Chapitre 42 Gardienne
– Préparez-vous au combat ! hurla Kotoa, du haut des murailles.
Comme prévu, les forces d'Hylia Grimson encerclait l'île de Légias dans une ultime tentative. Deux objectifs : récupérer le portail ainsi que Dahlia Kulro, la rescapée qui avait semé le désordre dans une prison de haute sécurité.
Face aux murs géants de Légias, une armée d'infanterie divisée en plusieurs groupes. Des hommes armés de lances, d'épées électromagnétiques, de pistolets à charge électrique et de boomerangs explosifs. À leurs côtés se trouvaient des motards de véhicules anti-gravitationnels et de kidruns, accompagnés d'hélicoptères qui sondaient la zone, mais ne s'approchaient jamais de la cité mythique.
Hylia avait réellement concentré toutes ses forces disponibles. Son armée s'étendait dans l'horizon glacé. Et, au milieu de ce corps d'attaque si étanche, la présidente dirigeait le spectacle dans une cabine de verre, posée sur un domion adulte, qui avançait difficilement sur le sol glissant.
Tout se mettait en place, comme sur un échiquier. Chaque mouvement pouvait se révéler fatal.
Entre les murs de Légias, les guerriers prenaient eux aussi place. Certains méditaient pour concentrer leur force et en donner aux arbres pour les protéger. D'autre s'armaient des pieds à la tête avec la ferme intention de défendre leur terre. D'autres encore se postaient sur la muraille, prêt à lancer des attaques psychiques à chaque instant. Les enfants avaient été pris en charge par les aïeux léginois, et mis à l'abri au cœur même de l'île, dans le ventre de celle qu'on appelait Lucera, la déesse-mère de Légias.
Kotoa guidait les siens dans la bataille. Drapée dans son armure dorée, elle était le symbole de leur résistance et de leur liberté. Son pouvoir, sa puissance, son honneur, elle mettait tout au service de son peuple et de sa terre. Elle ne les décevrait pas, elle ne s'enfuirait pas. Xelindra sourire-d'acier avait guidé son peuple pendant des années, elle devait se montrer digne de ses ancêtres, digne des Gardiennes.
– Homme Stephen cœur-noir, votre inquiétude me dérange, dit-elle.
À ses côtés, Stephen s'avança. Ce qui lui avait paru être une ombre mortelle était maintenant devenu un tsunami de messagers de la mort.
– Kotoa, qu'est-ce que vous pensez de ... tout ça ?
– Légias va périr.
– Quoi ? Mais ... mais vous voulez sauvegarder votre cité, non ? N'est-ce pas pour cela que vous aidez Dahlia ?
Kotoa soupira. Décidément, les étrangers posaient beaucoup de questions à propos des sentiments.
– Femme Dahlia porteuse-de-voix est fille de femme Xelindra sourire-d'acier, en cela elle est une descendante léginoise, d'une Gardienne qui plus est. Ses ordres sont absolus dans cette cité, c'est une question d'honneur.
– Donc vous la suivez sans la suivre ? Vous ne croyez pas en son plan ?
– La Terre n'acceptera aucune alliance avec un monde qu'elle ne connaît pas. De plus, le système terrien ne permet pas une attaque de cette ampleur. Sans parler du fait que la technologie n'est pas la même.
– Vous êtes déjà allée sur Terre ?
– Oui.
Kotoa remarqua que Stephen s'attendait à une réponse plus développée. Vraiment, ces étrangers ! Elle pouvait par ailleurs sentir le doute envahir le jeune homme, alors qu'il paraissait sûr de lui en entrant dans sa cité. Le doute n'était jamais bon pour un guerrier.
– Les terriens sont très isolés, interviennent peu lorsque leurs intérêts ne sont pas en jeu et complotent sans cesse avec leurs adversaires et leurs alliés. C'est à se demander s'ils mettent de l'honneur dans leurs actions. Femme Dahlia porteuse-de-voix est trop jeune, elle ne connaît pas les règles terriennes, c'est voué à l'échec.
– Donc, nous sommes destinés à mourir sur cette île ?
– Oui. Mais ne mourrons pas sans nous battre. Nous sommes des guerriers, pas des sujets.
