💛 CHAPITRE 11 💛
Il y avait probablement mille autre façons de passer la soirée qu'en compagnie d'un couple de personnes âgées et même si la petite voix à l'intérieur de ma tête me hurlait de prendre mes jambes à mon cou à chaque seconde, je savais pertinemment que je ne pouvais hélas pas fuir. Pour une raison qui m'échappait totalement, Jérémy semblait tenir à cette soirée. J'oublie, parfois, qu'il est «monsieur social» et moi «madame pas aimable». Le couple en question s'appelait donc Françoise et Thierry, retraités depuis maintenant trois ans et visiblement amoureux des voyages. Françoise était assistante vétérinaire alors que Thierry bossait comme employé de bureau pour un siège social de la grande distribution alimentaire. Magnifique. Ils se sont connus alors que Thierry avait malencontreusement shooté un chien sur le bord de la route, l'amenant d'urgence à la clinique vétérinaire la plus proche, là où il tomba nez à nez avec Françoise. Le reste, c'est de l'histoire.
- Et vous deux alors ? Comment vous êtes vous rencontrés ? nous demande Françoise entre deux gorgées d'un cocktail plus rouge que ses lèvres.
Je ne suis pas une fervente partisane de ce que l'on appelle «la discussion» et si cela ne tenait qu'à moi, je ne discuterais même pas, mais Jérémy...ah Jérémy, c'est à cause de lui quand nous sommes assis-là, depuis maintenant deux heures, à les écouter nous déblatérer toute leur vie dont j'en ai personnellement, rien à faire. Lui semble bel et bien intéressé malheureusement.
- On se connaît depuis l'enfance, lui répondit-il, nos mères sont amies depuis toujours et donc...voilà !
«Voilà». J'aime sa façon de résumer la chose. Juste un «voilà» alors que lui et moi savons que c'est bien plus long et complexe que ça. Cela ne s'est évidemment pas fait du jour au lendemain et je lui ai voué une haine sans borgne pendant des années durant, mais je crois qu'à force...Je me suis plus ou moins habituée à sa présence et j'ai fais la paix avec la sombre idée de devoir le côtoyer tous les jours. Nous étions voisins. Nos mères étaient amies donc oui, Jérémy était constamment dans mes pattes : Les anniversaires, les fêtes de fin d'années, les repas de quartiers, les apéros. Il était tout le temps là. Même à l'école ! C'était terrible. Je devais me le coltiner constamment et ce n'était pas évident. Il me tirait les cheveux, se moquait de moi avec sa bande de copains, gribouillait sur mes cahiers, me volait mes goûters, me poussait dès qu'il en avait l'occasion, puis...quand j'ai eu l'âge et surtout quand j'ai compris que cela ne cesserait probablement jamais, j'ai changé la donne. Je me suis mise à riposter ! Je l'ai frappé, poussé, raillé et martyrisé à de nombreuses reprises. Je n'avais pas de répits tant que Jérémy ne connaitraît pas la douleur et la souffrance. Certes, j'avais huit ans et c'était hyper précoce comme façon de pensée, mais que voulez-vous ? On naît psychopathe ou pas. Malheureusement pour lui, j'ai très vite adoptée pour héroïne Mercredi Adams plutôt que Barbie princesse casse-noisette. Bien que ses noisettes à lui, j'ai dû les frapper un bon nombre de fois également maintenant que j'y pense.
Donc non, cela ne peut se résumer à un «voilà» et honnêtement, je ne suis pas très fan de l'idée que deux étrangers puissent en savoir davantage sur nous. Après tout, Jérémy est peut-être un âne, mais j'ai été élevée avec pour politique «On ne parle pas aux inconnus, même pas s'il t'offre un bonbon».
- Il est rare de voir deux jeunes sur les routes comme vous ! Cela doit être tellement excitant pour vous deux que d'être là, sans chaperon pour vous surveiller...Vous allez pouvoir faire pleins de petites bêtises !
