Chapitre 20 Bons baisers de Kief

NDA ! Vous avez sans doute remarqué, j'ai mis des titres aux chapitres. C'est plus simple pour s'y retrouver. Je ne sais pas pourquoi je ne l'ai pas fait avant ! Bonne lecture.

C'est donc tout bêtement que, plusieurs heures plus tard, après avoir cogité toute la journée, Stephen se retrouvait caché dans sa cabine à l'étage du bureau des enquêteurs. Entrer avait été simple, il avait un badge. Accéder aux étages supérieurs était nettement plus compliqué. Surtout qu'il ne connaissait pas la disposition des pièces, ça ne l'aidait pas franchement.

La nuit était tombée, les étoiles scintillaient. Les deux lunes offraient une lumière argentée au travers des fenêtres, l'étage étant globalement éteint de part en part.

Le plus discrètement possible, Stephen rejoignit la porte des escaliers. Il grimpa sans plus attendre les marches jusqu'aux étages suivants, recherchant un palier susceptible d'abriter un quelconque chef. Plus facile à penser qu'à faire. Kief était un vrai labyrinthe.

Stephen se faufilait parmi des bureaux, des dédales de couloirs, parfois des scènes d'expositions d'arts ou d'objets d'anciennes guerres. Lorsqu'il tomba devant une grande porte en bois ciré, possédant de petites pierres étincelantes violettes, il crut être au bout de son cauchemar, mais il s'agissait seulement d'une bibliothèque.

L'espion aurait pu vite passer son chemin, et chercher ailleurs, mais la collection l'attira à l'intérieur. Des petites lumières économes lui permettaient une vision quasi totale de la grande pièce ovale dans laquelle il se trouvait. Des livres anciens disposés à chaque parcelle de mur. Des milliers de parchemins, de livres en tout genre. Stephen se demandait même si c'était possible d'accueillir autant de reliques.

Des robots en recharge, accrochés aux murs, indiquaient que les livres supérieurs étaient pris en charge mécaniquement.

Stephen observait maintenant les grandes vitrines, au milieu de la salle, dont la glace brillait sous l'effet de la lumière. De vieux bibelots étaient à l'intérieur, à première vue. Mais à bien regarder, c'étaient des objets anciens, ayant appartenu aux plus grands. Notamment cette chaîne d'os humains, porté par Nedrax le Grand lorsque, selon le mythe, il gravit le volcan Granit, au Sud, pour apporter la civilisation à Xi'ar K-II.

La fascination du jeune homme faillit le perdre, puisqu'il n'entendit pas les pas résonner dans le couloir. Ce n'est que lorsque la poignée tourna qu'il s'aperçut qu'il était à vue. Sans réfléchir, il s'accroupit derrière la vitrine, espérant que l'exposition à l'intérieur le cacherait assez.

Il entendit des pas s'approcher de lui, puis se stopper. Deux voix lui parvinrent.

- Dahlia ne vient jamais ici, je ne suis même pas sûr qu'elle connaisse son existence, on sera tranquille, dit une première voix.

Stephen reconnut Ash, le faible timbre indiquait une volonté d'être discret.

- Je l'espère. Son état m'inquiète. J'ai l'impression qu'elle ne sait plus ce qu'elle fait, c'est dangereux, répliqua la seconde voix.

L'espion n'eût aucun mal à reconnaître Guoy et toute la stature derrière sa voix grave.

- Ouais, elle devient obsédée par des choses futiles. À part lui dérouiller le cerveau, je ne vois pas quelles solutions nous avons.

- La guerre va débuter et nous n'avons aucune garantie, nous sommes en mauvaise posture. Notre armée n'est pas assez nombreuse pour affronter autant d'ennemis.

Stephen comprenait l'empressement de Falvius. Une guerre en préparation, Gudiea avait des raisons de s'inquiéter. S'il ne prouvait pas sa puissance, il n'aurait pas la terre qu'il convoite.

Dans un mouvement involontaire, Stephen perdit l'équilibre. Il tenta de se rattraper à la vitrine, tomber en arrière l'exposerait complètement aux deux hommes de la pièce. Il réussit à tenir, mais la petite fermeture éclair de la manche de sa veste tinta sur la vitre, ce qui provoqua un bruit métallique résonnant dans la pièce dangereusement.

- Qu'est-ce que c'était ? s'inquiéta Guoy. Personne n'est censé être ici.

- Non, probablement une bestiole. Y en a des tas. Cet endroit est abandonné par la femme de ménage.

- Nous n'avons pas de femme de ménage.

- Justement.

Stephen avait cessé de respirer. Une boule au ventre, il était en équilibre sur ses doigts de pieds.

Il entendit des pas étouffés, puis la porte s'ouvrir. Il sortit un peu la tête pour vérifier ses hypothèses. Quand il vit une ombre fermer la porte, il ne se posa plus de questions et se releva en vitesse.

Il étira tous ses muscles et souffla un grand coup pour déstresser. Il tremblait de partout. La peur de se faire prendre, une certaine paralysie, avaient eu raison de son aspect détendu.

- Je savais que tu étais là, déclara une voix en hauteur.

Stephen fit le un bond de plusieurs mètres, frisant la crise cardiaque. Il se retourna, apeuré.

Ash était toujours là, dans l'ombre. Appuyé contre les étagères, le jeune blond ne laissait passer aucune émotion. Était-il en colère, déçu, surpris? Stephen n'arrivait pas à le savoir. Soudain, il se demanda pourquoi les sentiments de Ash lui importaient tant. Il chasse ces idées et se concentra sur son principal ennemi dans le cas présent.

