Chapitre 29 - Le Tombeau du Guérisseur (3/3)
« Profite du calme, cherche notre artefact »
Ah oui. Ma mission. Je n'étais pas là pour le tourisme après tout.
— Je vais m'emparer de mon objet, prévins-je Corbeau avant de détaler.
Jacinthe en main, je longeai le mur est, guidée par sa coloration dorée et les instructions de ma déesse.
Certains des items présentés n'avaient aucun sens pour moi. D'autres m'obligèrent à marquer un temps d'arrêt.
Un cœur humain en rubis. Des perles de coquillage en fumée. Des roses éternelles à dents d'épines. Des tiges en bois torsadées. Ce qui aurait pu s'apparenter à du purin. Un immense crâne entièrement recouvert d'or.
Une longue épée à la lame en pierre volcanique irisée de pierres précieuses occupait plusieurs espaces. À ses côtés, l'idée que je me faisais d'un trou noir miniature était élégamment exposé.
« Argh. Éloigne-toi de cette horreur, c'est une prison dimensionnelle, temporelle. C'est encore plus irritant que d'être coincée dans ton corps. »
Je pus observer à plusieurs reprises la sphère de ténèbres. Je n'avais aucune idée de ce qu'elles renfermaient, mais si elles contenaient toutes un individu, beaucoup des ennemis de Karaval en avaient payé le prix fort.
Derrière moi, Lucas et Edan se démenaient contre les dieux mineurs. Le visage du héros dégoulinait de sang, de sueur. Edan était recouvert de poussière sombre, son bras gauche pris dans la glace. Le moindre impact le lui briserait en mille morceaux. Leurs souffles erratiques créaient des nuages de buée dans l'air givrant que les géants de glace dégageaient.
Ma poitrine se serrait, mon cœur ne semblait pas avoir l'espace suffisant pour battre au rythme de la frénésie qui s'emparait de lui. Chaque seconde comptait.
— Attention !
Je me ratatinai sur moi-même, m'élançant au sol au cri d'alarme. Un Sidia s'abattit violemment contre les présentoirs, projeté par une force surhumaine. Le souffle de l'impact m'écrasa au sol. Des débris de roche, de glace m'égratignèrent, tandis que je m'éloignais en rampant.
Auréolé de ses couleurs arc-en-ciel, Lucas s'écrasa sur le colosse tandis qu'il se relevait, l'encastrant à nouveau. Une main bleu se saisit du héros qui repoussa sa poigne de ses bras, l'empêchant de le presser comme un vulgaire citron. Son visage sanglant grimaçant sous l'effort, les mains du Soleil Levant rougeoyèrent. La chaleur monta, la lumière s'intensifia et la main bleue fondit peu à peu, relâchant la pression exercée sur le héros.
Plus loin, trois épées de givre maintenait un géant au sol tandis qu'Edan était aux prises avec le dernier Sidia. Son fouet d'ombres sectionnait la moindre surface qu'il rencontrait. De longues estafilades marbraient le sol. Des blocs de glaces disparates le recouvraient. La matière semblait se dissoudre au contact de l'arme, avalée par les ténèbres. Protégé par son amplitude aux effets destructeurs, Edan parvenait à rester en relative sécurité.
Au dessus de nous, les immenses baleines déambulaient, ignorant les combats qui faisaient rage plus bas. Attendaient-elles un signal ? Pourquoi n'intervenaient-elles pas ?
Trois Sidias étaient déjà bien assez à gérer, mais leur présence spectatrice m'inquiétait. Si elles entraient en scène, notre infériorité numérique flagrante ne nous permettrait plus de rivaliser.
« C'est ça ! Prends-le ! »
Encore à déambuler à quatre pattes, je tournai la tête vers le présentoir des anomalies. Des doigts longilignes, ridés, violets et exsangues. Un extrait cadavérique de chair en décomposition. Des yeux écrasés et aplatis contre un support en métal ocre.
J'eus un haut le cœur.
