Chapitre IX : Fuir Chicago

La blancheur de la salle bain contraste avec la teinte rougeâtre étalée sur mon corps et sur mes vêtements. Agrippée au lavabo, je cherche la force de voir mon visage ensanglanté, mon visage tâché du sang d'un être humain. Après avoir tuer Edgar, j'ai émis l'idée qu'il fallait qu'on parte mais personne n'a posé de questions comme si mon attitude avait été ressenti comme un moment de faiblesse. Pourtant, je suis bel et bien sérieuse quand je dis qu'il faut partir tout de suite... J'ai l'impression que mes paroles ne sont pas écoutées à cause de mes pleurs qui se sont infiltrés lors du retour au QG des Conformistes. Peut-être que mes proches considèrent que je ne suis pas apte à prendre des décisions, et que ce que j'ai vécu cette nuit a engendré ce choix qu'ils doivent qualifier de « hâtif » et « irréfléchi ». L'incompréhension de mon entourage me révolte, elle fait monter la colère en moi jusqu'à provoquer une éruption de violence que le mur face à moi subit d'un coup de pied. Je tourne en rond comme un fauve dans son étroite cage. Mes pensées ne sont plus claires, elles sont brouillées par la rage qui bouillonne en moi et sont menacées de ne plus être contrôlées si jamais je venais à perdre mon sang-froid. Je fais couler l'eau du robinet et retire ma veste pour frotter mes bras et mes mains. Je continue le geste engendrant un vent de panique qui vient ébranler mon âme et me faire craquer. Je poste mes mains sur mon crâne, essaie de retenir mes larmes grâce à la colère mais rien n'y. Mes pleurs n'arrivent pas à cesser et ils sont de plus en plus abondant. J'ai cette sensation terrible qui imite l'effondrement d'un immeuble, comme si mes épaules subissaient l'écroulement de toutes mes actions bonnes et mauvaises de ces 17 années de vie. Je redonne un coup de pied mais cette fois-ci dans le bac de douche, ce qui laisse résonner un bruit aiguë qui bourdonne dans mes oreilles.

- La douche ne t'a rien fait, ça ne sert à rien de lui cogner dessus. Dit une voix féminine derrière moi. La colère c'est quelque chose de normal mais en parler restera toujours le mieux pour te libérer de la rage qui appuie sur tes épaules.

- Parler de quoi Haley ? J'ai été torturé à l'acide et soumise à un homme à deux facette ! Plus nous restons dans cette ville, moins notre avenir sera clément. Puis, tu ne peux pas nier l'impossibilité de garder des Audacieux dans de telles conditions de vie. Nous sommes des soldats, pas des agriculteurs... Nous n'avons pas notre place ici, faut arrêter de se voiler la face. Dis-je entre deux sanglots.

- Moi, ce que je ne supporte plus c'est cette tension qui reste constamment allumée entre nous tous. Tu t'es éloigné de nous Laur'... Et même les membres de ta famille l'ont remarqué... Depuis le décès d'Alex, tu as l'air ailleurs... Les Conformistes sont gérés par Jacob et Aaron, ça, tu ne l'as même pas vu. Tu nous as tous délaissé...

- Parce qu'Edgar me fichait la trouille Haley. Il me terrifiait au plus haut point et je ne voyais que lui même dans mes cauchemars. J'ai perdu ma mère adoptive, je ne souhaite pas perdre celle qui m'a donné la vie. C'était devenu une obsession...

- Je voyais bien que quelque chose te tracassait mais je n'ai pas osé te le demander de peur de te heurter. Tu as vu dans l'état que tu es Laur' ? La colère, la peur, la tristesse et la culpabilité ne font jamais bon ménage. Tu en as vu la preuve ces dernières semaines. Murmure-t-elle en me serrant dans ses bras.

- Le passé, c'est le passé. Occupons-nous du présent et n'ayons pas de regret. Prononçais-je comme une formule magique censée guérir tous les maux que cette terre a connu.

- Cause toujours, je sais pertinemment que tu regrettes beaucoup plus de choses que moi. Cette ville te rappelle sans cesse tes erreurs, ton passé et c'est bien plus toxique que tu ne le crois. C'est donc pour ça que je me range de ton côté et que je vais t'aider à convaincre les Conformistes de partir. On va leur sortir un discours de malade, je te l'assure ! On va déchirer Laur' !

