Chapitre 10 - Un moment pour respirer

— Qu'est-ce qui t'as pris ? s'emporta Edan.

À peine avions-nous quitté le bureau de Carter, qu'il nous entraîna dans une pièce vide, isolée, trois portes plus loin.

« Ce n'est pas la gratitude qui l'étouffe. »

— Qu'est-ce qui vous a pris ? s'interrogea Lucas. Edan, il s'est passé quelque chose ? Tu semblais tendu.

Est-ce qu'il lui arrivait de lâcher son ami du regard ? Je commençais à me demander s'il n'y avait pas quelque chose entre eux.

Edan serra les dents, irrité.

Elsa croisa les bras.

— C'était quoi cet air « ne touche pas ce qui m'appartient » que tu te donnais ? demanda-t-elle.

Deux regards horrifiés la dévisagèrent.

— Ce n'est rien de ce genre ! réfutai-je.

— Ne dis pas de bêtises, répondit Edan en même temps.

Elle haussa un sourcil signifiant « il va falloir m'expliquer alors ».

« Tu peux difficilement leur parler de ton aura de luxure. Ou du fait que ton bouclier n'y soit pas insensible. »

Le retour de la baratineuse était nécessaire.

— C'est ma faute, dis-je. J'ai ressenti le besoin d'utiliser un mot de pouvoir tout à l'heure. Cela m'arrive de temps en temps. C'est pour cette raison que je suis partie.

Aussi souvent que mon besoin d'écouter les gens s'épancher sur leur vie amoureuse.

— Le contre-coup m'a rendue hypersensible et chaque contact était douloureux. Edan m'a juste aidée pour me couvrir. Merci Edan d'ailleurs, sans toi, je ne sais pas comment j'aurais fait.

Le regard blasé qu'il me renvoya n'aidait pas, mais je décidai de l'ignorer. À la place, j'espérais que Lucas noterait comme je m'entendais bien avec son ami. L'ami de mon ami est aussi mon ami non ?

— Je n'ai pas vraiment menti en parlant d'intuition. Il s'agissait de résidu. C'est comme ça que j'ai pu savoir certaines choses.

J'avais vraiment manqué une vocation en ne me lançant pas dans le théâtre. J'aurais fait fureur.

« Tu mens comme tu respires, c'est impressionnant. »

Un compliment ? J'en serais presque tombée à la renverse, mais j'étais en pleine prestation. Mon professionnalisme m'obligeait à ne pas me laisser distraire.

Lucas soupira, rassuré. Il n'aimait vraiment pas le mensonge. C'était bon à savoir. J'allais devoir élever mes mensonges au rang d'art afin de ne jamais être démasquée. Répondre au mensonge par un mensonge encore plus gros, telle était ma philosophie du jour. Ou de vie.

— Ce n'est pas ce que je veux savoir, intervint Edan, balayant mes explications de la main. Pourquoi es-tu intervenue dans mes négociations ?

Oh, aurais-je empiété sur ton territoire, Majesté ? Je dus me faire violence pour retenir le sourire vicieux qui me montait aux lèvres.

Elsa décida que c'était le moment de fuir.

— Je vais vous laisser, je vais au bar, je sens que ça peut être long. Bon courage, Alana.

Alors elle aussi, elle avait Fuite pour grande amie. Petite veinarde.

— Ce n'est pas un si mauvais arrangement, me défendit Lucas. On ne sait pas ce que contient le Tombeau mais Carter a mentionné qu'il s'agissait d'une importante divinité, nous gagnerons certainement gros.

« Vous aurez un bon bénéfice. »

— Nous n'aurons aucune émelite. As-tu une idée de son prix ? me demanda-t-il hautainement.

Pour qui me prenait-il ? Je savais le prix de tous les produits de luxe sur le marché.

— Du calme, Sac à Sous, il y aura de l'aquarite et de la fairine. Je me suis dit que ce serait plus intéressant.

À revendre à bon prix à l'étranger.

Et... aurais-je malencontreusement laissé échapper le « Sac à Sous » ? C'était gênant.

Je jetai un œil à Lucas. Je devais noyer le poisson. Peut-être que personne ne remarquerait. Tout en parlant, j'allai m'assoir sur un divan. Cette soirée me vidait de toute mon énergie.

— Pour les orphelinats à Barssa. Cela sera d'une grande aide.

Le Soleil Levant me regarda, agréablement surpris. Oui, j'étais pleine de compassion et le mentionnais de manière totalement désintéressée.

Edan leva les yeux au ciel puis soupira. Il se pinça l'arête du nez, ses sourcils se froncèrent. Il semblait souffrir. Bien fait.

— Tu peux nous laisser un instant Lucas, s'il te plaît ?

Je relevai la tête de mes ongles que j'étais en train d'examiner. Lucas semblait curieux mais était bien trop poli pour refuser.

— Bien sûr. Je vous attends en bas avec Elsa. On pourra partir dès que vous êtes prêts.

Avant de sortir de la pièce, il s'approcha de moi.

— Est-ce que tu vas bien ? Malgré l'utilisation d'un mot ?

Son inquiétude me toucha et je lui souris. Mon fidèle futur bras droit s'inquiétait pour sa future maîtresse. Brave soldat.

— Je vais bien, ne t'inquiète pas. Rien qu'une bonne nuit de sommeil ne pourra résoudre.

— Tant mieux, sourit-il.

Il lança un dernier regard à Edan puis nous laissa seuls.

À peine la porte se ferma-t-elle, que le beau brun envahit mon espace.

— Qu'est-ce que...

