Chapitre 11 : Katarzyna

Aujourd'hui est une journée comme les autres pour n'importe quel étudiant. Les heures se succèdent les unes après les autres. Les cours se succèdent les uns après les autres. Pour ma part Mme. Jones, très attachée aux traditions de collège et parce que je pense qu'elle a certainement un côté sadique à voir se ridiculiser les nouveaux, demanda à toute la salle de se présenter au tableau. Par ordre alphabétique s'il vous plait. Mes mains devinrent moites et ma respiration s'accéléra.

Géniale.

Je soupirai d'exaspération, essayant tant bien que mal de me focaliser sur un discours déjà élaboré dans ma tête, puis entrepris de me lever lorsque mon tour vint histoire d'en finir une bonne fois pour toute. J'étais presque arrivée devant le tableau, et remerciais les Cieux que je ne me sois pas ratatinée dans les escaliers. Tout le monde semblait me dévisager de haut en bas. Les garçons me lançaient des regards de dégoûts mêlés d'intrigue, les filles quant à elles se penchaient un peu plus sur leur bureau en arborant de larges sourires de fierté face à mon visage qui, je pense, semblaient actuellement en total décomposition.

Je finis par décider de combler les derniers mètres qui me séparaient de l'estrade centrale en accélérant un peu plus le pas. Lorsque je sentis brusquement quelque chose s'accrocher dans ma jambe gauche... plus précisément mon pied rencontra un obstacle. Mon premier reflex fut de laisser mon corps décider de ce qui allait se passer ensuite. Peut-être étais-je tombais sur un sac à main ou un sac de sport ? Mais je me rendis compte une fois en contact avec le parquet dur et froid de quoi il s'agissait... surtout après avoir entendu certaines choses tout près de moi.

"Bien joué Ethan !"

Un croche-pied.

Je dégringolais trois marches supplémentaires puis m'étalais de tout mon long sous une classe devenue complètement hilare. Les marches en bois me firent un mal de chien au ventre et je réprimais avec le reste de dignité qu'il me restait un sanglot de douleurs. Mme Jones ne fit rien pour calmer ces animaux morts de rires et semblait elle-même s'en amuser. Je la maudis intérieurement de toutes mon âme. Ma vue se fit soudainement trouble et des fourmis commencèrent à picoter tout le long de mon visage.

Non, pas maintenant...

Une éternité sembla passer avant que je me rende réellement compte que j'étais encore sur le sol. Les picotements vinrent s'installer plus profondément et se centrèrent vers mes yeux. Je savais pertinemment à ce moment que je devais baisser très vite ma tête avant que quelqu'un ne les voit dans cet état-là

La porte d'entrée s'ouvrit. Je tournais la tête presque immédiatement dans la direction opposée, les picotements de honte et de peur recouvrant l'entièreté de ma vue. Celle-ci devint totalement floue, ma respiration quant à elle s'accéléra davantage et j'eus de la peine à la maîtriser.

- M. Carter vous êtes en retard, n'est-ce pas la troisième fois cette semaine ?

Lui ? Oh non...

- Seulement la troisième fois ? Rappelez-moi de dormir un peu plus la prochaine fois alors.

Un instant passa pendant lequel il ne prit pas la parole, essayant sans doute de connaître la raison de cette hilarité générale... s'il continuait sa route vers la direction que je craignais, il ne tarderait pas à la trouver.

- Allez à votre place ! Que je ne vous entende plus.

- Comptez sur...

Il s'arrêta de parler, sans doute en remarquant enfin la présence de ma masse sur son passage. En me voyant ainsi à demi relevé et recroquevillé qu'un hérisson, il dut comprendre et me tendit la main en lâchant un soupir, un regard amusé sur le visage. Lui aussi se retenais sans doute d'exploser de rire. J'ignorais son aide consciente que je prenais le risque de me ramasser une nouvelle fois, essayant de me redonner un semblant de fierté. Je vis rapidement du coin de l'œil qu'il haussa un de ses sourcils.

- Mademoiselle Katarzyna Crown, levez-vous dignement et présentez-vous je vous prie. Insista la professeure, totalement insensible quant à l'humiliation que je venais de subir devant une cinquantaine de personnes.

Salope.

Un frisson me secoua tout entière lorsqu'elle prononça mon nom, je dus m'y prendre à deux fois pour réussir à soutenir mon corps, ce qui ne l'empêcha pas de me dévisager de derrière ses lunettes.

- C'est Katy madame... Dis-je d'une toute petite voix en continuant d'admirer ce traître de parquet.

J'inspirais un bon coup et commença.

- Le sol n'est pas en mesure de t'écouter, eux oui.

Mon œil.

Ekaitz, qui avait finis par s'installer, me détaillait de haut en bas et je détournais aussitôt le visage vers la fenêtre. Je n'ai jamais été aussi mal à l'aise et cet être qui m'avait vu sous le pire des profils n'arrangeait pas les choses.

