Chapitre XI : Divergence cachée
Dans le chapitre précédent,
Laur', après avoir été endormis la veille par Éric, s'échappe de son appartement en sautant de son balcon pour atterrir sur celui d'en dessous. Elle affronte donc sa peur du vide et part s'armer dans l'enceinte Audacieuse totalement déserte. Elle prend le train et voit Éric qui sous entend savoir que les frères de Laur' sont divergents. Elle ne réagit pas vraiment à ce qu'il lui dit et elle n'a qu'une idée en tête : Sauver sa mère et sa sœur. Elle commence sa fuite avec Béatrice et Marie mais Richard abat cruellement Marie. Laur' prononce ses dernières paroles à sa mère et Richard vient lui donner un violent coup à la tête qui lui fait perdre connaissance.
Le son de l'électrocardiogramme, c'est tout ce qui parvient à mes oreilles depuis quelques jours. J'ai entendu Éric me parler, il s'excusait et ne comprenait pas le geste atroce de Richard. Il a l'air épuisé et ... terrifié. Je reconnais sa voix amoureuse mais son air dur a l'air d'avoir totalement disparu. Je lui en veux tellement... S'il ne m'avait pas enfermé comme un vulgaire animal que l'on retient dans une cage, ma mère serait sûrement encore en vie. J'ai envie d'hurler, de me débattre mais rien à faire... Je suis prisonnière de mon propre corps et je trouve cela terrible. Soudain, j'entends une porte s'ouvrir et plusieurs personnes y entrent rapidement.
- Elle est consciente. Il faut lui mettre une dose plus puissante de sédatif, son cœur s'emballe et cela peut devenir dangereux au long terme.
- Oui monsieur.
Je suis en totale panique, car le fait de savoir que je serais une fois de plus inconsciente me rend dingue. Je veux absolument retrouver cette connexion corps-esprit mais...
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J'ouvre les yeux et je perçois la lumière des néons fixés au plafond qui m'éblouis mais est tout de même très agréable malgré son artificialité. J'aurai préféré que la luminescence et la chaleur du soleil viennent me réveiller, mais là où je suis, les rayons de l'astre solaire n'y pénètrent pas. Je suis dans une chambre d'hôpital dépourvue de fenêtres, ce qui fait accélérer mon rythme cardiaque à cause de ma claustrophobie qui me rend si vulnérable. Je retire le masque qui balance de l'oxygène grâce à un respirateur car je juge qu'il m'est totalement inutile et j'arrache la perfusion que m'administre les médecins. Je me sens vraiment bien mais une douleur aiguë me transperce l'épaule où est situé mon tatouage. Je me rappelle tout d'un coup que c'est à cet endroit que j'ai reçu une balle venue de l'arme que brandissait Richard pour tuer ma mère. Je frissonne et chasse les larmes venues remplir mes yeux. Je laisse pendre mes jambes nues et regarde le sol qui comporte un carrelage bleu et blanc. Je comprend ainsi que je ne suis pas dans l'hôpital des Fraternels mais bel et bien dans un établissement Érudit dont j'ignorais l'existence jusqu'à maintenant. C'est clair qu'il faut avoir un centre médical à porter de main pour gouverner après avoir exterminé un cinquième de la population... J'entends cogner à la porte et un individu Érudit entre quelques secondes après cela dans la chambre.
- Bonjour Mademoiselle Scott. J'espère que vous vous portez bien. Me demande-t-il en arborant un large sourire et en me serrant la main.
- Je suis où ?
- Dans la partie médicale aménagée après l'assaut chez les Altruistes. Attendez ? Vous avez arraché votre perfusion ? Me questionne-t-il étonné.
- Oui, ça ne me sert à rien votre merde. Je suis ici depuis combien de temps et je peux savoir ce que j'avais pour qu'on me plonge dans un tel coma pendant autant de temps ?
La porte s'ouvre brusquement et Éric entre un peu énervé. J'ai le cœur qui bat la chamade, mais je ne sais pas si c'est par amour ou par peur.
- Je vous avez dis de me prévenir dès qu'elle se réveillerait. Je n'ai peut-être pas été assez clair ? Dit-il avec son calme légendaire.
- Vous avez été très clair Monsieur Wagner mais je dois faire un examen médical avant que n'importe quel individu entre dans cette pièce. Explique le jeune infirmier.
- Allez vous faire foutre avec votre examen de merde. Sortez tout de suite et ne me forcez à vous foutre dehors par la force.
L'aide soignant , vêtu d'une blouse blanche et bleue, baisse les yeux et sort de la chambre sans dire un mot de plus. Éric se rapproche de moi et me prend la main, il a les larmes aux yeux et me prend dans ses bras.
- Tout est ma faute... J'ai été stupide de t'enfermer... Je voulais juste te préserver de tout ça comme je te l'avais promis.
- Ma mère est morte Éric... Il l'a tué. Il a tué ma mère. Combien de temps j'ai été endormis ?! Qu'est-ce que j'avais de si grave au point de m'endormir ?
Je ne trouve même pas la force pour retenir mes larmes, je serre fort les mains d'Éric comme si je luttais contre cette douleur qui ne s'estompera qu'avec le temps. Il inspire et expire doucement, son stress est grand et cela m'angoisse davantage.
- Écoute, je n'ai pas eu le choix. Si je me met en travers du chemin de Jeanine et qu'elle doute sur ma loyauté envers elle, c'est finis pour moi autant que pour toi. Elle te garde en vie juste parce qu'elle a besoin de moi. J'ai faillis tuer Richard quand j'ai vu ton corps et celui de ta mère... Mon cœur s'est arrêté quand j'ai constaté que celui de ta mère ne battait plus. Je lui ai collé mon poing dans sa gueule mais des Audacieux ralliés aux Érudits sont venus m'arrêter et ont pris ton corps ainsi que celui de Marie. Je me suis chargé de prendre ta sœur avec moi afin que rien ne lui arrive de grave. Tu as reçu une balle dans l'épaule et tu avais aussi un traumatisme crânien ainsi qu'un choc émotionnel. En tout cas c'est ce qu'on m'a dit... Jeanine a insisté pour que tu sois mise dans un coma artificiel afin que tes blessures se résorbent sans que tu ailles à l'encontre de ta guérison.
- Attends ? Tu as gobé ça ? C'est vrai que je suis du genre à devenir totalement folle après la mort de ma mère. Béatrice a besoin de moi, je suis la seule femme qui puisse être à ses côtés même si la présence de ma mère est et sera à jamais irremplaçable. M'emportais-je contre lui.
