Chapitre II : Le Jugement

NON CORRIGÉ ! Correction prévue dans les heures à venir ! Bonne année et bonne lecture à toutes et à tous !

Le faire pour Éric... Oui, je dois me faire acquitter pour lui, pour nous, pour ma famille, pour mes amis, pour moi. Je vais devoir faire en sorte de prendre sur moi, ce qui est loin d'être une tâche facile... Le garde sans-faction resserre son étreinte en refermant son poing avec plus de fermeté sur mon bras. La pointe de son arme vient heurter à plusieurs reprises le creux de mon dos pour que j'avance plus rapidement. Je passe devant une dizaine de cellules où des personnes sont enfermées depuis le coup d'état d'Evelyn. Le garde qui me conduit au lieu de mon jugement, a un souffle bruyant qui me fait penser à celui de Richard quand il s'endormait sur le canapé avec un livre posé sur le ventre. Il s'assoupissait souvent en lisant des bouquins d'une science très complexe, comme si les formules de mathématiques le berçait... Je repense à cet homme qui a fait de mon enfance, un véritable enfer. J'observe les couloirs, je commence à les connaître par cœur et je crois qu'ils me dégoûtent de plus en plus, car tout ce que j'ai vécu ici, est affreux. J'ai traversé pendant seize ans cet endroit avec la peur qui me broyait l'estomac, j'ai dû affronter Richard lorsque j'étais leader Audacieux sans pouvoir fléchir, j'ai faillis mourir à cet endroit précis pour sauver des données informatiques et le message des Fondateurs, et maintenant, je vais vivre mon jugement où je serais condamné à accomplir des choses terribles avec Edgar, le chien d'Evelyn... La Ruche est un lieu que je ne souhaite plus fréquenter, mais j'ai l'impression que je vais rester soudée à elle pendant encore longtemps. Je crois que mon passé va me poursuivre toute ma vie si je reste à Chicago, et je pense qu'il serait mieux pour moi de fuir cette ville qui continuera à se déchirer pendant une bonne vingtaine d'années et qui me fera ressasser des actes passés sans cesse... La foule dans le hall de la Ruche et leurs discussions me sortent de mes pensées. Je cherche un visage qui me serait familier, mais les personnes qui se tournent vers moi me défigurent comme si j'avais commis un crime contre l'humanité,  et je ne sais pas comment je dois le prendre... Le fusil vient encore cogner mes reins, ce qui me fait ressentir une douleur aiguë.

- Bouge-toi. Sinon, le prochain coup te fera d'autant plus mal.

Je marmonne une insulte pour me libérer mon envie de lui faire un revers et de voir mon pied s'écraser contre sa mâchoire. Je respire calmement et marche d'un pas assuré quand j'aperçois les acolytes de ma mère, qui me regardent comme une bête de foire. L'un a un sourire malsain qui me fait froid dans le dos, comme si ce qui m'attendait n'était pas des missions auprès d'Edgar mais bel et bien une mise à mort. Je frémis et repense à toutes les fois où la vie aurait pu quitter mon corps de jeune Audacieuse. Je ne peux pas mourir comme ça... Pas en ayant échappé à la mort plusieurs fois en dix-sept ans...

- Laisse-la, je vais l'emmener jusqu'au banc où elle sera jugée.

J'émets un soupire de soulagement quand le canon de l'arme se décolle de ma colonne vertébrale, mais voir Edgar s'avancer vers moi me retire instantanément ce sentiment de délivrance. Je me raidis quand il pose sa main droite dans mon dos pour m'inviter à le suivre.

- Stressée ?

- Qu'est-ce que ça peut te foutre ?

- Oh rien rien. Juste que je trouve ça excitant de te voir être soumise au sérum de vérité. Il me semble qu'il provoque des souffrances atroces quand on lutte contre lui.

- Et alors ? Je n'ai pas à lutter car je n'ai rien à cacher.

- C'est ce qu'on verra.

