14 - Reflexions - Les amis
Partie 2 Les amis
Seattle de nos jours.
Ambiance : Michele Morrone - Feel it
Rosalie et Jason ont raison. Sortir, m'aérer un peu, c'est agréable. Je dois juste oublier ma culpabilité d'avoir laissé ma Lily toute seule sur son lit d'hôpital
– Arrête !
La voix agacée de Rosalie m'interrompt et je tente de dissimuler la grimace de tristesse de mon visage.
– Je te connais : Lily n'est pas seule. Thomas, Jason aussi sont avec elle. Depuis dimanche tu n'es pas sortie de cette chambre d'hôpital. Elle va bien ! Tu le sais. Respire un peu !
– Oui, je sais que tu as raison. Je sais que je lui casse les pieds à ma Lily. Elle me l'a dit ce matin.
Rosalie sourit de mon aveu et posa son bras sur mon épaule.
Nous venons de courir pendant quinze minutes. Cette habitude de courir ensemble dans les parcs de Seattle, nous l'avons gardée depuis nos années de faculté. Seuls les deux derniers trimestres de ma grossesse ont interrompu temporairement cette habitude. Bientôt, ce serait à cause de Rosalie que nous ferons une 'pause ». Ceci dit aujourd'hui elle était nettement plus en forme que moi. Qui a dit que les femmes enceintes étaient malade les premiers mois de la grossesse ?
Nous faisons une pause bienvenue devant la fosse où les pingouins s'ébattent malgré la température agréable de ce mois d'octobre. Le parc zoologique est proche de l'hôpital et je n'ai accepté de sortir avec Rosalie que si nous n'allons pas loin. Essoufflée, je m'appuie sur la rambarde et regarde deux bébés pingouins aventureux s'éloigner de celle que je pense être leur mère. Elle a le dos tourné et ne voit pas leur manège. Enfin, c'est ce que je pense jusqu'à ce qu'un des petits glisse maladroitement sur la glace. Immédiatement, l'instinct maternel fonctionne et l'adulte avance en se dandinant à toute allure pour relever le fugueur et le remettre dans le droit chemin.
Le rôle de parent, c'est sûrement aussi cela. Laisser une part d'autonomie aux enfants, les laisser grandir... tout en étant présent en cas de besoin. Mon côté « enseignante » le sait, mais mon cœur de mère a des difficultés à admettre que je peux laisser ma fille malade sans moi.
– Rosalie ? Suis-je trop maman poule ? demandé-je soudain angoissée à nouveau. Mon amie éclate de rire.
– Tu es une maman poule, c'est sûr ! Tu as deux jeunes enfants que tu élèves seule et tu y réussis merveilleusement bien. Je souhaite être une maman-poule comme toi. Bon, je n'ai pas pu te rendre visite à l'hôpital jusqu'à aujourd'hui alors raconte-moi tout. Le médecin ? Il était bel homme ? Les visites que vous avez eues ? Les repas étaient bons ?
Je l'interromps, heureuse qu'elle arrête ainsi mon instant de doute. Rosalie est la meilleure pour trouver les mots et détendre l'atmosphère.
– Stop... question après question. Le médecin séduisant ? Euh j'ai eu ma dose de médecin pour la semaine, mais celui-là... tu ne l'as vraiment pas vu ? Un ersatz de Ducky dans NCIS. Gentil. Efficace. Amusant, mais un degré de séduction proche du néant.
– Et le Docteur Mancini ? Stephen ? Il est venu te voir je crois ? Et lui question séduction ?
– Rosalie ! Je prends les questions dans l'ordre ? Ne me perturbe pas.
J'essaie d'esquiver. La moue que Rosalie affiche me convainc que de toute façon elle ne lâchera pas le morceau, je vais devoir raconter les visites et même peut-être mon dimanche avant son coup de fil.
– J'en étais où ?
– Vos visites !
