EPILOGUE - BEFORE YOU EMBARK ON A JOURNEY OF REVENGE, DIG TWO GRAVES

Contre le véritable mal, on ne trouve réparation que de deux manières : le pardon absolu ou la vengeance mortelle.

Ceci n'est pas une histoire sur le pardon.

Il y a des jours comme ça, où rire est difficile, où parler demande un effort surhumain, où même respirer devient trop douloureux. C'est les jours sans, comme on dit. Des jours qui peuvent arriver à n'importe qui. De temps en temps, une fois par hasard. Mais moi, ces jours constituent mon quotidien. Pourquoi ? Car il n'y a pas de présent ou de futur, juste le passé qui revient encore et encore.

Après avoir vécu toute ma vie dans les mensonges, la peur, la trahison, la tristesse... Je ne peux voir le monde autrement : noir et sans avenir.

Vous savez, le mensonge est tout un art. Il y a des experts à ce jeu, et d'autres moins bons. Mais cet art, ce jeu, il est à la portée de tout le monde. Personne au monde ne peut se vanter de n'avoir jamais menti de sa vie. Nous avons tous eu recours au mensonge pour une raison ou pour une autre. Parfois, nous jugeons meilleur de mentir pour ne pas blesser quelqu'un, par exemple. Mais est-ce vraiment rendre service ? Ne vaudrait-il mieux pas éviter de mentir dès le début ?

Les secrets, petits ou grands, nous empoisonnent la vie. On se sent capable de les garder, puis une certaine culpabilité nous rattrape. C'est ainsi que nous perdons le contrôle de nos vies : on se retrouve sous l'emprise de nos mensonges, on ne vit plus que pour ça. Garder ce secret, garder ce secret, garder ce secret... Nos cerveaux refusent de s'exécuter pour autre chose que se tuer eux-mêmes à coup de pensées empoisonnées.

Avec les mensonges et les secrets, vient en général la trahison. Quand quelqu'un vous trahit, hélas, ce n'est jamais un ennemi. C'est le plus triste. Un ami vous tourne le dos, quelqu'un en qui vous avez confiance n'hésite pas à en abuser, une personne sur qui vous comptez mais qui brise ses promesses avant même de les avoir prononcées... Quelle réaction avez-vous ? Douleur. Dégoût. Colère. Evidemment, vous êtes en colère contre la personne en question, mais vous êtes tout aussi en colère contre vous-même. « Comment ai-je pu être assez stupide pour lui accorder ma confiance ? ». Une phrase qui revient souvent. Savoir à qui la confier en toute sécurité n'est jamais sans danger. À la fin, la seule personne en qui on peut avoir confiance, c'est soi-même. En fait, la confiance est un combat de chaque instant. Car même en ce cas, entre sentiment et raison, faire confiance à son cœur est la chose la plus risquée.

La trahison entraîne ensuite la vengeance. C'est vrai, quand la colère atteint son plus haut point, on a plus qu'une envie : se venger. Certains disent que c'est mal. D'autres que c'est satisfaisant. Tout ce que je peux dire, c'est que cela peut être dangereux. Si vous choisissez de vous venger, faites attention à ne pas vous jeter vous-même dans la tombe que vous aurez creusé pour votre ennemi... Car en vous vengeant, vous perdez beaucoup de choses. Des choses parfois fondamentales. Comme votre humanité. Une fois que vous avez commencé votre dévastation, vous ne pouvez plus vous arrêter car cela peut s'avérer être jouissif. Cela peut mener à une vengeance victorieuse. Ou à une autodestruction sans nom. Mais quoiqu'il en soit, laissez-moi vous dire mes amis, que la vengeance est exquise.

Et c'est ainsi que reviennent à nouveau les mensonges. Voyez ce magnifique cercle vicieux... Personne ne peut en échapper une fois dedans. Parfois, on a l'illusion qu'on est tirés d'affaire, mais il y a toujours une menace. Le diable est dans les détails.