« Pas ça. Plus haut. L'Arta en flocon. »
L'Arta. Le cœur. Nous cherchions donc le cœur du Guérisseur ?
Des dizaines d'items auraient pu correspondre à la description.
— Il y en a partout des flocons ! râlai-je. Nous sommes dans une montagne de glace !
« La sorte d'oursin de glace, comme du diamant »
Je repérai l'objet. Sa description était assez juste. Cœur de glace, comme recouvert de miroirs, de diamant brut, des stalactites de longueurs, d'épaisseurs difformes s'étiraient de son centre, à l'image d'un hérisson des mers. Le soulagement m'envahit quand je compris qu'il ne s'agissait d'aucun des bouts de chair sanguinolants et morbides qui m'entourait. La chair d'un dieu de glace était finalement... de la glace. Vive le Guérisseur.
Mais j'avais un problème.
Le cœur siégeait à cinq mètres du sol. Inatteignable pour mon mètre soixante-dix.
— Comment veux-tu que je l'attrape ? m'énervai-je, frustrée.
Aux dernières nouvelles, je n'étais ni capable de voler, ni capable de m'étirer.
Je tournai la tête de droite à gauche, cherchant de l'aide.
Entre deux violents impacts qui m'arrachèrent une grimace de sollicitude, je compris que mon héros avait une autre priorité. Quant au propriétaire du Crépuscule Pourpre, il était de toute évidence en difficultés, à des lieux de s'inquiéter de mes problèmes de taille.
Ne restait plus que Corbeau.
Au-dessus de moi, un volatil noir attira mon attention. Virevoltant bloc par bloc, il analysait, cherchait. Quatre de ses semblables s'affairaient dans toute la salle, à la recherche de leur pierre.
Un corbeau. Avec des ailes.
Parfait.
— Corbeau ! hurlai-je.
Je dus m'y reprendre à plusieurs reprises pour que l'aventurier m'entende.
— J'ai besoin d'un de tes oiseaux !
Le jeune homme hocha la tête, seul signe qu'il m'avait comprise. Du moins, je l'interprétais comme tel. Retournant à son analyse du tableau de contrôle, il se replongea dans sa mission.
Un corbeau s'approcha à toute allure de moi. En fait, les mètres nous séparant avaient beau diminuer, sa vitesse n'en fit rien. Le volatil fonça droit sur moi, m'obligeant à reculer pour éviter l'impact.
Cependant, ayant levé les bras pour me protéger, je me rendis compte que le choc ne vint jamais.
Rouvrant mes paupières, j'observai alors les prunelles sombres pleine de jugement d'un corbeau. C'était la première fois que j'en voyais un de si près. J'avais sous les yeux la confirmation qu'il ne s'agissait pas d'un corbeau ordinaire. Son plumage d'obsidienne aux reflets iridescents pourpres et bleutés se terminait par des pointes métalliques aussi aiguisées, aussi solides que des lames de rasoirs. La même matière recouvrait son bec et ses pattes.
Je ne sus pas ce qui m'étonna le plus : la capacité naturelle de l'oiseau à me provoquer un intense sentiment d'infériorité tant son sentiment de supériorité était flagrant ou...
— Quel objet ?
... sa capacité à parler.
Ma mâchoire m'en tomba.
— Le... hum... Le hérisson glacé, bredouillai-je en me secouant.
D'où provenait le grincement que j'attendis à son départ ? Pourquoi avais-je l'étrange impression d'être jugée par cette saleté d'oiseau ?
Le corbeau d'argent s'éleva jusqu'à mon salut sans une once d'hésitation et, ni une ni deux, armé de son bec, il brisa la glace qui l'enfermait et s'en empara. Quelques battements d'ailes plus tard, il lâcha l'objet dans mes mains et repartit à son exploration.
« Efficace. »
— Merci ! hurlai-je, ébahie.
Plus jamais je ne verrais les corbeaux de la même façon.
« On l'a enfin. Bien joué la baratineuse. Prends-en soin. »
— Il faudrait que je prenne un parchemin pour le renvoyer directement en lieu sûr.