Mes yeux avaient suivi Lucas, je ne l'avais donc pas vu s'approcher. Edan m'emprisonna de ses bras et posa un genou sur le divan, près de ma main, me chevauchant, tandis que son autre jambe s'appuyait sur le rebord pour le maintenir.

Il s'approcha, si près que nos corps se frôlèrent. Sa tête s'arrêta à quelques centimètres de la mienne, les mèches de cheveux tombant sur son front effleurèrent le mien. Ses prunelles, ses fascinantes prunelles émeraudes, se posèrent sur mes lèvres. Sa respiration était saccadée.

Oh. Mes. Dieux.

— Juste... Laisse-moi un moment, soupira-t-il.

« Ne bouge pas. »

Sans blague. J'étais tétanisée.

Il s'approcha encore, enfouissant sa tête au creux de mon cou. Je frissonnai. À chacune de mes respirations, ma poitrine rencontrait à présent la sienne. Une de ses mains se posa sur ma joue, sur ma nuque.

De son pouce, il me caressa.

— Juste un moment... pour respirer.

Et si moi je ne respirais plus ?

Bon sang. Il me désirait. Enormément.

Et moi aussi.

Fuite, ma chère amie, où étais-tu quand on avait besoin de toi ?

Il fallait que je bouge. Tout de suite. Mon hyperactivité en situation de malaise faisait son grand retour.

— Edan, je...

Je tentai de me relever, quitte à l'envoyer balader. J'appuyai sur mon bras pour prendre appui et j'allais procéder à une fuite sans aucun doute mémorable, mais ses lèvres m'immobilisèrent.

Il embrassa ma gorge. Il déposa une pluie de baisers le long de mon cou, au creux de ma mâchoire.

Je lâchai un gémissement. Des frissons parcoururent ma peau embrasée.

J'allais lui sauter dessus. C'était de la torture. Qui résistait à qui exactement ?

« Je t'ai dit de ne pas bouger ! Tu ne te rends pas compte de la volonté qu'il faut pour résister. Surtout lui. »

Si, si je m'en rendais parfaitement compte. Était-ce mon sang qui s'écoulait si follement ?

« S'il laisse libre cours aux pulsions qu'il ressent, crois-moi, tu ne prendras aucun plaisir. »

Douche froide. Oh. Voilà qui calma quelque peu le torrent dans mes veines.

Je penchai la tête, m'appuyant sur la main d'Edan posée sur ma joue, pour lui offrir un meilleur accès à ma mâchoire. Je pris ma voix la plus douce.

— Edan, dis-je, presque en murmurant. Edan, il faut que tu t'écartes.

Et urgemment.

— C'est dur...

Pardon ?

— De résister... soupira-t-il en relevant la tête.

Je lâchai un soupir de soulagement. J'avais les idées mal placées avec ces histoires. Bien que je doutasse que ce ne soit pas le cas.

Ses yeux me brûlaient, m'électrisaient. Ils semblaient me supplier. Ses pierres précieuses se posèrent de nouveau sur mes lèvres.

— Tu t'en sors à merveille, répondis-je, aussi calmement que possible.

Arrête de m'allumer, imbécile.

— Avec le temps, ça diminuera, lui assurai-je.

Il avait une excuse, mais moi ?

Il s'avança, effleurant mes lèvres des siennes.

Ok, il n'y avait aucun progrès. Ma capacité à ne pas profiter de la situation m'étonna. Sans l'avertissement de Talia, j'aurais certainement sauté sur l'occasion.

Bon sang, Edan Roselli me désirait.

Restons calme Alana, restons calme.

J'humidifiai mes lèvres après son passage, par automatisme.

Il s'y attarda un instant de trop.

Nous pouvions vriller à tout moment. J'étais sur la corde raide. Si un seul de nous basculait, l'autre tomberait avec lui. Il fallait cesser cette situation. Maintenant.

« Parle de son argent. »

— Dix mille pièces d'or pour un baiser, murmurai-je.

Il m'embrassa sans hésiter. Ses lèvres s'écrasèrent sur les miennes. Et il avait un goût... de paradis.

Avant que je ne puisse le dévorer, il s'écarta.

Au prix d'un effort surhumain, en total contradiction avec tous les signaux que son corps, que son visage m'envoyaient, il se releva et s'éloigna.

— Ayez pitié, murmura-t-il, en reculant à l'autre bout de la pièce, implorant les dieux.

« Je ne pensais pas qu'il le ferait. »

Moi non plus.

— J'aurais dû demander plus, murmurai-je, ébahie.

Il ne répondit pas. Avait-il seulement entendu, perdu dans ses tourments émotionnels ?

Pour ma part, j'avais du mal à revenir à la réalité, à comprendre ce qu'il venait de se passer. Je ne pouvais plus le quitter des yeux. Il semblait en proie à un combat intérieur impossible. Son corps tendu comme un arc prêt à dégainer sa flèche, son souffle erratique.

Ses yeux refusaient de se poser sur moi.

Je me redressai lentement, comme anesthésiée, plongée dans une délicieuse confusion.

Il nous fallut à l'un comme à l'autre un long moment pour reprendre nos esprits.

Après de longues minutes, il me supplia presque d'un murmure rauque :

— On devrait rentrer.

— Très bonne idée.



**--- Notes de l'auteur ---**

Fin de cet arc sur cette loooongue soirée !

Qu'en avez-vous pensé ?

Alana s'est-elle bien débrouillée malgré ses galères ?

Merci de voter, commenter, partager si cela vous a plu <3

Prochain chapitre :
« L'égo d'une déesse »

À très vite !

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