Alors si on pouvait éviter de dire le mot «bêtise» accompagné d'un clin d'oeil lourd de sens, j'apprécierais. Je ne suis ni stupide, ni simplette et je sais très bien que la majorité des adultes autour de moi pensent que dès qu'ils ont le dos tourné, Jérémy et moi nous nous sautons dessus tels deux animaux perdus dans le cycle de la vie. Sauf que non. Nous l'avons déjà fait, oui, mais l'occasion n'est pas encore venue depuis que nous sommes arrivés et cela ne fait que huit heures.
Voyant Jérémy rougir, visiblement gêné par les propos obscènes qu'il venait d'entendre, mon pied vient s'écraser maladroitement sur le sien afin de le ramener à la réalité. Je veux bien croire que Françoise et Thierry soient nés à l'époque de la libération des mœurs et que la «sexualité» c'était tout un sujet, mais ce temps-ci est révolu. Aujourd'hui, nous sommes d'autant plus conscients des risques si tentait que l'on peut appeler ça comme ça. Nous faisons les choses dans l'ordre et convenablement.
Jérémy émit un léger rire, certainement pour être poli, mais à sa place, je les aurais envoyés balader. Ma propre mère n'est déjà pas au courant de tout ce qui se passe entre nous alors je ne vois pas pourquoi Huguette et Raymond devraient l'être.
- En tout cas, je ne vous remercierais jamais assez pour les informations que vous m'avez fournies tout à l'heure ! Vous venez souvent dans le coin pour en savoir autant ? demande Jérémy en tentant de détourner le sujet de la conversation
- Oh, une fois par an au moins. Dès que nous le pouvons, répondit Thierry tout sourire et visiblement fier de cette nouvelle, Cet endroit à un côté magique qui nous plaît assez à Françoise et moi.
- C'est vrai, il y a une montagne de petites anecdotes sur le coin à connaître ! Entre le puits aux souhaits, le lac des amoureux... oh ! Vous devriez y aller ! Cet endroit est enchanteur et vous promets pleins de fabuleux souvenirs.
- Ca ira, mais nous suivrons notre propre programme, coupé-je
Cette fois, c'est Jérémy qui vint m'écraser le pied en me dévisageant. Il ne dit pas un mot, mais je compris rapidement son silence et fit mine de rien. Peut-on m'en vouloir ?
- Vous avez l'air d'avoir un sacré tempérament ! rit Françoise, C'est bien, vous irez loin dans la vie !
- En tout cas, vous, vous arrêterez peut-être prochainement au cimetière.
- Leila ! grogne Jérémy
Oups. J'étais persuadée de l'avoir dit à voix basse celle-là. Autant pour moi.
- Ce n'est rien, intervient Thierry, C'est probablement la fatigue qui parle et puis, nous en avons connu d'autre, vous savez ? Peut-être devrions-nous tous aller nous reposer. Une bonne nuit de sommeil après un si long trajet !
- Oui, cela me semble judicieux ! Arrêtons-nous pour ce soir, rajoute Françoise en se levant
Le couple nous salue et quitte la tablée tandis que Jérémy se retourne vivement vers moi, me dévisageant avec son regard le plus sérieux.
- Quoi ? rouspété-je
- Tu sais très bien ce que tu viens de faire. D'une ce n'est pas polie et de deux, cela ne se dit pas ! Je sais que tu as un côté cinique prononcé quand tu t'y mets, mais ils ne t'ont rien fait ! me réprimande-t-il avec le peu d'autorité qu'il peut avoir sur moi.
- Ah parce que je suis censée laisser un couple de vieux me parler de ma vie sexuelle sans rien dire ? C'est la meilleure !
- Ce n'est certes pas agréable pour toi, mais ils n'ont rien dit de méchant eux au moins.
- Non mais je rêve !
- Leila !
Sans en entendre davantage, je quitte la table à mon tour et m'enfuis à toutes jambes, entendant encore mon nom siffler à travers le couloir du hall d'entrée. Je n'en écouterais pas plus. J'étais dans l'embarras et lui, tout ce qu'il trouve à me dire, c'est que j'ai été...méchante ? J'hallucine.
Il verra ce que ça fera quand je serais réellement méchante et il s'en mordra les doigts !
- Je le déteste !
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