Chapitre 14 - partie 1
Une fois debout, je retire vite ma main de la sienne. Je n'ai jamais été très tactile, je n'aime pas trop qu'on me touche. Surtout par des personnes que je ne connais pas. Je remarque une grimace sur la figure de Robin. Il lève les yeux dans lesquels je lis du dégoût vers les miens.
— Tu m'as mis du jus de poubelle sur la main ! se plaint-il.
Son ton se veut accusateur, mais je sens le rire dans sa voix.
— Je t'avais prévenu, je rétorque en éclatant de rire.
Il rit à son tour et essuie sa main sur son pantalon. Je rêve ou je suis en train de rire avec Robin ? Soit c'est un excellent acteur, soit il rit vraiment de bon cœur.
Il y a dix minutes, je m'engueulais avec lui, et là, nous rions ensemble. J'ai l'impression de découvrir une nouvelle facette de sa personnalité à chaque instant. Je pourrais remettre notre précédent sujet de conversation sur le tapis, mais, étonnement, je n'en ai pas envie.
— Tu parles de ça à quelqu'un, je te tue.
— Ça m'étonnerait que tu y arrives.
Une ombre passe sur son visage, qui, d'un coup, redevient plus sérieux. Dans cette atmosphère, la question que je me pose depuis qu'il est arrivé s'échappe de mes lèvres sans que je ne puisse la retenir.
— Je croyais que tu ne devais plus me parler.
Il relève soudain les yeux et les fixe dans les miens. Le bleu de ses yeux s'empare de mon être, mais cette fois, j'arrive à me contrôler, à ne pas me noyer.
Robin m'observe un instant, puis fait un pas vers moi. Je ne recule pas.
— Je t'ai dit qu'il ne fallait pas que tu me parles, pas que je ne voulais pas...
Ses yeux me fixent toujours tandis que mon cœur rate un battement. Mes pensées volent dans tous les sens et il m'est impossible de les démêler. Seule une arrive à sortir du lot : je suis soulagée.
Je sais que je ne devrais pas, que je ferais mieux de m'éloigner, que continuer à vouloir le cerner risquait de me faire du mal. Mais la nouvelle facette de sa personnalité qu'il vient de me faire découvrir ne m'attire qu'encore plus vers lui.
Une seconde pensée se fraie un chemin à mon esprit.
— Et pourquoi il ne faut pas ?
A ces mots, ses yeux perdent leur luminosité et il recule d'un pas, mais ne répond pas. Il ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais le referme aussitôt. Il se contente de me fixer, mettant en place un discours muet. Ses yeux me disent qu'il ne me répondra pas.
— Que faisais-tu là, au fait ?
Il a détourné le sujet, mais je ne relève pas. Je sens que si je le fais, si j'insiste, je romprais le faible lien qui s'est installé entre nous.
Je réfléchis à sa question, et l'affolement me gagne immédiatement lorsque je me souviens du chaton. Comment est-ce que j'ai pu oublier ça ?
— Qu'est-ce qu'il y a ? demande Robin, percevant mon agitation
Je ne lui réponds pas car je suis déjà retournée près des poubelles, en essayant de récupérer le chaton. Je soupire de soulagement en entendant ses miaulements, signe qu'il est toujours vivant.
Enfin, par pour longtemps, il faut absolument que je l'emmène chez un vétérinaire. Cette fois je fais extrêmement attention à l'endroit où je pose mes pieds et arrive à atteindre le sac plastique sans tomber. La main au-dessus, j'hésite un instant. Et s'il était atteint d'un virus ? Est-ce que les maladies des chats sont transmissibles aux humains ? Il me semble que non. Enfin j'espère.
Dépêche-toi Garance ! Il va mourir si tu ne réagis pas plus vite ! Je décide d'écouter ma petite voix pour une fois et attrape le chaton dans mes mains. Je grimace quand des mouches s'envolent. Je réussis à ne pas trop approcher ma main des chatons morts, mais il y a plein de mouches sur eux.
Certaines étaient déjà posées sur MON chaton ! Elles devaient sentir que sa fin était proche. Trop tard pour elles ! Je suis bien décidée à le garder en vie.