J'ai goûté à tout ça. Je connais parfaitement tous les recoins les plus sombres de l'enfer sur terre. Toutes les émotions les plus horribles et insupportables, je les ai ressenties. J'aurais pu en mourir. J'ai voulu, tenté d'en mourir. Pourtant, me voilà toujours en vie. Et je ne sais pas si je dois m'en réjouir.

Je voulais que ma sœur connaisse un destin tragique. Un destin que moi j'aurais provoqué. Elle ne méritait pas de vivre alors que moi je ressentais la douleur de toute une vie. Vous vous souvenez de mon petit discours sur l'amour ? L'amour d'un ami, d'une famille. En voilà les conséquences : un cœur brisé pour toujours. Mon cœur. Nolan a su recoller assez de morceaux pour me procurer une sensation de bonheur. Mais... Est-ce réel ? Mon cœur est-il vraiment capable d'être réparé ?

Les gens arrivent dans nos vies pour une raison, disait mon père dans ses moments de lucidité. Lui, ma mère, Finn, Aylin, Dylan, Iris, Nolan. Ils font tous - ou ont fait pour la plupart - partie de ma vie. Qu'ils aient été là depuis le début dans mon entourage ou qu'ils l'aient rejoint à un moment donné. Quel a été l'impact de chacune de ces présences dans ma vie ? Si je n'avais pas connu Finn, si Aylin n'était pas ma sœur, si mes parents avaient été d'autres personnes. Qu'en serait-il de ma vie à ce jour ?

Je parle surtout de ma famille car toutes les choses vraiment atroces naissent dans l'innocence. Les enfants peuvent, hélas, vivre des choses beaucoup trop dures et beaucoup trop lourdes à porter pour leurs frêles épaules.

Quand j'étais encore très jeune, on tenait ma gentillesse pour faiblesse, on tenait mon silence pour lâcheté. Mais la gentillesse n'est pas faiblesse, elle n'est que don ; et le silence n'est nul lâcheté, il n'est que force teintée.

Ils ont détruit la douce et innocente Alyssa ; en conséquence, ils ont dû ramper devant sa totale insanité.

Le pardon était-il possible ?

Nous sommes chacun notre propre démon et nous faisons de ce monde notre enfer. Est-ce, après tout, réellement ma faute ? Et si j'étais allée trop loin ? Et si j'avais décidé de pardonner, d'oublier ; ma vie serait-elle plus valeureuse à l'heure qu'il est ?

Pardonner et oublier... Non. Plus j'y pense, et plus j'ai la certitude que j'ai fait les bons choix. Je ne pouvais pas laisser passer ça. Je n'ai aucun regret.

Aucun.

Vous avez sans doute remarqué que dans toutes les histoires que nous connaissons, les héros gagnent toujours. Tenez pour exemple ces bons vieux contes de fées qu'on nous a racontés quand nous étions tout petits. Les gentils triomphent et vivent heureux jusqu'à la fin des temps, tandis que les méchants sont emprisonnés ou laissés quelque part à mourir. Peu importe, du moment qu'ils ne nuisent plus au bonheur des gentils.

Les méchants ne connaissent jamais de fin heureuse.

Dans cette histoire, personne ne gagne réellement. Les méchants sont perçus comme gentils, les gentils deviennent méchants. Les gentils comme les méchants connaissent une fin tragique. Aucun des deux ne gagne. Personne n'est vainqueur, seulement vaincu. D'une manière ou d'une autre.

Iris, cette gentille, malheureuse fille... Qu'est-il advenu d'elle ? Elle doit être une jolie jeune femme maintenant. A-t-elle renoué avec sa mère, ou leurs différends étaient trop grands, tout comme les miens avec ma famille ? Je lui souhaite de tout cœur d'être heureuse.

