💛 CHAPITRE 4 💛
Pendant bien dix minutes, j'ai regardé Jérémy se débattre avec le petit coffre à bagages du bus afin de ranger minutieusement les nôtres alors que si cela avait été moi, j'aurai probablement jeté nos deux sacs sans réfléchir à l'intérieur, les uns sur les autres et l'affaire aurait été plié en deux secondes. Mais non, Jérémy lui souhaite que ce soit rangé car sait-on jamais que l'un de nos deux sacs contiennent une pile de verres en cristal qu'il ne faudrait surtout pas casser. Pour lui, tout est précieux : Les affaires, la nourriture et même la vie. Plus petit, il mettait trois heures à traverser le parc en face de chez moi, refusant de couper par la pelouse sous prétexte de ne pas vouloir écraser une famille de fourmis. Il donne également régulièrement le reste de sa gourde d'eau au pissenlit qui pousse en bas du panneau «STOP» en face du trottoir du lycée et je ne parle même pas de ses nombreuses journées bénévolats dans diverses associations car il adore aider son prochain. Jérémy ira probablement au paradis si tentait que le paradis existe. Il fait définitivement partie de ces âmes trop bonnes et trop pures pour notre société trop capitaliste, pressée et égoïste. C'est pour ça que je suis là, pour lui servir de rampart contre le monde.
- Qu'est-ce que tu regardes depuis tout à l'heure ? me demande-t-il un sourire amusé
- Tes fesses. J'ai l'impression que ton jean est plus remplis que d'habitude...répondis-je de but en blanc sans même réfléchir, T'es retourné à la salle ?
Ah oui et parce qu'une âme saine ne va pas sans toute la panoplie, Jérémy a un corps sain ! Il aime le sport, même si pour lui cette phrase lui sort par les trous de nez et qu'il préfère dire «J'aime prendre soin de moi». C'est tout à son honneur, moi je préfère prendre soin de moi en restant avachie sur mon canapé en scrollant sur Instagram. J'en profite d'ailleurs pour mettre des likes sur toutes les photos qu'il poste et je suis généralement la première à le faire histoire de rappeler que ce petit bout de chair ici présent m'appartient. Habituellement, je ne suis pas possessive, mais avec Jérémy c'est différent, il est question de protection rapprochée. Lui-même ne doit pas être au courant, mais il attire naturellement les gens à lui comme un doux nectar attirerait des petites abeilles. Il est constamment joyeux, il transpire la positivité, il a un certain charisme et il est d'une douceur et d'une bienveillance à rendre jaloux n'importe qui. Il donne envie d'être en sa compagnie et je ne sais même pas si cela relève plus de la magie que du naturel.
- Pas vraiment, je n'y suis pas allé depuis quoi ? Une grosse semaine ? Avec les devoirs, les contrôles et tout le reste, j'ai pas vraiment eu le temps d'aller y faire un saut, m'explique-t-il en jetant un rapide coup d'oeil à son postérieur, Mais heureux de savoir que mes fesses te plaisent ! rigole-t-il
- Si j'étais avec toi pour tes fesses, ça se saurait, riposté-je
- Comme si ça ne jouait pas dans la balance, je te connais. Mieux que tu te connais toi-même d'ailleurs !
Ce qui est vraie. Jérémy sait même des choses avant même que j'en ai moi-même conscience. Il sait quand est-ce que j'ai faim, quand est-ce que je vais avoir froid, quand est-ce que je vais me sentir mal et il sait même quand est-ce que vont tomber mes menstruations, bon pour celle-là il triche il a une application sur son téléphone. Au début, je trouvais tout ceci très étrange, très confus voir même fou et je crois qu'à force, je m'y suis habituée ? Du moins, j'essaye encore de m'y habituer et de ne pas toujours relever certains détails. Ce n'est pas un mauvais bougre et je sais qu'il fait tout ceci probablement par amour également, mais parfois...oui parfois c'est vraiment trop. J'ai l'étrange impression d'étouffée et ça ne m'enchante pas vraiment de voir mon copain se balader avec des serviettes hygiéniques sur lui. Je veux dire, c'est pas son job théoriquement ! D'accord, ça m'a bien dépannée deux ou trois fois, mais voilà...
- Bon, eh bien, je pense que nous sommes prêts ! Plus qu'à embarquer. Les femmes d'abord.