- Mais tu veux que je leur dise quoi ?

- Bah je ne sais pas ! Sors-leur que la bouffe est dégueulasse ici et qu'il vaut mieux aller voir ailleurs et se rendre au Bureau du Bien-Être Génétique pour être mieux nourris.

- Ton amour pour la bouffe, ça m'était sortis de la tête. Puis ton humour m'avait bien manqué... Rigolais-je encore le visage humidifié par les nombreuses larmes qui ont dévalé la pente de mes joues.

- Cool ! Je rassemble tout le monde dehors et dans cinq minutes, tu viens les ensorceler avec ton sourire angélique ! S'exclame-t-elle en sortant de la salle de bain.

Éric se tient debout, les bras croisés dans la salle à manger. Haley le regarde à peine et lui tapote l'épaule avant de s'éclipser dans un claquement de porte.

- J'ai merdé... Je ne suis pas digne du titre d'Audacieux et encore moins de celui de leader. Tu en penses quoi ?

- Ça m'énerve. Il a fallu que tu subisses des choses encore plus sombres que ton passé pour que tu réagisses. Maintenant, partons pour le Bureau et tâche de convaincre les hommes en bas de cet immeuble.

- J'ai ressenti de l'effroi quand je l'ai tué... Enfin... Ce que je veux dire c'est que c'était comme si son esprit allait me hanter encore même après sa mort.

- Ça, c'est toi qui le veut. Renonce à cette peur et à cette part de ton passé sinon tu n'avanceras jamais. Puis, tu es Érudite et ce que tu viens de dire n'a vraiment ni queue ni tête. On dirait un Fraternel ayant abusé du pain emplit de graine de pavot que donne Johanna à son peuple. Crache-t-il dans un élan de colère.

- Pourquoi tu es si désagréable ? Je ne t'ai rien fais.

- Tu mets ta vie en danger et celle de nos hommes. N'agis plus seule... On est un groupe, une famille et c'est notre union qui fait de nous des êtres invincibles. Maintenant, va leur parler qu'on se casse de cette ville merdique avant qu'on ne te retrouve inerte dans une rue sinistrement obscure.

- Alors embrasse-moi. Mais comme tu l'as fais la première fois. Oui... Tu sais, on était dans la salle de réunion des Audacieux et ce baiser là m'avait revitalisé et donné envie d'atteindre mes buts. Pourquoi ? Parce que ton amour me donnait cette force irrépressible d'obtenir ce que je voulais. Tu as ce don qu'est de me guérir des blessures les plus infâmes. Alors embrasse-moi comme tu l'as fais la toute première fois. Fais vibrer la Laur' dé...

- Chut... Me coupe Éric en posant un doigt sur mes lèvres.

Ses bras me tiennent fortement, ils ont l'air indestructibles face à tous les dangers qui nous épient. Ses mains impactent ma peau et mes muscles qu'elles compressent doucement comme pour imprégner mon corps de l'engouement qu'émane d'Éric. Nos fronts se touchent et s'appuient l'un contre l'autre, symbolisant la force que génère la passion de deux êtres. Je sens son buste se soulever et son cœur battre vigoureusement au rythme de la tension folle qui habite en nous. Je dépose ma main sur sa joue droite et touche son nez avec le miens.

- Je crois que je t'aime.

- Je crois que ça va au-delà de cette pauvre phrase.

Il sourit légèrement et vient déposer ses lèvres sur les miennes. Ce baiser entraîne chez moi une explosion de sensations toutes autant agréables les unes que les autres. La chaleur de son corps, sa peau douce, son torse musclé, ses piercings froids, ses cheveux coiffés comme à notre rencontre et son regard bleu intense font frémir mon être tout entier. Je serre sa nuque et lui redonne un baiser mais pas n'importe lequel. Celui-là est différent de tout les autres et a la puissance du premier. Il me procure une vague de détermination et casse la peur et la tristesse qui m'habitait il y a quelques minutes. Je me détache de lui et me prépare pour mon ultime discours en tant que leader des Conformistes à CHICAGO. Éric m'épaulera, il restera près de moi pour appuyer mes dires. Et je sens directement sa force que j'absorbe dès que je me retrouve sur le rocher où j'ai parlé cette nuit après avoir vu l'abominable matricide d'Edgar. La foule n'est pas très dense mais l'inquiétude qui se dégage d'elle soulève en moi de l'appréhension voire même de la peur. Ma famille instaure le silence et Jacob me lance le signal pour débuter mon allocution. Convaincre mes proches va être le plus dur, je le sais...