« Je n'ai pas confiance en ces humains. Je préfère que tu le gardes toujours à porter. »
De toute façon, Edan avait en sa possession les parchemins et il allait être difficile pour moi de lui quémander une quelconque faveur en ce moment.
— Va pour la paranoïa donc, dis-je en rangeant le cœur dans ma sacoche.
Ma mission achevée, un intense sentiment de plénitude m'envahit. Bien sûr, je n'avais rien accompli seule, et, sans le Crépuscule Pourpre, sans Lucas, Edan et Corbeau, j'aurais été incapable d'en arriver là. Jamais je n'aurais pu atteindre le Tombeau, jamais je n'aurais réussi à m'emparer de ce ridiculement petit oursin de glace à la valeur si importante. Mais nous y étions parvenues.
Maintenant, il fallait que nous sortions d'ici.
Avisant la situation autour de moi — l'affrontement inégal entre les trois dieux gardiens immortels et les deux membres épuisés du Crépuscule Pourpre, les Kondairas scrutateurs dans les airs et la panoplie d'anomalies qui nous entourait — je fus certaine de deux choses.
La première, c'était qu'Edan et Lucas ne parviendraient pas à tenir suffisamment longtemps. L'élément déterminant était la rapidité avec laquelle Corbeau parviendrait à trouver la pierre. Il avait parlé de dizaine de minutes. Face à trois Sidias capables de se régénérer, et en infériorité numérique, c'était trop.
Les deux amis étaient épuisés, recouverts de blessures, de sang. Le bras droit d'Edan pendait inutilement le long de son flanc, son visage grave et concentré jetait de réguliers coups d'œil vers les présentoirs, comme s'il était distrait, qu'il aurait aimé accéléré le temps pour avoir déjà mis la main sur la pierre. Une partie de l'armure de Lucas avait été arrachée, brisant l'intense soleil au zénith qui l'en recouvrait pour n'en laisser que de faibles rayons. Sa propre lumière déclinait au fur et à mesure que l'intensité du combat perdurait.
Leurs ennemis semblaient à peine agacés. Seul l'un d'eux démontrait la preuve des dégâts qu'ils auraient pu subir. À genoux, son bras avait été sectionné au niveau du coude, et des flammes noires rognaient le moignon, grignotant le dieu à petit feu. Une partie de ses côtes gauche présentait le même incendie affamé, étendant son diamètre le long de son torse.
Côte à côte, inlassablement, le Crépuscule Pourpre faisait rempart, empêchant les dieux de s'en prendre aux oiseaux, à Corbeau. À moi.
Mes mains furent saisis de tremblements.
Ma seconde certitude était que je ne pouvais pas rester sans rien faire et que je savais comment les aider.
— Talia, apostrophai-je ma déesse intérieure, résolue. Nous allons les aider.
Je me détournai et fis face aux immondices savamment exposées.
« Je crois savoir ce que tu as en tête. Je n'arrive pas à savoir si c'est une bonne ou une mauvaise idée. »
Les mots de pouvoir étaient bien évidemment exclues. Je voulais aider, mais pas au point de m'en rendre mourante. Même si Talia me réparait à chaque fois, c'était atrocement douloureux. Ce serait la carte de la dernière chance.
Non, j'avais autre chose en tête. Nous étions après tout dans un Tombeau rempli, en plus d'offrandes, de création en tout genre. Et lorsque des aventuriers s'aventuraient dans des Tombeaux, c'était pour les piller.
Pourquoi devrais-je m'arrêter au cœur de glace ?
Je n'avais aucun scrupule à m'emparer d'autres objets. S'il fallait cela pour nous sauver la vie, je serais capable de vider l'ensemble des présentoirs.
J'avais toujours été certaine que ma vénalité finirait par me sauver la vie un jour.
Attrapant un poignard attaché à ma ceinture, j'entrepris de briser la vitre qui renfermait l'objet de mon attention. Aussi vite que possible, égratignant mes mains, j'assénai coups après coups pour fendre la glace.
