy, je ne m'y habituerais jamais. On pourrait déclencher une guerre nucléaire, ça ne te réveillerait pas !
Je souris en pensant à l'idée avant d'ajouter, perplexe :
- T'es restée éveillée ?
- Oui, environ dix minutes un quart d'heure. Je voulais vérifier que tu ne faisais pas un nouveau cauchemar. Après je me suis allongée et je me suis aussi endormie comme une masse.
Elle rigola, je souris à nouveau.
- Dis-moi Léa... T'es ma meilleure amie ou t'es ma mère de substitution ?
- Un peu des deux, je crois.
Elle n'avait pas tort. Depuis mon enfance, j'avais passé plus de temps avec elle qu'avec ma propre famille, je crois bien. Il faut dire que mes parents n'étaient pas trop présents : à cause de leur travail, ils voyageaient beaucoup, et je ne les voyais presque jamais. Quant à Malorie, on s'entendait bien, mais ça s'arrêtait là. Nos relations s'étaient évidemment améliorées à l'âge adulte et après la mort de nos parents, mais d'une certaine manière, les personnes dont j'étais le plus proche se résumaient à Léa, Maël, et William.
J'avalai une gorgée de mon café. Il était pile à la bonne température : très chaud, mais pas brûlant. Je détestais quand le café devenait tiède à force d'avoir attendu trop longtemps pour le boire.
- Au fait, je crois avoir entendu ton téléphone vibrer tout à l'heure., remarqua Léa. Je vais te le chercher ?
- Oui si ça ne te dérange pas. En fait, apporte-moi mon sac, ça sera plus simple.
- C'est ce que je comptais faire, Madame !
Elle se releva, posa sa tasse sur la table de chevet, descendit du lit et sortit de la chambre pour y revenir trente secondes plus tard avec mon sac à la main. Elle le déposa sur mes genoux, et je fouillai dedans avec ma main libre pour trouver mon téléphone. Je le déverrouillai : il affichait un nouveau message texte. Sûrement William.
J'ouvris l'application SMS et le lus :
« Bonjour mon amour, j'espère que ta soirée s'est bien passée. Tu peux me dire quand tu rentres pour savoir si je dois t'attendre pour manger à midi ou si tu reviens seulement ce soir ? Je commanderais chinois d'ailleurs, ça te va ? Passe le bonjour à Léa... Bisous partout, je t'attends, tu me manques. »
Je souris comme une niaise au fur et à mesure que je lisais le message.
- Ah, c'est William..., constata Léa d'une voix blasée.
- Oui., répondis-je avec un grand sourire. Il te passe le bonjour.
- Je m'en fous., répondit-elle en éclatant d'un rire franc, ce qui me fit rire aussi.
Je posai mon téléphone sur le côté et terminai mon café avant de répondre :
« Bonjour amour. On a passé une super soirée, je me suis endormie devant Once Upon a Time mais pas grave, je rattraperai les épisodes plus tard. Je pense manger avec Léa ce midi, je profite encore d'elle et de son hospitalité, mais tu me manques aussi. Eh oui, chinois ça me va très bien. Je serais là pour dix-huit heures je pense. Bisous, je t'aime. »
J'appuyai sur le bouton « envoyer » et posai à nouveau mon téléphone dans un coin. À côté de moi, Léa s'étira et se leva.
- Je vais faire la vaisselle., annonça-t-elle en attrapant ma tasse au passage. Tu veux aller prendre ta douche ?
J'acquiesçai. Elle sortit de la chambre et je fouillai dans mon sac afin d'en sortir ma tenue de rechange. J'avais fait dans le classique : un jean noir et un t-shirt blanc. Je me changerai pour aller au cinéma ce soir.