Il vient de me faire entrer dans la salle de conférence du siège des Érudits, ça me rappelle pleins de souvenirs... Dont un, où je n'avais que cinq ans. Ma mère avait dû intervenir d'urgence pour qu'un projet ne voit pas le jour à cause d'une erreur dans les calculs. Elle m'avait emmener ici en courant pour éviter qu'il y ait des répercussions négatives dans notre ville. J'étais derrière elle, accrocher à sa jupe car le nombre de personnes qui me regardaient m'effrayait au plus haut point. C'était la première fois où j'avais été confrontée à des regards insistant et où je m'étais sentis dépassée. Aujourd'hui, ça ne me fait plus grand-chose... Soit ça m'énerve, soit ça me gêne mais j'ai réussis à vaincre cette peur. Je m'assois à côté du grand bureau qui est placé sur une estrade avec un micro pour que tout le monde entende ce qui est dis. Edgar reste à côté de moi, il pose une main sur mon épaule et m'ordonne de ne pas bouger. L'espace se remplit peu à peu d'une multitude de personnes contenant des hommes et des femmes de tout âge. Je me sens un peu oppressée avec tout ces gens qui m'observent à la façon d'un animal prêt à sauter sur sa proie. Evelyn entre dans mon champ de vision, elle a l'air fatigué car des cernes se dessinent sous ses yeux azurs. Elle évite mon regard comme pour me fuir, comme si elle se sentait mal de juger son propre enfant devant autant de personnes. Je pense aussi qu'elle a une certaine appréhension sur le fait que je suis puisse parler d'elle ou tout simplement de mon enfance gâchée. Elle s'assoit derrière le bureau avec trois de ses sbires qui invoquent le silence absolu et laisse leur tyran parler. Evelyn, ou plutôt devrais-je dire, ma mère, se lève et commence son fichu discours.

- Bonjour à tous. Nous sommes ici pour juger ceux qui ont trahis leur faction en agissant pour Jeanine Matthews. Nous avons aujourd'hui sur le banc des accusés, Laure Scott. Née chez les Érudits et partis chez les Audacieux à ses seize ans. Elle a eu un parcours fulgurant lors de son initiation et est donc devenue leader de sa faction choisie. Elle a commis des meurtres allant contre notre gouvernement, c'est pour cela qu'elle sera soumise au sérum de vérité.

Elle fait un léger signe à un homme ayant les outils pour m'injecter ce sérum. Je serre les poings lorsque l'aiguille de la seringue s'infiltre dans ma carotide pour déverser ce liquide froid et effrayant. Ma vision se trouble un peu et je sens brusquement une vague de chaleur inonder mon corps. Des gouttelettes de sueur commencent à perler sur mon front, mes mains sont moites et j'ai du mal à avoir les idées claires.

- Mademoiselle Scott. Vous avez eu une relation avec un certain Éric Wagner qui a entraîné un déchaînement de violence allant contre les Altruistes. Il a carrément injecté le sérum de simulation aux Audacieux qui sont allés le lendemain anéantir des hommes et des femmes sans en être conscient. Saviez-vous que votre compagnon allait commettre l'irréparable ? Étiez-vous au courant du projet d'éradication des Altruistes ?

- Je... Je sentais qu'Éric était pas bien à ce moment là. Je savais qu'il se tramait quelque chose car dès que je prenais des risques en affrontant Jeanine Matthews, il prenait partie et tentait de me raisonner. Je sentais qu'il avait peur qu'il m'arrive malheur, je savais que Jeanine le menaçait de me tuer s'il n'agissait pas à sa guise, mais je n'ai pas su creuser pour savoir ce qu'Éric préparait. J'étais trop occupé par la mission qui m'a été donnée... Je devais tuer chaque sans-faction existant dans cette ville... J'étais tellement tétanisée de faire ça que je n'ai même pas vu qu'Éric élaborait un plan avec les Érudits. Pourtant, Jeanine Matthews est venue un soir dans le secteur des Audacieux. Elle a convoqué tous les leaders et a partagé avec nous son projet de faire disparaître les Altruistes... Cependant, nous avons directement refusé son offre... Nous nous sommes même inquiétés de ce qu'elle était capable de faire pour calmer sa soif de pouvoir, mais je n'ai même pas su voir qu'elle manipulait Éric... Je n'ai jamais remarqué qu'elle faisait ce qu'elle voulait de lui... Je n'ai même pas su le protéger d'elle... 

