Chapitre 10
Lorsque nous arrivons à l'accueil avec une porte de casier sous les bras, la dame à l'accueil hausse un sourcil. Je ressens le besoin de me justifier immédiatement.
— J'ai trouvé la porte de mon casier arrachée.
Stephan me lance un regard reconnaissant. Je ne sais pas pourquoi, mais ce gars dégage une aura qui incite à la confiance. Alexia, elle, est restée silencieuse le reste du court trajet, comme si elle avait appris une leçon. Elle a repris son attitude habituelle : silencieuse, réservée.
— Donc, qu'est-ce que je dois faire ? je demande comme la dame ne nous répond toujours pas.
Elle soupire. A ce moment, la porte au fond de la pièce s'ouvre et un homme apparaît. D'une quarantaine d'années, il est grand et imposant. Ses épaules sont carrées, sa tête haute, sa peau est blanche, ultra blanche, et elle contraste avec ses cheveux noirs de jais. Il porte un costard et une cravate, ce qui m'indique qu'il est plutôt haut placé dans l'administration.
— Vous arrivez au bon moment, l'accueille la dame, cette demoiselle a trouvé la porte de son casier arrachée.
A ce moment, l'homme pose ses yeux sur moi et me détaille un instant, mais son expression reste neutre.
— Suivez-moi mademoiselle. Nous verrons ce que nous pouvons y faire dans mon bureau.
Étonnée, mais intimidée, je décide de le suivre. Cet homme impose le respect, voire la peur. Nous n'avons pas fait deux pas qu'une voix résonne.
— C'est moi qui ai trouvé le casier dans cet état.
L'homme et moi nous retournons vers la personne qui vient de prononcer ces mots. Stephan fixe l'homme. Il ne semble pas être impressionné. Au contraire. On dirait qu'il le défit. L'homme fronce les sourcils.
— Monsieur Ross, s'agit-il de votre casier ou de celui de Mademoiselle ?
Stephan se redresse et sert la mâchoire. Au ton de la conversation, je devine que ces deux hommes ont eu de mauvais antécédents.
— Ce n'est pas le mien, mais...
— Alors nous n'avons pas besoin de vous, le coupe l'homme.
Les yeux de Stephan ne sont désormais plus que deux puits de haine sans fond. Mais l'homme en costume n'en prend pas compte et se remet à marcher. Je suis choquée. Quel professeur oserait parler ainsi à ses élèves ?
Une main m'attrape soudainement le bras qui ne tient pas la porte du casier. La figure de Stephan se retrouve tellement près de moi que je pourrais sentir son souffle sur mes joues.
— Fais attention, me met-il en garde en murmurant. Ne lui fais pas confiance.
— Pourquoi ?
Il hésite un instant et jette un regard à Alexia. Ils ont l'air de partager un secret auquel je n'ai pas le droit de prendre part. La jeune fille à la mèche rose secoue la tête, puis m'adresse la parole.
— C'est le directeur. Le père de Robin... C'est le même genre de personne si tu vois ce que je veux dire.
J'acquiesce en ignorant Stephan qui, à la mention du prénom, s'est mis à froncer des sourcils et à interroger mon amie du regard. Je me fiche bien des problèmes que pourrait avoir Stephan avec le directeur, mais moi non plus je n'ai pas vraiment un bon sentiment en sa faveur. De toute façon, je n'accorde pas ma confiance facilement à n'importe qui.
— On t'attend devant la porte, me prévient le jeune homme avant que je ne rattrape l'homme, ou le directeur plutôt, qui a déjà presque atteint la porte de son bureau.
Lorsque nous pénétrons dans son bureau, la première chose qui me marque est l'absence de lumière. La pièce n'est pourvue que d'une maigre fenêtre d'où le peu de lumière qui arrive à entrer est filtrée par un voilage blanc. Mais il y a plus : le bureau est boisé, c'est-à-dire que des lattes de bois sombres sont disposées sur tous les recoins de la pièce où ne trônent pas déjà les immenses étagères construites dans le même bois et rempli de dossiers en tous genres.
