Chapitre 46 : Ryan

Chapitre 46 : Ryan

Je suis surpris que mon oncle ait été aussi compréhensible. Dès les premiers jours, je ne me sentais pas à ma place à l'université. Et la présence de Nina n'a rien arrangé. Il y a quelques jours, j'ai insisté pour quitter l'université et mon oncle a accepté.

— Fais comme tu le sens, fiston. On a qu'une vie, fais ce qui te semble le plus juste et ne regrette rien, m'a-t-il dit un jour.

Aujourd'hui, c'est ma dernière journée à l'université. Ça me fait bizarre, en vérité. Après près d'un mois et demi, mon chemin va se tracer ailleurs. Je vais retourner dans ma ville natale et faire le point sur ce que je vais faire. Je pense faire une pause et retenter ma chance dans d'autres filières l'année prochaine. J'ai besoin de faire un véritable break.

Alerte rouge, alerte rouge, un astéroïde nommé Nina a percuté le cerveau de Ryan ! Dommages cérébraux !

Mon réveil ne m'a pas servi ce matin, je me suis réveillé bien plus tôt que prévu. J'ai enfilé une tenue de sport et pris de quoi écouter de la musique et boire avant de courir une petite heure dans le quartier. Je suis repassé chez moi prendre une douche avant de repartir à la même heure que d'habitude.

Courir m'a fait réellement du bien. Ça n'efface pas la douleur ou la peine de quitter la fac certes, mais mon mental s'est senti un peu plus apaisé.

Maintenant, je suis à la cafétéria. J'ai pris un petit-déjeuner léger et maintenant, j'ai quelques minutes à tuer avant le cours magistral de ce matin. Le temps est long, parfois. Même en écoutant Eminem chanter le plus vite qu'il peut.

Je me décide alors à trouver le bureau de quelques uns de mes profs que je ne verrai pas aujourd'hui pour leur dire que je quitte l'université. Peut-être que certains me jugeraient de faire ça mais je m'en fiche. Étant un grand sentimental dans l'âme, je tiens à saluer ces personnes que je ne reverrai plus jamais. Je préfère paraître un peu ridicule de dire au revoir à des professeurs qui n'ont presque pas retenu mon prénom en un mois et demi plutôt que de vivre avec des remords.

Lorsque je frappe à la porte du bureau de mes professeurs de thème et traduction, ils m'ouvrent et j'échange avec eux pendant une dizaine de minutes au moins. Ils me souhaitent bon courage pour le futur et tandis que je finis d'exprimer ma gratitude envers eux, ils m'offrent des accolades. Je quitte le bureau avec un sentiment étrange et amer mais je sais que je dois le faire. Lorsque je ferme la porte de leur bureau, je croise le regard de Nina et mon cœur fait un triple axel dans ma cage thoracique.

Vêtue d'une robe noire très charmante et d'un collant blanc, elle me sourit timidement, les mains agrippées aux bretelles de son sac. Nous avons cours dans dix minutes maintenant et je ne pensais pas qu'elle m'attendrait. En effet, la moitié des élèves sont déjà entrés dans l'amphithéâtre.

— Je me disais qu'on pourrait peut-être... se mettre à côté ?

J'aime voir comment les choses ont évolué entre eux. Au début de l'année, elle me détestait au point de me traiter de tous les noms mais maintenant, notre relation est plus saine. Même s'il reste cette petite tension entre nous qui ne risque pas de nous quitter de sitôt. C'est d'ailleurs en parti pour ça que je m'en vais.

— Alors, Nina, c'est une très mauvaise idée. Je râle beaucoup que le prof va trop vite et je tape sur mon ordinateur tellement fort que j'en dérange mes voisins. Mais bon, à tes risques et périls !

Elle s'esclaffe aussitôt.

— Je pense que niveau tapage des touches, je suis pareille.

Nous entrons joyeusement dans l'amphithéâtre et je n'ai même pas l'impression que c'est mon dernier jour.

                                                                                      ***

Nous avons deux heures pour manger ce midi et Nina accepte de déjeuner avec moi à une condition. Que Scarlett se joigne à nous.

Pendant le repas, le dialogue reste en surface, ponctué de silences gênés et de tentatives maladroites pour éviter les sujets délicats. Scarlett essaie de détendre l'atmosphère en racontant des anecdotes amusantes, mais elle comprend que c'est peine perdue après plusieurs essais. Le temps s'amuse avec nous, passant tantôt vite, tantôt lentement. Mon cœur, lui, bat fort depuis ce matin, si bien que ma poitrine va finir par être douloureuse.