– Oui ! Thomas a été le premier lundi matin et il a été adorable : il a apporté deux livres. Une histoire de princesse et de poneys pour Lily et un bon thriller romantique pour moi ! Les heures passent si lentement à l'hôpital. Jason l'a remplacé vers midi trente. Tu sais l'heure où les plateaux repas sont servis à l'hôpital.
– Comme tu me surprends, Emma ! s'esclaffe Rosalie. Le lundi, je suis de garde à l'école et il mange tout seul mon homme. Il cherche toujours à grappiller plus que les sandwichs que je lui prépare. Il a séduit une infirmière pour qu'il lui donne un truc ?
– Même pas ! Un plateau avec une soupe et une part de gâteau au chocolat a été servi à Lily... dis-je encore surprise de ce fait.
– Mais elle venait d'être opérée de l'appendicite donc elle ne pouvait pas manger ?
– Je le sais. Lily le sait. Le médecin le sait. Le service de chirurgie aussi... mais l'hôpital est plein de surprise ! Jason a trouvé le gâteau au chocolat très bon. Ainsi que la soupe à la tomate.
Nous nous étranglons de rire, je revois l'air un peu inquiet de Jason d'être pris en flagrant délit de dévorer les repas des patients et Rosalie connait suffisamment son homme pour imaginer la scène.
– Personne n'est venu vous voir le soir ? Je n'ai pas pu venir, j'étais avec Tom à son entrainement de football.
– Oui et je ne te remercierais jamais assez de me le garder cette semaine. Pour les visites je ... J'hésite à poursuivre sachant que les questions vont pleuvoir. La nichée de pingouins s'est éloignée et grands et petits s'amusaient à faire des glissades. Sans réfléchir je me remets en marche me dirigeant vers la partie réservée aux cervidés.
– Alors ? Raconte ? Qui est venu ? Pas de secrets entre nous n'est-ce pas ?
– Non, non, pas de secrets. Promis. Garrett est venu voir ma fille, lâché-je sans la regarder.
– Ah !
Je tourne mon visage vers elle, étonnée du silence qui suit sa courte exclamation. Je vois qu'elle pouffe et cherche à étouffer son rire sous sa main.
– Ça te fait rire ? Je te fais rire ? Lancé-je vaguement en colère d'être le sujet de sa moquerie.
– Non pas toi ... j'imaginais juste Garrett, à peine dix ans... prendre le bus après l'école ou le taxi. Et venir rendre visite seul à ta fille.
– Pff, idiote ! Il était avec sa tante Allison !
– Oh. Dommage.
Pourquoi mon amie semble déçue ? Bon honnêtement, j'ai été déçue aussi. Au moins autant que soulagée quand Allison est entrée dans la chambre juste derrière Garrett. Puis Stephen est entré à son tour.
– Allison est très gentille, dis-je.
– Ouais, sûrement.
Le ton de Rosalie est soudain plus froid. Je me demande pourquoi. Rosalie, d'ordinaire plutôt amicale, même si elle ne le montre pas toujours, semble réticente envers Allison.
– Rosalie ? Que se passe-t-il avec Allison Mancini ? Dimanche soir je n'ai pas fait très attention, mais tu ne parais pas apprécier la sœur de Stephen ?
On s'assoit toutes les deux sur un banc en face du sous-bois grillagé qui abrite les cerfs et biches. Il parait vide. Je reporte mon attention sur mon amie. Vêtue d'un survêtement noir qui moule sa silhouette parfaite, elle a une allure fantastique, grande, élancée et semblant sûre d'elle comme d'ordinaire, mais je sens en elle une gêne, une tristesse inexpliquée.
– Explique-moi Rosalie ? Que se passe-t-il ? Que t'a dit ou fait Allison ?
Le regard bleu de Rosalie est hésitant puis je repère le moment où elle se décide à se confier.
– Elle ne m'a rien fait. Je lui ai à peine parlé. Mais... je suis certaine qu'il se passe quelque chose entre elle et Thomas.
