Chapitre 22 - Une célébrité sur le campus (2/2)
En face de moi, le politicien, libéré de l'emprise du Sidia s'effondra, inconscient.
Le professeur se précipita en premier lieu sur le ministre des Finances, hurlant qu'on lui vienne en aide.
Pour ma part, je me relevai péniblement. Le sang inondant mes poumons demanda à sortir une nouvelle fois, m'obligeant à tousser violemment.
Je me traînai et m'enfuis de la pièce, mon professeur hurla à ma suite. Cependant, il pouvait difficilement abandonner un ministre en sang et inconscient seul dans une pièce.
Mon doigt, mon bras, me faisaient atrocement souffrir. J'arrivai à limiter la douleur en évitant les mouvements. Mais mes pas incertains, rendus vacillant par mes poumons meurtris, leur insufflaient une claudication qui arrachait des larmes à mes yeux.
Le trajet jusqu'à l'entrée de l'Académie me sembla interminable. Certains étudiants me demandèrent si j'avais besoin d'aide, je les ignorai. Certains me reconnurent et me hélèrent, je leur hurlai de la fermer. Talia criait dans ma tête de retourner au plus vite à la villa, avant qu'elle ne s'éteigne, avant que je ne m'effondre.
« Tiens bon la baratineuse, tu dois retourner à la villa. Tu dois te rendre près d'Edan. »
Elle me répéta ces mots, tandis que je hélai une calèche.
Horrifié, le cocher m'informa m'amener à l'hôpital. Je lui rétorquai en pleurant à demi-mots, hystérique, qu'il devait me conduire au palais royal. Quand n'en pouvant plus de perdre mon temps en débat futile, je le saisis par sa cravate pour le menacer de lui briser les deux jambes s'il ne faisait pas ce que je lui demandais, il accepta enfin de me conduire où je le désirais. La folie et la douleur sur mon visage avaient sans doute dû le convaincre que j'étais prête à tout.
Ma tête se mit à tourner. Je gémis de douleur.
— Tu ne pouvais pas garder le contrôle jusqu'à notre retour..., me plaignis-je.
« Plus je reste, plus je détruis ton corps. »
Un sanglot m'échappa.
— Qui était-ce ? Comment était-il là sans être là ?
Je voulais qu'elle me parle, qu'elle me maintienne éveillée. Qu'elle s'assure que j'atteigne notre destination.
Bon sang, je lui en voulais. Pour la douleur, pour le nouveau Sidia à mes trousses, pour sa haine que je partageais. Et en même temps, j'aurais aimé qu'elle se venge, que le Sidia soit réellement là pour qu'il reçoive le châtiment qu'il méritait.
« Le Sidia de la Peur. Kravis De Imor, le Dieu des Angoisses. L'humain était un de ses plus fidèles adorateurs. Il devait activement participer à son culte. Cela permet au dieu de s'emparer momentanément de son corps pour se manifester. »
— Il te cherchait, gémis-je. C'est lui n'est-ce pas ?
Le traître.
« C'est lui. »
Je jurai, tapai de ma paume la porte de la calèche.
« Tiens bon. On y est presque. Aussitôt que tu auras passé les portes, je partirais. Plus je reste avec toi, plus l'Argia s'accroche à mon essence, renforçant le dû de l'Hitzord. Je peux l'atténuer, mais le contrecoup se ressentira tant que le prix ne sera pas payé. J'ai dilué la blessure de la colonne vertébrale pour ne pas t'handicaper mais à présent, elle résonne dans le reste de ton corps. »
Je fermai les yeux, priant pour me réveiller de ce cauchemar.
— Talia..., pleurai-je. Où étais-tu ?
« Je suis désolée. J'ai baissé ma vigilance, je ne l'ai pas senti. Cela n'arrivera plus, je te le promets. »
— Comment on va faire ? murmurai-je, essuyant mon nez dégoulinant de ma main libre. Il sait qui je suis, où je suis...
