Chapitre 30 - Mon admiration pour ma déesse (2/2)
La tête attaqua, atteignant le sol un battement de cœur après mon saut.
— C'est maintenant que tu débarques ? me plaignis-je, en me relevant tant bien que mal.
Je n'avais pas un instant à perdre. Je n'avais pour moi que mes deux petites jambes, alors que le serpent rampant pouvait parcourir des mètres en une seconde.
Le cobra s'ébroua, recrachant des copeaux de glace, de roche, coincés dans ses crochets.
Je détalai comme un lapin, cherchant une issue.
« Pourquoi as-tu tenu la prison aussi longtemps ? On a évité la catastrophe, il s'en est fallu de peu »
J'avais évité une catastrophe grâce à cette prison.
— Il s'en est fallu de peu avant que Kravis le sadique ne fasse de nous son nouveau jouet favori ! contrai-je. De rien !
« Sur ta gauche, cinq pas ! »
La tête fondit à nouveau. Recevant des éclats d'impact, je levai les bras pour me protéger, ma main douloureuse toujours collée à ma poitrine.
« Cette fois c'est la queue ! Sur ta gauche encore ! »
J'étais épuisée. Je suivais les directives de Talia, mais je ne tiendrais pas ce rythme bien longtemps.
— Il n'y a aucune sortie, me lamentai-je. Comment je sors d'ici ?
« Du renfort arrive. Je crois. Encore quelques instants. Sur ta droite ! »
Elle croyait ? Comment ça, elle croyait ? Moi, ce que je croyais, c'était qu'elle savait tout. Ou en tout cas beaucoup. Lucas et Edan avaient-ils fini par me retrouver ? Le héros, soleil de mon existence, venait à mon secours ? J'en aurais pleuré, j'étais prête à lui pardonner son abandon d'un peu plus tôt dans la journée. Pourvu qu'il se dépêche.
« Attention ! »
Ma prochaine esquive loupa. Je m'emmêlai les pieds, la fatigue n'aidant pas, et m'étalai de tout mon long. L'appui sur ma main blessée m'arracha un cri. Je me traînai, mon cœur battant la chamade, tandis que je sentais l'air froid se rapprocher. Du coin de l'œil, je vis la tête piquer, les crochets venimeux fièrement dressés, prêts à transpercer. Je jurai.
Quelques instants plus tôt, lorsque la gueule m'avait englouti, j'avais été transportée ailleurs. Cette fois, j'allais bel et bien être dévorée, telle la petite gerbille inoffensive que je représentais.
Soudain, mon champ de vision fut obscurci par un corps. Un corps d'homme.
Derrière mon sauveur, à son contact, le corps du cobra explosa en un millier de petits fragments de glace, suspendus en apesanteur. La faible luminosité se reflétait dans chacun des copeaux, et toute trace du cobra disparut, ne laissant que ces diamants purs capturant la lumière en une myriade d'étoiles improvisées.
« Encore pire que ces héros humains qui surgissent toujours aux derniers moments... Je me demande qui copie qui. »
Elle m'enlevait les mots de la bouche.
Il ne pouvait pas se montrer deux minutes plus tôt ?
À ma grande surprise, ce n'était ni Lucas, ni Edan, contrairement à ce que j'avais imaginé.
C'était un parfait inconnu. Du moins pour moi.
L'intervenant se tourna vers ma pauvre personne recroquevillée à terre, les glaçons flottant toujours en arrière-plan. Il s'agissait d'un homme, à la stature droite, imposante. Ses longs cheveux blancs, argentés, ondulaient dans son dos. Sa tenue en textile sombre épousait son corps musclé, enroulé dans un manteau de fourrure gris entrouvert. Sa peau pâle, aussi pâle que la glace qui nous entourait, renfermait des milliers d'étoiles scintillantes, des paillettes d'or qui apportaient l'éclat de vitalité qui aurait pu lui manquer. Ses yeux aussi dorés que celles-ci me fixaient, et une expression de tendresse habillait son visage aux traits ciselés.
Je n'avais pas le moindre doute : c'était un Sidia. Un vrai de vrai. Pas une simple marionnette, pas un corps partagé. Son corps. Son essence, sa prestance... Tout était... divin.
— Cela faisait longtemps, petite sœur.
Sa voix chantante s'exprima dans la langue des dieux, et mon corps se tendit, comme déchiré par l'Argia invoquée par les mots. Je me sentis écrasée, terrassée par l'invocation muette de ma déesse. Il suffisait d'un mot et je pouvais être réduite à néant.
« Mais quel idiot... »
Je sentis l'Argia se faire repousser, créant un espace, un vide à l'intérieur duquel je ne pouvais être atteinte.
Je pris plusieurs violentes inspirations, je toussai. Plusieurs fois. C'était quoi ça ?
— Mes excuses, reprit la voix caressante du Sidia. J'avais oublié ce détail.
Cette fois, les mots m'apparurent dans la langue commune. La langue humaine. Bien moins dangereuse.
« C'était tout à fait volontaire. Pour s'assurer de ma présence. Ridicule... »
Mais derrière ses paroles dures, derrière son énervement, je sentais une joie sincère. Une joie profonde de retrouver, de voir ce Sidia.