Je tremble, des larmes coulent le long de mes joues et je sens une autre vague de chaleur m'envahir. Je n'arrive pas à lutter contre le sérum, il me fait trop souffrir. Il m'embrouille le cerveau en venant se faufiler entre mes neurones et en me faisant souffrir comme jamais. Les êtres face à moi ne sont que des silhouettes qui se tiennent debout et assise, je ne vois plus les détails qui les composent. Mon cœur s'emballe et mes pleurs redoublent d'intensité, je commence à perdre mon souffle... La panique prend possession de mon corps... Une voix féminine retentit dans la salle, c'est Evelyn.

- Vous lui avez mis une trop grande dose pauvre abruti. Vous avez vu dans quel état elle est ? Ce n'est qu'un jugement, pas une cour de supplices.

- Si elle cessait de lutter, elle ne serait pas comme ça Evelyn.

- Laur'... Calme-toi. Respire et répond aux questions que l'on te pose. Il n'y a pas de pièges ici.

Je sens la main d'Edgar se décrocher de mon épaule et quelqu'un d'autre se poste à mes côtés.

- Tobias... Tu fais quoi ?

- Je suis juste venu pour aider.

Mon frère n'a pas à être là, mais rien que sa présence m'apaise.

- Allez-y. Elle est prête pour répondre à vos interrogations.

Je vois les gens se regarder, et je tourne la tête pour apercevoir ma mère qui fait un signe de tête à la personne à sa droite pour qu'il continue à me questionner. Il n'a pas l'air d'être vraiment d'accord avec le fait que Quatre soit avec moi et fronce les sourcils tout en retournant à sa feuille. J'ai retrouvé la vue ou du moins, je vois ce qui se passe autour de moi  avec un peu plus de netteté que tout à l'heure. Je saisis la main de mon frère qu'il a soigneusement posé sur mon bras.

- Ça va aller Laur'...

- Mademoiselle Scott... Vous aviez pourtant injecter le sérum de simulation aux Audacieux. Une vidéo de surveillance le prouve.

- Je croyais que le produit que contenait les fioles était un vaccin contre une épidémie.

Je reprend peu à peu possession de mon esprit et manipule le sérum de vérité qui n'a maintenant plus aucun effet sur moi. J'essaie de simuler une certaine difficulté à articuler pour faire croire que le liquide qui circule dans mes veines agit encore sur moi.

- Nous avons observé la vidéo d'une réunion de faction où l'on vous confie la tâche de tuer des sans-factions. Alliez-vous accomplir cette mission ?

Evelyn se lève et observe méchamment l'homme à côté d'elle.

- Je vous avez dis que cette affaire était réglée car elle s'était rendue au quartier général des sans-factions pour nous prévenir et nous préserver de cette menace.

- Evelyn, nous savons que vous n'êtes pas objective vu les liens que vous entretenez avec cette personne.

- La plupart des gens qui sont dans cette pièce était là lorsqu'elle est venue pour nous faire parvenir cette information. Je vous interdis de me contredire car vous étiez aussi présent lorsqu'elle a pris la parole ce soir là pour nous aider.

- Comment expliquez-vous donc son idée de tuer des sans-factions ?! C'est un crime qui mérite d'être sévèrement pu...

Je prend la décision de le couper dans ses paroles.

- Mon idée m'est venue car je n'avais pas vraiment le choix... Les Audacieux était déjà corrompus par les Érudits et il ne valait mieux pas que je désobéisse. J'étais un peu trop engagée lors de ces réunions, c'est ce qui a fais que Jeanine m'avait dans son collimateur. Un faux pas et on pouvait retrouver mon corps mort dans le Gouffre.

Evelyn fusille du regard l'homme qui l'a contredis. Je crois que je ne l'ai jamais vu autant vexée, mais sa réaction m'a rassurée, elle tient un minimum à moi pour éviter que je me fasse exécuter ou enfermer.

- Veuillez passer aux autres questions Raph'.