« Au moment où tu t'en empareras, je devrais me retirer. La prison est faite d'une essence similaire aux Ombres Dévoreuses capables d'annihiler les Sidias. Elle cherchera l'Argia pur qui me constitue, qui nous constitue. M'enfermer dans mon Vittsoa suffira un temps, donc le mieux est que tu t'en débarrasses le plus rapidement possible. »
— Que se passera-t-il si je n'y parviens pas et que tu te retrouves attirée dans le trou noir ?
« Comme depuis des mois, c'est toi et moi, la baratineuse. »
Merveilleux.
Ayant délivré un des orbites, je m'attaquai à un deuxième, puis répétai l'opération sur une troisième sphère. Une pour chaque Sidia. Si nous ne parvenions pas à prendre le dessus, il fallait nous en débarrasser. Quoi de mieux que les emprisonner dans une autre dimension, en dehors du temps ?
Pas plus grosse qu'une bille, les trous noirs absorbaient les couleurs, la lumière, l'espace qui les entourait. Une prison pour les dieux.
Rangeant mon poignard, j'hésitai un instant.
« Donne les à Lucas. Il sera plus efficace. »
Je me repris. Je n'étais même pas celle au cœur du combat. Je n'étais qu'une messagère. Lucas assurerait le plus gros du travail. Par égard pour leur courage, je ne pouvais pas me dégonfler par peur d'être enfermée dans une stupide sphère aussi épaisse que mon ongle.
— Allons-y, dis-je en expirant bruyamment.
« Fais attention. À tout à l'heure. »
Quand je sentis sa présence disparaître et l'étau dans ma tête se desserrer, je ne réfléchis pas plus et m'emparai de la première sphère. Je fonçai ensuite vers le Soleil Levant.
— Lucas ! hélai-je.
Ce dernier se retourna à demi, gardant un œil sur ses adversaires. Esquivant plusieurs coups, il parvint à s'éloigner et se positionner entre eux et moi.
— Éloigne-toi ! me prévint le héros.
— Si tu as ton objet, utilise ton parchemin et rentre à la base ! hurla Edan, faisant un pas dans ma direction.
— Je l'ai perdue ! répondis-je distraitement.
Ignorant Edan qui s'approchait, je fonçai vers le héros ensoleillé.
— Quoi ?
— Peu importe ! Lucas, attrape !
Mon lancer était aussi vif que celui d'un enfant de six ans. Et il n'était même pas droit. Mais le réceptionneur n'était pas n'importe qui. Peu importe où je l'aurais envoyé, l'étoile filante l'aurait atteinte bien avant que la prison sphérique ne touche le sol.
— Enferme les Sidias à l'intérieur ! C'est une prison ! expliquai-je devant sa mine interrogatrice.
Ses yeux s'illuminèrent et ses couleurs retrouvèrent de leur éclat. Comment l'activer, je n'en avais aucune idée, ma part était faite. À lui de jouer.
— Je t'en ramène deux autres ! dis-je, faisant volte-face.
— Attends !
Les mots d'Edan furent interrompus lorsqu'il intercepta la percée digne d'un taureau du géant bleu aux longs cheveux de neige. Son fouet s'entoura autour de la cuisse de glace et la sectionna.
Je continuai ma course et atteignis la seconde prison. Je repris mon souffle un instant. Bien sûr, il avait fallu qu'ils soient à l'autre bout de la pièce. Impulsivement, je m'emparai de la troisième et dernière sphère. J'avais envisagé de les prendre les unes après les autres, pour ne pas les garder trop longtemps dans la main s'il s'était avéré que je les donnerais l'une après l'autre, mais après tout, il suffisait que je les donne toutes en même temps à Lucas. Lui ne courait aucun risque, son essence n'était pas faite d'Argia. Peut être s'en trouverait-il cependant affaibli un instant. D'abord une puis les deux dernières me semblait donc un bon compromis pour chacun de nous.