Je commence à saisir l'attitude de Rosalie, et ce qu'elle soupçonnait, rejoint ma propre opinion.
– Et alors ? Thomas est un grand garçon, non ? insisté-je surprise par sa réaction.
– Et alors... rien. Thomas n'en parle pas, s'énerve Rosalie en tapant du poing sur le banc. Et quand il ne parle pas, je sais que c'est important.
Je me retiens de rire. Voir Rosalie en mode « jalousie » ou « protectrice » est très comique. Tentant de dominer le sourire qui menace de m'envahir, je continue mon interrogatoire
– Tu as vu le "quelque chose" à quoi alors, s'il ne te dit rien ?
– La petite brune le dévorait des yeux dimanche soir quand elle nous a rejoints dans la salle d'attente. Et Thomas faisait de même. Tu n'as rien vu. Tu étais collée contre Stephen qui avait le même regard pour toi.
Oups terrain miné.
Stephen me regardait comme cela ? Pourquoi mon cœur menace de s'envoler en entendant ces mots-là !
Je préfère faire comme si elle n'a rien dit. Expliquer tout cela, mon comportement et celui de Stephen à Rosalie va me demander beaucoup de temps et pas mal d'efforts. Sur le coup, Rosalie a dix ans de retard. Je me racle la gorge.
– Allison est revenue hier avec Garrett et son frère. Thomas était là. J'ai vu ce dont tu parles. Ils sont impressionnants. On dirait qu'ils communiquent avec le regard. Thomas l'a regardée, puis il a embrassé le front de notre Lily, m'a dit au revoir et est sorti de la pièce en saluant Stephen et Allison l'a suivi immédiatement. Ils n'ont même pas prononcé un mot, mais il était évident qu'ils avaient comme un rendez-vous dans le couloir ou ailleurs.
Rosalie m'écoute attentivement.
– Et Stephen ?
– Quoi Stephen ? Il a eu exactement la même tête que toi en ce moment : « si ce type fait du mal à ma sœur je lui casse la figure ». Je n'ai pas eu besoin qu'il me le dise, c'était évident et même Lily l'a vu ! Il a complètement oublié que Thomas était son ami.
Rosalie hausse les épaules, effaçant mon commentaire moqueur en remuant ses longs cheveux blonds.
– Pourquoi tu es sûre que Lily a vu quelque chose ?
J'imite alors la voix de ma fille.
– Elle a dit « Monsieur... Euh Stephen, pourquoi tu es en colère après oncle Thomas ?» et il a répondu que c'était parce qu'il n'était pas très malin.
J'éclate de rire au souvenir du visage déconfit de Stephen d'être deviné par une petite fille. Ceci avait eu au moins le mérite de détendre l'atmosphère entre nous deux. Nous ne nous étions pas revu depuis dimanche soir et nous n'avions pas eu l'occasion de reparler de nous.
– Ok Emma, Stephen et moi on est peut-être un petit peu trop protecteur envers nos proches, reconnait Rosalie.
Je retrouve mon amie. Assez vive et emportée, mais reconnaissant aisément ses défauts.
– Sûrement juste un petit peu, Rosalie.
Comme mes lèvres me démangent de la taquiner un peu plus, je regarde à nouveau le sous bois et le spectacle nous paralyse par sa beauté.
