💛 CHAPITRE 16 💛

Je me suis toujours demandé : De quoi est-ce que l'on parle à dix-huit ans ? Est-ce que l'on fait des plans sur la comète ? Ou est-ce que l'on se retourne la tête ? Je n'en sais trop bien. Jusqu'à présent, je n'y avais jamais réellement réfléchi, bien que «réfléchir» est un bien grand mot pour moi. Je ne réfléchis pas. Jamais. Je pense. Beaucoup. Beaucoup trop d'ailleurs. Je pense à tous un tas de choses inutiles, futiles et qui ne me servent strictement à rien si ce n'est à me donner des maux de têtes. Mais jamais, ô grand jamais, je n'ai pensé à mon avenir. A «notre» avenir, en fait.

Avec Jérémy tout à toujours été très simple. Au début c'était «Je t'aime moi non plus», ensuite c'est devenu «Je t'apprécie et t'es un petit peu jolie», puis ça a évolué en «On se fait un ciné ?» telles les phases naturelles d'une évolution Pokémon. Le problème c'est que dans mon combat pour remporter la ligue de l'amour, j'ai oublié une chose essentielle, primordiale même : Je ne sais pas comment faire évoluer mes sentiments. Depuis le tout début, j'ai toujours dit qu'avec Jérémy, ça s'était fait naturellement. On s'est détesté, on s'est toléré, on a un petit peu communiqué, on s'est apprécié puis...eh bien...on est venu à s'aimer et tout ça, oui tout ça, c'est fait naturellement sans que notre relation ou notre façon de se comporter l'un envers l'autre ne change de façon drastique. Je veux dire...Jérémy a toujours été un petit peu trop protecteur avec moi et moi j'ai toujours été un petit peu trop chiante avec lui. Mais dans le bon sens du terme ! Je veux dire...regardez-moi ! Je suis là, à lui tenir la main, à rire à la moindre de ses blagues, à lui payer des souvenirs bidons dans un kiosque à journaux qui, probablement, me dérobe de mes quelques et maigres économies, mais je m'en fiche !

Le seul truc qui me dérange c'est le «On verra» de tout à l'heure. Après la discussion sur Noël et l'avenir, on est rapidement passés à autre chose, comprenant qu'un certain malaise s'était installé entre nous. Qu'est-ce que l'on peut être forts pour passer à autre chose sans crever l'abcès alors ! De vrais petits champions et pourtant, il faudrait qu'on discute. Qu'on discute de ce qui nous attends, de ce qui nous tends et nous rends si nerveux dès que l'on aborde le sujet. Il faudrait, en réalité, que l'on aborde tous un tas de choses avec Jérémy.

Mais il n'en a pas envie et je n'ai pas envie de lui forcer la main. En fait, si ? J'en ai très envie. J'ai envie d'avoir les dix milles réponses aux dix milles questions que je me pose ! J'ai envie de savoir ce qu'il pense de tout ça et pourquoi on ne l'aborde pas ? J'ai besoin de savoir ce qui le retient et pourquoi, depuis une heure maintenant, il a ce regard si fuyant dès que je le regarde ?

Au fond, je le sais. Je le connais. Mieux qu'il ne se connaît lui-même et ce regard je sais pertinemment ce qu'il veut dire : Il me cache quelque chose.

Théoriquement, je ne devrais même pas me focaliser dessus, après tout, il a le droit d'avoir son petit jardin secret s'il en a envie et je devrais même respecter cela...Qu'importe ! C'est juste que...Je n'y arrive pas. Je reste bloquée sur le fait que Jérémy me cache quelque chose et il sait que je le sais. Il le sait, alors il me fuit davantage comme si ce genre de comportement avait déjà fonctionné. Non. En restant dans le silence, on ne fait qu'aggraver la situation et je peux d'ores et déjà le sentir.

- Il faut qu'on parle, fis-je soudainement en m'arrêtant au milieu du chemin

Jérémy s'arrêta à son tour et se retourna vers moi avec son regard du «Qu'est-ce que j'ai fais encore ?».

- Je sais.

Mais quelque chose me dit qu'il n'en a pas envie. Pas plus que moi d'ailleurs. Je n'ai pas envie d'être celle qui aborde le sujet, pas plus que je n'ai envie d'être celle qui lance les hostilités, mais c'est tout simplement plus fort que moi. Je peux le sentir. Quelque chose nous retiens.

- Je le sais depuis...longtemps, mais je me disais que ce petit voyage pourrait nous faire gagner du temps. Du moins, je l'espérais, se confesse-t-il

- On ne peut pas vivre dans notre bulle éternellement, Jérémy. J'aimerais tout autant que toi me persuader que tout va bien dans le meilleur des mondes, mais...

- C'est plus fort que toi, hein ?

Il y a, dans son sourire, une certaine tristesse. Peut-être que Jérémy sait ou a toujours su que ce moment arriverait. Comme je l'ai toujours su au plus profond de moi, mais que j'ai préféré ignoré cette «sensation» comme si c'était possible de cacher quelque chose dans un coffre tout en jetant la clé. Le problème est que ce «quelque chose» frappe à la porte et ne demande qu'à sortir maintenant.

- Je n'ai pas envie de faire ça ici, au milieu de tout le monde Leila. Rentrons à l'hôtel d'abord et discutons dans la chambre, d'accord ?

- Mais va-t-on au moins le faire ? Toi et moi savons qu'une fois rentrés, on fera comme si rien ne s'était passé, parce qu'on est très forts à ce petit jeu là. Je n'ai pas envie de ça. Je n'ai pas envie de me dire que je vis dans une bulle, dans ma petite romance et qu'une fois que l'on partira, il y aura un retour brutal à la réalité. J'ai envie de savoir où est-ce que l'on va...ou tout du moins où est-ce que l'on en est présentement toi et moi. J'ai envie de dormir, l'esprit tranquille. J'ai envie d'arrêter d'y penser et d'y réfléchir à chaque pas que je fais alors que ma main tiens fermement la tienne pour l'empêcher de se dérober de mes doigts. J'ai envie de me sentir...en sécurité. Voilà.

Quelque part, en lui disant tout cela, je ne peux m'empêcher de me sentir égoïste. Jérémy n'est pas à blâmer. Personne ne l'est dans notre histoire, car peut-on en vouloir à deux adolescents perdus ? C'est comme si le monde était contre nous et cherchait désespérément un moyen de nous séparer. Comme si, petit à petit, au fil des jours, des mois et des années, nous nous rendons compte que quelque chose va finir par nous séparer. Je n'aime pas ça. Pourtant, ne dit-on pas que pour se retrouver, il faut savoir se quitter ? Je déteste ce proverbe et tous les proverbes dans ce style-là mais je ne peux pas non plus savoir où je vais si je ne sais pas dans quelle direction marcher, non ?

Alors oui, je suis sans doute égoïste, mais j'ai le droit de savoir et de faire moi aussi, mes choix.

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