1- Premiers regards - A la fac
Chapitre 1 Premiers regards
Partie 2 – A la fac
Université de Seattle - 10 ans plus tôt - Septembre.
Ambiance : The Boxer Rebellion - The Gospel Of Goro Adachi
Il pleuvait à torrents ce jour-là. Rien de bien surprenant sous le ciel de Seattle, mais tous auraient préféré avoir un jour de rentrée sous le soleil.
Les étudiants se pressaient sous l'auvent central qui joignait les deux hauts bâtiments. C'était le seul lieu abrité de cette partie du campus.
Par un curieux hasard, la faculté de Médecine et l'université de Langues avaient été construites l'une à côté de l'autre. Les deux bâtiments jumeaux se collaient l'un à l'autre au niveau de cet abri de verre. Un peu plus loin se situaient la cafeteria et la bibliothèque, communes aux deux universités, les deux étaient fermées en cette matinée de rentrée. Les concepteurs des Universités avaient dû imaginer que ces étudiants pouvaient être compatibles. Tous les ans, les mêmes petits groupes se formaient sous l'auvent central. Groupes qui se scinderaient pour filer ensuite dans des directions opposées. Des vies opposées.
À gauche, la faculté de Médecine avec ses carabins rieurs et fumeurs. À droite, la faculté de lettres, les étudiants, des étudiantes surtout, étaient regroupés pour se protéger de la pluie. Cependant, ce matin-là, beaucoup de jeunes filles, les premières années de Littérature, ne quittaient pas des yeux le petit groupe de seconde année de Médecine qui n'était pas encore entré en cours. Aujourd'hui, se rejouait la scène de l'éternel attrait de Littérature pour la Science, où plutôt, des jeunes filles pour les quelques éléments masculins apparemment indifférents mais secrètement prêts à un rapprochement.
Côté Lettres : Emma Stone regardait l'attroupement de loin, assez désabusée. C'était sa première rentrée, elle ne connaissait personne et avait d'autres chats à fouetter que de mater les possibles futurs médecins. Elle voulait juste rentrer au chaud dans l'amphi pour écouter son professeur de Littérature anglaise lui exposer le programme de l'année. Elle voulait réussir. Elle avait besoin de réussir. Elle voulait sortir de sa petite vie trop simple et plate, sortir de la petite ville de Granite Falls. Elle aimait profondément Charles Stone, son père, qui n'envisagerait jamais de quitter sa bourgade, mais, à dix-huit ans, elle voulait vivre autre chose. En attendant, elle lisait tout ce qu'elle trouvait et nourrissait sa passion pour les auteurs anglais.
Elle croisa les bras autour de sa poitrine pour se réchauffer et attendit calmement, les yeux dans le vague, que quelqu'un daigne les faire entrer. Son regard erra sur la foule bruyante devant elle. Elle n'était pas très sociable et se demandait comment allait se passer cette année. La solitude de sa chambre à Granite Falls lui manquait déjà. Le petit appartement qu'elle avait loué dans un quartier proche n'était pas encore son « chez soi ». Elle n'avait pas eu le temps de s'y installer et hésitait à prendre une colocataire pour l'aider à assumer les charges. Si elle décidait de rester seule, elle allait devoir trouver un travail. Elle soupira avant de reprendre l'examen des spécimens humains qui se trouvaient devant elle.
Côté médecine : un petit groupe d'amis riait haut et fort : Jason Masen, un grand brun baraqué au sourire angélique, Thomas Rice, blond et fin plus réservé et Stephen Mancini, dont les cheveux blonds aux reflets mordorés, presque roux, luisaient sous la pluie. Ils se connaissaient depuis le lycée et avaient choisi la même voie. Tous les trois étaient fermement décidés à réussir leurs études de médecine.
Stephen était heureux. Sa deuxième année commençait bien. Il avait quitté l'appartement partagé avec ses deux amis l'année passée pour en louer un autre, seul, non loin de la fac. Il aimait bien son nouvel appartement. Il aimait être indépendant. Et ses amis n'étaient qu'à cinq minutes à pied. Les avantages sans les inconvénients !
Il jeta et écrasa sa cigarette, riant à une blague de Jason concernant les « filles d'à côté » comme ils appelaient les étudiantes en lettres. Il releva la tête vers les filles en question et croisa soudain le regard désapprobateur d'une de ces filles. Elle se tenait un peu à l'écart. Portant un jean simple et un pull noir un peu trop large, elle avait croisé ses bras sur sa poitrine comme si elle avait froid. Elle ne ricanait pas bêtement comme les autres, se contentant de regarder la cigarette qu'il venait d'écraser sur le sol avant de revenir à son visage. Stephen lui fit un petit sourire, il ne savait pas s'il s'excusait, ou s'il se moquait de sa désapprobation.
Qu'est-ce qu'elle n'aimait pas ? Qu'il fume ou qu'il jette son mégot sur le sol ?
Elle était jolie. Une jolie petite brune aux yeux marrons. Pas du tout son type. Mais jolie. Son sourire s'élargit. Elle lui tourna le dos, se dirigeant vers une fille brune au teint mat qui lui avait demandé quelque chose. Curieux. Stephen se passa la main dans les cheveux. Sa réaction était curieuse. Il avait l'habitude de voir les filles craquer à son petit sourire. Il n'en abusait pas, mais en cas de besoin, il n'hésitait pas non plus.
— Stephen, tu viens ?
La voix de Jason le ramena sur terre. La tape que celui-ci lui donna en même temps dans le dos le fit grimacer. La porte de l'amphi de Médecine venait de s'ouvrir. Une nouvelle année allait commencer.
En râlant pour la forme, il suivit Thomas et Jason vers le bâtiment. Puis il s'arrêta sur le seuil du bâtiment et se mit soudain à rire, s'ébrouant comme un jeune chien, secouant ses cheveux mordorés trempés par la pluie, créant mille gouttelettes autour de lui. Il était heureux. Il aimait le retour en cours. La médecine, il était fait pour ça.
Sans trop savoir pourquoi, Emma Stone se retourna à ce moment-là. Son cœur fit un bond dans sa poitrine et elle arrêta de respirer jusqu'à ce qu'il disparaisse dans le hall.
La vision de cet homme riant sous la pluie, exposant à tous l'image du bonheur et de la joie, heurta Emma en plein cœur.
Elle était fascinée, par sa haute et large stature mise en valeur par une chemise blanche presque trempée et un jean clair bien taillé, par l'élégance et l'aisance émanant de lui, par son visage qui semblait avoir été esquissé par un peintre de la Renaissance.
Elle était fascinée surtout par son bonheur.
Et jalouse aussi.
Et agacée.
Son petit sourire mi-moqueur, mi-contrit l'avait troublée.
Jamais un homme n'avait éveillé en elle autant de sentiments.
La porte du bâtiment s'ouvrit. Elle se retourna résolument vers ses études. Décidée à ne plus se laisser distraire.
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