Lorsque le repas se termine, Scarlett prend conscience que c'est probablement la dernière fois qu'elle me voit. Je pensais qu'elle se contenterait de s'en aller sans un geste ni une parole pour moi mais finalement, elle me lance une réplique qui me fait penser à une comédie typique de Netflix :

— Tu ne vas pas me manquer, Ryan, mais je te souhaite quand même une belle vie.

Je ne t'attendais pas mieux d'elle. Forcément, elle ne m'apprécie toujours pas. Scarlett est têtue, déterminée et a un fort caractère mais en tout cas, elle fait une très bonne amie pour Nina. J'admire leur relation. Et je suis presque rassuré de partir en pensant que Nina n'est pas seule. En parlant de Nina, celle-ci s'amuse de voir que Scarlett m'a quand même salué.

                                                                                      ***

Lorsque nous arrivons à la dernière heure de cours, mon cœur se serre à l'idée que c'est l'ultime heure. Cette étrange sensation qui s'empare de moi me noue la gorge et rend mon estomac douloureux.

Nous passons cette dernière heure dans un TD de traduction. Cette heure est empreinte d'une atmosphère à la fois chargée d'émotion et de nostalgie. Alors que nous prenons place dans la salle de classe familière, le poids de mon départ imminent se fait sentir dans l'air. Le professeur commence la correction d'un texte avec un ton habituel, mais pour moi, chaque mot résonne dans un écho douloureux. Les discussions sur les techniques de traduction deviennent presque secondaires. Je sais que Nina est aussi préoccupée que moi par mon départ. Elle fronce souvent les sourcils et je vois qu'elle tremble de la jambe. J'essaie pourtant de rester concentré mais mon regard va trop souvent se poser sur l'horloge au dessus du tableau. Les aiguilles me narguent douloureusement et me voilà à les imaginer avec des petits yeux noirs et une langue bien rose.

Et si j'avais commis une erreur ? Et si Nina aurait pu me pardonner ? Peut-être que j'aurais dû me montrer plus patient. C'est mon plus gros défaut, ça. Ne pas être assez patient.

Non. Elle ne me pardonnera pas. Ce que j'ai fait est impardonnable. Et de toute façon, je n'aime pas vraiment cette filière. À quoi bon continuer ?

L'heure touche déjà à sa fin et la prof conclut en nous donnant un texte à traduire en anglais pour la semaine prochaine. Je le prends tout de même mais je sais que je ne le traduirais pas. Je pourrais, ça ne me coûte rien, mais je n'ai pas envie. À partir de maintenant, je laisse la fac et ses souvenirs de côté pour me focaliser sur l'avenir. L'avenir sous toutes ses coutures.

Je me concentre sur mes pas dans les couloirs. Ces couloirs que je foule une ultime fois. Ces escaliers que je descends une dernière fois. Ces étudiants que je ne recroiserai pas. Je me concentre sur chaque détail qui s'offre à ma vue tandis qu'avec Nina, nous parcourons les derniers mètres qui nous séparent de l'entrée principale de la faculté. Nous sortons et prenons le chemin habituel qui nous mène au bus. Même lui, c'est la dernière fois que je le verrai. Dernière fois que je l'emprunterai. Enfin, peut-être la dernière, peut-être pas. Peut-être qu'un jour, je reviendrai dans cette ville. Après tout, chaque chose est possible.

Le bus arrive et nous ne tardons pas à entrer à l'intérieur. Nous nous réfugions vers le fond mais devons rester debout, le véhicule étant bondé d'étudiants qui doivent sûrement rentrer chez eux. Quelques uns tiennent même des valises, signes qu'ils doivent probablement retrouver leur parents ce week-end après un voyage en train.

Nina reste silencieuse à côté de moi. Elle pianote sur son téléphone, sûrement sur des conversations avec son amie car je la vois sourire à de nombreuses reprises et je devine le nom de Scarlett lorsque mon regard dérive vers son écran.

Notre arrêt se rapproche trop vite à mon goût. J'aimerais que le temps soit moins capricieux mais ce n'est pas le cas, il joue avec nous. Le temps, le karma et le destin. Ils sont finalement trois à nous torturer dans la vie. Ils forment le duo de choc. Quand la voix prononce le nom de notre arrêt, Nina et moi nous collons aux portes qui ne tardent pas à s'ouvrir après l'arrêt du bus.

Nous marchons un peu puis vient le moment tant redouté.

Les adieux.

Ce mot que personne n'apprécie, à moins que ce ne soit dans le sens de dire adieu à un ennemi. Et Nina est loin d'être mon ennemie. Très loin.

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