Il hésite un moment mais renonce rapidement quand il voit quelques gardes charger leurs armes. Je crois qu'il a légèrement froissé Evelyn, mais elle n'est pas du genre à se laisser faire, surtout quand ça concerne ses enfants. C'est étrange mais j'estime de plus en plus que ses sentiments envers moi sont vrais... Ce n'est pas la première fois qu'elle me prouve son amour, et je me demande si je ne devrais pas tenter de lui pardonner sa faute. Raph' s'éclaircit la voix en se raclant la gorge pour encore me mitrailler de questions.

- Racontez-nous ce que vous avez fait le jour où les Altruistes ont péris sous les tirs des Audacieux.

- Éric m'avait administré un sédatif avant qu'il parte... Je me suis réveillée dans notre appartement qui était totalement verrouillé. J'ai pu sortir en brisant le verre de la baie vitrée et en passant sur le balcon d'en dessous chez moi. C'est comme ça que j'ai pu m'enfuir... Ensuite, j'ai très vite compris ce qui se tramer dans la ville et j'ai pensé à ma mère et à ma sœur, Béatrice. Je suis d'abord allé dans le secteur des Altruistes où je me suis fais prendre par Peter Hayes, mais Éric est intervenu. Il a insinué que les divergents seraient traquer par Jeanine, je suis donc allée chercher ma famille dans le secteur Érudit. Richard nous avait suivis et a tiré à plusieurs reprises sur ma mère, ensuite, je me suis pris la crosse du fusil de mon père dans la tête. Je me suis réveillée un mois plus tard... On m'a collé dans un petit appartement avec ma sœur et Richard. J'ai dû créer un faux sérum de la mort car Jeanine a eu l'intelligence de me remettre à ma mission d'éradication des sans-factions. J'ai donc créé un drone et j'ai modifié le sérum de la mort pour qu'il paralyse le corps pendant une demie heure afin que Jeanine croit en mon efficacité. Ensuite, j'ai appris la mort d'Éric qui, soit dit en passant, était un divergent. Arthur, un garde Audacieux rallié aux Érudits m'a aidé à organiser ma fuite avec l'aide d'une poignée de ses hommes. Le lendemain, j'ai surpris Richard en train de secouer ma sœur. Je l'ai tué et j'ai donc dû partir immédiatement.

J'explique encore pendant une bonne dizaine de minutes ce qui m'est arrivé jusqu'à ce que j'arrive au point fatidique. Aie-je suivis Marcus ? Oui, mais il faut que je dise que j'ai surtout suivis Tris.

- Ensuite... J'ai décidé de marcher dans les pas de Tris qui me promettait de sauver les données informatiques et le message des Fondateurs en même temps. J'ai réussis à pirater un ordinateur pour pouvoir accéder à la salle qui contient le sérum de l'oubli.

- Et pourquoi utiliser ce sérum là ? Pourquoi ne pas avoir tué ces gens ?

- Parce que Tris disait que Johanna ne nous aurait pas aidé si je venais en tuant une dizaine de personnes. J'ai donc préféré effacer la mémoire de dix personnes que de leur ôter la vie.

- Donc tu as suivis Tris jusqu'au bout ? Pourquoi ?

- Oui, parce que ma mère savait des choses par rapport à ce qu'il y a au-delà de la Clôture. J'ai voulu savoir ce que disait ce communiqué pour honorer ma mère...

Evelyn affiche un air dépité, elle se concerte pendant une vingtaine de minutes avec ses hommes pour ensuite déclarer son verdict.

- Laure Scott, tu es coupable de trahison partielle. Tu savais très bien que je ne voulais pas que ces données survivent à notre assaut, mais tu as quand même suivis aveuglément Tris. Tu es crédule... Pour cela, tu es acquittée mais tu écopes tout de même d'une peine de travaux généraux pour une durée indéterminée. Tes hommes ainsi que tes frères et sœurs seront relâchés sans être jugé. Par contre, ils seront sous tes ordres et donc sous les miens. Tu feras équipe avec Edgar pendant un certain temps pour faire régner l'ordre dans notre ville. Edgar, je te la laisse pour sa première mission.

