Chapitre 32 - La colère de Sac à Sous (3/3)
Son regard se fit intense.
— Le fait est que j'ai besoin de cette pierre. Et qu'elle est en ta possession.
Mon cœur s'affola, encore plus qu'il ne l'était déjà.
Cela ressemblait beaucoup à une manière détournée de dire qu'il avait besoin de moi.
Inspiration, expiration, Alana. Edan Roselli ne te déteste pas. Edan Roselli a besoin de toi. Pas. De. Panique.
— Eh bien, tu es celui qui génère mon salaire, je suis sure qu'on pourra trouver un terrain d'entente.
Mon amour pour l'argent était bien la seule chose capable de me ramener à la raison.
Une triste fatalité l'accabla soudain, faisant disparaître les paillettes rassurantes dans ses yeux.
— Comment ferais-je quand tu seras partie ? murmura-t-il.
Mon sourire se fana.
Oh.
Je n'avais définitivement pas réfléchi jusque-là. Je n'avais pas réfléchi tout court en vérité.
Pourtant, culpabilité ou pas culpabilité, je ne comptais pas m'éterniser auprès du Crépuscule Pourpre. Dès l'instant où je me serais débarrassée de ma déesse, je retournerais me la couler douce loin des monstres, des dieux et des sépultures morbides. À l'abri. Loin des membres brisés, de la douleur et des angoisses.
Mais à présent, je comprenais ses craintes, et je ne voulais pas qu'il les ressente.
Je portai ma main bandée à son visage, la posai sur sa joue.
— D'ici là, comme l'a dit notre héros ensoleillé, nous trouverons un moyen pour que tu puisses la récupérer.
Le beau brun ferma les yeux, s'appuya sur ma paume. Ses longs cils s'étendirent sous ses yeux, dessinant un trait fin au-dessus de ses pommettes légèrement colorées, légèrement fissurées après l'exposition prolongée au froid, au vent. Ses lèvres s'entrouvrirent, laissant s'échapper un souffle bien plus léger, plus détendu.
J'avais terriblement envie de l'embrasser. Là, maintenant.
J'étais entrée en craignant pour ma vie, dans le but de faire taire cette culpabilité éreintante. Comment en étais-je arrivée à vouloir lui sauter dessus ?
Mes propres émotions me dépassaient.
De mon pouce, je caressai sa joue. Je me penchai légèrement. Mes cheveux lâchés tombèrent devant mon épaule.
Cela devenait dangereux.
— On devrait appeler Lucas, dis-je en m'éloignant. Il sera content d'apprendre que je ne suis plus en danger de mort imminente.
Et un chaperon ne serait pas de trop. Par ailleurs, cette intense discussion me remuait bien plus que je l'aurais imaginé. Je ne refusais pas un brin de légèreté.
À peine ma main s'éloigna-t-elle de sa joue qu'Edan s'en saisit, aussi vif qu'une vipère, en claquant la langue. Il la replaça aussitôt, en me jetant un regard mécontent. Il se tourna de biais vers moi, remontant sa jambe sur le canapé entre nous et posa son bras sur le dossier.
— Je préfère éviter qu'il ne se joigne à nous, dit-il.
N'était-ce pas la perche idéale pour la légèreté ?
Ne pas sourire. Ne pas sourire.
— Tu veux me garder pour toi seul ?
Echec de la mission.
Il haussa un sourcil.
— Il n'a pas besoin de connaître la teneur de cette discussion.
Je pouffai. Me prenait-il pour une imbécile ?
— Je ne suis pas née de la dernière pluie tu sais. Je sais très bien que tu m'as menti. Ou que tu as volontairement omis des éléments importants.
Sac à Sous savait pertinemment que le héros détestait les mensonges. Rien qu'en regardant son visage, j'aurais été capable de deviner ce qui tenait de la vérité ou non.
Voilà pourquoi il avait tenu à ce que le Soleil Levant sorte de la pièce.
— Mais c'est de bonne guerre. Du moment que cela ne me concerne pas, je n'ai pas besoin de savoir.
Il ne dit rien.
Cela ne me concernait pas, n'est-ce pas ?
Par ailleurs, mon bras tendu commençait à faire sentir son poids. Comme s'il l'avait compris – ce qui ne devait pas être bien difficile à deviner aux vues de mes grimaces – Edan reposa ma main dans la sienne sur sa jambe repliée devant lui.
— Je n'ai pas menti, finit-il par dire.
Argument indémontable, vraiment.
Encore un mensonge.
Soit.
— Alors pourquoi vouloir éloigner Lucas ? demandai-je.
Il ne voulait pas que le héros sache le souci qu'il se faisait pour lui ? Qu'il voit la culpabilité qui l'étreignait à l'idée de savoir qu'il l'avait blessé ?
— Il a la fâcheuse tendance à prendre ta défense. C'est énervant.
Ha, ha.
Vive mon héros. Mon brave soldat combattant pour moi bec et ongles.
Je souris hautainement au propriétaire de la Maison.
— Tu es jaloux de l'attention qu'il me porte, affirmai-je.
