Chapitre 19 : Nina

Un nouveau cours est apparu dans mon emploi du temps aujourd'hui et je pense que c'est de loin mon préféré pour l'instant. Je le trouve intéressant et surtout, Scarlett est avec moi !

Scarlett est avec moi !

Cette coquine me l'avait caché ! Elle ne m'avait pas dit qu'elle avait choisi la même option que moi. En tout cas, c'est une belle surprise !

Je m'en réjouis. Je m'en réjouis tellement que je vais sûrement bientôt faire des bonds au plafond.

L'histoire est de loin l'une de mes matières préférées avec l'anglais alors nous nous sommes mises dans l'un des premiers rangs de l'amphi.

Comme nous nous sommes placées assez près du professeur, un homme qui ne semble pas bien loin de la retraite et dont l'accent marque sa voix rauque, nous ne pouvons pas trop parler mais ce n'est pas grave. Rien que de savoir ma meilleure alliée à côté de moi me fait un bien fou. Je suis tellement contente de partager trois heures par semaine de cours avec elle !

Pourtant, aujourd'hui, mon amie n'a pas l'air dans son assiette. Je me demande ce qui la tracasse. Si Scarlett me connaît parfaitement au point de deviner ce qui est le mieux pour moi, la connaissance est réciproque. Je sais actuellement que quelque chose cloche chez mon amie. Je peux même dire que lorsque la situation n'est pas terrible, mon amie a tendance à entortiller sauvagement l'une de ses mèches de cheveux de devant.

— Tu es sûre que ça va ? insisté-je pour la trentième fois au moins depuis le début du cours.

Mon amie serre les dents avant de me chuchoter :

— J'ai quelque chose à t'avouer.

Aïe.

Je fronce les sourcils tandis que le professeur croise mon regard. Je détourne le mien, gênée et fixe l'écran de mon ordinateur, là où je prends mes notes.

— Je t'en parlerai après, enchaîne-t-elle. T'inquiète pas, c'est pas grave. C'est juste quelque chose qui va t'embêter beaucoup. Et ça n'a aucun rapport avec le badboy ténébreux qui hante tes pensées.

Je me mords la lèvre inférieure. De quoi parle-t-elle ? Je n'ai aucune idée de ce qui la tourmente et j'espérais sincèrement que cela n'avait pas de lien avec Ryan mais maintenant, je crois que cela ne m'aurait pas déplu. D'ailleurs, je ne l'ai pas vu de la journée. Il n'est pas non plus dans mon option.

Ne pas parler trop vite.

Me voilà donc à essayer d'imaginer ce qui pourrait m'embêter au lieu d'écouter notre professeur parler de la république romaine durant l'antiquité et des guerres puniques. Heureusement que j'ai lancé l'enregistrement sur mon téléphone avec l'accord du professeur pour pouvoir réécouter les explications du cours à tête reposée chez moi !

J'essaie de fixer Scarlett, comme si son visage, le moindre coup d'œil ou le moindre mouvement de ses lèvres allait trahir ce qu'elle pense.

Mes doigts se promènent nerveusement sur mon clavier. Je ne peux pas me contrôler. Je suis sûre que de tout l'amphi, je suis celle qui fait le plus de bruit avec les touches de son clavier que je frappe presque avec frénésie.

Je suis anxieuse, ça y est. Pour la très probable centième fois de la journée.

Que va m'avouer Scarlett ? La dernière fois qu'elle faisait cette tête, c'était pour m'annoncer que Pinpin, son lapin (dont on ne critiquera certainement pas le nom) avait rejoint les étoiles. Et il faut dire que cet évènement date de longtemps et que Scarlett est toujours souriante. Au contraire, je pense que je dois tirer une sale tronche pendant les trois quarts de la journée.

Conclusion ? Scarlett va m'annoncer un truc qui risque de vraiment pas me plaire. Vraiment pas.

Et le karma ? Et ben il a encore un rôle à jouer dans tout ça.

*

— Alors, Scarlett, qu'est-ce qui va m'embêter ? demandé-je à mon amie lorsque nous sortons de l'amphi, à exactement dix-neuf heures et une minute.

Scarlett m'invite à m'asseoir sur une chaise lorsque nous nous arrêtons dans la cafétéria.

— Tu me promets que tu ne vas pas te fâcher ? me questionne-t-elle avec un regard presque triste qui ne lui ressemble pas vraiment.

— Promis juré craché.

Je fais même mine de cracher par terre.

Voyant qu'elle hésite encore, j'hoche la tête légèrement.