- Laisse-moi finir s'il te plaît. Je n'avais pas le choix... Je lui ai dit que je n'étais pas d'accord, que tu n'irais jamais te faire du mal comme ça. Mais elle m'a fait son sketch comme quoi elle était déçu de moi. Que mon obéissance n'était pas totale et qu'elle ne devait peut-être pas me faire confiance. Tu sais très bien ce qu'elle veut dire quand elle dit ça, si tu ne lui obéis pas, elle te tue point final Laur' donc ne me lance pas tout dans la figure. Je n'ai fais que me battre pour te protéger depuis le jour où on s'est embrassé. Tu crois que je n'ai pas vu que tu étais divergente ? Jeanine t'a fait passer de nombreux examens neurologiques et je peux te dire que je me suis battu pour qu'elle ne remarque pas ta divergence. J'ai trafiqué tous tes scanners et IRM... J'ai mis plusieurs fois ma vie en danger pour protéger ton secret et celui de tes frères. S'explique-t-il totalement accablé par la culpabilité et la peur.
- Pourquoi tu ne nous a pas dénoncé ?
- Parce que je ne suis pas si différent de vous... Lève-toi, je vais te montrer.
Je fronce les sourcils, totalement perdue face à ce que je viens d'entendre. Des milliers de questions se bousculent dans ma tête, je n'arrive même pas a en trouver une importante donc je me contente de prendre les vêtements qu'il me tend et de les mettre. Je suis habillé comme une Érudite et cela me procure une sensation étrange car ces vêtements me rappelle ma vie de savant, mon enfance. Je me rappelle des moments magiques que je partageais avec ma mère et je me souviens aussi des moments obscurs que mon père m'offrait.
- On te trouvera des habits d'Audacieux, ne t'en fais pas. Suis-moi.
J'ai un peu de mal à tenir debout et à marcher.
- Ça fait combien de temps que je suis dans le coma ? Demandais-je froidement.
- Un mois, c'est pour ça que tes jambes te paraissent lourdes. Je suis venu te voir tous les jours à huit heures le soir, je pensais que tu m'entendais...
- Je t'ai entendu quelques fois, j'ai entendu ta détresse rien qu'au son de ta voix. Je t'en veux tellement Éric... Pourquoi tu as fais ça ? Pourquoi ? M'énervais-je une énième fois.
Éric baisse les yeux et continue sa marche sans dire un seul mot et sans m'adresser un quelconque regard. Il a dû se battre car des hématomes sont dessinés sur ses poings ainsi que sur son bras droit. Je le déteste, mais je suis éperdument amoureuse de lui, ce qui crée une souffrance insoutenable en moi. Ce sentiment de haine vient se fracasser contre l'amour que je porte envers Éric et je ressens ça comme un déchirement, comme si quelque chose me rongeait de l'intérieur. Je ne sais plus quoi penser de cet homme qui m'a bercé, qui m'a tourmenté, secoué, émerveillé et qui m'a montré l'amour autant que la haine. Mes talons tapent d'un rythme assez régulier le carrelage blanc des couloirs Érudits. Je suis dans un vrai labyrinthe que je ne connais pas, mais qui appartient au secteur Érudit que je pensais connaître par cœur (la preuve que non...). Éric me fait entrer dans une pièce semblable à celles où on passe les simulations. Je me raidis rien qu'à l'idée d'être confrontée à l'une de mes quatre peurs qui me tétanisent toujours autant.
- Assieds-toi.
- Pourquoi je devrais te faire confiance ? C'est sûrement un piège.
- Si j'avais voulu te tuer, je l'aurais fais depuis bien longtemps Laur' Scott donc assieds-toi et détends-toi. Souffla-t-il irrité par ma méfiance.
Je soupire et prend place sur le siège que me désigne Éric avec son index. Il s'installe à côté de moi et me met plusieurs électrodes aux niveaux des tempes pour me relier à lui. Il nous injecte le sérum de simu' et au bout de quelques secondes, je ne distingue plus rien du tout. Nous nous retrouvons dans l'une des cinq cuves qui contiennent les réserves d'eau de la ville. Vous vous demandez sûrement comment je reconnais cet endroit alors que je suis à l'intérieur ? Et bien, l'acier de ces cuves, c'est ma mère qui l'a élaboré et je connais ses propriétés par cœur. Elle en avait tellement parler de ces cuves faites d'un acier qui ne chauffe pas au contact des rayons du soleil, que je les reconnaîtrais entre mille. Cependant, j'aurais préféré les revoir autrement que dans une simulation. Mes pieds sont attachés à un rocher que je ne parviens pas à soulever et je me rend très vite compte que cette cuve est une vraie prison car je ne peux pas du tout m'en échapper et la roche scellée à moi me rendra la tâche réellement difficile. Éric est crispé, mais j'attends avec impatience le moindre signe qui pourrait répondre à la question que ses paroles de tout à l'heure ont soulevé. Est-il divergent ? Telle est la question et la réponse devrait très vite arriver à moi.
- Tout cela est faux. Pas vrai ?
- Éric... Comment as-tu pu me cacher ça pendant autant de temps ? Puis comment j'ai pu ne pas voir ta divergence ? Le questionnais-je surprise.
- Je répondrais à tes questions plus tard car vois-tu ? Nous sommes un peu dans mon paysage de peurs et chacune d'elles me font horreur et celle-ci fait partie des tiennes.
Mon sang se glace à l'écoute des derniers mots d'Éric. Nous sommes dans une cuve qui est censée contenir de l'eau mais il n'y en pas pour le moment, puis la pierre liée à mes membres inférieurs, me fait peur. La trappe du tuyau qui relie la cuve aux autres, se lèvent et laissent couler une énorme quantité de liquide. Le niveau monte rapidement et disons que ma peur monte encore plus vite. Mes hanches sont mouillées et je tente de tirer sur cette fichu pierre afin de me libérer pour flotter jusqu'au sommet de la cuve.
- Tu ne peux rien contre cette putain de roche. Seule l'abstraction nous fera passer à la prochaine peur donc tente de te détendre un peu et pense à autre chose.
- ... Embrasse-moi. Lui ordonnais-je subitement.
- Ce n'est pas le moment Laur'.
- La dernière chose que je désire, c'est que tu m'embrasses comme la première fois dans la salle de réunion.