Une fois les sphères en main, je repartis à toute allure — bien triste en comparaison de la vitesse lumineuse du héros.
Lucas aurait pu atteindre les sphères lui-même, sa rapidité lui aurait permis de les obtenir en un instant, mais nous faisions face à des dieux. Eux non plus ne respecter pas les règles physiques qui s'appliquaient à l'homme. S'éloigner une seconde, c'était ouvrir la voie vers Corbeau à l'un d'eux. Le Soleil Levant était leur seul rempart. Il en était hors de question. Je pouvais m'occuper de la livraison. Je ferais la livraison.
J'arrivais dans leur champ d'action quand Lucas posa sa main sur le torse d'un géant. Main qui tenait la prison.
La sphère éclata. Le héros s'éloigna aussitôt.
S'encastrant dans le poitrail du géant, le trou noir s'enfonça droit vers l'espace où aurait dû se trouver son cœur s'il avait été humain. Des lianes noires s'en étirèrent, emprisonnant les bras, les jambes du dieu. Aussi souple que des cordes, le Sidia tenta de les repousser. Il libéra un de ses membres supérieurs, et de colère, libéra une puissante vague d'Argia. L'air se souleva, le sol se fissura. Tout autour de lui fut expulsé, créant un vide autour de lui de plus de cinq mètres de diamètre.
Je fus moi-même repoussée de quelques pas alors que je me trouvais à plus d'une quinzaine de mètres du géant.
Sous l'impulsion, les lianes ténébreuses reculèrent, le cœur de la sphère toujours planté dans la poitrine du dieu.
Les cordes se transformèrent alors. Elles s'épaissirent, s'assemblèrent et de tordirent pour prendre forme. Les ombres se mouvèrent et des gueules léonines attaquèrent les membres du géant. Un queue de serpent l'étrangla, une autre encercla ses chevilles, le mettant à genoux.
Les ténèbres chimériques dévorèrent le Sidia, complètement à leur merci. Les attaques qu'il envoyait, l'Argia destructeur qu'il envoyait, qui fissurait les fondations, qui faisait trembler le Tombeau tout entier et égratignait ma peau, n'avait aucun effet contre elles, à peine semblable à la caresse du vent. Chaque partie de son être fut arraché. Le noir l'engloutit et bientôt plus une seule parcelle de son corps ne fut visible. Les ombres grossirent, l'encerclèrent, les créatures ondulaient parmi elles, affamées. Puis, les ténèbres entreprirent de rétrécir. Elles renflouèrent vers le cœur de la prison pour reformer la sphère qu'elles étaient à l'origine.
Pas plus grosse qu'une bille. Plus aucune trace du Sidia.
Les plus petites choses étaient parfois les plus terrifiantes.
— Alana !
La voix d'Edan me sortit de ma contemplation. Je tournai la tête, et vis les deux derniers dieux fondre sur moi. Mes yeux s'écarquillèrent. J'étais devenue la proie à abattre.
— Talia !
En désespoir de cause, j'invoquai ma déesse puis me souvins de ce que je tenais dans la main. J'étais en possession d'une sphère capable de faire disparaître un géant de glace. Par ailleurs, cela faisait un petit moment que je tenais les prisons. Il fallait m'en débarrasser. Arriverais-je à l'asséner sur un des géants avant qu'ils ne me mette en pièce ? C'était un pari risqué. Et que faire du second ? Les deux en même temps ? Peut-être fonctionnaient-elles comme la jacinthe et n'étaient activées qu'avec une impulsion d'Argia ? Mais sans Talia, j'en étais dépourvue... Que faire ?
Toutes ses pensées m'assaillirent en un battement de paupière, et je n'eus pas le temps de prendre une quelconque décision qu'ils furent sur moi.
Leurs poings s'écrasèrent violemment au sol, la glace se fissura, tandis que je fus tirée, emportée quelques mètres plus loin.
Encerclée au niveau de la taille, le fouet me brûla, m'arrachant un cri, et je m'écrasai dans les bras de son propriétaire.