Dylan, cet ami que j'aurais voulu connaître plus longtemps. Je ne sais pas s'il a fini de purger sa peine en tant que délinquant à tendances pyromanes. Pensionnat, asile, prison... Où qu'il soit, j'espère qu'il va bien. J'espère qu'il est resté le même, doux et gentil, et qu'il va bien.

Nelly, tante que je n'ai quasiment, non, jamais connue. Elle est si bienveillante, si avenante. J'aurais aimé passer mes journées avec elle, jouer et bavarder avec elle, être avec elle. J'aurais été si proche d'elle, bien plus qu'Aylin ne l'a été. Si seulement nos chemins s'étaient croisés plus tôt... Peut-être que j'aurais été celle à partager sa maisonnette avec elle. Parce qu'en ce moment, c'est sa sœur qui squatte tandis qu'elle tente de retourner à une vie normale.

Amelia, ma très chère maman. Mon père avait raison sur une chose au sujet de ma mère : elle était une petite créature fragile qu'il fallait protéger contre tout. Un souffle de vent l'aurait emportée en poussière. Qu'en serait-il d'une grande tempête ? La réponse, je l'ai : ma mère ne survivrait jamais. C'est pour cela que nos retrouvailles l'ont marquée à vie : elle en est sortie avec de grosses séquelles psychologiques susceptibles de s'aggraver. Il parait qu'elle suit une thérapie régulière.

John, mon précieux papa. Oh, mon papa... On dirait que nous sommes tous deux les victimes dans cette histoire, n'est-ce pas ? Tu n'aurais jamais dû partir. Si tu avais été là pour moi, si tu n'étais pas injustement mort... Rien de tout cela ne serait arrivé. Nous aurions conquis le monde à deux. Je t'aime, papa. C'est aussi pour toi que j'ai fait tout ça.

Nolan, source de joie inattendue. Je n'aurais pas réussi sans lui. Je n'aurais pas tenu sans lui. Il a su me faire sentir bien quand je n'avais aucune raison de sourire. Il m'a soutenue. J'aurais voulu l'avoir à jamais auprès de moi, mais il a malheureusement dû s'ajouter à la longue liste des choses que j'ai perdues. J'espère qu'il ne souffre pas trop, là-bas en prison... Il me manque. Terriblement.

Finn, le garçon au gros cœur. Mon ami perdu. J'aurais voulu assister à beaucoup de choses dans sa vie. Le soutenir, être à ses côtés. Mais la séparation a engendré l'oubli et mon souvenir n'est resté que ça... Un souvenir. La remise des diplômes a eu lieu. Finn fait des études à présent. Il prend son envol en tant qu'adulte. Malgré tout, je lui souhaite une belle vie, même si je n'en fais pas partie.

Et Aylin... Ha ! Je ne sais pas où son âme est coincée en ce moment, mais ce qui me dérange le plus à l'heure actuelle c'est de me dire qu'un jour ou l'autre je devrai la croiser une nouvelle fois au carrefour de l'enfer. Parce que, soyons honnêtes, tout comme elle j'ai mon ticket pour l'enfer depuis longtemps. Un Pass VIP, même. On va bien s'amuser, elle et moi. Ca va être mortel.

Ainsi, nous sommes tous vaincus, chacun à notre manière. Nous nous sommes brûlés les ailes. Allant du roi au pion, nous sommes tous tombés progressivement. Dans la vie, contrairement aux échecs, la partie continue après échec et mat. Certes. Mais le plateau se retrouve couvert de pièces rampantes, continuant à vivre mais jamais comme avant. Et n'oublions pas les pièces manquantes, celles qui n'auront pas survécu pour voir l'après échec et mat.

Mais vous savez quoi ? Mourir, vivre, survivre. Tout ceci est vain. Car je sais une chose.

Les fins heureuses n'existent pas.