- Je ne suis pas ici pour me repentir de mes fautes et encore moins pour les énoncer. Ce qui est fait, est fait et je ne souhaite en aucun cas ressasser éternellement les actes que j'ai entrepris. Je vais juste vous rappeler qui nous sommes. Lors de la cérémonie du choix, vous avez tous choisis les Audacieux. Dès lors, votre vie s'est dirigée vers un seul et unique but. Celui de protéger la population des dangers qui rôdent dans cette ville. On a échoué à éviter des massacres et tout ce qui s'est passé ces dernières semaines est intouchable, on ne peut le changer. Tout ce qu'il faut, c'est se confronter à cette peur d'avouer ses torts et d'accepter d'être fautif. Vous avez eu tort de vous lier à Jeanine comme j'ai eu tort de jouer seul contre Edgar. J'avais peur de cet homme comme vous aviez peur de Jeanine Matthews. Nous ne pouvons pas revenir en arrière et faut se l'avouer, c'est plutôt effrayant de se dire que nos actes ont ce côté irréversible. Néanmoins, nous sommes des Audacieux et quand on a peur, on se bat contre l'élément éveillant tous nos sens. Être apeuré est normal chez l'être humain et nous combattons ce qui nous effraie afin d'avoir cette accoutumance à la peur. Pourquoi ? Pour pouvoir réfléchir lorsque l'on craint une entité afin de faire le bon choix. Ce que je dis a ni queue ni tête mais quand on y songe, ça a vraiment un sens. Je vous demande là de vous confronter à vos torts en tant qu'Audacieux pour savoir si vous vous sentez prêts à partir d'ici pour entamer une nouvelle vie sans que notre passé vienne importuné notre présent. Tolérez vos torts pour avancer et demandez-vous aussi où est passé le soldat que vous formiez il y a quelque temps. Fertiliser la terre, planter des arbres et récolter des fruits, ça n'a rien d'Audacieux. Je vous propose donc de partir pour retrouver cet esprit combatif mais souhaite avoir des hommes et des femmes disposés à être confrontés à leurs erreurs. Nous sommes une expérience pour les gens du Bureau et ils nous écraseront si nous n'avons pas la réparti pour prouver notre envie de bien faire et de répondre au dicton des Audacieux. Je vous laisse donc réfléchir pendant une heure pour faire votre choix. Ceux qui désirent demeurer ici devront rester allié à Johanna et répondront à ses demandes. Nous partons aujourd'hui sans plus tarder.

Je descend de la roche grise et pars vers l'immeuble où je loge avec ma famille. Je déplie une carte sur la table de la salle à manger et commence à réfléchir à un plan d'évasion. Une bonne vingtaine de personnes pénètrent dans l'appartement et se joint à moi autour de la carte. Je ne pose pas de questions et me contente juste de compter les êtres voulant venir découvrir le monde par delà la Clôture. Vingt-sept, nous sommes vingt-sept Audacieux a quitté Chicago aujourd'hui. Deux familles, l'une avec un enfant et l'autre avec trois petits attendent mes directives. Un homme d'une trentaine d'années et une jeune femme se sont mis en arrière à l'affût de la moindre remarque que je pourrai faire. Mes proches sont aussi présents, ils m'épaulent dans le silence absolu de la concentration la plus extrême. Après une heure de débat et de recherches, nous avons opté pour s'éclipser avec les 4x4 blindés des Audacieux. Le hangar, où trois de ces monstres de mécanique sont rangés, est situé non loin de la frontière entre le secteur Fraternel et Audacieux. Il est hautement surveillé et nous demandera de l'acharnement pour désarmer les hommes qui le gardent. Des armes d'assaut ainsi que des gilets par balle seront distribués à chacun d'entre nous, même aux enfant âgés de plus de dix ans qui savent les bases du maniement d'un revolver. La moitié des Audacieux ont refusé de nous suivre pour la simple et bonne raison que partir n'est pas nécessaire pour eux. Puis je n'ai pas choisi de les convaincre de partir, je voulais juste que mes proches viennent avec moi. Ça a réussi et tant mieux, je ne me voyais pas faire face à la rage excessive d'Evelyn et encore moins à son air dévasté lorsqu'elle apprendra la mort d'Edgar. Je me penche sur l'épaule de Mike qui est affalé sur le divan et écrit à une allure impressionnante sur un petit morceau de papier.