— Mes parents ont réussi a avoir des billets pour aller voir Taylor Swift à Paris pour son prochain concert.

Quoi ?!

Pardon ??

Ai-je bien entendu ?

Je lui fais répéter, espérant avoir mal compris. Mon amie réitère sa révélation et je n'arrive qu'à ouvrir la bouche pour former le o de la surprise.

— Je suis désolée, Nina. Je ne sais pas comment mes parents ont réussi à avoir les dernières dernières places. Je suis encore choquée.

Je ne bouge pas, immobile devant la déclaration de Scarlett.

C'est peut-être dingue ce que je vais dire mais là actuellement j'ai l'impression que mon monde vient de s'effondrer. Littéralement. Une simple chose peut venir ruiner votre moral que vous avez tant tenté de fortifier au fil des jours et des semaines de votre existence.

Scarlett a réussi à avoir des places pour ce qui me semble être le plus important concert. Elle va pouvoir y aller avec ses parents et moi comme chaque année, je serai contrainte de regarder des extraits trouvés sur le web, dans mon lit, sur mon petit ordinateur qui ne coopère pas toujours.

J'ai toujours rêvé d'aller à un concert. Je nourris cette ambition depuis petite car j'adore la musique et je rêve de me sentir vraiment vivante l'espace d'un instant. Et de me dire qu'actuellement, mon amie possède un billet et qu'elle va pouvoir s'envoler pour Paris dans un peu plus d'un mois m'emplis de tristesse. Mais je sais que Scarlett n'est en aucun cas coupable, que ce n'est pas elle qui l'a choisi mais ses parents.

Je me souviens d'il y a un an, quand Scarlett est allée voir en concert un chanteur que j'aimais tout particulièrement. Je me souviens qu'elle s'était déplacée jusqu'à Dijon pour le voir et qu'elle avait mis des photos sur son Instagram. C'était un soir et plus exactement un dimanche soir pendant les vacances de Noël. Mon amie était partie très tôt dans la journée afin d'arriver à Dijon le soir, pour aller au concert. Je me souviens qu'il commençait à vingt-et-une heure et qu'à cette heure-là, d'habitude, soit j'étais avec Scarlett chez elle, soit nous parlions à distance par messages pendant la moitié de la nuit. Ce soir-là, je me sens suis sentie tellement démoralisée et tellement mal. C'est une sensation assez amère quand quelqu'un réalise un rêve que vous ne pouvez pas réaliser vous-même. Et le combo, c'est quand c'est un de vos proches.

— Je t'assure que je suis tout aussi embêtée que toi. Mais je ne peux pas refuser. Mes parents ont déjà payé et ils ne voudront pas que je donne ma place.

— Je ne peux pas croire que tu vas y aller sans moi, je me contente de dire.

— Je sais, Nina, mais c'est aussi une opportunité unique pour moi, non pas que je veux jouer la fille égoïste. Je ne peux pas la laisser passer. Désolée, vraiment. Je te promets qu'un jour, je te l'offrirai, cette place. Actuellement, je suis tout aussi embêtée que toi.

Je lutte intérieurement contre la rage qui est en train de noyer toute mon âme. Pourquoi la vie se montre-t-elle si injuste ?

Putain de karma. Jusqu'au bout, il va s'amuser avec moi.

Pauvre salaud, tu me tortures depuis que ma mère est partie.

En tournant soudain la tête pour laisser vagabonder mon regard, je constate que Ryan se trouve derrière moi et je jure tout fort.

Encore lui ? Pourquoi se point-il toujours dans les pires moments ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?

Je me lève brusquement et salue mon amie en luttant contre les larmes de colère qui veuillent jaillir de mes yeux comme des lasers. Quand je passe près de Ryan pour sortir de la cafétéria afin de rentrer chez moi, je frôle son épaule.

— Tout va bien ? demande Ryan à mon amie tandis que je m'éloigne encore. Elle va bien ?

Mon cœur rate un battement lorsque cette question parvient à mes deux oreilles.

Curieuse de voir ce que va répondre mon amie, je m'arrête discrètement.

— Le karma a frappé, répond-t-elle. Je vais à un concert et pas elle. Et même si ce n'est pas de ma faute, je m'en veux.

Je ne peux pas en entendre plus. Je sors de l'université et prend le chemin de chez moi, espérant ne pas être suivie, ni pas un psychopathe parce qu'il commence à faire nuit, ni par Ryan même si je crois que ça ne me dérangerait même plus.

Putain de merde.

« C'est la vie qui veut ça », comme dirait Vitaa.

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