Il soupire et serre le poing pour évacuer sa peur grandissante. Il s'approche de moi, pose ses mains sur mes hanches et ferme les yeux tout en posant ses lèvres douces sur les miennes. Je fais durer le baiser au point d'oublier où je suis car quand je rouvre les yeux, la cuve a disparu. L'abstraction était moi et c'est nous deux qui avons contribué à surmonter cette peur qui est autant en lui qu'en moi.
- J'admets que tu es vraiment très ingénieuse...
Un léger rictus se dessine aux coins de mes lèvres abîmées par mon stress qui me pousse à me les mordre. J'observe l'endroit où je suis et je me rend très vite compte que dans cette simulation, je redeviens une élève de moins de seize ans. Je suis aux côtés d'Éric dans une salle de mathématiques (ou la matière que j'affectionne le moins). Le professeur nous donne une feuille où est inscrit de nombreux chiffres et lettres mais il y a des trous qu'il va falloir combler. La salle est remplie de jeunes gens de toutes factions, griffonnant leur petite feuille qui demande des réponses exactes. Le tableau électronique me rappelle mes cours d'art plastique où l'on devait laisser libre cours à notre imagination pour en tirer une œuvre digne de nous même. L'art est quelque chose de bannis dans notre société mais nous l'étudions car elle fait partie de notre histoire et nous la pratiquons dans le but de nous divertir et de développer en nous la faculté à imaginer, à créer, à inventer, à bâtir quelque chose de nouveau ayant pour but d'améliorer la vie de tous. Mon regard se pose maintenant sur le professeur qui m'a enseigné depuis mes dix ans, les maths. C'est sans nul doute la matière que je déteste le plus et c'est aussi celle où j'ai donné le plus de moi même pour réussir et pour éviter que Richard ne s'abatte encore plus sauvagement sur moi. Je me concentre sur ma feuille d'exercice qui est relativement simple mais je ne parviens pas à calculer... Pourtant, le niveau de l'exercice est vraiment bas, ce qui me rend perplexe. Suis-je vraiment si nulle à ces calculs si facile ? Ça me frustre et ma respiration s'accélère sans que je ne le veuille et je me souviens tout d'un coup que je suis dans une simulation partagé avec Éric qui est à mes côtés. Des gouttes de sueur ont perlé sur son front et ses poings sont fermés et serrés.
- L'échec...
C'est une peur logique chez Éric car quand on y pense, il veut toujours réussir tout sur tout et il a continuellement admiré le fait que j'accomplisse avec réussite ce que l'on me demande. Pourtant, je suis loin d'être la meilleure et ce n'est pas réussir tout sur tout qui me rendra heureuse. La valeur la plus importante que j'ai en moi, ce n'est pas le travail mais bel et bien la famille, les liens du sang quoi... Je vais sans cesse à l'encontre du dicton de notre communauté en faisant passer ma famille avant les factions. Je ne suis pas pour autant quelqu'un de mauvais, je suis juste mon cœur et ce qui me fait vivre c'est le sourire de mes frères et de ma sœur.
- Monsieur Wagner ! Voulez-vous bien aller inscrire la réponse du premier calcul sur le tableau ?
- Oui.
Éric se lève, extrêmement tendu et très apeuré à l'idée de ne pas réussir la simplicité même de notre faction. Les Érudits sont des êtres très fiers et quand il s'agit de mathématiques, ils se font un plaisir de montrer leur supériorité intellectuelle aux autres factions. Il saisit le stylet et observe pendant quelques secondes sa feuille pour ensuite écrire la prétendue réponse.
- Faux ! Recommence ! Laur', viens au tableau pour noter la réponse du second calcul et n'échoue pas comme ton camarade.
Je vais au tableau et tente de capter le regard d'Éric qui est scotché sur l'écran blanc. Je caresse le dos de sa main droite et écris « je t'aime » à l'aide du stylet.
- Tu ne peux que surmonter cette peur Éric... Pourquoi t'acharnes-tu à vouloir l'affronter ? Tu n'y arrives pas donc reste sur l'abstraction pour passer à une autre peur.
Je continue d'écrire des mots d'amour sur le le tableau blanc et je me met même à dessiner quelques cœurs comme une enfant fait pour son « amoureux ». Mais cela à l'air de marcher car Éric se met, lui aussi, à crayonner quelques phrases d'un lyrisme déplorable mais tout de même adorable. Je ris légèrement et fais un dessin qui ne ressemble à rien mais qui fait rire doucement Éric.
- Tu dessines merveilleusement bien Laur'... Ironise-t-il.
- On parle de tes phrases à l'eau de rose ?
- Non, je pense que je vais pouvoir m'en passer.
Je ris et une épaisse fumée grise vient envahir l'espace où nous sommes et quand elle disparaît, nous constatons que nous ne sommes plus dans une salle de classe mais dans un espace blanc. Il n'y a que du blanc et rien d'autre autour de nous. Pas de meubles, ni d'arbres, ni d'objets en tout genre, juste lui et moi dans le néant le plus total. Le fait que le rien surplombe mon environnement, m'oppresse car j'ai l'impression d'être enfermée comme dans le placard où me mettait mon père quand ma mère travaillait. Éric me prend la main et m'embrasse délicatement le front.
- J'ai toujours eu peur du néant... J'ai peur que notre vie ne soit qu'un rêve et que nous soyons trompés continuellement par je ne sais quelle force surnaturelle... Imagine que tout ce que nous vivons ne soit pas réel et qu'en fait, ce monde là, soit le notre, le réel. Je trouve ça terrifiant comme pensée...
- C'est vrai que c'est un peu oppressant cet endroit mais dis-toi que la simulation te manipule pour que tu sois face à ce qui t'effraie. Si tu avais peur des monstres, tu serais en face d'un monstre alors que ça n'existe pas du tout... Mais je comprend tout à fait ta peur du néant ou en tout cas ta peur que tout ce que nous vivons ne soit pas réel car, prenons l'exemple du rêve qui nous fait ressentir grâce à nos sens quelque chose de faux. C'est une sorte de manipulation de notre esprit qui crée un monde parallèle au monde réel... Mais nous arrivons toujours à reconnaître que ce n'était qu'un rêve et rien d'autre...
- C'est vrai... Tu ferais une bonne philosophe Laur'.
- Arrête... Tu sais très bien que les philosophes sont presque tous des Altruistes ou des Fraternels.