- Tu fais quoi ?

- C'est pour maman... Pour lui dire toute la vérité de A à Z afin qu'elle ne croit pas qu'on l'ait trahis. Je ne veux pas lui faire de mal même si c'est inévitable vu ce que l'on est en train d'entreprendre.

- Tu as peur ? Le questionnais-je, soucieuse de son état.

- Comme tout le monde... Tu as pensé que nous allons découvrir énormément de choses et que nous allons aussi retrouver notre frère.

- À vrai dire, j'évite de penser à ça. J'ai peur de ce qui va arriver dans les deux heures à venir mais pas de ce que nous allons vivre là-bas. Je ne désire pas avoir de l'appréhension pour la réaction de Quatre quand il apprendra la survie d'Éric.

- Désolé... Ne soulève donc pas cette angoisse qu'est de changer de vie. Allons-y, il faut que je confie ça à Johanna pour qu'elle le donne à Evelyn lorsque nous serons partis.

Je suis mon frère qui m'a plongé dans un océan de questions qui ne peut que m'effrayer. Cela faisait longtemps que je n'avais prononcé le prénom de mon instructeur, ami et frère. Va-t-il bien ? Est-il encore en vie ? Acceptera-t-il qu'Éric soit encore vivant ? Des questionnements tous aussi oppressant les uns que les autres... L'odeur de paille et de fumier que libère la grande où est situé le bureau de Johanna m'extirpent de mes pensées. Il fait beau ce matin mais pas encore assez chaud pour se traîner en tee-shirt dehors. La porte-parole des Fraternels brosse un équidé à la robe d'un noir somptueux. Les crins de sa crinière luisent au soleil et flottent au gré du vent. Les puissantes pattes de l'animal tapent le sol de béton pour prévenir notre présence.

- Laur' ? Vous allez bien ? J'étais inquiète quand Éric m'a expliqué ce qui c'était passé cette nuit. Votre message informatique m'a d'autant plus alarmé... J'ai cru que ce monstre ne vous laisserai pas en vie.

- J'y ai cru aussi... Mais j'ai enfoncé un poignard dans son cœur avant qu'il n'ait le temps de le faire sur moi. Mais nous ne venons pas pour vous raconter ce que cet homme m'a fait endurer... On est ici pour vous faire part de notre fuite vers le Bureau du Bien-Être Génétique...

- Oh... Et bien... Je vous souhaite à tous de faire bonne route et de revenir pour garantir la paix de cette ville. Votre place n'a jamais été à labourer les champs Laur', vous auriez du partir bien avant ça. M'indique Johanna en joignant ses mains.

- C'est toujours après avoir vécu de mauvaises choses que l'on se rend compte qu'il vaut mieux partir que de rester dans un sinistre endroit. Pouvez-vous donner ça à Evelyn après notre départ ? Demande Mike en tendant le bout de papier gribouillé de multiples mots joints pour former un seul et unique message.

- Oui, je lui remettrai en main propre et je m'occuperai des Audacieux qui restent séjourner ici, à moins que tout le monde ne parte.

- Non, vingt-trois demeureront ici. Nous devons y aller, désolé pour la gêne occasionnée. Dit Mike en serrant la main de la femme au teint sombre.

Le fait de devoir lui dire au revoir, je le vis comme un adieu. Voyant les larmes envahirent mon regard, elle s'avance et s'empare de mes mains qu'elle serre fort.

- Vous avez vécu de bonnes choses ici. Le souvenir que vous avez de moi et de cet endroit est bon, je le sais et j'en suis fière. Tâchez de trouvez la paix intérieur Laur'.