Une jeune biche au pelage clair est à quelques mètres de nous. Elle nous ignore totalement. Son attention est fixée ailleurs. Nous suivons la direction de son regard et un peu plus loin dans le sous-bois, à travers les arbres la haute silhouette majestueuse d'un grand cerf mâle apparait dans une petite clairière. Il arbore la classique et fière parure des mâles sur sa tête, mais sa beauté est ailleurs. Son pelage marron étincelle de reflets cuivrés sous les rayons du soleil qui traversait les branchages, dessinant des reflets changeants fascinants sur son corps puissant. Il avance doucement. Sa démarche, lente et décidée à la fois, indique qu'il connait son objectif. Il ne nous regarde pas une seule fois lui nous plus. Nous sommes quantité négligeable devant la force de son instinct. Ses yeux marron et brillants sont fixés sur la biche qui, de son côté, se dirige vers lui. En quelques secondes, ils sont l'un à côté de l'autre. Il baisse un peu sa belle tête vers la jeune femelle comme pour l'accueillir puis il plaque son flanc contre le sien. Ils restent immobiles un moment l'un contre l'autre, appuyés l'un à l'autre, se soutenant mutuellement, nous laissant profiter, Rosalie et moi de leur complicité. Puis ils disparaissent en un clin d'œil bondissant d'un même mouvement à l'abri des regards derrière les frondaisons.
Nous pouvons alors mon amie et moi reprendre notre respiration. Nous nous regardons sans rien dire. Nous savons l'une et l'autre que nous avons assisté à un instant magique. Quelques instants passent avant que je ne reprenne la parole.
– Je reviendrais ici avec les enfants. C'est sûr. Nous sommes venus dans ce parc un soir, il n'y a pas longtemps mais... chaque visite est différente.
– Tu es venue avec Stephen non ?
– Oui, dis-je, laconique, me souvenant de ce vendredi soir pas si lointain.
– Et si nous parlions de lui un peu ? Que se passe-t-il entre vous ? Pendant dix ans, tu as refusé de parler de lui. Il réapparaît et, apparemment, il prend pas mal de place dans ta vie en peu de temps.
Nous sommes toujours assises côte à côte et je sens le regard appuyé de Rosalie sur moi. Elle est mon amie. Elle veut m'aider. Mais mes idées sont encore si peu claires. Un jour, je veux garder mes distances avec lui pour me protéger et le lendemain, je me jette à sa tête. Avec l'opération imprévue de Lily et les tracasseries qui ont suivies, organiser la garde de Thomas, mon absence en cours pendant une semaine, je n'ai pas pris le temps de repenser à nous deux. Car il y a un nous deux. C'est évident. Mettre des œillères ne servira à rien.
– Nous nous sommes rapprochés. Lui et moi. Nous avons fait l'amour dimanche. J'étais avec lui quand tu m'as appelé pour Lily, confié-je à voix basse, ressentant toujours cette pointe de culpabilité.
Seul le silence me répond. Levant la tête brièvement, je croise le regard pensif de mon amie. Elle soupire esquissant un demi-sourire puis elle hausse les épaules.
– J'aurai dû m'y attendre. Je connaissais tes sentiments pour lui lorsque nous étions étudiantes même si tu refusais à l'époque d'en parler. Alors c'était... comment ? continue-t-elle légèrement moqueuse
– Je te demande comment c'est quand tu fais l'amour avec Jason ? répliqué-je mi-figue mi- raisin, n'ayant aucune envie de répondre à sa question ou d'entendre ses confidences sur leur vie de couple.
– Non, c'est vrai... rigole-t-elle, je ne te dirais rien : tout va très bien ne t'inquiètes pas pour nous. C'est juste que Stephen et toi, vous vous tournez autour depuis tellement longtemps que
...
– Ce n'était pas la première fois. Nous avons déjà... vécu cela à l'époque de la fac
Je la coupe soudain sans trop savoir pourquoi je lui confie cela maintenant.
Elle ouvre la bouche et la referme. Il est rare de voir Rosalie aussi surprise et sans mots. Je me sens obligée de poursuivre.
Une seule fois. La veille de son... départ.
Elle explose alors dès qu'elle comprend le sens de mes mots. Elle se lève et se dresse devant moi, menaçante, blanche et furieuse.
– La veille de sa disparition tu veux dire ! Il t'a fait l'amour et il est parti ! Comme cela ! Sans rien dire ! Te laissant tomber comme une vieille chaussette et maintenant il pointe sa belle gueule et veut reprendre les choses où il les a laissées ? Et tu le laisses faire ! Emma ! S'il te plait ! Réagis !