Il avait enfilé une chemise Ralph Lauren noir, un pantalon de la même couleur ainsi qu'une ceinture Louis Vuitton. Cette couleur lui allait bien je trouve. Tout était simple sur lui, à l'exception de son regard bleu électrique qui continuait de me scruter millimètre par millimètre. Ses cheveux, qui visiblement n'ont pas pris la peine d'être coiffés, s'entortillaient en une centaine de boucles brunes, encadrant un visage qui je pense n'a jamais eu le malheur de connaitre l'acné ou les dermatologues.

Une fille naïve et inconsciente tomberait directement sous son charme je n'en doute pas une seule seconde. Et je ne suis ni naïve, ni inconsciente. Sans doute était-il un de ses populaires typiques tous droits sortis des films américains. Vous savez : capitaine d'une équipe de football ou de basket, entouré de millier de filles le midi et pendant les pauses, avec un sourire de tombeur, des sous à profusion et tout le reste.

Je dus m'arrêter de parler en chemin car Mme Jones m'intima de poursuivre. En vérité j'étais complètement effrayé par le coup que m'avais joué mes yeux, et complètement cramoisie. Les mots avaient de la difficulté à sortir de ma bouche et je dus fournir un effort plus que ridicule avant de dire que j'avais dix-neuf ans.

Puis on me posa la question que je redoutais depuis le début.

- Et toi, dis-nous Katarzyna, qu'est-ce-qui t'a donné envie de venir t'installer et t'inscrire ici ? Le shopping, les réductions sur les salles de sport, les filles, les abdominaux, la plage ? Fit-elle en levant les yeux au ciel, excédé parce que l'ensemble de la salle lui avait servi ces arguments.

Alors que je pouvais voir les arbres de la cour un peu plus nettement, une vague de flou apparut de nouveau en un film opaque. Des larmes étaient survenues sans prévenir et j'essayais tant bien que mal de les retenir. Malheureusement une petite coulée de sel réussi à se faufiler un chemin sur mes joues. La professeure s'en aperçut.

Rien à faire de vos plages ou je-ne-sais-quoi d'autre. Je suis ici parce que j'ai tué avant de m'enfuir, telle la pauvre lâche impulsive que je suis. Je représente une pauvre meurtrière incapable de maîtriser ses pulsions à la moindre contradiction, voilà pourquoi je me retrouve dans ce trou.

- la faiblesse est le pire des défauts mademoiselle, vous l'apprendrez vite au cours de l'année, voulez-vous cependant aller vous aérer dehors ?

Connasse.

Je la regardais pour m'assurer que je n'avais pas prononcé cette vérité à voix haute puis, en voyant que non, acquiesçai d'un mouvement de tête négatif. Je n'avais pas besoin de me faire remarquer encore plus pour aujourd'hui.

- Bon, vous pouvez regagner votre place .... Carter ce n'est pas la vôtre.

Il ne manquait plus que ça.

- Désolé Princesse, mais j'aime bien cette place, le chauffage est plutôt pas mal.

- Je te demande pardon ?

J'avais rétorqué sans réfléchir, d'une voix assurée et plus autoritaire que je ne l'imaginais. Il en fut aussi surpris que moi ... tout le monde d'ailleurs. Merde, j'aurais dû me taire comme avait dit Brittany. Je devais éviter ce mec comme la peste mais c'était sorti tout seul. J'abdiquai cependant et préféra me diriger vers une autre place libre (et isolée de préférence) mais n'en trouva aucune.

Je m'approchai alors pour prendre un siège à côté d'une fille, qui devait sans doute se demander au vu de sa tête si elle allait devoir faire un vaccin contre la lèpre en rentrant chez elle, en essuyant mes joues. Je lançai alors un regard noir en direction de ce type. En réponse, il arqua un sourcil, se pencha sur le bureau et m'adressa un sourire en coin à tomber. Ses dents blanches semblaient éclairer la pièce et j'étais quasiment sûr que quelque chose de bestial rendait ses dents, particulièrement ses canines, légèrement plus pointus. La vache, combien cela a dû lui coûter ? Plus que ce je ne peux imaginer je pense.

- Ne pleure pas pour ça. Toi aussi tu peux me donner un petit nom.

Je clignais rapidement des yeux.

Salop.

J'étais presque sûr que pendant une seconde il avait tiqué en me fixant du regard... Mes larmes ont dû troubler ma vue, je ne ressentais heureusement plus aucun picotement. Le pire a été évité. L'instant d'après il semblait lire dans mes pensées car son sourire s'agrandit encore un peu plus, dévoilant des fossettes à tordre le ventre de n'importe qui.

- Une petite idée derrière la tête, je suppose.

- Tu supposes bien. Affirmais-je en grommelant, toujours aussi emphatique.

Mme. Jones poursuivra enfin son cours, vue que j'étais la dernière à passer. Je continuais de m'avancer et de remonter ces escaliers à la noix, pour faire quelque chose qui lui clouera le bec une fois pour toute et lui enlever son air satisfait du visage.

Je déviai ma trajectoire.

Non pas pour m'asseoir à une autre place, mais bien pour me mettre à côté de lui.

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