💛 CHAPITRE 9 💛
A peine avions-nous quittés l'hôtel quand j'entends déjà Jérémy chantonner cette chanson qu'il a l'habitude de siffler à chaque sortie que nous faisons «Dans nos troupes y'a pas de jambes de bois ! Y'a des nouilles mais ça ne se voit pas ! La meilleure façon de marcher c'est encore la nôtre, c'est de mettre un pied devant l'autre et de recommencer». Ce que je peux détester cette chanson. J'ai l'impression qu'elle me hante dès qu'il commence à peine à humer les premières notes et je suis obligée de contrer ça avec une vieille chanson stupide que j'ai moi-même en tête. Néanmoins, le fait de voir Jérémy aussi guilleret me permets d'oublier la discussion que nous avons eu il y a à peine une dizaine de minutes concernant l'appareil photo. Je SAIS que ce n'est qu'un objet, que c'est une histoire sans importance maintenant et que cela ne devrait plus avoir autant d'impact sur moi, mais...Je n'y arrive pas. Pour moi, la photographie, dans toutes ses formes, sera toujours et éternellement rattachée à mon père. Et je lui en voudrais toujours de me l'avoir pris.
- Tu savais que ce village a été construit au milieu du XVème siècle et qu'il a gardé une grande partie de ses façades moyenâgeuses, son architecture et même sa structure ? Apparemment, même l'église du village est...
Ah. Mon encyclopédie humaine.
Jérémy fait partie de ses gens définitivement amoureux de tout un tas de sujets divers et variés. Du plus petit insignifiant jusqu'au grand sujet de reporter. Il aime lire, s'informer, regarder les informations, écouter des podcasts, traîner des heures sur des chaînes youtubes d'Histoire ou de Sciences. Il aime apprendre des choses nouvelles et je ne sais même pas où est-ce qu'il trouve la place pour mettre toutes ces informations.
Pour ma part, je me contente du quotidien et des cours qui me bouffent assez l'esprit comme ça. Non pas que tout cela ne m'intéresse pas, mais ce n'est tout simplement pas mon truc. Autant Jérémy peut aisément citer tous les Rois de France sans se tromper, autant je peux donner tous les noms des clones dans Star Wars. Je présume que ce n'est juste pas la même culture ou du moins les mêmes centres d'intérêts. Il sait que j'ai un côté un peu «geek» pour tout ce qui concerne Star Wars comme je sais qu'il rêve secrètement de passer une nuit à Versailles dans la chambre de Louis XIV. En fait, je nous vois bien nous affronter au sabre laser dans la galerie des glaces. Peut-être une idée à rajouter à ma «wish list» de choses à faire avant de mourir.
- Leila, t'as de la monnaie sur toi ? me demande-t-il alors soudainement
- Probablement, attends je regarde.
J'ai perdue le fil de son cours d'histoire, à la recherche de la moindre petite piècette disparue. Finalement, j'en trouve une dans la poche intérieure de mon sac à dos et la lui donne sans réfléchir, remarquant que nous avons fait un arrêt devant une fontaine.
Ne me dites pas que...
Tandis qu'il jette la pièce et ferme les yeux de façon solennelle, je me permets de déclencher l'appareil photo et de profiter du moment. La fontaine l'éclaboussant légèrement, Jérémy priant secrètement et moi attendant là bêtement qu'il en est terminé...Il y a un petit quelque chose de beau.
- Tu sais que c'est probablement juste un attrape couillon et que tu as probablement jeté une pièce pour rien, lui signalé-je pour me moquer de lui
- Chut. Laisse-moi finir.
Monsieur aime les sciences pures et dures, mais il ne peut s'empêcher d'avoir un attrait particulier pour le mystique. Ce n'est qu'une fontaine à eau, pas un puits à vœux.
- Voilà c'est bon ! dit-il en se remettant en marche, attrapant ma main afin de m'entraîner à sa suite
Nous quittons l'endroit avant même que je ne lui demande ce qu'il a demandé. D'ailleurs, je me demande ce que Jérémy peut encore vouloir demandé, lui qui a toujours tout. Sa famille est superbe, c'est un beau garçon, intelligent limite brillant, il a une tonne de potes cool et enfin, cerise sur le gâteau, il m'a moi. Alors que lui faut-il qu'il n'a pas déjà ?
- Oh ! Une boutique de savons ! Viens on y va ! s'empresse-t-il d'hurler en me passant devant alors que je peine encore à prendre quelques clichés du paysage nous entourant.
Cela vous est-il déjà arrivé d'entrer dans un magasin, dans lequel vous n'aviez besoin de rien, mais qui arrive quand même à vous refaire partir avec quelque chose ? Étonnamment c'est ce qui s'est passé. Même si nous n'avions pas besoin d'un savon, nous sommes repartis avec un sac entier pleins de formes, de couleurs et de senteurs différentes. J'en ai pris évidemment un pour ma mère, un pour la mère de Jérémy, un pour moi et j'en ai même pris pour une amie. J'avoue, j'ai un petit faible pour tout ce qui est artisanal.
Quant à Jérémy, il s'est laissé entraîner dans le jeu de «Attends, je devine ce que ça sens» et en ressort avec le nez complètement défoncé, incapable de sentir quoique ce soit tant tout se mélange maintenant.
Pendant trois longues heures, des heures que jamais je n'aurais voulue qu'elles passent, j'ai regardé Jérémy être heureux. Tout simplement heureux. Vous savez ce bonheur qui vous prends et vous saisie aux tripes comme si, sur l'instant, plus rien d'autre ne comptait. J'ai vue ses yeux pétiller, j'ai observé son sourire s'élargir de plus en plus, j'ai constaté son corps se tendre et se détendre dans tous les sens. J'ai vue Jérémy s'épanouir au milieu des vieilleries, des babioles, des bibelots et des pierres endommagées par le temps. Je l'ai entendu me raconter quelle sorte de vie on pouvait mener à l'époque et je l'ai laissé me conter d'autres fables durant toute une après-midi.
Pendant trois longues heures, j'ai cessé d'exister pour ne vivre qu'à travers l'Histoire, au milieu des mots qu'il me racontait.
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