Chapitre 4 : Nina


Chapitre 4 : Nina                                                                                  

C'est lui.

Il est là.

Je l'ai vu.

Pitié, tout sauf ça !

Cette année va être délicate.

Et pas dans le sens d'être doux mais plutôt dans le sens de difficile.

Cette année va même être carrément brutale. Et encore, ce mot sonne comme un euphémisme dans ma bouche.

C'est une catastrophe. Cette année est déjà une catastrophe. Elle débute sur des chapeaux de roues ! Achevez-moi ! Noyez-moi dans le fleuve des Enfers mais ne me laissez pas dans cette situation !

S'il y a bien un truc qui aurait pu me pourrir l'année, c'était l'apparition de mon ancien bourreau, si je peux me permettre ce terme.

Oui. Je peux me le permettre.

Je n'en reviens pas. Il est revenu. Il est là, dans la même université que moi. Dans le même amphithéâtre que moi. Dans la même filière que moi !

Je ne vais pas m'en remettre.

Putain.

Quelles étaient les chances pour que cela se produise ?

Le karma est un salaud. Ou alors c'est le destin. Ou bien les deux. Ils ont peut-être décidé de former un duo de choc.

J'ai l'impression qu'on m'a transpercé le corps de coups de couteau. Mon cœur s'emballe face à cette nouvelle. Ma gorge est nouée et mes mains refusent de cesser de trembler. Mes bras se couvrent de chair de poule. Mon estomac est quant à lui tenté d'éjecter le maigre petit déjeuner que j'ai pris avant de partir ce matin.

Et mon âme ? Elle a envie de se barrer en Alaska.

Je savais que j'allais être surprise par la fac, cet autre univers, mais j'étais loin de me douter que je reverrai cette personne que je haïs tant un jour.

Je pensais que j'étais débarrassée de lui pour de bon et qu'il ne hanterait plus que mes cauchemars, ces songes qui me torturent et me font me réveiller en hurlant, les tempes trempées de sueur, le cœur battant comme s'il venait de subir un coup, les larmes inondant les draps.

Mais maintenant, c'est réel. C'est bien lui. Il est là. Je n'ai pas rêvé.

Et tant bien même que l'université est un vaste endroit où se côtoient des milliers d'étudiants, je ne suis pas à l'abri de le croiser de nombreuses fois.

Surtout qu'il est dans ma promo et que contrairement au droit où ils sont huit-cents étudiants, ici, les langues séduisent moins de monde. Nous ne devons pas être plus de deux-cents.

J'ai envie de m'enfuir loin d'ici. Ou de disparaître six pieds sous terre, au choix. Mais non, je ne peux pas. Au lieu de ça, je suis enfermée dans un amphithéâtre à essayer de comprendre ce que les professeurs disent tout en priant intérieurement et même extérieurement pour avoir halluciné.

Pitié, pitié et pitié !

Ce garçon m'a pourri l'existence pendant trois ans et le revoilà qui refait surface dans ma vie. Il est responsable des tourments insupportables de mon enfance. Il m'a fait vivre un calvaire et je n'ai jamais osé faire quoi que ce soit. Il m'a humiliée et profondément affectée à une période déjà assez difficile de ma vie. Il a été le parfait architecte de mon enfer au collège.

Mon père alcoolique et désespéré constitue déjà une ombre persistante dans ma vie mais maintenant, voilà qu'un nouvel élément ténébreux et perturbateur apparaît dans mon quotidien.

Et je sais que le hasard n'existe pas. Que c'est le destin lui-même qui a décidé de me réserver cette surprise inattendue. Pourquoi ? Je ne sais pas.

Les professeurs commencent à distribuer des papiers et tandis qu'un léger brouhaha fait son apparition, j'en profite pour jeter un minuscule coup d'œil dans les rangées derrière moi tandis que mon cœur a activé le mode propulseur.

Au premier abord, je ne le vois pas mais après plusieurs tentatives discrètes, je finis pas le trouver au fond de la salle.

Au loin, je peux voir qu'il a changé. Mais aucun doute, je sais que c'est lui. Je reconnais cette mâchoire carrée et souvent serrée. Cette coupe de cheveux courte avec de nombreuses mèches brunes et rebelles. Ce regard bleu qui s'assombrit et devient perçant quand la situation n'est pas confortable pour lui. Cette aura mystérieuse qu'il a autour de lui. Ce sourire qui semble diabolique.

Ce visage qui apparaît dans mes cauchemars.

Je secoue la tête pour chasser toutes ces pensées actuelles et me reconcentre sur la situation présente. Je récupère un emploi du temps parmi les feuilles que distribuent les professeurs lorsque ceux-ci en viennent à parler du contenu de nos cours.

Je consulte l'emploi du temps et prie mentalement pour que Scarlett en ait un sensiblement pareil.

En repensant à mon amie, mes yeux se portent vers l'horloge dont les aiguilles m'indiquent qu'il me reste encore plus d'une heure à tenir. Je soupire tandis que tout mon corps est raidi par la peur de cet être qui est réapparu si soudainement dans ma vie.

Je ne vais pas supporter cette année. Je suis terrifiée à l'idée qu'il m'approche pour me faire souffrir comme il l'a si bien fait quelques années plutôt.

Tout le reste de l'heure, mon regard reste rivé droit devant moi tandis que j'essaie d'assimiler ce que les professeurs nous expliquent en luttant contre les tremblements qui agitent tout mon corps.

