Chapitre 30

Dire que les jours qui suivirent n'était que routine serait un tissu de mensonge.

Dans les rues, le lycée, les magasins, partout où je me rendais, Je me suis rapidement rendu compte, comme de plus en plus de monde, que quelque chose n'allait pas. Quelque chose semblait faire peser une tension autour de nous. Comme une sorte de couverture épaisse s'abattant sur notre quotidien de manière imposante.

En regardant de plus près, mon sixième sens ne fit que sonner l'alarme un peu plus.

Les professeurs ne répondaient plus à nos questions, distrait par je ne sais quoi. Ils se contentaient de nous balancer des cours magistraux avant la sonnerie annonçant les enseignants suivants. Nous n'avions plus l'occasion d'entendre Mme. Jones déblatérer ses remarques sarcastiques, comme elle le faisait tous les jours jusque-là. Au lieu de cela, et pendant que nous recopions ses notes projetées à l'écran, elle fixa avec appréhension son portable ou regardait tout simplement dans le vide... sans qu'un seul mot superflu ne virent franchir la barrière de ses lèvres, elle se mettait aussi à taper constamment ses doigts contre son bureau en remuant une de ses jambes.

Le professeur de sport, quant à lui qui, prenait habituellement un malin plaisir a regardé les jeunes filles s'entrainer. Il se contentait désormais de nous faire faire des séances d'athlétisme étrange dans une atmosphère qui l'était encore plus, la même expression tantôt vide tantôt anxieuse sur le visage

- Sérieux, je ne vois pas l'utilité de nous faire courir jusqu'à l'épuisement. Râla un étudiant en s'arrêtant net. On ne paye pas des sommes astronomiques pour apprendre à fuir comme des mauviettes. Je ne sais pas vous, mais moi je m'casse.

Tout le monde avait les yeux rivés vers le jeune homme, prenant ensuite une grande gorgée de sa bouteille d'eau et mettant son sac sur son dos... Il me semble qu'il s'agit d'Isaac. Les autres personnes ainsi que moi-même continuons cependant l'exercice de peur de se faire rappeler à l'ordre et d'empirer la situation. Le professeur se rapprocha ensuite d'Isaac en lui barrant la route, sa hauteur égalant la sienne de quelques centimètres supplémentaires. Les deux hommes se fusillèrent alors des yeux, et plus personnes ne parlait. On n'entendait plus que le bruit des chaussures de sport fouler le terrain, lorsque l'un des deux se décida enfin à briser la glace.

- Fuir, tu dis ?

- Totalement.

- Tu préfères rester et mourir.

Il ne s'agissait pas là d'une question. Cette remarque fit mouche. Isaac lui non plus ne savait quoi répondre. Son expression semblait lui aussi clairement se demander si ce que venait de dire l'homme devant lui était sérieux, ou si cela n'était qu'une simple blague... Mais son visage sombre n'indiquait qu'une seule réponse. Le jeune homme recula alors d'un pas, déstabilisé.

- Euh... je suis pas sûr de suivre le délire, là.

- J'ai parlé, alors où tu cours, où tu crèves. Dit le professeur d'un ton sec.

Il siffla alors brutalement dans son sifflet, faisant sursautes les personnes tel que moi, qui s'était arrêter pour assister à la scène. Mon cœur battait la chamade non pas à cause de l'exercice ou du coup de sifflet, mais bien après les mots qu'il venait de prononcer.

Courir ou mourir.

C'est quoi cette histoire ? Je repérais alors Brittany non loin derrière moi, nos regards se croisèrent. Tandis que le miens se faisait confus et interrogateur, le siens n'exprimait rien.

Je ne pense pas que j'obtiendrais des réponses de ce côté-là.

Malgré l'attitude étrange de ce professeur, mon esprit ne fut pas plus intrigué que ça. Non. Ce qui me perturba pour de bon, et qui me fis définitivement penser que quelque chose n'allait pas se produisit la semaine suivante. Déjà à ce moment-là l'air de la ville devint aussi irrespirable que celui dans un sac plastique.

