Chapitre 8 - partie 2
D'un coup, je me reprends. Je me redresse et recule d'un pas pour échapper à la vision de la jeune femme. Je ne peux pas faire ça.
Elle est si jeune... et elle a un bébé !
Je secoue la tête pour clarifier mes idées, et toute envie de descente du toit s'échappe de mes pensées.
"Tu es un monstre."
Je suis un monstre.
Je ne peux pas faire ça. Il faut que je cherche une autre personne. Je me retourne, prends mon élan pour reprendre ma course, mais des bruits sourds m'arrêtent net. Mes dix "compagnons" sautent un à un sur mon immeuble pour se retrouver devant moi, le vieillard en tête. Il n'est pas essoufflé, comme s'il venait simplement de faire trois pas en avant. Un mauvais sourire se colle sur son visage.
— Bien ! me félicite-t-il. Tu viens de nous trouver une première victime !
Ils l'ont évidemment repérée, eux aussi. Un éclair de panique traverse mon cœur de part en part. Tu es un monstre. Je reste stoïque. Je dois avoir l'air sûr de moi si je veux la détourner de leur attention.
— Je ne pense pas qu'elle soit parfaite. Je vais chercher encore un peu.
Ma voix grave résonne tranchante dans la nuit et je ne peux m'empêcher de ressentir un brin de fierté d'avoir su la maîtriser. Pour appuyer mes propos, je fais un pas en avant. J'en aurai bien fait un deuxième, mais en une milliseconde, le vieillard se retrouve devant moi. Je lève les yeux vers ses siens, et comme je le pensais, ils sont devenus rouges. Rouge sang. Comme les miens il y a quelques secondes.
— Cette femme est parfaite.
Sa voix a beau être chevrotante, elle respire la fermeté et l'autorité. Je m'apprête à riposter quand il reprend la parole.
— Tu t'es acquitté de ta mission. Je vais t'en donner une autre.
Ses yeux deviennent encore plus rouges et sa voix plus ferme. Je n'ose plus bouger, même pour respirer. Je sais que si je ne faisais ne serait-ce qu'un clignement d'œil, je me retrouverais vite dans l'autre monde. Je n'ai plus qu'à attendre et écouter.
— C'est toi qui vas descendre. Tu vas réaliser l'étape suivante.
Une protestation se fait entendre derrière lui et je n'ai pas besoin de le regarder pour deviner qu'il s'agit de l'un des jumeaux. J'ai beau détester ma nouvelle mission, je jubile intérieurement d'avoir volé la leur.
— Marius...
La main de l'homme qui me sert de père se pose sur l'épaule du vieillard.
— Je ne suis pas sûr que...
Il s'arrête à cause du regard foudroyant que le dénommé Marius lui adresse.
— Et moi je suis sûr "que".
Son ton ferme n'invite à aucune désobéissance. Mon père sert les dents. Je le connais assez pour savoir qu'il est contrarié. Mon père ne reçoit d'ordres de personne. Sauf de son propre père.
— Tu me remercieras plus tard.
Il me fait signe d'y aller. Je me retourne, plus pour dissimuler mon malaise que dans la hâte de lui obéir. Tu es un monstre. Cette phrase ne m'a jamais parue aussi vraie.
La femme a désormais bien avancé dans la ruelle. C'est maintenant ou jamais. Et si je choisis l'option "jamais", je ne me remettrai jamais de ses conséquences.
Je m'avance jusqu'à bord de l'immeuble, évalue la force que je vais devoir mettre dans mes jambes, et saute. Mes vêtements se soulèvent lors de ma chute de quinze mètres, et je dois maintenir le bas de mon pull. Quelques secondes plus tard, mes pieds touchent le sol. Je plie mes genoux pour encaisser le choc et me redresse. La femme hurle en me voyant atterrir deux mètres devant elle. Son bébé se réveille et crie à son tour.
— Je suis désolé... je souffle.
La culpabilité me serre l'estomac quand je me jette sur elle. Son corps chute et elle tente de protéger son enfant. Elle se relève à toute vitesse, son enfant hurlant contre sa poitrine. Mais je suis debout car je me suis redressé avant de tomber. Je perçois de l'incompréhension dans ses yeux, mais elle ne perd pas une seconde, et tente de me donner un coup de pied dans les parties intimes.
Elle est courageuse...
Malheureusement pour elle, je suis bien plus rapide. J'attrape son pied entre mes mains et le retourne de sorte à la faire tomber au sol. Elle hurle de frayeur une nouvelle fois. Elle lâche son bébé qui roule à un mètre d'elle. Je me bats intérieurement pour ne pas la laisser partir. Je ne dois pas flancher. Je l'immobilise au sol.
