💛 CHAPITRE 3 💛
Quand j'ai entendu la porte d'entrée s'ouvrir et les exclamations de ma mère, j'ai tout de suite su que Jérémy était arrivé. Du haut des escaliers, je ne savais pas trop ce qu'ils se disaient, mais j'ai plusieurs fois entendu «pas de cochonneries», «faites attention sur la route» et aussi «Attention à toi, jeune homme» venant de sa bouche. Je ne sais pas ce qu'elle s'imagine mais je parierais pour un trip sexuel car tout le monde le sait, les adolescents passent leur temps à s'envoyer en l'air. C'est bien connu. Alors une partie de moi eut envie de se précipiter dans les escaliers et de sauver Jérémy de ma mère, mais je ferrais comme si je n'avais rien entendu et j'ignorerais totalement son visage sur lequel il écrit en toutes lettres capitales «H-O-N-T-E» sur le front. Il vaut mieux, pour nous deux.
- Leila !
Voilà mon appel. J'ai dû vérifier par deux fois que je n'étais pas trop mal habillée, ni même trop décoiffée car après avoir passé deux heures et demi à me battre avec ma valise, je devais forcément être...eh bien décoiffée. Ce chouchou ne tient plus rien du tout depuis des lustres, mais je continue à le mettre car c'est lui qui me l'a offert à notre première fête foraine. Il était tout fier de l'avoir gagné à une pêche aux canards et je ne pouvais décemment pas refuser un cadeau car là aussi on sait que c'est «l'intention qui compte» n'est-ce pas ?
Descendant alors les épaisses marches des escaliers, je vois le sourire de Jérémy illuminer tout mon hall d'entrer et je viens alors de rendre compte que j'ai oublié mes lunettes de soleil, ça et le fait que je sorte littéralement avec un phare. Le sourire de Jérémy pourrait illuminer même les nuits les plus sombres sans aucun souci.
- Eh bien te voilà ! Tu en as mis du temps jeune fille.
- J'avais oublié quelques petits trucs et je n'y ai pensé qu'à la dernière minute. Après tout, on est jamais trop prudents, lancé-je en guise de réponse.
En vérité j'ai vérifié d'avoir absolument tout ce qu'il me faudrait si on venait à être au milieu d'une apocalypse de zombies. J'ai même pris un sifflet et une lampe dynamo. Cela ne me servira probablement à rien, mais encore une fois, j'ai une passion pour le fait de jouer la «prudence» car quand je vois Jérémy, j'ai peur. Il n'a qu'un seul sac à dos. Qu'il tient à une bride sur son épaule gauche. Un minuscule sac à dos. Est-ce qu'au moins il a pensé à la crème solaire ? L'anti-moustique ? Un pull au cas où ? Une paire de baskets de rechange ? Une chargeur portable ? Je ne pense pas. J'adore ce garçon, mais parfois, j'ai plus l'impression de sortir avec un golden retriever qu'avec un être humain car oui, Jérémy donne des airs de gros golden retriever que l'on a envie de caresser toute la journée.
- Tu es prête ? Tu as tout ce qu'il te faut ? me demande-t-il d'un ton inquiet.
- Il me semble. J'ai de quoi...survivre, on va dire ! répondis-je tout sourire pour le rassurer.
Ce qui est le cas. J'ai réellement de quoi «survivre» dans mon sac. Dans le pire des cas, je traînerais son cadavre sur deux kilomètres avant de l'abandonner dans un coin. Je pourrais faire ça aussi. Qui sait ? On n'est à l'abri de rien dans notre société de déglingués.
- Bon eh bien, il est temps d'y aller si on ne veut pas rater le bus ! On vous appellera dès que l'on sera arrivés, dit-il à ma mère
- Et j'y compte bien jeune homme ! Et n'oublies pas ce que je t'ai dis Jérémy.
- Maman ! soupiré-je, Est-ce que tu penses sincèrement que nous sommes des animaux ?
- Ah mais l'homme est un animal ma chérie ! L'homme est un animal...
Un animal social, normalement, pas une bête qui pense à sauter tout ce qui bouge. Quoique, parfois je me pose des questions, mais bref, passons.
- Est-ce que tu veux que je porte ton sac ? Il semble plutôt...chargé, remarque-t-il enfin en se penchant légèrement sur le côté tout en grimaçant.
- Ca va aller ! Il n'est pas si lourd.
Il est méga lourd, mais j'ai aussi une putain de fierté et c'est moi qui l'ai remplie comme une débile au lieu de prendre le nécessaire. Donc, je vais le porter, serrer les dents et faire semblant pendant dix minutes, jusqu'à être dans le bus, ce après quoi je laisserais probablement Jérémy le Brave le porter.