Je rejoins Mike près de la grande porte et salut d'un signe de tête cette femme si généreuse et solidaire avec la race humaine qu'elle en oublierai la sauvagerie de notre espèce. Je regarde autour de moi et imprime dans ma mémoire chaque image qui se projette sur ma rétine comme si je ne reverrai plus jamais cet endroit. J'inspire et expire l'air pur et parfumé des arbres en fleurs avant de marcher rapidement vers le groupe que forme les Audacieux faisant partie de l'évasion. Je me munie d'une arme et d'un gilet par balle d'une lourdeur extrême. J'insère les balles métalliques dans la chambre et accroche le petit poignard, qui a tué Edgar, à ma ceinture. J'attache mes cheveux blonds foncés voire châtain par endroit et aide les autres à se préparer. Une dizaine de minutes plus tard, nous commençons à marcher vers le hangar où dorment les voitures. Connaissant les codes des portails, je n'aurais pas de mal à arriver jusqu'aux véhicules. Heureusement qu'il n'y a pas de clés pour ce genre d'engins sinon un obstacle de taille serait dressé sur mon chemin. Mes pensées divergent un temps vers mon frère Quatre et revienne sur notre trajet. Le temps s'écoule lentement et nos chaussures foulent encore le sol terreux du secteur Fraternel mais, la carte m'indique que nous ne sommes pas si loin de la fin de notre périple. J'informe mes compagnons et leur demande de se tenir prêt pour mettre l'assaut sur la horde de gardes qui surveillent les 4x4. Je serre mon arme contre mon buste et tient fermement la main qu'Éric a laissé libre comme s'il savait que la tension que mes muscles subissent a besoin d'être apaisé. Un toit de taule commence à faire surface dans l'horizon, il est noir ébène comme la couleur de la faction à qui il appartient. Une route faite de bitume ne passe pas très loin, il nous faudra la prendre et longer la Clôture qui se dresse à une centaine de mètres du hangar. J'ordonne que tout le monde se mette à plat ventre et invite les enfants ainsi que les parents à rester en arrière. Ils n'interviendront qu'en dernier recours et seront hautement protégés lors de la montée dans les véhicules. L'herbe me chatouille le menton, elle a une odeur particulière que j'aime beaucoup quand l'effluve de terre humide et de pluie fraîche s'y ajoutent. Nous rampons silencieusement en faisant attention de ne pas faire d'indiscrétion qui pourrait attirer le regard des gardes affalés sur le grillage et les chaises de l'abri de fer. Nous prenons nos armes et nous nous approprions une victime pour deux afin d'avoir le plus de chances de tous les éliminer du premier coup. Les grilles ne nous aident pas vraiment, il va falloir tirer en rafale et s'occuper des caméras rapidement pour éviter que l'ennemi devine la direction où nous allons partir. La tension monte d'un cran quand nous entendons une alarme sonner. Un des sbires d'Evelyn se lève au même moment et pars décrocher le téléphone causant tout ce raffut. Nous écoutons sa conversation mais étant trop loin, nous ne percevons que quelques mots qu'il répète plusieurs fois.

- Laur'.... Armés tu dis ? Où ... ? Edgar ?

- Elle a capté, on nous recherche... Dis-je en susurrant.

- Restons donc axer sur notre évasion. Traitons les problèmes que s'ils viennent nous faire face dans l'immédiat. Conseille Éric dans un murmure.

Tout le monde acquiesce et retourne à son objectif. Je plonge mon regard dans la lunette et vise ma cible en respirant le plus calmement possible pour ne pas bouger. Je patiente un instant et appuie sur la gâchette dès que Jacob hurle « Tirez ». Je presse plusieurs fois la détente jusqu'à ne plus voir un seul signe de vie dans cet hangar. Nous nous levons donc mais restons à couvert derrière un arbre en attendant que Mike revienne de sa mission d'éclaireur. Après avoir tourné pendant deux ou trois minutes autour du bâtiment, il lève haut la main pour nous faire signe de venir. Le bruit de nos pas fouettant les hautes herbes est le seul son qui parvient à mes oreilles pendant les quelques secondes de course jusqu'aux voitures. Je tape le code sur le boîtier placé sur un pilier et ouvre le portail dès que le cliquetis se fait entendre. Je laisse mes frères gérer la répartition des personnes dans les engins et pendant ce temps-là, j'escalade la poutre à la peinture caillée et rouillée pour désarçonner les caméras plantées en haut de l'armature métallique. Cramponnée à une barre de la structure de la bâtisse, ma peur du vide me prend aux tripes. J'ai du mal à respirer et n'arrive plus à bouger mes jambes et encore moins à ouvrir mes yeux. L'air qui s'engouffre sous le toit fait voltiger mes cheveux et pousse mon corps tétanisé. J'entends des coups de feu retentir, on a de la visite...