— Alana, tu vas bien ? demanda Edan.
— Argh ! Qu'est-ce que c'est ?
Je m'empressai de me libérer de son arme qui semblait me dévorer, éveillant des picotements douloureux à son contact.
— Attends ! Laisse !
Edan écarta mes mains rougies et dénoua son fouet.
— Excuse moi, dit-il. Je ne voyais pas comment parvenir à toi à temps autrement. Il faut que tu t'en ailles d'ici.
À présent libérée de la douleur et sauvée de ma mort imminente, je tiquai.
— Les prisons ! m'alarmai-je.
Je tentai de m'éloigner, la main du riche homme me retint le poignet, mais je me faufilai agilement et fonçai vers les sphères que j'avais lâchées quand j'avais tenté de me libérer. Elles avaient roulé plus loin, derrière Edan.
— Attends ! Alana ! Prends un par... Bon sang !
Les géants ne nous avaient pas attendu. Lucas nous avait rejoint et était aux prises avec eux, mais l'un d'eux échappa à sa garde. Edan l'intercepta juste avant qu'il ne m'atteigne, au moment où je ramassai les prisons.
Cependant, le propriétaire du Crépuscule Pourpre ne put rien faire contre la vague de magie qui m'assaillit. Je fus propulsée une dizaine, une quinzaine de mètres plus loin. Cette fois, pourtant, j'eus la présence d'esprit de serrer les sphères contre moi.
Je m'écrasai de tout mon long, m'écorchant le corps. L'impact brutal me fit rebondir plusieurs fois sur le sol avant de me stabiliser. Je toussai. Plusieurs fois. Mon souffle coupé eut du mal à se reprendre entre mes poumons meurtris. Je maugréai de douleur et me redressai difficilement. Mon corps m'élançait en tant d'endroits que j'étais incapable de tous les énumérer. Mes muscles me brûlaient. Mes os étaient-ils brisés ? Je n'aurais pas été étonnée si une ou deux hémorragies internes s'étaient déclenchées.
Je relevai la tête douloureusement.
Chacun des protagonistes de ce tableau irréel me regardait étrangement.
Les deux dieux mineurs me fixaient hostilement, un sourire mauvais aux lèvres.
Les expressions d'Edan, entre eux et moi, se disputaient la terreur et une rage meurtrière. Il hurla mon nom, m'exhortant à fuir. À bouger.
Lucas, horrifiée, était le plus proche de moi et s'élançait dans ma direction, la lumière dans son sillage. Je me rappelai alors qu'il fallait que je lui donne les sphères. D'instinct, ma mission retenant toute mon attention, je levai mon bras pour en lancer une quand les informations atteignirent enfin mon cerveau.
Une seconde... Edan et Lucas étaient inquiets ?
Pour moi ?
Un frisson remonta le long de mon échine. Les poils de ma nuque, en un reflexe pavlovien, s'hérissèrent et un étau enserra ma poitrine.
Une immense ombre me recouvrit.
Qu'est-ce que...
Alors que Lucas m'atteignait, il fut brutalement repoussé. Il s'écrasa tel un projectile fulgurant dans les étagères est des anomalies, à l'opposé de ma position. L'impact résonna et se propagea, brisant la glace des différents compartiments et renversant plusieurs items dans le processus.
Ma respiration devint erratique. Mes mains, mes lèvres tremblèrent. Mon estomac se noua. Je ne savais comment, sans doute issue d'une peur innée qui s'était inscrite en moi à l'issue de notre première rencontre, sans même le voir, ou l'entendre, je le reconnus. Je sus.
Je savais qui venait d'entrer en scène.
Je me retournai lentement tandis que, peu à peu, il semblait nous isoler du reste de la grande salle en créant un espace vide où seul lui et moi avions notre place.
La première fois, j'avais eu à faire à un bel homme du ministère.
Cette fois, un immense cobra en diamant me faisait face.
Kravis De Imor, le Sidia de la Peur, était dans le Tombeau du Guérisseur.
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