Après avoir pris ma douche et m'être changée, je m'étais posée devant la télé pendant que Léa avait pris la sienne.
Ensuite, elle nous avait confectionné un délicieux petit plat à base de riz et de légumes, et nous avions mangé devant un film, encore, tout en nous racontant nos vies et en commentant le jeu et le physique des acteurs. Léa craquait sur Jude Law, j'étais plutôt d'accord avec elle, même si j'avais davantage un petit faible pour Johnny Depp.
Aux alentours de dix-sept heures, j'avais décidé de partir, un peu avec regret, mais j'étais également pressée de retrouver William, et je voulais avoir le temps de me préparer avant d'aller au cinéma. Léa m'avait raccompagnée à ma voiture, m'avait enlacée pour me dire au revoir, et m'avait dit qu'on pouvait se revoir dès que je le voulais, ou dès que j'en aurais marre de William, si toute fois cela arrivait un jour.
Elle n'avait pas manqué de m'adresser un clin d'œil en me disant de me souvenir de me renseigner sur James, et j'étais partie.
J'avais été très heureuse de retrouver William, et il me semble bien que lui aussi. On s'était raconté nos soirées respectives - lui avait appelé sa mère et passé le reste du temps à regarder la télé ou à jouer aux jeux vidéos - et il avait déjà été l'heure de manger.
J'avais commandé des nouilles sautées au poulet, et William des nems de légumes et de porc. Je n'avais pas mangé chinois depuis tellement longtemps que j'avais oublié à quel point c'était délicieux.
Après le repas, l'avantage, c'est qu'il n'y avait pas de vaisselle à faire. Nous avions jeté les emballages et les baguettes directement à la poubelle et j'étais partie me préparer.
- Tu es prête ?, me demanda William à travers la porte de la salle de bain.
- Oui, entre si tu veux.
J'étais en train d'appliquer mon mascara.
J'avais revêtu une robe noire, près du corps, qui m'arrivait aux genoux et dont les manches étaient trois quarts. Une grosse fermeture dorée recouvrait l'intégralité du dos et pouvait s'ajuster pour se fermer complètement ou pour faire un décolleté plongeant. Je l'avais ouverte jusqu'à la moitié de mon dos : simple et efficace.
William entra dans la salle de bain.
- Très sexy !, lança-t-il d'une voix suave.
- Je sais., répondis-je en fermant mon tube de mascara.
Il se plaça derrière moi et enroula ses bras autour de ma taille.
- On y va ?, demandai-je.
Il me retourna, m'embrassa, et dit :
- Allons-y.
Je pris une veste au cas où il ferait froid - autant dans la salle de cinéma qu'à l'extérieur - et attrapai la pochette nude et dorée que j'assortissais toujours avec ce genre de tenue.
Nous sortîmes ensuite de l'appartement et rejoignîmes ma voiture.

Le complexe cinématographique était situé à vingt minutes de route de chez William. Il était dix-neuf heures quarante quand je garai ma Citroën juste devant l'entrée. J'étais tellement pressée de revoir Freddie et de découvrir James et l'autre inconnu que j'en oubliai presque ma pochette dans la voiture. Je repartis la chercher avant de verrouiller les portes et d'entrer dans le grand bâtiment, suivie de près par William.
Il consulta son téléphone et me dit :
- Ils vont arriver dans une minute. On va réserver les places en attendant. Fred m'a dit pas trop près de l'écran, mais pas trop loin non plus, et au milieu si possible. Il est marrant lui.
Il rangea son téléphone dans la poche arrière de son jean. Nous nous approchâmes des bornes de retrait des tickets afin d'acheter nos places.
- Là c'est bien non ?, demanda William en me montrant les sièges qui avaient été sélectionnés sur le schéma de la salle de projection.
Je touchai l'écran tactile pour modifier la rangée de deux crans.
- Un peu plus bas, c'est mieux.
- Adjugé.
Il valida notre emplacement et enclencha le processus de payement. C'est alors que j'entendis une voix derrière moi.
- Cassidy Darsen, vous ici, incroyable !
Je reconnus immédiatement la voix de Freddie. Je me retournai, le sourire aux lèvres.
J'avais presque oublié à quel point il était immense, surtout par rapport à ma taille, et j'avais aussi oublié la définition des boucles de ses cheveux blonds et ses grands yeux bleus qui pétillaient de joie et de surprise. Il m'ouvrit les bras, et mon sourire s'élargit.
- Freddie, ça fait tellement longtemps !, dis-je en l'étreignant et en lui faisant la bise.
- Je suis content de te voir aussi, Cassidy chérie.
Cassidy chérie, c'est le petit surnom mignon et amical que m'avait donné Fred, simplement parce qu'il aimait la rime. Parfois, il variait avec Cassidy jolie, c'était selon son humeur. William ne l'avait pas vu d'un très bon œil au début, mais il savait qu'il pouvait avoir confiance en son meilleur ami et que, de plus, je n'étais pas du tout son type de femme. Fred préférait les grandes brunes avec une longue chevelure et des rondeurs généreuses, mon contraire en quelques sortes.
Je souris encore plus en entendant ce surnom que lui seul me donnait, et m'apprêtai à lui demander comment il allait quand je la vis arriver, juste derrière lui.
Mon sourire s'effaça d'un coup, laissant place à l'effroi et à l'étonnement.
Elle avait quelque peu changé, mais je reconnus immédiatement son visage et ses magnifiques cheveux dorés. Je ne pouvais pas me tromper : c'était elle. La fille des photos. La fameuse « J. ». Et elle s'avançait vers nous...

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