Je réagis. Je n'ai pas, les premières secondes, compris sa fureur, mais là, elle attaque Stephen sans savoir, sans chercher à comprendre. Je me lève à mon tour et affronte mon amie.
– Oui, je réagis ! Oui, je fais ce dont j'ai envie : j'ai envie d'aller vers lui et de lui faire confiance, car il le mérite. J'ai envie de lui et de connaître mieux l'homme qu'il est devenu. Je ne veux pas me laisser aveugler par des idées reçues ou par l'impression qu'il aurait pu laisser en nous quittant il y a dix ans. Il a le droit de s'expliquer. Il a ses raisons. Laisse-lui une chance. Comme tu dois en laisser une à Allison et à Thomas de vivre leur histoire.
Rosalie me fixe stupéfaite par ma réaction. Nous ne nous sommes jamais parlé ainsi et l'éclat de ma voix l'a fait reculer. Je continue en parlant moins fort, cherchant les mots pour lui faire comprendre et tentant d'apaiser la colère qui gronde en moi.
– Tu es mon amie depuis si longtemps. Tu dois accepter Stephen si tu veux le rester. Accepter de réfléchir. Il ne me fera jamais de mal volontairement. Je... l'aime. Réfléchis, Rosalie.
Je l'ai dit. Ma voix se casse sur les derniers mots et je tourne brutalement les talons. Enfonçant mes poings dans les poches de ma veste, je marche d'un pas rapide vers l'hôpital afin de rejoindre ma fille et mes amis. Je regrette déjà mon éclat contre Rosalie. Entrant dans le centre hospitalier, je me heurte dans le hall à Allison. Impeccablement vêtue d'un jean noir et d'un pull blanc, elle semblait pâle et inquiète. Elle me prend par le coude et m'entraîne à vive allure dans un coin du hall. La sœur de Stephen n'a que 2 ou 3 ans de moins que moi, mais elle est... décidée, alors je me laisse faire ayant épuisé mon stock de combativité pour quelques jours au moins. De plus, j'ai envie de savoir ce qu'elle veut. Si elle a décidé, elle aussi, que je dois ne pas m'approcher de son frère, je crois que je retrouverais un peu d'énergie pour la renvoyer à ses propres affaires.
– Bonjour Allison. Tu vas bien ? Que se passe-t-il ?
– Excuse-moi Emma, je vais bien... ou presque. Enfin je pense. Et toi ? Tu as l'air un peu... énervée ?
Sans me laisser le temps de répondre, elle poursuit.
– Je voulais te parler seule à seule. Thomas et mon frère sont en haut avec les enfants. Je t'ai donc attendue ici, car ton fils m'a expliqué que tu reviendrais bientôt. Je ...
Elle hésite à poursuivre ce qui ne semble pas être dans sa nature. Patiemment, j'attends l'encourageant du regard, tout en me tenant sur mes gardes.
– Je veux juste m'assurer que... il n'y avait rien entre Thomas et toi, dit-elle comme si elle se jetait du haut d'une falaise.
Une fois de plus, je ne peux placer un mot. Elle reprend déjà.
– Il me plait énormément, même plus que cela, mais je sais que vous avez habité ensemble et je ne veux rien détruire entre vous.
Je souris, soudain détendue. Spontanément j'embrasse la joue de la sœur de Stephen. Si elle savait que ce n'est pas sur Thomas que j'ai des vues, mais sur son frère...
– Calme-toi, Allison. Pour résumer la situation, imagine-toi que je suis la seconde sœur de Thomas, et contrairement à l'autre, j'ai décidé de te faire confiance. Ceci-dit, je me joindrais à Rosalie pour t'arracher le cœur si tu faisais du mal à notre cher Thomas, plaisanté-je.
