19 | Ange et démon
« - J'imagine que tu as fini par bloquer mon numéro... Impossible de te joindre.
- Si t'avais arrêté de me harceler je n'en serais pas arrivé là.
- Oh ! Tout de suite les grands mots ! Mais j'essayais simplement de te faire ouvrir les yeux.
- Sur quoi ? »
Elle s'approche de moi et enroule ses bras autour de mon cou. Je la repousse, dégoûté par son comportement.
« - Je suis la soumise parfaite pour toi... Au fond tu le sais.
- C'est ce que je croyais, au début, je pensais sincèrement vouloir m'engager dans une relation BDSM à long terme avec toi. Mais ton manque d'ouverture d'esprit m'a vite fait déchanter. Tu n'es pas une bonne personne, tu ne sais que critiquer puis manipuler pour avoir ce que tu veux. Mais je ne suis pas ton jouet Cassandra, si tu cherches un larbin naïf, prêt à tout pour combler tes moindres désirs malgré tes propos cinglants, je ne suis pas la bonne personne. Maintenant laisse-moi tranquille.
- Wow... Je ne te pensais pas si méchant. C'est vraiment blessant. Mais je suis prête à te pardonner si tu voulais bien... »
Elle pose sa main sur mon torse et je commence à perdre patience.
« - Ne me touche pas ! Ça fait longtemps que tu as perdu ce droit.
- Mais tu ne comprends pas, tu... C'était tellement bien avec toi... Et puis on formait un si bon duo, tu ne peux le nier, alors arrête de te mentir à toi-même.
- La seule personne qui n'arrive pas à voir la réalité en face c'est toi ! Alors cesse de répéter les mêmes idioties et va-t-en, MAINTENANT ! »
Rare sont les fois où je me mets autant en colère mais cette femme a vraiment un problème psychologique et me bouffe toute mon énergie.
Comment ai-je fait pour ne pas voir son côté vipère derrière cette tête d'ange ? Faut qu'elle se fasse soigner... Une personne avec un tempérament pareil, aussi manipulatrice, ça ne me semble pas normal, c'est même dangereux. Qui sait ce qu'elle serait capable de faire encore pour me récupérer ?
~
J'ai décidé de mettre une nouvelle robe, noire avec un décolleté dans le dos laissant entrevoir pas mal de peau et mes grains de beauté que j'aime tant. C'est assez sexy, je suis presque intimidée d'y aller habillée ainsi, mais je me sens si belle dedans !
Je me gare devant sa maison et remarque qu'une autre voiture est présente, juste à côté de celle de Monsieur.
Je serre alors mon manteau contre moi, sentant mon cœur battre à vive allure. Qui d'autre a-t-il bien pu inviter ? Ne vais-je pas être ridicule dans cette tenue ?
Je m'avance jusqu'à l'entrée, respirant un bon coup. N'ayant enfilé ni pantalon ni collant, le vent frais qui souffle me donne la chair de poule au niveau de ma jambe.
J'arrange à nouveau ma robe et finis par toquer, toujours aussi stressée de découvrir qui d'autre dînera avec nous.
J'aurais cependant aimé qu'il me tienne au courant qu'on ne serait pas seuls.
J'entends des sons provenant de l'intérieur de la maison, une discussion. Mais le ton a l'air de monter... Serait-ce finalement une dispute ?
Lorsque Monsieur ouvre enfin la porte, je ne peux m'empêcher de sourire comme à chaque fois que je le vois. Mais ce sourire s'efface très vite lorsqu'une femme apparaît dans mon champ de vision. Grande, un peu plus âgée, mais tellement belle ! Elle a même un côté assez intimidant... Serait-ce une amie dominante ?
Elle me scrute, me dévisage avant de descendre son regard sur tout le reste de mon corps.
« - Alors c'est pour cette femme a une patte que tu m'as quitté ? T'es tombé bien bas mon pauvre. »
Et ce fut comme si mon cœur s'était arrêté.
Elle passe ensuite près de moi pour partir, sans un regard, sans une once de culpabilité. Pas de sourire non plus, comme si c'était une simple remarque franche sans moquerie. La simple réalité...
Je suis alors comme pétrifiée, je n'arrive pas à bouger ni parler. Le regard dans le vide mes larmes coulent le long de mes joues tandis que Monsieur me prend rapidement dans ses bras et me fait entrer dans la maison.
Muets, seuls mes sanglots brisent ce silence pesant. Il me caresse la tête et me serre davantage contre lui. Je peux sentir toute sa colère et sa peine mais il n'a rien dit. Il ne m'a pas défendu, et ça me brise encore plus.
Je me sors de son étreinte et regarde encore une fois ma jambe, toujours autant remplie de cicatrices. Je me sens alors si laide, tellement laide ! Au fond elle a raison... Pourquoi est-il avec moi alors qu'elle est cent fois plus belle, plus sûre d'elle, plus... Entière ?
« - Ophélie ? »
Je ne le mérite pas.
« - Ophélie regarde-moi. »
Ma mère avait raison, laisser mes "jambes" à l'air libre n'est qu'une idée débile.
« - Ophélie ! »
Je lève les yeux vers mon maître, peut-être pour la dernière fois.
« - Je suis sincèrement désolé pour ce qu'elle a dit, mais tu ne dois pas l'écouter, elle essaie de te briser par jalousie c'est tout.
- Trop tard... »
Mes larmes reprennent de plus belle et il me reprend dans ses bras.
« - Faut que je parte.
- Ophélie s'il te plaît...