« Trouve Edan. Trouve Lucas. Ils te protégeront. Tu es en sécurité au Crépuscule Pourpre. Ce monde a des règles que même les dieux doivent suivre. »
Ma respiration sifflante m'arracha une nouvelle quinte de toux sanguinolente. Chaque os de mon corps se fissurait, menaçant d'exploser sous la pression de l'Argia vengeur.
— Talia, je vais m'évanouir... prévins-je.
« Allez la baratineuse, je sais que tu peux tenir, on y est preque. Tu as juste à descendre, traverser la cour et entrer. Je suis avec toi. »
Le cocher m'ouvrit la porte. La douleur disparut un instant, comme aspiré.
— Seigneur, mademoiselle, vos yeux...
Je me les essuyai rapidement. À mes larmes se mêlait à présent du sang.
— Aidez-moi..., implorai-je. Je dois... aller à l'intérieur de la cinquième aile.
— Mais c'est le palais royal, ils ne vous laisseront pas entrer.
— Prenez l'entrée du Crépuscule Pourpre... J'en fais partie.
Je passai mon bras valide sur ses épaules et nous entrâmes difficilement par la grande porte. D'autres sanglots m'échappèrent.
« Je suis avec toi, la baratineuse, encore un pas. »
Un pas après l'autre. Rejoindre Edan. J'y étais presque. Encore un pas.
Le cocher appela des gardes, incapable de gérer la situation. Je m'effondrai au sol, en gémissant. Je demandai sans savoir à qui je m'adressais qu'on me mène à Edan. Cette conviction était la seule chose qui me permit de ne pas sombrer dans l'inconscience. Il fallait que je sois près de lui. Pour qu'il masque la présence de Talia. Pour qu'il me protège grâce à son influence.
Je fus soulevée, et parmi le tumulte qui se formait autour de moi, je reconnus les bras, l'odeur, la voix de Lucas.
— Laissez-moi passer ! Léna, va chercher un guérisseur en ville, Arthur est en mission depuis hier ! Alana tu m'entends ? Alana ?
— Lucas... J'ai... J'ai utilisé un mot...
Un flot de sang se répandit sur ma poitrine, sur la sienne tandis que je l'expulsai violemment. Un gémissement d'agonie m'échappa.
— Seigneur, Alana...
— Je dois rejoindre Edan... Lucas, amène-moi à Edan. Je dois le prévenir...
Il monta des escaliers, l'écho de ses pas se répercutant dans tout mon corps. J'entendis des hurlements. Je reconnus la voix paniquée d'Alec. Lucas l'exhorta de le laisser passer, de calmer les autres membres de la Maison, inquiets.
Nous arrivâmes au bout du couloir qui menait au bureau d'Edan. Lucas cria le nom de son ami.
« Tu es en sécurité maintenant. Repose-toi. »
Surpris par les hurlements, la porte en bois du bureau s'ouvrit avant que nous ne l'atteignissions et le dirigeant sortit de la pièce. Il nous repéra, la porte encore ouverte derrière lui. Le visage d'Edan se décomposa quand ses yeux se posèrent sur moi.
— Que s'est-il passé ?
La douleur me terrassa soudain. Un cri étranglé ne réussit pas à s'échapper de ma gorge enrouée. Je compris que Talia avait atténué la douleur autant qu'elle l'avait pu, malgré sa mise à garde sur le violent contre-coup. Celle-ci revint aussi fulgurante qu'une dizaine de coups de poignard.
Ma jambe se brisa. Mon dos se brisa. Mon crâne se brisa.
Je m'agitai, tentant d'échapper à mon propre corps en miettes. Lucas me déposa au sol, impuissant, incapable de me soutenir. Il jeta un regard implorant à son ami, qui s'accroupit devant moi.
Je pleurai, assise à même le sol du couloir, entourée des deux hommes paniqués, mon corps secoué de convulsions.