Il sourit légèrement à ma remarque et la brume vient une fois de plus s'installer pour ensuite s'évaporer pour laisser apparaître le prochain paysage de peur d'Éric. Nous nous trouvons désormais dans la salle d'entraînement des Audacieux et la voix de Max retentit derrière nous pour nous ordonner de faire une bonne centaine de pompes. Je me met en position et commence l'exercice demandé mais mes membres sont comme de la pierre, je n'arrive pas à les bouger, comme si ma force était insuffisante pour soulever mon corps à l'aide de mes bras. Les pompes, c'est quelque chose que j'ai totalement acquis et qui ne me demande pas de grands efforts, mais ici, je ne parviens pas du tout à tendre mes bras. Éric souffle fortement et pousse de toutes ses forces, il est totalement rouge et ses muscles sont contractés. Je pense que cette peur est celle d'être faible car là c'est une question de force, non pas de réussite car Max a répété plusieurs fois que les Audacieux sont des êtres forts. Je reprend mes pompes, rassemble toutes mes forces comme le fait Éric, mais j'ai l'impression que mes muscles vont se déchirer. Je me met dans la tête qu'il faut que je m'écarte du sol grâce à mes bras et je pousse et pousse jusqu'au moment où Éric et moi parvenons enfin à faire une pompe. Dés lors, nous nous mettons à en faire le plus rapidement possible jusqu'à ce que le brouillard vienne faire apparaître une nouvelle peur. Je suis maintenant avec Éric dans la file d'attente pour aller manger à la cafétéria Audacieuse et nous avons déjà notre plateau en main ainsi que nos couverts. Cet endroit du secteur Audacieux est celui où j'ai le plus de souvenirs autant bon que mauvais et la dernière fois que j'y suis allée, il n'y avait personne, l'endroit était sans vie... Ce jour là, ma vie a totalement changé et je dirai même qu'elle est devenue cauchemardesque lors de cette journée où la mort est venu prendre ma mère, celle qui m'a élevé et chéris depuis mes trois ans. Je reviens à la réalité et sans le vouloir, je rentre dans Éric et fais tomber mon plateau puis le siens par terre. Les assiettes pleines sont étalées en milles morceaux sur le sol en béton et nos couverts ont résonné dans un son métallique dans toute la cafét'. Je m'empresse de ramasser les débris mais les Audacieux commencent à nous huer de toutes leurs forces puis des moqueries se font entendre. Je sens le feu monter au niveau de mes joues et Éric ressent la même chose que moi car il est rouge vif comme s'il ne pouvait plus respirer. Les rires des personnes autour de nous sont exagérés et j'entraîne Éric à l'autre bout de la queue pour reprendre un plateau. Les personnes arrogantes comme Éric ou comme Peter ont tous cette peur de la honte car ils sont obsédés par l'apparence qu'ils arborent devant les autres. J'émets un petit sourire et embrasse la joue de celui que j'aime tout en discutant avec lui de tout et de rien comme si la vie reprenait son cours et que nous n'étions pas dans une simulation. Une épaisse fumée vient prendre cet endroit qui est pour moi un lieu important où le bonheur et la joie régnaient. Nous sommes maintenant dans une chambre d'Érudit, la chambre d'Éric je suppose. Son lit est défais et son armoire qui est ouverte, montre une pile de vêtements non pliés et non rangés. Le désordre est partout dans cette chambre sauf sur le bureau, il est rangé au millimètre près. Ce pupitre est bleu et les livres qui sont posés dessus, sont des bouquins de mathématiques, de sciences, de physique ou encore de technologie. Le livre de langue est ouvert à une page où est écris une leçon de grammaire. Le papier posé à côté du manuscrit est griffonné de toute part...
- La grammaire n'a pas l'air d'être ce que tu préfères.
- Je n'ai jamais réussis à la comprendre parfaitement... À chaque fois, je devais me battre pour avoir une note jugée « bonne » pour mes parents.
Éric n'a pas eu une enfance facile et ça entache sa vie de tous les jours au point de l'inciter à faire les choix les plus atroce. Quelqu'un toque à la porte et Éric va pour l'ouvrir mais elle s'ouvre brusquement, poussant Éric à terre. Ses parents entrent les poings serrés, prêts à s'abattre sur lui. Ils me lancent un regard noir et croisent les bras tout en soupirant.
- Tu as toujours été médiocre Éric, nous avons honte d'avoir donné la vie à un être si bon à rien. Ce que tu n'as pas compris, c'est que tout ce que nous te demandons, c'est d'être LE meilleur et non de faire partie des meilleurs. Tobias Eaton a réussit à être premier au classement final et toi, tu n'es que deuxième. Trouves-tu cela normal Rachel ? Demande le père à sa femme.
- Non Dan... Mais de toute manière, il n'a jamais réussis à faire quoi que ce soit. Ah ! Si, il a choisis Laur' parce que, ELLE, c'est la meilleure. Mon fils... Brillé à travers elle... C'est pitoyable. Elle ne te mérite pas, elle doit avoir le plus fort de tous les Audacieux, pas un minable comme toi. Tu lui fais pitié, c'est pour ça qu'elle reste auprès de toi mais elle ne t'aime pas, elle n'a jamais aimé ta petite personne. Tout ce qu'elle désire, c'est avoir le pouvoir plus facilement en se servant de toi.
- Putain mais vous allez vous la fermer ?! Votre fils a trente fois plus de puissance que vous mais vous vous amusez tellement à l'humilier. Vous croyez l'avoir rendu fort mais vous faites tout l'inverse. Heureusement qu'il a su vous mettre de côté et puiser sa force au plus profond de son âme car il n'aurait jamais réussis quoi que ce soit avec vous. Puis vous vous abattez sur lui mais regardez vous avant de parler car vous n'êtes que des minables qui ne servent à rien pour les Érudits. On pourrait largement se passer de vous...
Éric pose une main sur mon épaule et il me fait signe de le suivre en me faisant un signe de tête. Nous traversons l'appartement et il ouvre la porte d'entrée qui nous aspire vers une toute autre peur qu'est celle des serpents. Nous sommes entourés de ces reptiles rampant, sifflant, se faufilant, ondulant et zigzaguant entre Éric et moi. Je n'ai jamais eu à faire à des serpents et cet animal ne me met pas du tout à l'aise quand je pense que certaines espèces ont servis à élaborer le sérum de la mort. Des frissons parcourent tout mon corps quand leurs écaillent humides viennent en contact avec moi. Éric est en panique totale et je ne sais pas du tout comment l'aider car si je bouge, je risque de me faire mordre et je n'ai pas envie d'avoir a subir la douleur intense d'une quelconque morsure, surtout quand on sait que certains venins provoquent la mort en quelques minutes.