Le dieu s'avança et s'assit à même le sol, en tailleur juste devant moi.
J'étais moi-même en position assez peu naturel puisque quelques instants plus tôt je tentais d'échapper à l'assaut d'un cobra géant en traînant ma carcasse fatiguée. Je m'assis plus convenablement à mon tour et lui fis face. Il semblait attendre. Attendre que je prenne la parole.
— Je... Merci, dis-je, ma voix légèrement cassée.
Je me raclai la gorge avant de reprendre.
Bien sûr j'avais compris qu'il s'agissait d'un allié, il m'avait aidé et Talia le connaissait. Mais ce n'était pas mon cas, et ma méfiance était à son paroxysme. Rien n'était jamais simple avec les dieux. Je n'aurais pas été étonnée qu'il me demande mon premier né pour m'avoir apporté son aide que je n'avais d'ailleurs pas demandé.
— Vous êtes le frère de Talia ? demandai-je.
Car j'avais beau me méfier, je brûlai de curiosité. C'était le premier Sidia qui m'apparaissait sympathique. Car il n'essayait pas de me tuer.
Le dieu sourit et hocha la tête, puis inclina poliment la tête.
— Je me présente : Ulyss De Moraz, Sidia de l'Espoir, Dieu des Ambitions, Premier Gouverneur de l'Ancienne Zeruan.
« Ancienne Zeruan ? »
Sidia de l'Espoir ?
Je clignai plusieurs fois des yeux, tel un poisson cherchant son air.
Wow.
— Je... suis Alana, répondis-je. Habert.
— Enchanté.
Je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait.
— J'ose espérer que ma sœur ne vous aura pas causé trop d'ennuis, reprit le dieu.
Un « tss » retentit dans ma tête.
— Kravis n'est pas le seul à avoir appris pour la résurgence de l'Impératrice, et ses fidèles se rassemblent. Ils attendent avec impatience son retour. J'exerce toujours une certaine influence au sein du gouvernement, et j'ai pu apprendre que tu serais chez le Guérisseur.
Son expression devint grave.
— Il nous est interdit de profaner les lieux de repos de nos confrères. Pourtant, Kravis n'a pas hésité une seconde.
Ne venait-il pas de faire la même chose ?
— Je ne peux hélas pas rester, l'Ordre nous surveille, et il me semble que vous êtes vous-même pressées par le Temps.
Une expression chaleureuse se dessina sur ses traits. L'espoir du retour de sa sœur ne s'était jamais éteint, et le soulagement, la gratitude, étaient clairement lisibles sur son visage.
— Mais je voulais la confirmation du retour de ma sœur.
Un Sidia avec... un cœur. Fascinant. Ils existaient.
Il se releva, épousseta son manteau.
— Je vais vous indiquer l'accès pour rejoindre vos compagnons, dit-il. Je suis content d'avoir fait votre connaissance. Je compte sur vous pour prendre soin de ma sœur.
Qui devait prendre soin de qui ?
« Dis-lui... Dis-lui que j'avais la bague. Que je l'ai sans doute toujours. Dans mon Tombeau. »
D'un mouvement de la main, un pan du mur à ma droite se souleva pour révéler un passage camouflé.
— Il vous suffit de longer ce couloir, expliqua le Sidia. En réalité, vous êtes dans la pièce adjacente. Vos camarades sont juste à côté.
— Attendez ! l'interrompis-je en me reprenant. Je...
Je me secouai la tête, me remettant debout sur des jambes flageolantes.
— Tout d'abord, je vous remercie. Et... J'ai un message de Talia pour vous.
Ses sourcils se haussèrent de surprise, et ses yeux pétillèrent de joie, impatient.
Je répétai docilement les mots, ignorant leur signification.
Un sourire triste étira les lèvres à la teinte dorée du Sidia, et il hocha la tête.
— Merci, dit-il.
Le dieu releva la tête, et me fixa intensément. Ses yeux, son expression, se durcirent. Mais il ne s'adressait plus à moi. Ce n'était plus moi qu'il regardait. Il voyait la personne au-delà.
— Ne fais pas de bêtises.
Je descellai – ou peut être espérais-je déceler – une pointe d'inquiétude qui me toucha.
Ulyss s'éloigna de quelques pas et leva la main.
— À bientôt, Alana, me salua-t-il. Talia.
Je hochai la tête, légèrement subjuguée par le flou qui l'entoura un instant. Puis criai avant qu'il ne disparaisse :
— Je prendrais soin de votre sœur ! Jusqu'à notre prochaine rencontre !
La déesse dans ma tête soupira.
« Je serais tombée bien bas... »
Le dieu face à moi sourit, amusé.
— Je compte sur vous.
Puis Ulyss De Moraz se volatilisa.
**--- Notes de l'auteur ---**
Fin du combat de Alana et Talia ! Avec l'apparition d'un Sidia GENTIL (?) ! Ils existent ? 😂
J'espère que cela vous a plu ! N'hésitez pas à voter, commenter si c'est le cas !
Plus que 3 chapitres - prochain chapitre : Chapitre 31 - La pierre emeraude
À très vite !
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