Au milieu de la pièce se trouve un bureau où sont disposés un ordinateur et de nombreux dossiers ouverts. Deux chaises sont installées derrière le bureau, l'une étant déjà occupée par un homme.
Lorsque nous sommes entrés dans la pièce, il s'est levé. Tout de suite, il a commencé à m'observer sans aucune gêne apparente, alors je fais de même. Il doit avoir une quarantaine d'années, ses cheveux sont déjà à moitié gris et un début de calvitie se fait connaître. Il est grand et pâle avec des cheveux très foncés.
On pourrait penser qu'il a un lien de parenté avec le directeur, mais ils n'ont pas du tout le même visage. L'homme du bureau possède un visage et un nez plus longs et des yeux plus écartés. De plus, le directeur a les cheveux coupés court, ce qui n'est pas le cas de l'homme devant moi dont des mèches poussant sur le haut du front lui arrivent juste au-dessus des oreilles. Ses habits sont négligés et son sourire ferait peur à toute jeune femme seule dans la rue.
Le directeur a maintenant rejoint l'autre homme après avoir fermé précautionneusement la porte du bureau. Les deux hommes s'assoient puis me sourient de toutes leur dents. Flippant. Je me recroqueville sur moi-même.
— Je ne vous ai jamais vu ici Mademoiselle. Êtes-vous la nouvelle élève ? On m'avait prévenu de votre arrivée.
— Oui. Je suis arrivée en début de semaine.
— On peut dire que vous vous êtes jetée dans la gueule du loup ! plaisante-t-il.
Je reste stoïque pendant que lui et on collègue rient au éclat. Quelle est la blague exactement ?
— Bien. Vous pouvez vous asseoir, ajoute-t-il en remarquant que sa petite blague ne m'a pas fait réagir et en me désignant la chaise à l'autre côté de la table.
Je m'assois avec hésitation avec juste le bout de mes fesses qui touchent l'avant du fauteuil. Autant dire que je suis très mal à l'aise. Et puis j'ai toujours la porte de casier gênante dans les bras. Je la pose sur mes genoux.
Une fois installés, le directeur me demande si cela me dérange que son collègue reste ici durant l'entretient. Je réponds par la négative. Pourquoi est-ce que cela me dérangerait ? Au contraire, il m'empêche d'être seule avec le directeur, cet homme m'impressionne trop. Ce dernier me demande de décliner mon identité.
— Garance Ficy, terminale S2, je récite.
A ces paroles, les deux hommes relèvent les yeux vers moi, et cela me met encore plus mal à l'aise. Est-ce que j'ai dit quelque chose de mal ? Mais s'ils songent à quelque idée, ils ne m'en font pas part. Le directeur note mon nom dans un classeur.
— Donc, racontez-moi ce qui s'est passé avec ce casier.
— Je ne sais pas vraiment... Quand je suis sortie de cours tout à l'heure, j'ai trouvé la porte de mon casier arrachée.
— Vous a-t-on volé quelque chose ?
— Rien du tout.
Il écrit encore quelque chose sur son cahier. J'ai l'impression de passer un interrogatoire de police.
— Mademoiselle, le jeune homme de tout à l'heure a dit que c'était lui qui avait trouvé le casier sans cet état. Qu'est-ce que cela veut dire ?
— Quand je suis arrivée, Stephan et Alexia essayaient déjà de comprendre ce qui s'était passé.
— Que faisaient-ils ?
J'essaye de rassembler mes souvenirs.
— Je ne sais pas bien... Stephan avait la porte de mon casier dans les mains... mais nous sommes tout de suite venus à l'accueil.
Le directeur réfléchis un instant, tandis que l'autre homme nous observe, comme amusé. Personnellement, je ne trouve rien de drôle dans tout ça. C'est du vandalisme.
— Mademoiselle, ne vous êtes-vous pas demandé si c'était Stephan le responsable ?