Il me laisse entrer dans le bus, en bon gentleman qu'il est et je pars m'installer vers les sièges les plus au fond, côté fenêtre, toujours. Jérémy me rejoins, pose son sac à dos à ses pieds et me dévisage avec de grands yeux ronds.
- Quoi ? lancé-je
- Rien. Je suis simplement content. Je veux dire, on prévoyait ce voyage depuis quoi ? Trois mois ? On a dû se battre avec nos parents pour les convaincre de nous laisser partir, chercher une auberge pas loin et...
Et il s'arrête. Je vois à ses lèvres qu'il meurt d'envie de me dire la suite, mais je sais aussi qu'il a préparé quelque chose. Une surprise. Tout ce que je sais, c'est le nom de la région où nous nous rendons et que nous en avons approximativement pour cinq heures de trajet. Le reste, c'est Jérémy qui a tout prévu en me demandant de lui faire pleinement confiance.
- Tu allais dire ?
- Rien, rien. Rien d'intéressant, en fait. Je me suis emporté. Oublie.
Mais comment oublier quand une personne vous laisse sur votre fin ? A dire vrai, je ne sais même pas pourquoi je suis si attachée au fait de découvrir ce qu'il mijote, je devrais lui faire confiance aveuglément et me laisser guider, mais une partie de moi n'a jamais réellement aimé les surprises. Traumatisme d'enfance en découvrant que le Père Noël sur lequel je m'asseyais tous les ans depuis mes 2 ans était en réalité mon oncle Henri. L'alcoolique oui, oui. Celui-là même qui sentait le vieux pinard et l'ail. Je me disais bien que le Père Noël ne devait pas sentir aussi mauvais et à chaque fois que je faisais la réfléxion à ma mère, j'avais juste le droit à «C'est probablement dans ta tête ma chérie, tu sais le Papa Noël est un homme très occupé, on devrait se dépêcher pour la photo». Je déteste les photos. Et le Père Noël cela va de soit.
- Tu ne comptes toujours pas me dire ce que tu as mis dans ton énorme sac ? m'interpelle Jérémy en me dévisageant curieusement
- Le nécessaire et tout un petit peu de «au cas où». Tu sais, on est jamais trop prudents, répondis-je en regardant le paysage commencer tout doucement à défiler sous mes yeux.
- C'est quoi pour toi un «au cas où» histoire que je ne me retrouve pas surpris si je dois trouver une poêle dans tes affaires.
- Il n'y a pas de poêle, soupiré-je
Pour qui il me prends ? Raiponce ?
- En revanche, il se pourrait bien qu'il y ait un couteau, murmuré-je
Un tout petit de rien du tout. Vraiment. Le genre de petit truc aussi pointu qu'un cure-dent. C'était un cadeau. De mon oncle Henri. Apparemment il ne savait pas ce que l'on offrait à une jeune fille de seize ans, donc il a estimé qu'un couteau pouvait toujours servir, même en cas d'agression dans la rue car c'est bien connu, je vais forcément me faire agresser et avoir la BONNE idée de dégainer mon cure-dent.
- J'ai seulement prit quelques affaires, ma trousse de toilettes et un ou deux livres, soupiré-je
- Un ou deux livres ? relève Jérémy en arquant un sourcil dans un demi sourire, Avoue-le...
- Bon très bien, j'ai pris cinq livres. Mais ça va, j'avais de la place hein !
- Leila !
Quoi ? Peut-on m'en vouloir de prévoir de quoi m'occuper ? En plus je dois bientôt les ramener à la bibliothèque car leur date d'emprunt expire sous peu. Cela me donnera une excuse pour les lire faute d'avoir eu du temps pour le faire auparavant.
- Je savais que ma compagnie était ennuyeuse, mais à ce point-là, je pourrais presque trouver cela vexant.
Mais ce n'est pas tant Jérémy que je veux mettre sur la touche le temps d'un chapitre, c'est...ma vie de façon générale. Autant par moment je peux l'adorer, autant parfois je souhaite l'oublier. Oublier que je ne vis rien d'extraordinaire, de palpitant ou bien même d'amusant. Je vis comme une peine qui errait sur cette terre. Je me contente d'enchaîner les jours les uns après les autres comme mes pensées s'enchaînent les unes à la suite des autres sans me laisser un moment de répits. Un moment à MOI.
Je n'ai ni rêve, ni but. Rien. Je n'ai rien dans ma vie mise à part Jérémy.
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