J'ose encore un autre regard en arrière et mes yeux croisent les siens. Je sursaute à ce contact imaginaire trop lourd pour mon cœur et retourne la tête comme si je n'avais jamais regardé en arrière. Quelque chose a changé chez lui mais je ne saurais dire quoi. Mais dans tous les cas, il reste un connard. Un sadique à qui j'ai enfin pu tourner le dos après de longs mois de torture qui semblaient ne jamais se terminer. 

Et les sadiques peuvent aller se faire foutre.

J'espère aussi qu'il va me laisser tranquille.

Je ne m'imagine même pas baisser les yeux tous les jours en le croisant, endurer sa présence pesante et prier pour qu'il ne m'humilie pas devant les autres étudiants.

— Il faut qu'on parle, écris-je à Scarlett par message.

Mes doigts peinent à écrire le message mais je réussis tout de même à l'envoyer à mon amie qui me répond aussitôt :

— Qu'est-ce qui t'arrive ?

Je ne réponds pas tout de suite à son message, le temps de méditer sur ma réponse.

Toi aussi, tu t'ennuies déjà ? s'amuse ensuite mon amie, loin de se douter de ce que je vais lui annoncer.

Oh Scarlett, si seulement je pouvais juste m'ennuyer !

Je tarde à lui répondre et elle me demande donc pourquoi je veux lui parler.

Ça tient en quatre lettres. Devine.

Je pensais qu'elle tenterait quelques réponses stupides qui tiennent en quatre lettres mais elle ne le fait pas.

Aucune idée, dis-moi ?

J'hésite à taper ce nom que j'aurais aimé ne jamais devoir écrire.

— Ryan.

Je le sais, Scarlett est surprise. Elle ne me répond pas immédiatement et je suis persuadée qu'elle est aussi stupéfaite que moi.

— Attends, tu veux dire le même Ryan que...

— Oui, le même. Il est à l'université et dans ma promo. Actuellement, il est dans le même amphi que moi.

— Et il t'a vu ?

— Oui.

— On en reparle après. Courage, tiens bon, plus que quarante minutes. Il est assis loin de toi, rassure-moi ?

Oui.

Je souris timidement à l'écran comme si ma meilleure amie pouvait me voir puis repose mon téléphone pour essayer de me reconcentrer sur les informations qui sont données. D'après le diaporama projeté au tableau, ils sont en train d'aborder le cursus universitaire. Je tente de noter quelques petits détails mais ma main droite joue les rebelles et décide d'écrire le fameux prénom qui me glace le sang.

Ryan.

Seule mon amie Scarlett est au courant de cet épisode sombre de ma vie. Même mon père ignore tout. Pas étonnant, en pensant que c'est un gros alcoolique qui oublie tout ce que vous lui avez dit la veille quand il boit. J'ai déjà essayé maintes fois de lui annoncer mes bonnes notes, il finit toujours par les déformer ou les oublier.

Je pourrais avoir honte de cette partie de ma vie mais Scarlett est tellement compréhensive et gentille qu'elle m'a interdit de me sentir humiliée. C'est un passé douloureux, certes, et humiliant, mais il en fait ma force. Et j'aime la façon dont elle me le fait comprendre. Personne n'est parfait et nous avons tous connu des hauts et des bas, de toute façon. Nous avons tous connu des périodes plus sombres que d'autres mais il y a toujours une lumière au bout du chemin.

Scarlett connaît pratiquement tous les détails de ce que m'a fait subir Ryan et je sais que si elle l'avait en face d'elle, elle n'hésiterait pas à trouver le moyen de le lui faire payer.

Les quarante dernières minutes sont les plus longues et je suis tellement soulagée quand les professeurs concluent leur présentation et nous laissent sortir. Je me précipite aussitôt vers la sortie et prie pour que Scarlett en ait fini aussi afin que nous puissions nous en aller.

Par chance, mon amie m'attend à côté des distributeurs de barres chocolatées. Je la rejoins et lui fais comprendre que j'aimerais m'en aller au plus vite de cet endroit. Elle me tend une barre de chocolat et je lui offre un sourire qui illumine mon visage avant de me rappeler trop rapidement que Ryan est dans les parages.

— Mange, m'ordonne mon amie. Tu me remercieras plus tard pour le chocolat, je crois que nous devons fuir quelqu'un.

Scarlett est tellement adorable avec moi que je jurerais que je pourrais me marier avec elle juste pour que notre lien soit inscrit quelque part d'autre que sur un tronc d'arbre comme dans les films.

Nous quittons le hall d'entrée des amphis et nous dirigeons vers le hall principal de l'université.

— Tu veux faire quoi, concrètement ? me demande mon amie. On va manger chez moi pour en discuter ?

Je hoche la tête, peu rassurée.

— Ne t'inquiète pas, on va trouver une solution pour qu'il ne te harcèle pas comme il l'a fait.

Elle marque une pause tandis que nous descendons les escaliers en direction de la sortie de l'enceinte de la faculté.

— Et peut-être qu'avec un peu de chance, il n'aura même pas l'idée de venir te voir ni te parler.

Je murmure un « j'espère » peu convaincant avant de poser un pied en dehors de l'université.

J'ai déjà l'impression d'étouffer alors que ce n'est que le premier jour.

Et que c'est à cause de mon pire cauchemar. Enfin, mon deuxième pire cauchemar après la mort de ma mère. Par ma faute, il semblerait.

Ne t'inquiète pas, Nina, je te soutiens. S'il ose te faire du mal comme il l'a fait, il aura affaire à un flic et à sa fille qui est une vraie tête de conne.

Scarlett parvient à arracher un sourire à mon visage, ce qui permet d'embellir un tout petit peu cette journée tandis que nous nous rendons chez elle pour le déjeuner.

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