- Dans ce cas, c'est partit ! dit-il en me tendant la main
J'ai sautée sur cette dernière comme un chien saute sur un os. Je ne sais pas pourquoi, j'ai un problème avec ses mains, elles sont si douces. Je ne sais pas si c'est la crème qu'il utilise ou si sa peau est naturellement douce, je n'ai jamais cherché à savoir, mais ça fait partie des innombrables questions que je me pose constamment sur Jérémy. En fait, j'ai l'impression par moment de ne pas être normale et de le voir uniquement comme une sorte...d'expérience ? Ce qui est plutôt horrible à dire. Tout m'intrigue chez lui. Tout me fait me questionner et tout remets constamment mon monde et mes certitudes en question. Ce qui me trouble pas mal et il doit très certainement en avoir conscience, mais j'essaye de faire profil bas depuis quelques temps et de l'étudier en secret. Je le regarde dormir, parfois je le regarde même se curer le nez devant un épisode sur Netflix - ce qui est complètement dégoûtant, mais ça me rebute pas plus que ça tout compte fait - parfois je le regarde. Tout simplement. Je pourrais passer des heures à le regarder, regarder les traits de son visage comme on regarderait une sculpture. Une peinture. Comme on regarderait de l'art avec amour. Car je l'aime ce grand dadet ayant des airs de golden retriever. Je l'aime beaucoup et je ne sais même pas pourquoi. Ce qui m'énerve !
Une fois sortie de la maison, après avoir juré cinq fois à ma mère que l'on se serait sages et que l'on ne comporterait pas comme des gorilles, Jérémy parut plus détendu et se mit subitement à rire tout seul. Ca lui arrive de temps à autres. Il rigole dans son coin et je trouve ça triste car moi aussi j'ai envie de rire sauf qu'il ne veut jamais rien me dire.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je curieusement intriguée
- Rien, je repenserais à ta mère, répondit-il de but en blanc
Alors dit comme ça, cela pourrait prêté à confusion. Ce n'est jamais très bon signe quand il commence à penser à ta mère plutôt qu'à toi. Quand il me dit ça, je repense alors à la chanson de Max Boublil «ChatRoulette». Ah douce adolescence !
- Elle t'as encore sortie son énième mise en garde sur le fait de ne pas me déflorer dès le premier soir ? lancé-je alors désespérée
- En partie, mais pas que. Je pense qu'elle ne me fait pas encore tout à fait confiance sur certaines choses. Pourtant ça fait des années qu'elle me connaît maintenant ! Je ne suis pas ce genre de gars.
- Tout le monde sait que c'est moi le danger ici. C'est fou, car moi je n'ai eu le droit à aucun avertissement ni même de cours sur «Tu sais une fois que c'est fait, c'est fait». C'est louche.
- Mais n'est-ce pas plus mal ?
Je n'en sais rien. J'aime beaucoup ma mère, mais parfois j'ai l'impression qu'à ses yeux je resterais à jamais sa «petite» fille. Je ne grandis pas. Je vais sur mes dix-huit ans, mais je ne grandis pas. Elle continue tantôt à me traiter comme une enfant et à me parler comme à une enfant alors que cela fait certainement des années maintenant que j'ai compris certaines choses. C'est dommage. Après, je ne devrais pas m'en plaindre, je suis contente d'avoir la relation que j'ai avec elle, mais je trouve que ça manque d'un petit quelque chose.
- Au fait, je meurs d'envie de te le demander depuis tout à l'heure, mais...Qu'est-ce que tu as mis dans ton sac ? Toute ta chambre ?
Je jette un coup d'oeil arrière et remarque que mon épaule est déjà rouge tomate comme si j'avais pris un coup de soleil dû au frottement de la sangle.
- Non. Enfin, pas vraiment. J'ai pris le nécessaire. Et je te jure que cette fois, je me suis appliquée ! J'ai même vérifié trois fois ! fis-je fièrement.
- La dernière fois que tu m'as dis «avoir pris le nécessaire» tu as embarqué une batte de baseball Leila, me reprit-il en soupirant
- On n'est jamais trop prudents !
- On allait à la plage !
- Et alors ? T'as jamais fait du beach ball ?
- Ca n'existe même pas ton truc.
- Qu'est-ce que tu en sais ? Si tu savais le nombre de sports qui existent mais qui sont encore méconnus du grand public ! Dans quelques années ça fera fureur.
- Mais bien sûr. Tu sais quoi ? Juste pour te rassurer, je vais te dire que je te crois.
- Oh comme c'est gentil ! Monsieur est bien bon sachant que je sens tout ton cynisme et ton doute.
- Absolument pas. Je te crois de tout mon être !
Je sais quand Jérémy me mens parce qu'il ne sait pas mentir. Théoriquement, ça devrait être une qualité, mais je pense que pour survivre, mentir est une nécessité. Encore une fois, cela confirme ma théorie : Jérémy ne survivrait pas dans une apocalypse de zombies, il serait sans aucun doute dans les premiers à mourir d'ailleurs. Que c'est triste. Paix à son âme.
- Au fait, tu ne m'as toujours pas dit où est-ce que l'on allait ? repris-je en sentant ses doigts tapoter sur le revers de ma main.
Il ne fait jamais ça, sauf quand il est heureux. Extrêmement heureux. Je vous l'ai dit, je sors avec un énorme golden retriever.
- C'est une surprise ! répondit-il tout sourire et tout fier
- Je n'ai aucune passion pour les surprises et tu le sais mieux que personne.
- Oui, mais là c'est différent !
- En quoi ?
- Il n'y aura que toi et moi.
Embrassant ma main, Jérémy continue à sourire tout en marchant. Je n'ai jamais vue autant de bonheur dans un seul être humain, mais comme il est croisé chien, je me dis que c'est probablement normal. Jérémy est un concentré de bonne humeur, de joie et de toutes les choses qui font bizarre au coeur et au corps.
Mais le pire dans tout ça ? C'est que sa joie, elle est contagieuse et c'est très difficile de la fuir. Croyez-moi, j'ai déjà essayé.
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