Nous courrions comme à notre habitude, lorsqu'une fille tout près de moi, Charlotte, s'effondra tout à coup de fatigue. Étant à proximité je la rattrapai de justesse et l'aida doucement à s'allonger sur la terre poussiéreuse, disposant sa tête sur mes genoux. Haletante et blanche comme un linge, ce qu'elle sortait de sa bouche fut à peine compréhensible.

- Je... trop... peu plus...

- Ne t'en fais pas, ce n'est rien. Il faut juste que tu fasses une pause. La rassurais-je.

Mais en vérité je n'étais pas bien du tout. Un cercle c'était alors formé autour de nous, et j'étais plus qu'heureuse de ne pas être le sujet principal des alentours cette fois. Un autres jeune homme, Noah, s'empressa alors de prendre le relai et de soulever la fille qui se trouvait sue mes genoux avec moi. Ne tenant presque plus sur ses jambes, nous dûmes la soutenir en mettant ses deux bras sur une de nos épaules.

Alors que nous nous apprêterions à l'emmener à l'infirmerie comme il se doit, le professeur nous interrompu dans notre progression, nous foudroyant du regard, furieux.

- Monsieur, il faut laisser Charlie aller se reposer, on vient avec elle. Fit Noah.

- vous n'irez nulle part.

-...

-...

Mes yeux s'écarquillèrent sous l'effet de la surprise. Je n'arrivai pas à en croire mes oreilles. Son ton sec et sans appel bous figea sur place.

- Vous voyez qu'elle ne se sent pas bien, alors laisser nous passer s'il vous plaît. Fis-je avec précaution.

Ses yeux fixèrent désormais Charlie, tout à coup rempli d'une haine dont je ne comprenais pas le sens... Son visage se contracta, des rides se formant a des endroits différents de son visage. Je déglutis. Charlie releva alors la tête et le regarde à son tour. Du haut de sa taille, il la toisa comme si elle n'était plus qu'un être mort, dénué de chaleur et de vie. Nous laissant néanmoins partir, j'agrippai le bras que je soutenais un peu plus fort en signe de soutient, puis me retourna quelques secondes plus tard.

Brittany affichait toujours un visage dénué de sentiments et d'expression. Le professeur fixa le dos de Charlie avant de diriger son attention vers moi

Un trou noir et sans fin, voilà ce que je pouvais lire en le voyant...

Les jours passèrent et se succédèrent alors, tels les mois puis les saisons de l'année. Chacun amenait sont petit lot de mauvaises nouvelles jusqu'à ce qu'ils ne constituent plus qu'une interminable descente aux enfers ... une éreintante traversée sur le Styx.

Il y a des jours où, enfermée dans le clame et le semblant de paix dans ma chambre, je me demande comment tout cela a-t-il pu se produire.

Comment avons-nous pu survivre à une chute aussi raide et imprévisible que celle-ci. Le temps semblait soudainement contre nous. Plus les secondes passaient et plus tout ce qui se trouvait autour de nous agonisait lentement... jusqu'au soubresaut final.

Une fois de plus et à force de réflexion, mes yeux eurent du mal à se fermer de la nuit. Je fixe alors à nouveau un point invisible sur le plafond en béton et essaye de clamer ma respiration haletante, une main sur mon ventre et l'autre sur ma poitrine. Malgré toutes leurs recherches, les milliers de points d'interrogations naissant en moi ne trouvait pas les réponses qu'elles désiraient. Ainsi, elles se réduisaient à se nourrir de tout ce qu'elle pouvait trouver d'autre à l'intérieur de moi-même, de l'énergie, de l'espoir, de la patience... me pourrissant au quotidien. Elles laissaient alors derrière elles des déchets de doutes et de soupçons.

Je ne sais plus quoi faire ni quoi penser, qui croire, de qui me méfier, à qui faire confiance ni à qui réellement parler.

Je ne suis plus sûr de mes choix, de mes propres pensées... De rien.

L'enveloppe qui me sert de corps ne sait pas non plus, à vrai dire.

Alors j'essaye de chercher, de trouver les mots pour me répondre. Je reviens plusieurs heures, plusieurs jours puis plusieurs mois en arrière, espérant savoir pourquoi a-t-il fallu que tout déraille en un instant. Mes pensées s'envolent alors vers le commencement de tout cela, vers l'engrenage. Elle recule un peu plus loin encore... vers la poignée déclenchant le mécanisme.

...

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