- Ne vis pas en tyran comme l'a fais Jeanine... Je ne t'obéirais pas si tu me demandes de tuer des innocents.

- Je n'ai pas à recevoir d'ordres de ta part Laur'. Edgar... Emmène-la, elle m'insupporte.

Quatre s'éloigne de moi et laisse un homme m'enlever les liens qui joint mes poignets. Edgar, lui, m'attend de pied ferme devant la porte. Je replace une mèche de cheveux et me frotte le visage encore humidifié à cause des larmes. J'ai faillis me faire avoir par le sérum de vérité, j'ai faillis succomber à son spectre d'action... J'aurais pu mourir si je n'avais pas réussi à reprendre la main et donc à mentir sur mes réelles actions lors de cette révolte.

- Ça fait quoi de savoir que son propre frère a tué l'homme que l'on aime ?

- Tu comptes te délecter de ma souffrance encore longtemps ?

- Je ne suis pas si sadique que ça hein... Je dis ça juste parce que j'ai trouvé plaisant le fait de te voir souffrir quand tu combattais les effets du sérum.

- On doit faire quoi aujourd'hui ?

- Hey ! Deux minutes, on a tout notre temps Laur' !

- Edgar.

- Oui ! C'est moi, mais vu que l'on va passer beaucoup de temps tout les deux je préférerais que tu m'appelles Ed'.

- Humm... Et donc ? On a quoi comme mission à accomplir ?

- On doit réparer des caméras de surveillance dans le secteur Fraternel, au Sud, où il y a juste des rangées de grillages.

- Où il n'y pas la Clôture quoi.

- Exact. Viens, tu vas changer de vêtements et prendre une douche avant que l'on parte. Ta mère a mis en place de nouvelles règles dont celle où chaque habitant de la ville doit porter chaque couleur de chaque faction pour montrer qu'ils appartiennent à aucune d'entre elles. Le système des factions a totalement été supprimé et il est formellement interdis de montrer une appartenance à ce régime politique sous peine de mort.

- Sympa la dictature ! J'ai l'impression que je vais regretter Jeanine...

- Méfie-toi de ce que tu dis... Je ne me gênerai pas d'apprendre à Evelyn que sa fille a des paroles allant contre son gouvernement.

Je l'observe un instant et regarde droit devant moi comme pour rompre la discussion qui risque de me causer du tort. Evelyn m'a collé avec lui car elle sait que je n'adhère pas à ses idées et que je ne supporte pas de la voir gouverner comme l'a fais Jeanine. Elle veut me surveiller pour éviter que je lui cause de l'embarras et des problèmes en me rebellant. Il faut que je me tienne bien auprès d'Edgar qui est prêt à me dénoncer pour me faire payer mes erreurs. En y songeant, je ne sais même pas pourquoi il me hait autant, je n'ai pas le souvenir de lui avoir fais du tort. Son antipathie envers moi peut être expliqué par la haine que les sans-factions cultivent depuis des générations entières, tout comme les Érudits qui ont créé une répugnance des membres de leur faction vis à vis des Altruistes. Je contemple l'ombre d'Ed' se déplacer sur le sol blanc de la Ruche. Sa silhouette apparaît plus fine sur les murs, comme si un spectre morbide hantait les couloirs de l'ancien siège Érudit. Nous nous dirigeons vers l'hôpital spécialement aménagé dans la zone secrète Érudite. Ed' m'invite à entrer dans une pièce où se trouve un lavabo ainsi qu'une douche avec des rideaux bleutés. Il me donne des chaussures que je portais quotidiennement au sein de la faction que j'ai choisi, un pantalon noir Sincère, un pull en laine Érudit et un manteau imperméable rougeâtre. Je remarque quelque chose. Il n'y a pas de vêtements Altruiste, comme si la seule faction que je ne puisse atteindre, m'était vraiment hors de portée. Edgar ferme la porte tout en m'indiquant qu'il est pressé et qu'il n'aime pas attendre. Je tourne donc vite fait le loquet de la porte et file sous la douche. Je ne prend pas le temps de faire couler l'eau et je suis donc surprise par sa froideur. Je me hâte à régler la température de l'eau en l'ajustant à trente huit degrés grâce au tableau de bord tactile intégré dans la douche. La technologie nous suit partout, surtout quand nous sommes Érudits... Je me savonne, me rince et me sèche énergiquement pour éviter de subir les lamentations d'Edgar. Je me vêtis et noue mes lacets tout en observant mon reflet dans le miroir. J'ai l'impression d'être plus chétive, d'avoir perdu du poids... Mes joues sont un peu plus creusées et physiquement, je ne me sens pas vraiment en forme, comme si la force que je possédais, s'était échappée de mon corps comme un oiseau qui réussit à s'évaporer de sa cage de fer à cause de son propriétaire maladroit. Je me fais une queue de cheval et déverrouille la porte bleue.