Doucement, elle posa un genou au sol et ferma les yeux. Elle se concentra sur le vent qui lui caressait la peau, sur la peur qui régnait dans les rangs, la rage et la colère, l'incompréhension, sur le crissement de la glace qui cristallisait le paysage dans le temps. Puis, Kotoa souleva sa main et sentit le vent s'enrouler autour de son poignet.
– Suov, stirpse ed al erutan ...
L'atmosphère se fit plus sombre. Les nuages se concentrèrent autour de Légias, noir, menaçant, orageux.
En bas, l'assurance de l'armée commença à vaciller.
Dans sa cabine, Hylia s'était levée et observait le ciel avant de jeter un regard noir à la Gardienne dorée des remparts.
L'armure de Kotoa s'illumina. Dans cet environnement si obscur, la seule lumière fut la sienne. Pendant un instant, elle fut aussi rayonnante que l'Ishtar.
– Zeronoh ertov tartnoc, zegetorp ertov etic !
Kotoa ouvrit soudainement les yeux. Ses iris n'étaient plus saphirs mais d'un doré étincelant. Elle se releva, la paume en direction du ciel.
Sous les yeux ébahis de Stephen, les nuages se mirent à onduler, à se tordre, à se transformer. Peu à peu, les traits de canidés apparurent. De longs renards d'une blancheur éblouissante, dont la queue rejoignait les nuages gris. Les ombres permettaient de distinguer leurs yeux, longs et fins, ainsi que leur bouche, elle aussi élargie, qui laissait entrevoir des dents aiguisées. Un symbole était ancré sur leur front d'une couleur rouge vive. Deux vagues symétriques qui formaient une goutte d'eau sans contact.
– C'est quoi ... cette magie ? s'exclama Stephen, les jambes flageolantes.
Des dizaines de renards flottaient autour de Kotoa.
– Ce sont des hartsune, des esprits protecteurs. Légias n'a jamais été une île ordinaire, répondit Kotoa.
– Mais là, ça dépasse tout entendement !
– Croyez-vous que le portail ait été construit ici sans raison ? Toutes les particules de l'île sont empreintes des magies de l'Ancien Temps, lorsque les dieux régnaient sur Xiar K-II.
Sur ces mots, Kotoa a étiré ses bras de façon à former une croix.
– Zesiurted el imenne ! s'écria-t-elle en claquant des mains, droit devant son visage.
Une vague d'air secoua la muraille et les arbres, dont les feuilles s'échappaient dans la vallée de glace. Alors, les hartsune s'élancèrent et fondirent sur les troupes d'hommes. De véritables guerriers invincibles, intouchables, qui déferlaient sur les rangs ennemis et les asphyxiaient.
En riposte, les canons furent activés. Les boulets de fer et de feu étaient lancés dans tous les sens. Les arbres de Légias les attrapaient et les renvoyaient, lorsque leurs branches n'étaient pas détruites par la puissance de tir. Pour les autres, les léginois utilisaient leurs aptitudes psychiques pour les contrôler. En revanche, les hartsune ne pouvaient rien faire contre le feu et, à chaque boulet qui atteignait l'un de ces esprits, ce dernier disparaissait, s'évaporait.
– Homme Stephen coeur-noir, nous retiendrons l'ennemi, affirma Kotoa. Allez sur Terre, et ne revenez jamais.
– Quoi ?! Non ! On ne peut pas abandonner la lutte, ni vous ! Et le portail ? Ils auront accès au portail de toute façon !
– Les léginois sont nés pour vivre contre la loi des autres, ce n'est qu'un sacrifice naturel. Quant au portail, je le détruirais, n'ayez crainte. Partez.
Stephen voulut protester, mais sa voix ne pouvait plus rien dire. Kotoa avait sorti sa lance et la pointait vers le ciel. La pointe dorée étincela au milieu des nuages et, dans tous les recoins de Légias, des cris de guerres percèrent le vent. Devant tant de grandeur, Stephen ne sut trouver les mots. Devant cette guerrière en armure qui affrontait la mort avec honneur et respect, le jeune homme restait muet.
Avec un dernier regard vers la bataille qui avait lieu à ses pieds, il se précipita au portail avec une seule idée en tête : disparaître.
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