- Tu as peur de l'animal en lui même ou de sa morsure ??
- De... De la morsure. Je me suis fais mordre par une vipère quand j'avais neuf ans. Il faut que tu te détendes car nous libérons des phéromones qu'ils sentent grâce aux capteurs situés sur leur langue. Si tu paniques, ils t'attaqueront sauvagement.
Ce que vient de dire Ric' ne me rassure pas du tout et je ferme donc mes yeux pour penser à autre chose qu'à ses satanés reptiles.
- Tu te souviens de notre première fois ?
- Éric... C'est vraiment pas le moment.
- Si, justement. Moi, je m'en souviens parfaitement et c'était un moment magique que j'appréhendais tellement mais que je pense avoir réussis. Tu as été parfaite ce jour là, comme tous les jours je dirai, mais ce jour là, je ne l'oublierai jamais, tout comme notre premier baiser et notre premier câlin... Tout ces petits moments là sont d'une extrême importance Laur' car comme je te l'ai dis, sans toi, mon humanité n'aurait jamais refais surface...
La fumée embarque les serpents et je me colle à Éric dès que je le peux car ce qu'il vient de dire m'a touché même si je lui en veux pour plein de choses. Il grimace et reprend son regard inquiet du soir où il m'a injecté le sédatif pour m'endormir.
- Qu'est-ce qu'il y a ??
- C'est la dernière peur mais c'est aussi la pire des huit.
Je fronce les sourcils et m'apprête à lui demander quelle peur va lui apparaître mais je suis prise d'une quinte de toux qui m'empêche de respirer correctement. Du sang sort de ma bouche et je ne sens plus mes jambes. Éric me retient pour éviter que je tombe mais la quinte de toux revient et je crache de plus en plus de sang au point d'en recouvrir mes vêtements ainsi que le visage d'Éric qui me serre dans ses bras sans dire un mot. J'ai un mal fou aux poumons et j'ai cette sensation de ne pas avoir assez d'air... En fait, je suis en train de me noyer dans mon propre sang et mes membres sont paralysés, ce qui accentue ma panique. Je ne parviens plus du tout à respirer, je suis en train de mourir. Éric ne bouge pas et continue à me serrer fort contre lui tout en caressant mes cheveux. Je me redresse d'un seul coup sur le fauteuil tout en prenant une respiration bruyante.
- Avant, j'avais peur d'aimer car je pensais que c''était surtout un sentiment de souffrance, mais après t'avoir connu, ma peur a changé et elle a disparu. Cependant, une autre est apparu et c'est celle où tu meurs dans mes bras. J'ai peur que la mort vienne te séparer de moi et le pire c'est que dans cette peur, je suis totalement impuissant.
- C'est affreux... Je ne sais pas comment je réagirai si tu venais à mourir un jour. Je serai sûrement perdue, détruite, anéantis par la tristesse.
- Oui...
- Bref, tu as donc huit peurs celle la noyade, de l'échec, du néant, d'être faible, de la honte, de tes parents, des serpents et de ma mort. Tu as deux fois plus de peurs que moi mais huit c'est déjà peu... Répond à mes question maintenant.
- Je ne te l'ai pas dis pour que tu ne baisses pas ta garde puis tu ne l'as pas vu car tu étais trop occupé à cacher ta divergence. J'avoue que ton histoire de convergence m'a bien fais rire. Je n'aurai jamais cru que quelqu'un pourrait me sortir ça un jour.
- Tu es pas sympa... Tu te moques. J'essayais de trouver une solution plausible...
- Plausible ?? Une solution à mourir de rire tu veux dire ??
- Mais je t'emmerde ! Bon... ... ... ...
Le silence s'installe quelques minutes entre lui et moi.
- Où sont mes frères ?? Et ... Béatrice ?? Et l'autre connard de Richard ?? Puis ma mère ?? Elle a été... incinéré ??
- Tes frères sont considérés comme des éléments à capturer pour de multiples tests à cause de leur divergence. Béatrice est chez ta mère avec Richard... Ils t'attendent mais la plupart du temps, c'est une nourrice qui s'occupe d'elle et dès que je peux, je prends soin d'elle. Richard ?? Bah lui, il va bien. Il évite de m'approcher, je crois qu'il me craint depuis notre altercation après qu'il ait tué ta mère. Et ta mère a été incinérée puis ses cendres ont été répandues en dehors de la Clôture, au sud.
- Des tests sur les divergents ??
- Oui, Jeanine veut ouvrir une boîte qu'elle a trouvé chez les Prior et seul un divergent peut l'ouvrir. Cette boîte contient un message des fondateurs de la ville...
- D'accord... C'est encore un mensonge pour vous faire croire qu'elle ne va pas les tuer... Bref je vais être claire avec toi Éric. Béatrice restera H24 avec moi maintenant et si Jeanine n'est pas contente, je me casse que tu le veuilles ou non.
- Je ne reçois pas d'ordre de ta part Laur' mais Jeanine m'a confié qu'elle te donnera la garde de Béatrice dès que tu seras sur pieds. Tu seras son représentant légal comme l'était ta mère. Cependant, Richard reste le père de Béatrice et tu vas devoir supporter sa présence et ça, je te l'impose car c'est pour notre survie.
- Attends. Tu es en train de dire que je vais devoir côtoyer celui qui a tué ma mère ??
- Tu as tout compris mais si tu ne le fais pas, tu causeras ta mort ainsi que la mienne donc mesure ce que tu lui dis. Par contre, s'il essaye de te frapper, n'hésite pas à lui rendre le coup... En fait, je ne sais pas pourquoi je te dis ça car je sais très bien que tu te serais défendu sans que je te le dise. Laur'... Je sais que ce que je te demande est difficile voir même impossible mais fais le pour ta mère et pour Béatrice.
- Ça c'est clair que je ne vais pas le faire pour toi.
- Oui... J'ai une question que je veux te poser depuis longtemps... Est-ce que tu penses réellement que je suis quelqu'un de lâche ?? Car, c'est ce que tu as dis quand on s'est engueulé dernièrement et je voulais que tu me dises ce que tu penses vraiment.
