💛CHAPITRE 8 💛
Comme une imbécile heureuse, j'ai regardé Jérémy s'occuper de la paperasse, allant du comptoir situé dans le hall d'entrée, jusqu'au dépôts de nos sacs dans la chambre. Pendant cette dizaine de minutes, je l'ai suivie, sans rien dire, sans poser aucune question, sans penser à rien à vrai dire et cela est très rare. D'habitude, j'ai toujours une pensée ou deux qui traînent. Il y a toujours quelque chose qui me fait réfléchir ou réagir, mais pour une fois, mon cerveau s'est tu. Je me suis laissée porter par l'enthousiasme de Jérémy et sa fierté de me montrer la chambre ainsi que tous ses aspects allant de l'impressionnante baignoire pouvant aisément faire office de piscine à l'écran gigantesque situé dans la chambre dans lequel était projeté un faux feu de cheminée. Il y avait toute une ambiance cozy, douce et j'ai d'ores et déjà hâte de me glisser sous les draps. Non pas que je sois fatiguée, mais je ne sais pas...quelque chose me plaît dans le simple fait de rester juste là, dans notre bulle.
Hélas, Jérémy ayant fait ses devoirs, ce dernier me tanne pour qu'on profite du début d'après-midi et qu'on aille au moins se promener aux alentours. Apparemment, Monsieur a repéré quelques endroits pendant ses recherches.
- Tu vas prendre ton appareil photo ? me demande-t-il en me tendant la sacoche
- Je ne sais pas, répondis-je en la dévisageant
Je l'ai prise par réflexe et parce que j'ai tendance à ne pas me balader sans, mais cela fait un moment que je n'ai pas pris de réelles photos avec. Pas depuis trois mois ? Je crois.
- On peut le faire avec nos téléphones aussi, y'a pas de soucis, poursuit-il en me voyant contrarié
Je sais qu'il essaye de se montrer prévenant en évitant d'aborder le sujet un maximum, mais ce n'est pas en l'évitant que les choses iront mieux. Je le sais. C'est juste...difficile ?
La photographie était le truc de mon père. Ca a toujours été son truc. D'ailleurs, j'ai toujours su qu'il aimait plus ses objectifs aux prix exorbitants que sa propre famille et ça expliquerait pourquoi il n'était pratiquement jamais à la maison. Ou du moins, rarement. Mon père adorait faire de la photo et il vivait pour ça. Il était doué. Et je crois que moi, inconsciemment, pour attirer son attention, je m'y suis mise pour ça. Non pas que j'ai hérité de son talent ou que j'arrive à avoir les mêmes rendus, mais je me débrouille. Parfois, c'est juste moche et parfois...parfois il y a quelque chose de magique qui se passe. C'est comme si j'arrivais à capturer un vrai moment de vie. Comme si j'arrivais à photographier la vie elle-même. C'est d'ailleurs dans ce genre de moment que je me dis que peut-être il aurait été fier. Que peut-être il aurait accroché mon cliché sur le frigo ou à un mur ou l'aurait crié à tous ses collègues comme font tous les pères un peu trop fiers. Mais ça, je ne le saurais jamais car il n'est plus là.
Il est mort, lors d'un reportage de guerre. Il est mort, laissant derrière lui, une multitude de questions que j'avais à lui poser et qui me tardait de lui poser en prenant de l'âge.
- Non, tu as raison, repris-je en saisissant le tout, Je vais le prendre. Après tout, je ne l'ai pas embarqué pour rien !
Et je me dis que c'est peut-être la seule chose qui me permettra aussi de garder une trace de Jérémy. Une trace à jamais.
- Leila...
A sa voix, je devine qu'il veut me poser la question interdite. Le fameux : «Est-ce que ça va aller ?» mais Jérémy et moi avons fait le pacte sacré de ne jamais poser la question. J'ai horreur de toute façon qu'on me demande comment je vais car la plupart du temps, ça n'intéresse pas les gens. Ils le font par pure formalité et politesse, rien de plus. Pas Jérémy, mais je n'ai pas envie de l'embêter avec mon ressenti et avec ce trop pleins d'émotions dont je ne sais pas quoi faire. C'est un peu comme se promener avec un baluchon, un sac de linges sales dont on ne saurait quoi faire. C'est lourd, encombrant et chiant.
- Bon ! On y va ? lancé-je pour couper court à la discussion en me disant qu'il n'y a pas de raison qu'on reste plantés là à se regarder dans le blanc des yeux.
- Allons-y ! Tu vas voir, tu vas a-d-o-r-e-r ! s'enthousiasme-t-il en me tendant son bras comme s'il m'escortait
Il y a quelque chose de bizarre chez Jérémy et je ne saurais dire avec précision ce que c'est. Sans doute cette manière étrange d'être et d'agir tel un réel chevalier servant. Cela fait très vieux jeu et c'est une façon d'être qui s'est perdue, mais c'est quelque chose qui me fait instinctivement sourire. J'aime à savoir que j'ai mon chevalier à moi et qui, quoi qu'il puisse m'arriver, sera toujours de mon côté. Toujours.
J'aime à savoir que Jérémy sera, tant que cela est possible, de mon côté.
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