Il leva les yeux au ciel.
— Pas du tout.
Parce qu'il savait être sa priorité. Prétentieux.
Amusée, je me rapprochai de lui, collant ma propre jambe à la sienne, collant mon autre bras au sien sur le dossier.
— Hmm...
Je fis mine de réfléchir, retenant difficilement mon large sourire.
— Non, tu n'es pas jaloux de l'attention qu'il me porte. Mais plutôt de celle que je lui porte.
Il éclata de rire.
— Ne t'inquiète pas, ajoutai-je en haussant les épaules. Ton compte en banque est plus conséquent, tu as toute mon attention.
Ses billes émeraudes, pétillantes de malice, dégagèrent une certaine tendresse qui fit dérailler mon cœur.
— Me voilà rassuré, dit-il, séducteur.
Au secours.
Puisqu'apparemment je commençais à devenir hautement prévisible, avant même que je ne puisse entamer mon mouvement de recul, résultat inévitable de mon agitation maladive et de ma fuite innée, Edan tira sur mes deux bras pour me rapprocher de lui. Je me retrouvai les avant-bras collés contre sa poitrine, en équilibre précaire au-dessus de sa jambe qu'il ramena au sol pour me faire de la place.
— Edan, prévins-je.
Il s'appuya contre le dossier, l'innocence feinte.
— Hmm ?
Son visage reflétait un calme irritant en contraste à la tempête qui faisait rage dans mes veines.
L'enfoiré.
Prenant appui sur ma jambe gauche posée sur le canapé contre la cuisse d'Edan et poussant de la droite posée au sol, je me surélevai et l'enjambai. Ses yeux à la couleur si envoutante s'écarquillèrent d'étonnement.
— J'ai terriblement envie de t'embrasser, dis-je d'une petite voix en fixant ses lèvres.
Résiste à ça, Sac à Sous.
Car, moi, j'en étais incapable.
Nos regards verrouillés, je perçus l'enflammement dans ses prunelles étincelantes. Mon cœur déjà à l'agonie s'emballa encore. Ses lèvres s'étirèrent, entrouvertes, comme une invitation silencieuse. Il libéra mes mains que je remontai lentement sur sa nuque. Les siennes descendirent sur mes hanches.
— Je ne me contenterais pas d'un baiser, me prévint-il.
Je soupirai, vaincue.
Qu'il en soit ainsi.
Pardonne-moi, Talia.
Je réduisis la distance entre nous et m'emparai des lèvres du beau brun.
C'était la damnation. Je venais de goûter au paradis. J'étais privée d'oxygène, pourtant, je venais de prendre la plus belle inspiration de ma vie.
Combien de fois avais-je imaginé cet instant ?
Une explosion de sensations m'envahit, aussi dévastatrice qu'un tsunami. Derrière mes paupières closes, le monde s'illuminait d'intenses couleurs. La mélodie de nos vêtements qui se froissaient, de nos respirations haletantes, tandis que nos lèvres ne cessaient de se rejoindre avidement, battait au diapason de la cacophonie assourdissante dans ma poitrine.
Edan pencha la tête, son nez froid caressa ma joue brûlante. Sa langue provoqua la mienne, ardente, possessive. J'y répondis avec ferveur, m'enivrant de son goût exquis, addictif.
Mon corps se lova contre le sien. Ma poitrine, lourde, s'écrasa contre la sienne, tendue. Mon derrière tomba contre ses cuisses galbées. Mon bassin cogna contre le sien, l'excitation à son paroxysme.
Ses mains se crispèrent sur mes hanches, ses doigts y appliquèrent une douloureuse étreinte, tandis qu'il me repositionnait comme il le souhaitait.
Des frissons brûlant d'anticipation me parcoururent. Une délicieuse chair de poule me recouvrit et des picotements électrisèrent l'ensemble de mon corps.
Ma main gauche s'égara dans ses cheveux, la droite descendit le long de son cou. Il frissonna, se crispa. Ravie de ses réactions, j'appliquai alors des caresses sur sa mâchoire, sur sa gorge, sa poitrine. La présence de l'etnamia décuplait ses sensations, titillant son Argia. Un gémissement lui échappa. Je fondis.
La douce chaleur de ses lèvres puissantes à l'assaut de ma bouche. L'impériosité de sa langue, qui valsait avec la mienne dans une chorégraphie sensuelle. La puissance de ses muscles tendues, désireux d'assouvir la passion qui les ravageait... Je me délectai de tout.
Tirant sur ma chemise, il la délogea de ma jupe et sa main s'échappa sous le tissu. Elle continua son chemin le long de mon ventre, semant des papillons lancés dans une course effrénée, pour atteindre ma poitrine. Ses doigts, experts, détachèrent mon sous-vêtement et en libérèrent mes seins rebondis. Il s'en empara, tandis que mes sens à l'agonie cherchaient à digérer l'afflux d'informations délicieuses.
Sa bouche descendit sur mon menton, ma joue, ma gorge. Un soupir tremblant m'échappa.
Je le désirais. De tout mon être. Je le voulais. Eperdument.