- Je ... visitais les lieux !

- Toujours aussi mauvais menteur, ça a un côté mignon.

- Ah bon ? ... Je veux dire ! Comment ça, mauvais menteur ?

Ash se redressa et commença à avancer vers l'espion, qui n'avait aucun argument à lancer.

- Je t'ai déjà dit que je savais tout.

- Ce n'est pas possible de tout savoir, répliqua Stephen. Que sais-tu, au juste ?

- Oh, des tas de choses. La seule que tu as besoin de savoir pour l'instant est ...

Il s'approcha davantage. Plus que quelques centimètres les séparaient. Stephen ne savait plus s'il devait décamper ou attendre qu'Ash s'en aille.

- ... que je vais t'embrasser, ici et maintenant.

- Pardon ? -

Ash ne lui laissa aucun temps d'argumentation, il coupa toute voix à Stephen en plaquant ses lèvres sur les siennes. Ses mains rassurantes vinrent entourer le visage de l'espion, qui ne savait plus quoi faire. Ce n'était pas désagréable, mais il ne comprenait pas la raison de ce geste.

Le baiser fut court, délicieux, et dangereusement imprévisible.

Ash le regardait droit dans les yeux, une lueur malicieuse dans le regard. Stephen n'avait pas bougé d'un pouce.

- P-pourquoi ?

- Une raison est-elle obligatoire ?

- N-non ... je ne crois pas ...

- Tant mieux, sourit Ash.

Et il recommença. Cette fois-ci, Stephen lui rendit avec un plaisir indescriptible. Il avait tout oublié autour de lui. L'endroit où il était, pourquoi il se trouvait là, les problèmes qu'il encourait, tout était effacé. La seule présence d'Ash contre lui suffisait à le vider de toute angoisse.

Il se sentit comme transporté dans un torrent d'émotions. L'excitation de sentir toute cette chaleur corporelle contre sa peau. La joie d'être embrassé d'une manière si douce et si tendre. L'incompréhension d'être attiré par quelqu'un du même sexe que lui. Le plaisir d'être emprisonné contre le corps d'Ash.

Personne ne lui avait jamais fait ressentir tout cela avec un seul contact.

Ash prolongea ce baiser jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus respirer. Il mit sa main dans celle de Stephen et la serra amoureusement.

- Rentrons, dit Ash.

Stephen s'écarta subitement, comme régit par un instinct paradoxal.

Le jeune blond ne réagit pas, il ne chercha pas à le retenir, il attendit seulement que Stephen s'exprime.

- Je ne peux pas ... Tu ne comprends pas, Ash, je ne peux pas. Ma mission est ...

- Je sais, coupa Ash. Je t'ai dit que je savais tout. Tu dois tuer mon chef.

Stephen écarquilla les yeux.

- Tu as déjà tué auparavant ? D'une manière préméditée, j'entends, demanda Ash.

Le silence confirma l'intuition d'Ash. Le jeune espion n'était pas un meurtrier. Du moins, pas volontaire.

- Stephen ...

- Non ! Je dois le faire ... Falvius ...

- ... est un poids pour toi. Tu dois t'en défaire. Tu peux vivre ici, tu seras à l'abri de ce type.

- Il est ma famille ! cria désespérément Stephen.

Sa voix résonna en écho dans la bibliothèque. Stephen reprit rapidement son souffle, son torse se levant activement comme s'il était en pleine crise d'angoisse.

- Je peux être ta famille. L'Est est devenue ta famille. Falvius n'est pas ta famille. Est-ce qu'un membre de ta famille te vendrait à un dictateur ? Ne lui cherche pas d'excuses. Être un membre de ta famille n'autorise pas tout, Stephen ! Ouvre les yeux, putain !

Ash s'avança vers Stephen, qui recula par réflexe.

- Tu n'es pas quelqu'un de méchant, Stephen. Tu n'es pas un meurtrier. Que veux-tu devenir ?

- Que veux-tu dire ?

- Quel est ton but dans la vie ? Qu'est-ce que tu veux être au plus profond de toi ?

Stephen n'en savait rien, à vrai dire. Personne ne lui avait jamais posé la question. Mais il était sûr d'une chose, il en avait marre d'être un pantin au service des autres. Il sentait qu'Ash ne le considérait pas comme une marionnette, et pensée seule résuma sa vie entière.

Il voulait être aimé. Il attendait désespérément qu'on lui dise les mots qui remplissent un cœur vide.

- Je veux ... Je veux être ...

Il essaya de refouler ses larmes, en vain. Cette fois-ci, il ne s'éloigna pas d'Ash quand celui-ci vint le serrer dans ses bras.

- Tu as tout le temps de trouver, je t'aiderais. Je suis prêt à t'aimer.

Ash serra un peu plus son étreinte, sentant que Stephen ne pouvait plus retenir aucune de ses larmes.

- Je t'aime déjà, sourit Ash.

À ces mots, Stephen se laissa complètement aller et hurla à s'en défaire la voix. C'était un cri puissant, rempli d'une tristesse accumulée depuis des années. Un hurlement reflétant tout le vide qu'il avait essayé de combler dans sa vie, tout le bonheur qu'il recherchait et dont il avait abandonné la quête. C'était un cri de guerre contre lui-même. Il avait vaincu. Il avait trouvé son arme pour combattre. Il avait débusqué son bouclier pour le protéger du danger.

Ash était là, maintenant. Il avait trouvé une perle éclatant son avenir, d'une brillance si insolite et surnaturelle qu'elle en devenait fascinante.

Derrière la porte massive de la bibliothèque, Guoy souriait discrètement.

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