- Tu es lâche Éric quand ta vie est en danger. Tu fuis et tu prends l'issue la plus facile mais ça ne se passe pas comme ça. Quand on t'a demandé d'organiser un génocide d'Altruistes, tu as accepté sinon Jeanine t'aurai éliminé dès qu'elle en aurait eu l'occasion. J'ai fais la même chose pour le projet d'extermination des sans-factions mais j'ai tout fais pour me rattraper car ce sont des êtres humains et je n'élimine pas ma propre espèce. Nous ne sommes pas des animaux, nous sommes une nation avec des citoyens tous égaux en droit et ce n'est pas la soif de pouvoir d'une pauvre cinglée d'Érudite qui détruira notre système politique. Je suis lâche aussi Ric' mais pas autant que toi... Donc, oui je pensais ce que je t'ai dis même si j'ai exagéré en parlant de tes parents car moi-même, je n'aurai pas pu me délester du poids qu'ils t'ont mis sur les épaules en t'engageant auprès de Jeanine. Putain, tu as tué des centaines d'Altruistes Éric ! Et je sais pertinemment que ça te détruit mais dis-moi pourquoi tu n'as pas agis contre ça.
- J'ai voulu déjouer les plans de Jeanine en modifiant le sérum mais je ne savais pas du tout comment m'y prendre. Je voulais te demander de l'aide mais je t'avais promis de ne rien te dire et si tu m'avais aidé et que notre plan avait échoué, tu te serais sentis coupable par ma faute... Je me suis torturé l'esprit pour trouver une solution contre tout ça mais je n'ai rien trouvé qu'y pouvait ne pas t'atteindre. Ce que je désirais le plus, c'était te préserver de ça, te protéger mais... J'ai fais tout l'inverse, j'ai l'impression d'avoir tué ta mère et ça me rend dingue. Je savais qu'en t'endormant, je perdrai ton amour mais que tu survivrais. Je t'ai sous estimé et maintenant Marie ne reviendra pas... Béatrice se retrouve sans mère par ma faute... Je ne te mérite pas Laur'.
Je n'ai pas réussi à retenir mes larmes et mes doigts s'entremêlent entre eux comme pour symboliser le nœuds qui est en moi et qui me ronge de tristesse. Je m'approche d'Éric et prend sa main droite pour la poser au niveau de ma poitrine pour qu'il sente mon cœur battre sous ma cage thoracique.
- Tu n'as pas perdu mon amour et tant que mon cœur battra, je ne cesserai de t'aimer. Tu n'es pas la cause de la mort de ma mère, c'est Richard qui l'a tué donc arrête de croire que tout est de ta faute. Tu as toujours été maladroit pour aimer et c'est toujours démesuré donc je comprend les gestes que tu as fais par amour. Je t'en veux réellement et je ne suis pas prête de te pardonner mais laisse-moi le temps... Je te demande juste ça et je ferais en sorte d'aller dans le sens de Richard et de Jeanine même si je vais devoir dire des choses affreuses mais je le ferai pour ma sœur. Je peux la voir même si elle est avec Richard ??
Éric me fait un signe de tête et me mène dans ce dédale de couloirs qui m'oppressent par leur étroitesse. J'ai l'impression de n'être qu'une vulgaire tâche sur un tissu blanc dans ces couloirs d'une pureté absolue. Je marche derrière Éric et observe ses épaules qui sont larges et musclées et c'est sans doute la partie de son corps que je préfère car elles incarnent une certaine virilité qui est très présente chez cet homme, qui, d'ailleurs, ne m'est plus très inconnu aujourd'hui. Je contemple ses cheveux bruns toujours aussi soigneusement coiffé et je me rappelle de nos matinées à prendre notre café sur le balcon, ses cheveux tirait sur le blond quand le soleil se lever. C'était tellement paisible comme moment, je le regrette déjà... Pourtant ce n'était qu'un minuscule moment de ma journée mais en y pensant, je trouve que l'homme ne profite pas assez de ces petits moments de paix totale et qu'il la sous-estime. Cependant, quand ils disparaissent, nous les regrettons bien vite et nous plongeons dans la nostalgie en tentant en vain de s'imaginer ces merveilleux instants qui remplissaient notre cœur de joie. La banalité et la simplicité sont sans doute ce que je préfère chez les Altruistes car ils trouvent le bonheur dans si peu de chose que je trouve ça impossible pour moi-même. Les Altruistes sont les personnes les plus libres des cinq factions car ils n'ont pas besoin de toute l'excentricité des Érudits et ils vivent avec très peu de chose. Mettez un Érudit dans un endroit sans écran, sans lave-vaisselle où encore sans baignoire... C'est impossible pour un Érudit de survivre avec si peu de choses, pour satisfaire ses milliers de besoins, tous venant d'une vanité profonde. Je remet sans arrêt en question le système des factions qui nous sépare les uns des autres, mais, est-ce que je les regretterai ?? C'est une question qui restera sans réponse, à moins que cette « guerre » vienne à détruire ce que les fondateurs ont construis. Je regarde l'immeuble où me mène Éric et un frisson parcourt tout mon corps quand je constate que je vais vivre où ma mère vivait avec Béatrice. Je vais devoir être confrontée à de multiples souvenirs qui ne me laisseront pas indemne et cela m'angoisse.
- Ça va aller ?? Laur' ??
- Ça m'aidera peut être à faire mon deuil...
- Je pense... Mais sache qu'on prendra un appartement toi, Béatrice et moi dès que tout ça sera fini. Je te le promet Laur'...
- Mais... Comment ça se finira ??
J'ai dis ça entre deux sanglots puis Éric m'a tiré vers lui pour tenter de me réconforter. Nous entrons maintenant dans le logement où vivait ma mère avec ma petite sœur. Béatrice galope vers moi en hurlant, elle a le sourire et cela me réchauffe le cœur. Je la porte dans mes bras et la couvre de bisous. Éric me saisit le bras droit et prend ma tête entre ses mains.
- Je te laisse avec lui, je reviens dans quelques heures. Je t'aime.
- ...
Il m'embrasse et donne un baiser à Béatrice puis part, me laissant seul avec Richard qui s'est posté derrière moi. Son regard bleu a l'effet d'un coup de poignard et son visage ridé par sa rage me fait froid dans le dos.
- Éric porte un amour très fort en ton égard, c'est assez impressionnant.
- Non, ce n'est pas « impressionnant », c'est juste normal car l'amour est une passion démesurée. Ah ! Mais, c'est vrai ! Tu n'as jamais été capable d'aimer quiconque.