Chacun d'entre nous n'obtient que les conséquences de ses actes. Chacun paie le prix de ce qu'il a accomplit. Chacun se voit attribuer la fin qu'il mérite. Peu importe s'il est considéré comme gentil ou méchant - de toute manière, cette notion est aussi inexistante que ces stupides fins heureuses. Personne n'a entièrement en lui le noir ou le blanc, seul le gris est la vraie nuance qui définit une âme. Il y a bien celles qui ont tendance à pencher un peu plus vers un côté de la balance, mais jamais totalement. Alors cette histoire de méchants et de gentils est tout-à-fait irrecevable. Qu'une âme ait une nuance de gris plus foncée ou plus claire ne prédit pas le fait qu'elle obtienne une fin merveilleuse ou une fin désastreuse. La vie, comme toute épreuve, réserve des embûches et des obstacles à ceux qui la parcourent. C'est selon les agissements et les ruses dont l'un ou l'autre décide d'abuser pour les éviter qui trace le chemin vers la destinée, la fin qui lui est réservée.

Seulement, il arrive des fois que l'injustice s'en mêle.

Elle intervient et, sur un coup de tête, intercepte la fin d'une personne et l'échange avec celle d'une autre qui a tous les coups a eu un parcours n'y amenant point. Car l'injustice règne carrément sur notre monde, vous ne trouvez pas ? Mais comme dans le cas que nous traitons là, l'injustice peut avoir lieu que de façon momentanée. Rappelez-vous que la vérité finit toujours par éclater, écartant au passage les méfaits de l'injustice. Ce qui est fort malheureux, c'est qu'il advient des... dommages collatéraux.

Ce qui nous ramène à cette histoire. Mon histoire.

Parlons en termes de théorie. Aylin était la méchante, moi la gentille. Conformément à la théorie des fins heureuses, j'aurais dû vivre une existence paisible tandis qu'Aylin aurait payé tous les jours pour ses péchés. Mais l'exact opposé est survenu. Elle était perçue comme la gentille, moi comme la méchante. Un coup de la vie, de malchance ou d'injustice, je me suis retrouvée à payer pour les erreurs commises par Aylin. Elle coulait des jours tranquilles, tandis que je vivais misérablement une lente descente aux enfers. Pour ses actes. Ses fautes. N'est-ce pas là une tragédie ? Et pendant que la réelle méchante de l'histoire était perçue comme la victime, la gentille en moi s'est peu à peu transformée non pas en méchante, mais en maléfique. Je me tenais en parfait équilibre sur la balance, et soudain je me retrouvai penchée aux abords d'un abysse sans fin, peuplé d'une noirceur dense, à l'opposé de la lumière blanche qui jaillissait de l'autre. Le côté obscur.

L'injustice occasionnée par les mensonges, la trahison, et l'aveuglement m'a frappée de plein fouet.

Et voyez où j'en suis maintenant.

Non seulement j'ai payé pour les erreurs d'Aylin par le passé, mais je suis à présent condamnée à payer pour les miennes. Par sa faute.

Tout ceci est de sa faute.

Mais ce n'est pas le plus triste.

Le plus malheureux dans cette histoire est que je suis exactement comme elle. J'abhorrais la personne d'Aylin, j'étais au plus haut point dégoûtée par ma sœur, de ses choix discutables, de ses actes effroyables. Et je suis devenue un monstre avide de sang et de chaos. Je pensais être prisonnière de la sombre vie qu'est la mienne, de l'inévitable destin. Mais je ne suis prisonnière que de mon esprit. Mon esprit souffrant, troublé, dérangé, où règne le besoin de faire du mal et où ses méandres sombres s'étendent à l'infini. Comme elle. Comme ma sœur.

Il est temps de vous dire au revoir, les enfants. J'espère que vous retiendrez la leçon. Sinon un certain « Doll Face » pourrait venir vous hanter... Qui sait ? Mais ça ne sera pas moi.

Vous ne m'oubliez pas, hein ?

Guérir de mes blessures et offrir à mon âme la délivrance prendra le temps qu'il faudra. Peut-être quelques années, peut-être une éternité.

Ou seulement deux battements de cœur.

Un, deux...

FIN.

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