Presque immédiatement, un rire éclate au-dessus de moi.
— Bien ! Bien !
La voix du vieillard Marius résonne dans la ruelle tandis qu'il saute du toit de l'immeuble. Les autres le suivent. Marius s'approche lentement de moi et me regarde d'un air victorieux. Si je le pouvais, je lui sauterais à la gorge et lâcherais la femme qui a désormais arrêté de hurler, sûrement trop effrayée pour esquisser le moindre geste.
Mais je me retiens. Cela ne servirait à rien. La femme ne serait pas sauvée et j'y passerai aussi. Et je sais que ma mort serait beaucoup moins douce que la sienne. Je me contente de le foudroyer du regard. Son éclat de rire se fait plus puissant, ce qui décuple ma rage. Je serre les dents et tente de la refouler. Il penche la tête sur le côté, faisant miroiter ses yeux rouges. Son sourire s'élargit quand il perçoit mes émotions.
— Je vais te faire changer d'avis.
A la vitesse de l'éclair, il sort un canif de sa poche et il se penche vers la femme pour lui entailler profondément le bras. Elle hurle de douleur et tente de se débattre. Ses ongles s'enfoncent dans ma peau, la rayant profondément au niveau du poignet, mais la douleur ne m'affecte pas et je la tiens bien trop solidement. De toute façon, mon esprit est bien trop occupé par autre chose.
Par le liquide qui coule de la blessure de la femme. Du sang. Son sang. Je sens mes yeux me brûler. Je les ferme le plus fort possible, tentant de chasser cette image de mon esprit pour apaiser la brûlure. Malheureusement, l'odeur du liquide carmin ne m'aide pas. Mes yeux sont toujours fermés, mais mon cerveau se laisse envahir par cette odeur délicieuse.
Délicieuse ? Je dois me reprendre ! Je ferme les yeux encore plus fort, sachant pertinemment que ça ne va servir à rien. Cette odeur m'attire comme un aimant. Je n'ai qu'une envie : voir le sang de nouveau. Un rire que j'identifie comme celui de Marius résonne dans le silence de la nuit. Malgré mes yeux fermés, je le sens se pencher vers moi.
— Ne renie pas ton identité. Laisse-toi aller. Tu es un vampire mon garçon...
Ce dernier mot résonne dans mon esprit. Vampire... Soudain, l'instinct chasse toute trace de raison de mon esprit. J'ouvre les yeux.
Immédiatement, ils se dirigent vers l'entaille et se mettent à brûler de plus en plus fort à la vue du sang. Une de mes mains lâche la femme pour venir toucher la blessure. Elle hurle de nouveau et je grogne. Elle ne peut pas se taire celle-là ? Je porte mon doigt ensanglanté à ma bouche.
Dès que le liquide rouge entre en contact avec la langue, c'est une explosion de saveurs. Je bois régulièrement du sang pour assouvir mes besoins de vampire, mais il n'est jamais aussi frais et aussi bon. Je meurs d'envie d'y regoûter. Je tends à nouveau mon doigt vers le sang.
Une main m'arrête, stoppant la féerie du moment. Des doigts ridés et gelés se ferment sur les miens. Je lève les yeux vers leur propriétaire. La réalité me frappe alors de plein fouet. Marius. Son sourire satisfait. Ses yeux plus rouges que jamais. Je remarque alors le reste de notre troupe, derrière lui. Ils me regardent. Je croise une autre paire d'yeux. Mon père.
Je crois voir une lueur d'espoir en lui. Cette constatation me fait reprendre l'intégralité de ma raison. Mes yeux arrêtent immédiatement de me brûler. Je me lève, ignorant la femme qui se relève et tente de récupérer son enfant qui n'a pas fait un bruit depuis tout à l'heure. Sa chute a dû le tuer... Je m'enfonce dans la ruelle, seul. J'ai besoin d'être seul. Personne ne me suis, mais j'entends au loin un des vampires demander à Marius :
— On peut y aller ?
Il acquiesce. Pour une fois, j'aimerais annuler ma super ouïe. Je suis à une bonne vingtaine de mètres des autres, mais j'entends tout avec une précision inouïe. Des sons que j'aurais préférés ne jamais entendre.
Mais je suis un vampire. Et j'assiste à la violence des derniers instants de cette jeune femme et de son enfant, tandis que ma conscience me souffle : tu es un monstre, Robin.
***
Bonjour lecteurs !
J'espère que ce chapitre vous a plus ! C'est un de mes préférés, je pense que vous pouvez deviner pourquoi ;)
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez en commentaire et à cliquer sur la petite étoile pour me dire s'il vous a plu ! :)
A très bientôt !
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