- Tu as pris du poil de la bête ma fille. Tu es une vraie dur à cuir maintenant, une vraie Scott. Viens t'asseoir et lâche ta sœur, je ne lui ferai pas de mal.
- De toute façon, si tu la touches, je te tue.
- Bon et bien ça a le mérite d'être clair !
Je dépose Béatrice sur la moquette du salon et m'installe sur le fauteuil posé en face de mon père. Il est très calme et très maniéré, comme tous les Érudits haut placé... Je l'observe prendre une bouteille de whisky et deux verres pour les mettre sur la petite table devant moi.
- Fêtons ton retour chez les Érudits !
- Fêtons le jour de ta mort plutôt... Tu as tué ma mère donc ne crois pas que je te pardonnerai ça, puis il y a un truc que je ne pardonnerai pas, ça tu peux en être sûr.
- Laisse-moi deviner, c'est de vous avoir battu ta mère, toi et tes frères ?? C'est ça ??
- Tu es plutôt bon aux devinettes papa.
- Papa ?? Tu t'attaches encore à m'appeler ainsi ?? Étonnant de ta part Laur'.
- Bon et bien je vais t'appeler Richard si papa ne te convient pas.
- Je m'en contrefiche en fait. ... Bref ! J'ai tué ta mère à cause de sa divergence... Il faut que tu comprennes quelques chose Laur'. Les divergents sont un danger pour notre société. Pourquoi ?? Parce qu'ils ne rentrent pas dans les normes et risquent de détruire les factions à cause de leurs pensées multiples. Nous n'avons aucun remède contre ceci et je dois dire que trouver une solution contre ce fléau sans les éliminer est une chose impossible. Jeanine te fera un petit cours demain sur les apparences du divergent sur une IRM et sur un scanner. D'ailleurs tes frères Jacob et Éthan devront mourir vu qu'ils sont tout deux divergents.
- Et Ryan ?? Puis Béatrice ??
- Ryan n'est pas divergent, nous avons trouvé une IRM d'un de ses incidents quand il avait quinze ans et il s'avère qu'il n'y a aucune trace de divergence chez lui tout comme chez ta sœur. Il a dû suivre tes frères comme un petit chien, sans réfléchir aux conséquences... Toi et ta sœur, vous êtes les seules qui me restent.
- Ça ne te fait rien de devoir anéantir tes trois fils ?? C'est ta propre chair, ton sang...
Richard serre fortement son verre et baisse les yeux pour cacher sa tristesse. C'est la première fois que je vois mon père pleurer et c'est la première fois que je le vois montrer son humanité. Il me fait de la peine mais il faut que je redescende sur terre, il n'est qu'un monstre qui ne sait que répandre l'horreur autour de lui.
- Je n'ai pas le choix, c'est ainsi et je ne peux mettre a ville de côté pour mon sang. Et arrête de me regarder comme ça. Oui, je suis un minimum humain mais n'en profite pas comme ta garce de mère le faisait si bien.
- Tu m'as fais peur là ! J'ai cru que le cruel Richard avait disparu... Mais ton cœur est si noir qu'on ne plus rien faire pour toi. Tu sais quoi ?? Je ne te tuerai pas parce que ce n'est assez long comme sentence. Par contre, je te promet que je ferai de ta vie un véritable enfer, que tu vivras seul jusqu'à la fin de tes jours et que tu mourras dans la solitude la plus profonde. Et ne t'avises pas de lever la main sur moi car je te péterai le bras sans aucune hésitation.
- Sympa comme mort... Mais tu me prend vraiment pour un imbécile Laur'. Tu crois que je suis débile au point d'aller frapper la plus habiles des leaders Audacieux ?? Tu n'es plus la gamine faible que je battais autrefois mais n'oublie pas que c'est grâce à moi que tu as trouvé cette force. C'est grâce à mes coups que ton mental a su prendre le dessus sur la douleur et c'est ta rage qui t'a sauvé lors de tes combats.
- Tu veux que je te dise merci ?? Et bien merci de m'avoir battu pendant treize ans. Merci beaucoup papa !
- Treize ans ????
- ... Euh... Seize ans...
- Le sédatif fait encore effet à ce que je vois. Bon, prend un verre avec moi, ma fille.
Je finis par accepter son fichu whisky et me voilà en train de boire un verre avec celui qui m'a fais tant de mal durant toute mon enfance. Nous sommes restés assis là à observer Béatrice qui commence vraiment à être agile car elle réussit à monter sur le canapé toute seule et elle court sans chuter. Un médecin est venu m'examiner afin de voir si ma santé était bonne mais il a déduis que je devais prendre des vitamines et que je devais surtout me reposer. Quand il part, je vais directement m'isoler avec Béatrice dans sa chambre pour essayer de m'acclimater au monde du bébé. Je repère les différents endroits où sont rangés les objets de puériculture et pars lui préparer un bain chaud dans la salle d'eau. Je prend une couche, un pyjama et un bodie que je met sur la table à langer. J'enlève le haut ainsi que le gilet de Béatrice et retire sa jupe bleue ainsi que son collant blanc. Richard entre dans la salle de bain et reste derrière moi à m'observer dans le silence. Béatrice est désormais dans son bain et elle frappe l'eau pour jouer, ce qui m'éclabousse et me fait sourire.
- Ils aiment bien l'eau à cet âge là. Vous faisiez pareil quand vous étiez petits avec tes frères, mais toi tu éclatais de rire. Ça faisait rire ta mère d'ailleurs...
- C'est clair qu'elle ne va plus pouvoir en rire... Je suis capable de tuer quelqu'un papa... Mais, pas une personne qui représente autant dans ma vie.
- Hummm... Bon, je te laisse. Bonne soirée.
Je ne lui répond pas et attend d'entendre la porte d'entrée se fermer pour souffler et laisser échapper quelques larmes. En fait, je m'effondre lorsque je prend le pull de ma mère et respire son odeur qui me procure un mal si terrible. J'aimerai qu'elle me sert dans ses bras comme quand j'avais cinq ans, comme quand j'étais si vulnérable face au monde extérieur. Béatrice pleure, elle a dû sentir que je n'étais pas bien et elle veut me distraire. Je la sors de l'eau et l'enveloppe dans une serviette tout en prenant soin de bien la sécher afin qu'elle n'ait pas froid. Éric vient de rentrer et je l'entends venir en direction de la salle de bain.