Edan Rosselli... À quel moment m'avais-tu ensorcelé ?
Mes mains descendirent jusqu'à son pantalon.
Impatiente, j'entrepris d'en défaire les attaches tandis que ses lèvres enflammaient ma peau.
— Edan, soufflai-je, haletante.
Il comprit ma demande silencieuse. Il se suréleva, m'emportant avec lui, tandis que je poussai sur mes muscles tendus. Je lui baissai le vêtement jusqu'à mi-cuisses, le sous-vêtement à sa suite.
— Est-ce que...
— Je prends une contraception, répliquai-je.
Il remonta ma jupe, ses mains poursuivant la courbe de mes cuisses, de mes fesses. Le sous-vêtement impertinent m'obligea à me redresser, à m'éloigner pour m'en débarrasser. Je me relevai et le retirai moi-même. Le manque de sa pression, de sa chaleur, était presque douloureux. Impatient, il vint à ma rencontre, se saisissant de mon bassin. Il m'accompagna tandis que je me repositionnais. Je verrouillai mes prunelles fiévreuses aux siennes luisantes de désir, luisantes d'un appétit qui ne demandait qu'à être assouvi.
— Tu ne m'as pas laissé avoir la pierre, dit-il, essoufflé. Me laisserais-tu t'avoir ?
Corps et âme.
D'un mouvement de bassin, nos corps fusionnèrent.
Oh. Mes. Dieux.
Je poussai un gémissement de plaisir. Je bougeai. Encore. Ses mains s'égarèrent sur mes bras, mes jambes, ma poitrine, mon cou, me découvrant, explorant la moindre surface à sa disposition. La sueur recouvrit ma peau parcourue de frissons délicieux, recouvrit sa peau enflammée. Il me soulevait, m'abaissait, son corps dur, brûlant.
Le monde tanguait, et je tanguai avec lui, complètement ivre. Ivre de lui. De son odeur, de son goût.
Chacun de mes mouvements, chacun de ses mouvements, lancées dans une danse érotique au rythme de plus en plus soutenue, de plus en plus brûlant, provoquait une avalanche destructrice qui menaçait de me faire m'évanouir de plaisir. Ses muscles se contractaient sous mes doigts, sous mes cuisses. Je me cambrai toujours plus, désireuse de m'approcher encore, toujours plus profondément.
Emportée par une fièvre primitive, par un besoin obsessionnel de le posséder, tout le reste devint secondaire. Ce corps. Son corps. Ses sensations. Encore, encore, encore.
La chaleur augmentait, la pression s'intensifiait, se concentrait, jusqu'à devenir insupportable, dévastatrice. Encore.
Quand l'éclair de passion me foudroya, quand l'intense tsunami de plaisir me ravagea, je me retrouvai en morceaux, avant de me réassembler de nouveau. Il me rejoignit en enfer, au paradis, dans ce moment qui n'était que notre, alors que nos âmes explosaient d'une émotion frénétique.
Je m'effondrai dans ses bras, tremblante, tandis qu'il les refermait tendrement autour de moi.
Le souffle me manquait. Mon sang s'était mué en nectar divin, m'offrant une félicité, un bien-être qui devait forcément relever de l'hallucination. Je n'aurais voulu y échapper pour rien au monde. Je me sentais si bien, si vivante. Je ris.
Son souffle chaud sur mon épaule fut suivi par le contact tendre de ses lèvres. Haletante, j'ouvris les yeux, et me redressai doucement, mes mains posées sur sa poitrine. Je posai mon regard sur cet homme qui s'emparait des petits morceaux de mon cœur, les uns après les autres. Je lui souris, débordante d'affection. Son arme de destruction massive m'éblouit et je contrattaquai par un baiser avant de battre en retraite en enfouissant ma tête dans le creux de son cou.
— Rejoins-moi ce soir, dit-il, ses doigts parsemant des caresses le long de mon dos, de mes bras.
Je mordis mes lèvres pour ne pas sourire encore, car cela devenait franchement pénible de savoir qu'il me mettait dans cette état-là et que je ne voulais pas qu'il en ait pleinement conscience.
— Je vais y réfléchir, répondis-je.
Son mouvement s'arrêta une seconde avant de reprendre sa course. Je ricanai intérieurement. C'était déjà tout réfléchi. Je n'avais même pas besoin de lui demander où se situait sa chambre, c'était une des premières informations que mon cerveau indécent avait retenu au moment de la visite de la villa.
Il attrapa ma main bandée et la porta à ses lèvres pour l'embrasser. Il la posa ensuite de nouveau sur sa joue et s'y attarda. Je fronçai les sourcils.
— Je vais commencer à me demander si l'invitation concernait la pierre ou moi-même, commentai-je, amusée. Tu sembles plus intéressée par celle-ci que par ma personne.
C'était une plaisanterie, et je m'attendais à ce qu'il réplique, allant même jusqu'à confirmer mes dires, pour me provoquer.
Mais à la place, Sac à Sous resta obstinément silencieux. Ce qui fut pire que tout.
Mon sourire se fana.
L'enfoiré.
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