Je reste un moment interdite. Stephan ? Ne m'a-t-il pas juré qu'il n'y pouvait rien dans cette affaire ?
— Je ne pense pas, je réponds précautionneusement. C'est un ami d'Alexia, à qui je fais confiance.
Il semble cogiter un instant, mais n'ajoute rien de plus.
— Avez-vous réfléchis à d'autres potentiels suspects, Mademoiselle ?
Le premier nom qui me vient à l'esprit est celui de Robin, son propre fils. Je le revois en train de nous observer dans la foule, puis partir sans se retourner. Il est le seul qui pourrait m'en vouloir au point de fracturer mon casier.
Mais je le chasse vite de ma tête. Même s'il le voulait, ça ne pourrait pas être lui car il n'en aurait pas eu le temps : il n'est sortis que une ou deux minutes avant moi, et de toute façon, la fin du cours avait déjà sonné, il se serait fait attraper. Peut-être un de ses amis ? Je n'ai aucune preuve.
— Je ne sais pas.
L'homme lève un sourcil.
— Vraiment aucune idée Mademoiselle ?
Cet homme est vraiment étrange. En plus il commence à me stresser avec tous ces "Mademoiselle". Je hausse les épaules.
— Je n'en ai vraiment aucune idée.
L'homme échange un regard avec l'autre homme dont seuls eux deux semblent en comprendre le sens.
— Mademoiselle, questionne le directeur, savez-vous qui nous sommes ?
J'hésite. Qu'est-ce que je suis censée savoir ?
— Je sais que vous êtes le directeur du lycée, dis-je en sa direction, puis je ne tourne vers l'autre homme, par contre vous, je suis désolée mais je ne sais pas qui vous êtes...
Une expression dubitative s'affiche sur la face de l'homme. Je grimace. Ai-je commis une grosse erreur ? Si ça se trouve c'est aussi un homme très haut placé, malgré le fait qu'il ne porte pas d'habits chics. Lorsque je retourne mon visage vers celui du directeur, je le vois prendre une expression neutre.
— Mademoiselle, voici votre professeur de mathématiques, Monsieur Pondéry, absent en début de semaine.
Je hoche la tête, même si je n'en mène pas large. Je suis rassurée par le fait que je n'ai fait aucun faux pas, en aucun cas je n'aurai pu savoir que cet homme était mon professeur. Mais je suis aussi très embêtée. Cet homme ? Mon professeur de Maths ? Il m'a l'air tellement étrange. En ce moment même, il m'observe à la manière d'un pédophile. Ça promet.
Soudain, le directeur se relève et vient ouvrir précipitamment la porte du bureau.
— Très bien mademoiselle, nous allons voir ce que nous allons faire. En attendant, vous pouvez y sortir et demander un nouveau casier à l'accueil.
Je rêve ou il me jette presque dehors ? Perso, ça ne me dérange pas. Je me relève et sorts de la pièce. En passant devant le directeur, celui-ci m'indique de laisser la porte de casier à l'accueil, puis il referme la porte derrière moi.
Je suis choquée de la vitesse de l'arrêt de l'entretient. Une main se pose sur mon épaule et une voix que je reconnais maintenant m'adresse la parole.
— Alors ? questionne Alexia d'une voix douce, comment ça s'est passé ?
Je remarque que Stephan est là, lui aussi, fidèle à sa promesse, et qu'il attend ma réponse. Je leur montre du doigt la porte de mon casier puis l'accueil.
— Je pose ça et récupère une nouvelle clef puis je vous raconte.
***
Bonjour lecteurs !
Voici une partie un peu plus longue que d'habitude, en espérant qu'elle vous plaise !
N'oubliez pas de cliquer sur la petite étoile et de commenter si l'histoire vous plaît !
Je ne vous le dis jamais assez, mais merci de suivre cette histoire qui me tient vraiment à cœur ! 💖
A bientôt pour un prochain chapitre !
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