- Tu seras une bonne mère Laur'.
- Je ne serai jamais aussi bonne que ma mère... Elle était tellement parfaite...
Ric' vient se coller à moi et examine ce que je fais sans faire un bruit. J'habille Béatrice et la coiffe d'un petit coup de brosse sur le haut de son crâne. Il est huit heures passées et il est temps que je la nourrisse pour la mettre ensuite au lit. Éric prépare un petit pot à la carotte et me le donne tout en observant la petite tête blonde le manger très rapidement. J'ai l'impression de ne pas aller assez vite pour elle car elle ouvre sans arrêt la bouche pour me demander une nouvelle cuillère de purée. Éric la fait manger sa compote pomme-abricot et je me surprend en train de rêver à un avenir avec un bébé entre Éric et moi. Être mère est quelque chose d'angoissant car on ne sait jamais si on sera à la hauteur, mais, ce dont je suis sûr, c'est que le bonheur qu'un enfant nous donne dépasse toutes nos espérances. Je prépare un biberon pour Béatrice et le lui donne en chantonnant une comptine que notre mère chantait sans arrêt pour nous endormir. Elle s'endort paisiblement puis je la dépose dans son lit et met la veilleuse en marche tout en prenant soin de bien fermer la porte et d'allumer le baby phone. Je prend place sur le canapé et observe Éric qui a l'air... tourmenté ou même énervé. Nous mangeons et je décide de crever l'abcés.
- Ça ne va pas Ric' ??
- Quatre et sa bande de bons à rien ont réussis à s'échapper alors que nous sommes mieux armés qu'eux...
- Tu comptes te servir de Quatre comme d'un ouvre boîte pour l'autre attardée ??
- Arrêtes d'exagérer putain. Ce mec est une merde et ça m'est égal qu'il soit ton frère.
- C'est bizarre, je ne suis pas étonnée d'apprendre que tu sais ce genre de truc.
- Je fouine vois-tu... Puis je t'avoue que quand j'ai vu qu'il était ton frère, je me suis sentis soulagé mais très vite, le sentiment de peur a pris place en moi car Evelyn est celle qui te fera tomber et j'ai eu peur que tu la suives dans ses excès. Pourtant tu n'as pas l'air d'avoir encouragé ses actes de violences car on a pu observer une baisse de délinquance chez les sans-factions. Pourquoi ??
- Parce qu'elle nous a tous lâchement abandonné comme si nous n'étions que des animaux à ses yeux. Je ne lui fais pas confiance et je lui en veux à mort... Une mère n'abandonne pas ses enfants même quand le père est un monstre. Je n'arrive pas à la comprendre et je ne veux pas la comprendre parce qu'elle n'est pas excusable. J'ai donc fais en sorte qu'elle cesse de faire chier son monde tout en lui promettant une protection de ma part. Tu n'imagines même pas le mal que ça m'a fais d'apprendre qu'elle était ma mère, j'aurai voulu t'en parler mais j'avais peur de ta réaction... Je la hais Ric'... Comment elle a pu ??
- Une famille d'ordure... C'est ce que tu as et ne parlons même pas de Tobias.
- Laisse mon frère en dehors de tout ça. Tu es vraiment con Éric ! Oui, il est meilleur que toi. Et alors ??
- Ce n'est pas ça qui fait de lui un être détestable Laur'. Il a été élevé par des Altruistes et je trouve que sa place chez les Audacieux est indésirable. C'est un faible d'esprit et je n'ai jamais réussi à comprendre ce que tu lui trouvais à ton cher frère.
- Il a le même passé que moi et donc il me comprend et sait de quoi je parle puis, excuse-moi mais il m'a protégé depuis le début de mon initiation et je ne le remercierai jamais assez. C'est mon frère et je l'aime donc va falloir que tu t'y fasses. Je te préviens, s'il lui arrive quoi que ce soit par ta faute, je te le pardonnerai jamais.
- Désolé mais Jeanine a des ordres précis et je ne dois pas la décevoir.
- C'est ça !!! Elle te récompensera avec une petite friandise ! Après tout, tu es son petit chien chien !
Il se lève et part dans la chambre en claquant la porte, ce qui réveille Béatrice. Je me lève en colère contre cet abruti et prend dans mes bras ma petite sœur que je berce pendant une bonne heure sur le fauteuil de sa chambre. Je suis allongé et elle dort sur mon ventre, la tranquillité est inscrite sur son doux visage. Je m'endors peu à peu sans vraiment lutter contre le sommeil. Vais-je être la spectatrice de l'atrocité humaine pendant longtemps ?? Est-ce qu'Éric va cesser d'être monstrueux dans ses paroles ?? Je sais qu'il est humain et qu'il veut que je le déteste car il se déteste lui même. Pourtant je l'aime toujours malgré ses crimes. Aimer ou haïr ?? Il est quelqu'un de bien au fond et je crois que si on ne vivait pas dans ce genre de système, sa gentillesse dominerai sa noirceur. Comment tout ça se terminera ??
Voilà pour le chapitre 11 !! J'espère qu'il vous plaît et que vous avez été surpris par les quelques révélations de notre cher Éric qui a caché pas mal de chose à Laur'. Dans ce chapitre, nous sommes tiraillés entre le fait de vouloir tuer Éric et le fait de vouloir le couvrir de compliments. Laur' a l'air lunatique mais c'est pour montrer son amour ainsi que sa haine qu'elle a pour Éric. Elle a tendance a oublier ce qu'il a fais et tout d'un coup, elle se rappelle et revient aux sujets fâcheux. Votez et commentez chers pandas !!! Je posterai toutes les deux semaines car j'entre dans une période de réécriture. Je sais, je n'ai pas fini mes trois tomes mais je suis perfectionniste et voir mes premiers chapitres ça me rend dingue. Ils ne sont pas assez profond et je souhaite les réécrire. Voilà pour aujourd'hui !! Bon dimanche à vous ! Je vous aimes ! ♥♥♥
Pensez-vous que le "dans le chapitre précédent" était nécessaire?? Voulez-vous que je le reproduise ?? Merci d'avance pour vos réponses :)
Allez lire l'histoire de IamRosieMcAngel nommée Five Voices. Elle vient tout juste de commencer et je trouve que son style d'écriture est vraiment bon et son histoire donne envie d'en savoir plus sur l'environnement où vit le personnage. Allez donc lire !! C'est un ordre de votre écrivain Panda ! ♥♥♥♥♥

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