- Putain Laur' ! Tu fous quoi ?! S'exclame Aaron.

- Le vertige !

- Bouge-toi de là ! On ne va pas crever parce que tu as peur de quelques chose qui n'est que la réaction chimique de ton putain de cerveau !

- Fait pas l'Érudit, ça ne marche pas quand j'ai peur.

J'essaie de me concentrer du mieux que je peux sur mon combat avec cette peur mais le temps me manque. Les hurlements de mes proches qui m'ordonnent de redescendre m'angoissent et la paralysie que subit mon corps me terrifie encore plus. Soudain, une main se pose sur mon abdomen et me force à ouvrir les yeux. C'est Éric, il a explosé les quelques caméras et m'attire de toutes ses forces vers lui pour me contraindre de retourner sur la terre ferme. Je n'ai pas le temps de riposter et le suis avec tant bien que mal. Haley tire sur la voiture qui vient de se garer face à nous et cours pour monter à l'arrière dès que notre véhicule ronronne dans un bruit sourd. Elle ferme les portières et s'étale sur l'un des sièges. Je crois que ça ne va pas car l'agitation derrière moi n'est pas normale. Je n'y prête guère plus d'attention et me concentre pour venir buter les gardes d'Evelyn face à moi. Le sang gicle sur le pare-brise et me désoriente le temps que le lave glace fasse effet. J'enfonce la pédale d'accélérateur et fait vrombir le moteur avant de passer les vitesses par peur de rencontrer un obstacle sur la route. Je regarde souvent mes rétros pour observer si les autres nous suivent et qu'ils ne rencontrent pas de problèmes. Mes coups de volant secouent mes passagers, je les ai entendus se cogner lorsque j'ai quitté la route pour longer la Clôture.

- Il y a des gardes là-haut... J'espère que tu as pensé à chacune des embûches que nous pouvons potentiellement rencontrer. Dit Éric en se cramponnant à son assise.

- Je ne sais pas, on verra. Mais il se passe quoi derrière putain ?!

- Haley a reçu une balle dans le ventre, on essaie de stopper l'hémorragie. M'explique Jenna en pleine panique.

- Putain de merde ! Les connards ! Gueulais-je en tapant sur le volant.

Le nuage de poussière que laisse les roues du 4x4 m'empêche de bien visionner si mes frères me suivent. L'angoisse me guette mais je n'ai pas le droit à l'erreur, je dois naviguer sur cette mer de terre agité comme un navire en pleine tempête. Des tirs éclatent et une explosion vient bousculer violemment le véhicule. Je freine d'un coup pour nous stopper et vérifier s'il n'y a aucun blessé. Éric ouvre sa portière et part en reconnaissance avec son arme à la main. Je reste agrippée au volant et décide de le lâcher quand j'entends plusieurs cris. Éthan apparaît couvert de sang et de terre portant le benjamin de la famille de trois enfants.

- Ils sont tous morts sauf lui, garde-le. Éric arrive, le reste du groupe n'a rien. Il faut qu'on continue, ils arrivent avec des renforts d'après les agriculteurs du coin.

Le petit garçon enveloppé d'une pellicule de sang se blottit contre moi. Lorsque Éric se rassoit, il a l'air horrifié et affolé par ce qu'il vient de voir et de vivre. Il prend le petit sur ses genoux et s'empresse de me dire de rouler. Je reprend donc ma course effrénée et accélère de plus en plus pour atteindre rapidement la frontière où il n'y a pas de Clôture. Je passe dans les champs, me fichant des dégâts que je cause aux futures récoltes. Je trouve que ma vie et celle de mes proches est plus importante que la proportion de grains collectés pour les Fraternels vu le nombre de plantations qu'ils détiennent. Puis, je n'ai pas le temps de réfléchir à un autre itinéraire, je préfère filer tout droit et tomber sur le portail en aluminium qui sépare Chicago du reste du monde. Apercevant les tours de guets, je klaxonne pour faire comprendre que notre but est presque atteins. Je pulvérise l'accélérateur et déboîte les portes argentées qui formaient le passage entre cette prison morbide et le large univers que nous offre le Bureau.