- Elle a raison, vous ne devriez pas rester avec moi, vous méritez une vraie femme, entière et...
- Oh pitié Ophélie ! Ne dis pas ça ! Tu es la femme la plus entière que je connaisse. Tu es sensible, drôle, incroyablement belle et à chaque fois que je te vois nue j'ai envie de te croquer. »
Je ne peux alors m'empêcher de sourire.
« - Tu as une personnalité incroyable et que j'admire. Car non je ne fais pas qu'admirer ton corps, pourtant magnifique je te l'assure. J'admire ta force et ta fragilité, ta sensibilité et ton empathie, ta persévérance et ton sens de l'amitié, ta curiosité et ta générosité. Je ne peux rêver mieux comme partenaire, vraiment. C'est pas une hyène qui va me dicter qui je dois dominer, si ? »
Je ris, vraiment, et secoue la tête de droite à gauche.
« - Non c'est sûr, vous avez raison.
- Évidemment que j'ai raison ! La dernière personne à écouter sur cette Terre c'est cette peste, d'accord ?
- Oui.
- Oui qui ?
- Oui Monsieur. »
Il dépose un baiser sur mon front mais une question me trotte quand-même dans la tête.
« - À quoi tu penses ? »
Mais comment fait-il pour deviner quand quelque chose me tracasse ? Je dois sûrement être trop prévisible...
« - Elle a dit que vous l'aviez quittée pour moi... C'est vrai ? Je veux dire, vous étiez en couple avant de me rencontrer ?
- Ophélie... Quand je dis qu'il ne faut pas croire un seul de ses mots, c'est qu'il ne faut vraiment pas croire un seul de ses mots. Elle ne sait que manipuler et cracher sur tout le monde.
- Alors c'était un mensonge ? Mais... Pourquoi... Pourquoi inventer un truc pareil ? Je ne comprends pas.
- Pour elle ce n'est pas un mensonge. Disons qu'elle est convaincue que j'étais amoureux d'elle et qu'on formait un couple en plus de notre relation BDSM. Mais ça n'a jamais été le cas et je n'ai jamais montré le moindre signe qui pourrait laisser croire ça. Comme elle souhaitait que ce soit le cas, elle l'a imaginé et s'est persuadée que c'était vrai. Quand je l'ai compris j'ai souhaité mettre fin à la relation mais elle m'a persuadée de ne pas le faire.
- En vous manipulant... C'est ça ?
- Exactement... Et puis elle m'a convaincu aussi de faire l'amour avec elle, elle n'avait encore jamais vu mon sexe. Et c'est là que j'ai enfin compris à quel point je m'étais trompé sur elle.
- Que s'est-il passé ? »
Il marque une pause comme s'il hésitait à me le dire.
« - Elle s'est moquée de moi, n'arrêtant pas de dire qu'un dominant avec un sexe pas assez "convenable" c'était du jamais vu pour elle, qu'elle se demandait pourquoi je ne me soumettais pas à la place. Bref, pour elle, un "vrai" dominant doit forcément avoir un sexe assez gros pour pouvoir embrocher sa partenaire au point de lui faire mal.
- C'est tellement idiot...
- Oui mais le problème c'est qu'elle y croit, tout comme elle est persuadée qu'on a été un jour en couple. Et maintenant qu'elle ne trouve aucun dominant qui arrive à lui procurer du plaisir - car elle est vraiment difficile à combler crois-moi, mais je voyais ça comme un challenge et j'aimais bien - elle tente donc de me récupérer.
- Quelle horreur ! Personne ne lui a dit d'aller voir un psy ?
- Je n'en sais rien, mais comme ce qu'elle pense est pour elle la réalité, difficile de lui faire comprendre le contraire. Et puis ce serait une perte de temps, j'ai consacré bien assez d'énergie inutilement avec elle. »
Je n'ose même pas imaginer tout ce qu'il a pu endurer avec cette femme, ses mensonges et ses manipulations sont si impressionnantes et terrifiantes.
Nous restons encore un moment dans les bras de l'autre avant qu'il ne prenne mon visage entre ses mains, n'ayant d'autre choix que de se regarder l'un l'autre dans les yeux.
« - Ophélie, je ne veux pas que tu te dénigres à cause d'elle, elle n'en vaut pas la peine. Même si c'est plus facile à dire qu'à faire, je le sais plus que bien. Mais crois-moi quand je te dis que tu es belle et désirable telle que tu es, peu importe les cicatrices, peu importe la prothèse, tu es belle point. Peut-être tu t'es dis qu'elle a raison car elle a quelque chose que tu n'as pas, mais l'inverse est vrai aussi : elle n'a pas de cœur, toi t'en as un, un vrai, et c'est la plus belle chose qu'une personne peut posséder. Ça te rend cent fois plus irrésistible et intéressante que ce démon, cette poufiasse. »
Cette fois-ci je me mets à rire à travers mes larmes, si fort que je m'en étonne moi-même ! "Poufiasse"... La dernière fois que j'ai entendu ce mot j'étais au collège ! Et c'était surtout les filles qui l'utilisaient entre elles...
Et puis ses paroles me touchent tellement... C'est tout ce dont j'avais besoin, même plus encore, pour reprendre de la confiance et de l'estime envers moi-même. Je crois que je ne pourrai jamais le remercier assez pour tout ce qu'il a fait pour moi depuis le début. C'est un ange, mon ange.
J'espère néanmoins qu'un jour il trouvera le courage de me montrer son corps comme j'ai eu le courage de lui montrer le miens.
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