Je me demande quand est-ce que l'on sait que l'on est devenu adulte ?

Quand on se prends de passion pour l'électroménager en pensant ô combien un robot-aspirateur nous simplifierait la vie ?

Quand on arrive enfin à remplir une déclaration d'impôts sans chercher un modèle sur internet pour nous aider ?

Quand on ne pleure plus en prenant le volant pour aller faire quelques courses ?

Quand on accepte enfin l'idée inéluctable que non, nous ferons jamais le métier de nos rêves même si ce dernier consistait à être éleveur de licornes ?

Ou cela arrive quand on réalise que tout compte fait, nous n'avons pas tous les super-pouvoirs que nous pensions avoir enfants et qu'il existe énormément de choses sur terre sur lesquelles nous n'avons aucune emprise ?

Je pense que c'est là, que l'on devient adulte. Quand on accepte. Quand on arrête de se battre parce que l'on sait très bien que cela ne servira à rien. Quand on se dit que tout compte fait, subir une situation n'est pas si horrible que cela. Tout comme subir une séparation.

Au fond, je me suis souvent demandé à quoi ressemblerait ma vie sans Jérémy gravitant autour et bien que j'ai pu avoir un aperçu ces derniers temps, je réalise enfin, seulement maintenant et après avoir comprit le pourquoi du comment de son comportement, que je ne peux que le laisser partir. Certes, je pourrais essayer de convaincre ses parents mais que vaut la parole d'une enfant contre un déménagement de l'autre côté du pays ? Que vaut le souhait de deux adolescents désirant plus qu'ardemment restés ensemble contre une mutation professionnelle ? Sans doute pas grand chose. Ma vie n'est définitivement pas semblable à l'un de ces films où il suffirait que je me mette à genoux, en pleurs, suppliant de me le laisser.

En fait, je devrais tout bonnement subir la situation et le laisser partir. On pourra toujours s'écrire sur les réseaux, s'appeler et essayer de se voir pendant les vacances, mais...je ne suis pas naïve au point de croire que cela pourrait fonctionner car...ce n'est pas le cas. Les relations à distance ne fonctionnent pas et ce n'est pas tant une question de confiance, c'est tout simplement une question de rythme de vie. Nous n'avons déjà pas le même actuellement Jérémy et moi et il nous est devenu difficile de trouver du temps pour «nous» alors séparer par plusieurs centaines voir milliers de kilomètres ? Je sais d'ores et déjà quel en sera le résultat. En outre, je ne peux décemment pas le faire espérer, cela serait égoïste de ma part. Je pourrais lui écrire une lettre où je lui promet de l'attendre, où je lui ferais part de mon amour pur et sincère et où je lui signalerais que je serais tout à fait à même de m'ouvrir les veines s'il lui arrivait quoique ce soit, mais...Je ne le ferais pas. Mon côté dramatique ne permettrait pas de faire perdurer notre relation et je ne voudrais pas le retenir.

En fait, je crois que tout le problème est ici. J'aime Jérémy, mais je sais aussi que je l'aime suffisamment pour le laisser partir. C'est étrange, non ? Je devrais avoir le coeur brisé à cette idée et bien que cela me fasse mal, ce n'est pas non plus une sensation si horrible car je sais. Je sais au plus profond de moi-même que je fais cela pas seulement pour lui, mais aussi et surtout pour moi.

Nous ne pouvons nous retenir mutuellement. Nous devons grandir. Apprendre et survivre à la vie. Il y a tous un tas de choses qui nous attends, chacun de notre côté. Tous un tas d'aventures et d'obstacles à franchir - et je ne parle même pas de la fin du lycée - qui nous attendent au tournant.

Et je me rends compte qu'être «adulte» tout compte fait, ce n'est peut-être pas si compliqué. Ce n'est pas tant subir la vie...mais c'est surtout l'accepter quoi qu'il puisse advenir.