- Je suppose que ça devait se passer comme ça, souffla Dahlia en replaçant la lame correctement dans sa main.

- Tu espérais que ça se passe comment ?

- Je croyais que tu détestais Ewan, pourquoi lui obéis-tu ?

Au lieu de répondre, Nathan passa à l'attaque. Dahlia bloqua son coup de pied avec son tibia, et esquiva la droite de Nathan en se penchant sur le côté. Elle repoussa ensuite le pied de son attaquant, se baissa en tournant rapidement sur elle-même pour se donner de la vitesse, puis lui lança un middle-kick sur le flanc gauche.

Nathan recula sous le choc.

- Pourquoi ?! s'écria Dahlia.

Nathan attaqua de nouveau avec plus d'agressivité. Il assaillit Dahlia de coups de couteau diagonales. Dahlia les évita tous, et voulut s'avancer pour riposter, mais Nathan l'en empêcha en lui envoyant un coup de pied dans le ventre.

Dahlia s'effondra au sol en tenant fermement son ventre. Elle se mit à gémir.

- Pourquoi ... chuchota t-elle.

Nathan leva la lame pour l'abattre. Dahlia se redressa, se mettant à genoux. Elle releva les yeux vers lui, et Nathan se stoppa net en voyant les larmes jaillir de ses magnifiques yeux implorant.

- Pourquoi tu m'as fait ça ? pleura Dahlia.

Devant ce regard larmoyant, Nathan détourna les yeux et détendit ses muscles.

- Je n'ai aucun autre repère, marmonna t-il.

Il lança sa lame dans la vitre. Son arme rebondit et tomba par terre, à plus de quatre mètres de lui.

- J'en ai marre ! explosa t-il. Je n'ai pas d'autres repères, tu comprends ?! C'est le seul modèle que j'ai eu ! Tu aurais préféré que je suive Falvius ? Tu as vu comment il a rendu ma sœur ?!

- Tu n'es pas obligé de suivre quelqu'un. Tu n'es pas un mouton, dit Dahlia en essuyant ses larmes.

- Si, justement ! Si, j'en suis un !

- Alors trouve toi un autre berger.

Nathan émit un rire strident, presque méprisant.

Le jeune homme plongea en avant sur Dahlia, et la cloua au sol. Il lui tient fermement les épaules. À sa grande surprise, la chef ne chercha même pas à s'en défaire. Elle pleurait de nouveau à chaudes larmes. On aurait dit une enfant qui avait perdu sa peluche.

- Pourquoi ...

Nathan s'attendait à un nouvelle question à laquelle il n'avait pas envie de répondre. Il se prépara à frapper et assommer Dahlia.

Cette dernière le fixa.

- Pourquoi je ne peux pas sauver ce qui m'est cher ?

Ses larmes redoublèrent d'intensité. Elle se cacha le visage avec ses mains. Sa poitrine se soulevait rapidement, et ses sanglots saccadés résonnaient dans ses paumes.

Nathan prit ses mains et les retira. Il la regarda longuement. Dahlia se sentit dénudée, mais elle soutient son regard. Alors, il l'embrassa. Un baiser rapide, comme un au revoir ordinaire chez un couple. Dahlia écarquilla les yeux.

- Désolé, murmura Nathan.

Puis, il lui asséna un coup de poing dans la mâchoire. Dahlia s'évanouit sous la puissance de la blessure interne.

Nathan récupéra la lame bleue de la jeune fille et la posa sous sa gorge. Il releva les yeux pour admirer le combat de deux guerriers.

Guoy affrontait Shion. Ce dernier évitait chaque attaque, sans jamais riposter. Son rire seul emplissait l'étage de Kief. Il sautait, se baissait, tournait autour du général tel un singe qui s'amuse dans les arbres.

Guoy n'avait pas l'air fatigué de frapper en vain. Nathan se dit qu'il devait chercher un point faible dans la défense de Shion. En attendant, il maniait son épée mieux que personne. La lame bougeait au rythme de son corps, comme un prolongement de son propre bras. Les coups en diagonales fusaient, l'épée tournoyait autour du général. Nathan perdit la lame de vue, pour la retrouver à l'opposé de son ancien emplacement.

- Stop ! hurla t-il.

Guoy et Shion se figèrent. L'agent de l'Ordre était placé derrière Guoy, prêt à bondir. Quant au général, il avait l'épée immobile au dessus de sa tête, prêt à frapper. Le regard des deux hommes se posa sur Nathan, qui appuya un peu plus la lame bleue sur la gorge de Dahlia. Une goutte de sang apparut.

- Guoy, rendez vous ou elle meure, dit Nathan.

Guoy sembla le sonder pour voir s'il disait la vérité, s'il oserait tuer celle qui l'avait sauvé. Il dut en déduire que oui, puisqu'il mit délicatement son arme au sol.

- Je regrette, je n'ai pas l'habitude d'être menacé, s'énerva Guoy.

En un éclair, il attrapa une dague à sa ceinture et la lança dans l'épaule de Nathan, qui lâcha la lame bleue. Sous la surprise, Shion ne vit pas le poing de Guoy à temps. Projeté avec force contre la vitre, celle-ci se fissura sans se briser. Shion se massa le ventre en grimaçant.

Guoy courut en direction de Nathan, toujours dangereusement au dessus de Dahlia. Le jeune homme voulut récupérer la lame, tombée sur le côté, mais Guoy glissa et dégagea la lame de son périmètre d'un coup de pied. Puis, il vint percuter Nathan pour l'éloigner de Dahlia.

Les deux hommes roulèrent sur le côté. Guoy finit par prendre l'avantage et immobilisa Nathan au sol.

- Ton frère sera fier de toi, ironisa Guoy.

Nathan se raidit.

Shion arriva à cet instant, avec une agilité surprenante, et libéra Nathan en envoyant Guoy valser dans le trou béant des anciens escaliers.

Nathan se releva et se pencha au dessus de la tour de poussière. Guoy se tenait à ce qui était autrefois une marche. Il tentait de remonter, mais sa seule prise ne l'aidait pas. Nathan pouvait entendre ses rugissements de colère.

- On se casse, dit-il.

- Et la fille ?

Nathan se tourna vers Dahlia, couchée par terre. La vue de son corps si fragile, le son de son souffle résistant, le souvenir des étincelles dans ses pupilles, Nathan ne voulait pas les voir disparaître.

- On la laisse, déclara-t-il.

- Tu es sûr ? Ça me paraît pas prudent, à moi. On pourrait peut-être lui coudre la bouche, puis la jeter dans une rivière et attendre qu'elle se noie, et après ...

- Non, on la laisse. J'en prends la responsabilité.

Shion parut surpris.

- Si tu veux, mec. Je suis pas contre, j'ai juste du mal à être pour !

Avec un dernier regard tendre, Nathan disparut dans le dédale de couloir de Kief avec son complice, se fondant dans l'ombre avant de passer à l'action. Une action grandiose, qui changerait l'avenir de cette future guerre, l'avenir du monde divisionnaire, son avenir.

Il était bientôt temps de prendre possession des lieux.