– Ah ! Il me semblait bien que ton attention était portée ailleurs, mais je voulais en être sûre. C'est tout.
Bon, elle n'est pas bête et Stephen et moi ne sommes peut-être pas aussi discrets que nous le pensons. La voix est maintenant tout aussi charmante, mais nettement moins stressée. Elle me rend mon baiser amical tout en me susurrant à l'oreille.
– Sache que je ferais de même avec toi si tu faisais du mal à mon grand frère. Je suis beaucoup plus forte que les gens le pensent en me voyant ! Mon Dieu, nos deux imbéciles de médecins préférés seraient choqués de voir les accords que nous passons derrière leur dos !
Nous éclatons de rire. Nous ne nous sommes rencontrées que deux ou trois fois, mais la glace est brisée. Sur un coup de tête, je lance une proposition qui me trotte dans la tête depuis que je connais son existence.
– Lily devrait sortir de l'hôpital demain soir et j'envisage de faire une petite soirée chez moi, entre amis, ce week-end pour fêter son retour à la maison. Je pense inviter Thomas, Garrett et Stephen et toi bien sûr. Jason et Rosalie aussi.
– Je viendrais avec plaisir. Je te remercie.
– Super, mais je veux te demander autre chose : j'aurais voulu, si tu peux te libérer de ton travail, que tu viennes plus tôt dans l'après-midi pour m'aider un peu et qu'on apprenne à se connaitre ?
Cela me ressemble peu. Mon cercle d'amis est restreint, mais j'ai envie de me lier à cette fille un peu fantasque. Elle me contemple la tête légèrement penchée sur le côté.
– Je serais chez toi vers quinze heures. Je me débrouillerai avec mon patron. Tu es vraiment aussi gentille que je m'y attendais. Ça changera Stephen de l'autre idiote, conclut-elle à voix si basse que je me demandais si j'avais bien entendu. À samedi alors.
Avant que je ne puisse répondre elle s'est éloignée en direction de la sortie de son pas dansant et léger.
Je prends l'ascenseur et arrive très vite devant la porte entrouverte de la chambre de ma fille. Le son de la voix de Stephen me parvient et j'entre doucement.
Thomas est assis sur le fauteuil, Tom est sur ses genoux, paisible, presque endormi, dans une position qu'il adopte souvent depuis qu'il est petit. Thomas a été leur « père » de substitution, plus qu'un oncle pour eux. Stephen, lui, est assis sur le lit à côté de ma petite Lily, Garrett installé sur le sol à ses pieds, calé contre les jambes de celui-ci. Lily et lui écoute attentivement Stephen qui leur lit une histoire.
Mon Stephen. Stephen Mancini, tourne le dos à la porte, mais je distingue la tête de ma fille posée sur ses cuisses. Sa voix veloutée résonne agréablement dans le calme de la chambre.
- « À compter de ce moment, Hermione devint amie avec Ron et Harry. Il se crée des liens particuliers lorsqu'on fait ensemble certaines choses. Abattre un troll de quatre mètres de haut, par exemple... »
Il lit les aventures de Harry Potter à nos enfants.
Ils sont tous fascinés par l'histoire. Mes enfants, même s'ils sont petits et ne comprennent pas tout, l'adorent et je leur en fais régulièrement la lecture le soir à la maison. Ils ne m'ont pas entendu entrer. Seul Thomas, face à la porte m'a fait un clin d'œil discret. Je m'approche du lit, derrière Stephen et passe ma main sur son dos depuis ses omoplates jusqu'à sa taille, j'ai besoin de le toucher et je sens ses muscles se détendre au passage de mes doigts. Je m'assois à mon tour sur le lit et laisse mon épaule s'appuyer contre la sienne tandis que sa main libre vient saisir la mienne sur le drap du lit. Nos doigts s'entrelacent discrètement. Il poursuit sa lecture et je caresse de ma main libre les cheveux de ma fille allongée.
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