Dès que je le touche, le chaton arrête de miauler. Je le cale dans mon coude gauche. Il est si petit ! Et si frêle ! Je ne lui donne pas plus de trois mois. Je peux sentir tous ses os sous sa maigre fourrure. Ou ce qu'il en reste, car elle est toute sale, pleine de poussière et d'éclaboussures de poubelles, et, à certain endroit, elle est carrément manquante.
Pauvre bête. Elle a beau salir mon blouson, je ne lui en veux pas. De toute façon, il a déjà pris un bain de poubelle.
— Alors ? résonne la voix de Robin.
Je me tourne vers lui, lui montrant mon trophée. Il se fige.
— C'est quoi ça ? demande-t-il.
Je me stoppe un instant, mais me reprends bien vite. Ce qui m'a semblé être du dégoût dans sa voix n'est qu'en réalité que de la curiosité. Je m'approche de lui, tenant toujours précautionneusement le chaton dans mes bras.
— Regarde ce que j'ai trouvé.
Comme s'il avait compris, le chaton se remet à miauler. Robin écarquille les yeux. Le temps d'un battement de cils, il me semble voir ses pupilles devenir rouges.
Lorsque je regarde plus attentivement, la couleur a déjà disparue, remplacée par le magnifique bleu océan que j'essaye de ne pas regarder. C'est un peu difficile, vu leur couleur. Et vu que leur propriétaire n'est pas en marge non plus...
Soudain, les pupilles bleues se tournent vers moi. Un sourire se dessine sur ses lèvres. Immédiatement, je me reconcentre sur le chaton, mais mes joues s'empourprent. Garance ! Concentration !
— Il faut que je l'emmène chez un véto, je précise, essayant de détourner l'attention de mon interlocuteur, ce qui, à mon plus grand bonheur, fonctionne.
— Ok, alors il faut se dépêcher. Il a du mal à respirer.
— Comment tu sais ça ?
Il désigne la boule de poils du doigt.
— Regarde ses épaules.
Je baisse les yeux. C'est vrai. Je n'avais pas fait attention avant, mais sa poitrine ne se soulève pas à intervalles réguliers. Une vague de stress m'envahit. Il faut se dépêcher. Pour le chaton.
Et aussi, il faut bien se l'avouer, je serai trop contente d'échapper à cette atmosphère et à l'odeur des poubelles (qui, soi-disant, va sûrement me suivre toute la soirée car j'ai eu l'excellente idée de plonger dedans).
— On y va, reprend Robin. Tu sais où il y en a un ?
Je tique sur le premier mot.
— On ?
Il hausse un sourcil.
— Tu ne pensais pas que j'allais te laisser seule avec le chaton ? Les rues ne sont pas sûres, il y a des poubelles partout.
J'écarquille les yeux. Puis je remarque son sourire en coin.
— Ça va, je pense que je vais devoir me débrouiller. Il n'y a pas des chatons abandonnés à chaque coin de rue.
Je voulais répondre quelque chose de drôle, mais je n'ai pas réussi. Je sens Robin sourire, mais moi, je ne pense qu'aux conséquences de cet acte abominable. J'en fais part à Robin.
Une heure plus tôt, je n'aurais jamais pensé parler comme ça avec lui, mais là, je me sens à l'aise. Je ne sais pas si c'est une bonne chose. J'aime bien ce Robin-là, mais quelque chose me dit qu'il ne sera pas présent demain matin quand nous retournerons en cours.
Je lui indique une clinique vétérinaire que j'ai repérée il y a quelques jours à deux rues de la mienne. Nous discutons ensemble pendant le trajet, la discussion portant sur l'abandon du chaton.
— Comment-a-il survécu à ton avis ? me demande-t-il.
Je réfléchis un instant.
— Ils ne devaient pas être là depuis trop longtemps, sinon celui-là serait morts de faim. Les autres chatons...
— Paix à leur âme, me coupe-t-il.
Je le foudroie du regard parce qu'il m'a arrêté et car il n'y a rien de drôle à ce que ces deux chatons soient morts ainsi, puis continue mon explication là où il l'a arrêtée.
— ... ils étaient plus enfouis dans le sac. Ils ont dû manquer d'air, (ma voix se brise). Mais qui peut être aussi horrible pour abandonner et tuer des animaux de la sorte ?
Robin commence à se lamenter, mais s'arrête d'un coup.
— Oh merde....
Je suis sur le point de lui demander ce qu'il se passe lorsqu'il lève brutalement les yeux au ciel.
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