— Edan ! Il... Il m'a trouvée... C'était un Sidia... Il allait m'étrangler... Me tuer !
Du sang s'échappa de mes narines et alla s'écraser sur le carrelage blanc, accompagnant celui dégoulinant de mon menton, de mes joues.
— Alana, calme-toi, m'exhorta le dirigeant de la Maison, à bout de souffle.
L'expression torturée, Edan s'avança et caressa mes cheveux, hésitant.
— Je ne retournerai pas... Je n'y retournerai pas... Ne m'oblige pas à y retourner.
De ma main en sang, meurtri, je serrai sa chemise et le menaçai, le suppliai du regard. Aide-moi !
Edan se saisit de mon corps tremblant et agonisant, posa ses mains sur mes épaules.
— Tu es en sécurité c'est bon. Personne ne va te faire de mal ici.
— Il y avait des corps...
Je m'étranglai, toussai.
— Des membres déchiquetés... J'ai vu du sang... À qui était ces corps... C'était peut-être... le mien... Ma peau ?
Je touchai ma peau. Elle était encore là. Les Kondairas ?
— Elle délire, dit Lucas, angoissé.
— Elle délire... confirma son ami.
— Edan...
— Ça va, je gère.
L'homme d'affaires lâcha un rire nerveux avant de m'emprisonner de ses bras dans une étreinte protectrice, qui me rappela ce que je devais faire. Je devais lui raconter. Talia m'avait ordonné de rejoindre Edan, qu'il nous protégerait. Je devais lui raconter pour qu'il comprenne. Qu'il ne nous abandonne pas.
— Il... Il a brisé mes os... Elle a dû nous protéger... Plusieurs mots... On a dit plusieurs mots...
— Elle est trop agitée, dit Edan, sa respiration s'affolant. Va chercher de l'éther, on va lui faire perde connaissance.
— Se briser... continuai-je. On a loupé la nuque... Talia m'a dit de te trouver... Que tu nous aiderais...
Aide-moi...
Il me caressa les cheveux, m'étreignant plus fortement. Tout ce que je ressentis fut de la douleur, encore. Toujours.
— Je vais t'aider. Repose-toi Alana, c'est fini, repose-toi. Ferme tes yeux.
Je fermai les yeux. Quand les images de terreur, les horribles images sanglantes resurgirent, je les rouvris.
— Mais... Il est là ?... Je les vois !
J'essayai de me lever, de m'échapper de ses bras. Malgré mon corps, mes os brisés. Edan resserra sa prise.
— Chut, calme-toi Alana, il n'y a que moi. Il n'y a que toi. Personne d'autre n'est là.
Sa voix rauque, douce m'apaisa un instant. Il n'y avait plus personne ? Edan semblait détendu, calme. Il n'y avait pas de danger ? Alors, c'était fini ?
— Edan ?
Le dirigeant se figea au son de la voix de Lucas. Il s'éloigna de moi et je l'observai. Je le vis à travers les images de moi me noyant, me mutilant. Ses yeux brillaient d'une fièvre captivante. Sa chemise bleue, son cou, ses mains, étaient couverts de sang sombre. Du mien. La combinaison, le contraste de sa peau pâle, de ses iris émeraudes étincelants, de son doux sourire triste et du rouge pourpre étalé sur son corps, renvoyaient un tableau macabre qui m'arracha un nouveau frisson. Hallucination ? Réalité ?
Edan porta un flacon devant mon visage et l'ouvrit sous mon nez. Haletante, mon souffle erratique, je respirai l'odeur forte.
Je poussai un soupir tremblant. Ma mission était accomplie ? Je pouvais arrêter de souffrir ? Talia était partie. Pouvais-je moi aussi m'en aller ?
J'avais atteint Edan, et il allait nous protéger, alors, j'avais réussi nyon ?
M'abandonnant dans les bras d'Edan, succombant à la douleur insupportable, je sombrai dans l'inconscience.
**--- Notes de l'auteur ---**
🥹🥹
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