- On est en train de la perdre... Aaron, compresse encore plus...

- Mais c'est ce que je fais merde ! Je ne peux pas faire plus !

Je lance un regard inquiet à Éric et monte sur le frein.

- Tu fous quoi ?! Hurle Aaron totalement impuissant face à la blessure d'Haley.

- Éric conduit et toi, tu l'assistes. Je m'occupe d'elle.

Je descend de la voiture et passe à l'arrière pour m'occuper de mon amie. Le sol est ruisselant de sang comme lorsqu'une légère averse vient de s'abattre sur une ville. Je me met à genoux à côté de son corps et comprime sa plaie. Je me saisis de la trousse de secours placée sous le siège d'Emmett qui tremble de peur. J'y sors une pince et l'imbibe de solution hydroalcoolique pour désinfecter l'objet qui va retirer la balle logée dans l'abdomen d'Haley.

- Serre les dents grosse bouffe. On va enlever cette salope de balle et on ira ensuite manger un hamburger au Bureau.

- Arrête de dire des conneries la moche...

J'insère la pincette dans l'orifice ensanglanté et attrape le projectile demeurant profondément. Un gémissement sourd s'échappe du corps d'Haley. Les poings serrés, elle combat la douleur telle une adepte des combats à mort. J'extirpe le petit bout de ferraille et asperge de Bétadine le ventre de Haley. Je prend un morceau de coton et une compresse pour pouvoir faire stopper l'hémorragie quelques temps afin de recoudre grossièrement l'ouverture. Une aiguille, du fil et du courage feront l'affaire dans cette situation plus qu'inquiétante et dangereuse pour la vie de cette fille qui sourit toujours même dans les moments les plus obscurs. Je recouds du mieux que je peux et ordonne à Jenna de lui injecter une forte dose de morphine pour éviter qu'elle ne souffre trop par la suite.

- On arrive quand Ric' ? Elle a besoin d'une transfusion, c'est plus qu'urgent.

- Je n'en sais rien ! C'est désert ici, il n'y que de la végétation et des débris d'anciens immeubles du temps de la guerre d'épuration.

- Continue de circuler... On va bien trouver...

- Laur' ?

- Quoi encore ?

- Il faut que tu vois ça...

Je relève la tête toujours en serrant la main de Haley et aperçois une masse sombre se déplacer en notre direction. Notre vitesse décroît jusqu'à ce que le moteur cesse de frémir. C'est un engin semblable à celui que l'on a qui vient vers nous. Deux personnes sont à bord, une femme aux cheveux foncés et un homme au teint noir. Nous sortons tous dehors et nous postons face à eux qui coupent à leur tour leur moteur. Ils descendent et marchent à la rencontre de notre groupe ce qui me fait avancer par instinct de leader pour être au devant de tout le monde.

- Vous êtes qui ? Demandais-je légèrement perplexe.

- Je suis Amar, l'instructeur de ton frère, Quatre. Je vous présente Nita qui vous mènera à David, le gérant du Bureau du Bien-Être Génétique. Suivez-nous avec vos voitures, c'est à quelques kilomètres d'ici... Votre amie a besoin de soins, on va la mettre dans le service des urgences, ne vous en faites pas.

Je me tourne vers Éric qui est assis sur le capot. Je n'émets aucun son pour lui faire comprendre que je le questionne sur ce qu'on doit faire. Il sait directement à mon regard indécis que j'attends de lui une indication sur notre choix à faire. La réponse paraît pourtant si simple mais je veux absolument l'entendre dire.

- En route pour écrire une nouvelle page de notre vie d'Audacieux. Dit-il en claquant ses mains avant de s'installer sur le siège conducteur.

Une nouvelle vie ? Ça c'est sûr mais sera-t-elle de meilleure qualité que la dernière ? Je vais le découvrir sans plus tarder.

Voici donc le départ tant attendu ! C'est bon, Laur' et Éric débute une nouvelle vie ! C'est un gros passage pour moi et j'espère que cette évasion a été cool  à lire pour vous. Chapitre volontairement court car je ne me voyais pas faire 8000 mots sur une simple évasion ^^ J'espère que vous comprenez ♥ Laissez-moi des VOTES et des COMMENTAIRES ! J'ai besoin de vos avis pour pouvoir avancer et m'améliorer ! Bisous les amis pandas ♥

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