- Prête ?

J'acquiesce d'un léger signe de tête et le suis. Il me mène jusqu'à un ascenseur qui s'ouvre face à nous. J'hésite un instant, tout en imaginant déjà l'effet qu'il va avoir sur moi.

- Bon, tu fais quoi ?! On n'a pas que ça à foutre.

Je le regarde et avance malgré moi. Il faut que je sois courageuse, les Audacieux ne reculent pas devant les obstacles, ils foncent. Quoique, en y réfléchissant, ce n'est pas très intelligent de foncer les yeux fermés dans le danger... Les portes aux dents asserrées se referment et l'ascenseur commence sa descente aux enfers. Les quelques mètres carré de la boîte créaient en moi une fumée de peur qui m'asphyxie peu à peu. Edgar me regarde et fronce les sourcils. Mes poumons ne parviennent plus à prendre de grandes bouffées d'air, mon coeur bat à toute vitesse, je ne sens plus mes jambes et je me sens m'écrouler.

- Laur' !

Je sens Edgar me traîner en dehors de ce minuscule cube et me secouer. Je rouvre les yeux et voit son visage proche du miens.

- Putain, tu m'as fais peur ! Ça va ?

- Oui...

C'est la première fois que je vois son air dur disparaître pour laisser place à un air inquiet et attentif. Il passe plusieurs fois ses mains devant mes yeux pour voir si je réagis correctement et m'aide à me relever.

- Je peux savoir ce qui s'est passé ?

- Je suis claustrophobe, j'ai la phobie des espaces clos...

- Étonnant pour une ex Audacieuse. Tu penses que tu peux conduire ?

- Oui... Ce n'était juste qu'un évanouissement, rien de grave.

Il ricane un peu et me tend la clé qui démarrera le véhicule face à moi. Je me souviens du jour où je suis venue ici avec Max pour une réunion de factions. J'avais réussi à surmonter ma peur de l'ascenseur... Suis-je devenue faible au point de régresser ? Cela m'inquiète légèrement... Peut-être que j'ai changé. Peut-être que la mort de ma mère m'a affaiblis. Peut-être qu'Éric ne voudra plus de moi, car je l'ai considéré mort pendant plus d'une semaine, et même si cela paraît peu, c'est tout de même beaucoup, la première semaine du deuil étant la plus importante. Peut-être que je ne suis pas prête pour le revoir. Peut-être que je ne l'aime plus ou serais-ce plutôt l'inverse qui devrait me faire peur ? Je ressens soudain une vague de doutes, d'inquiétudes, et d'appréhensions. J'ai peur de le revoir, j'ai peur que ça ne soit plus comme avant ou que notre couple ne survive pas aux changements que la ville a subis. Puis... Les rôles s'inversent car, je vais devoir le cacher, le protéger alors que c'est ce qu'il faisait avant pour moi. Je suis indécise rien qu'à l'idée de me voir le préserver de tous les dangers qui le menaceront. Peut-être qu'il ne supportera pas que je veille sur lui...

- Je ne sais vraiment pas pourquoi ils ont creusé tous ces tunnels pour que les voitures se déplacent...

- C'est pour éviter qu'il y ait de la circulation dans les rues, vu qu'il y a déjà beaucoup de bus qui fonctionnent. Ça limite les accidents et ces souterrains évitent une sous production des panneaux solaires situés sur les routes. Moins il y a de véhicules qui roulent, plus il y a de l'électricité pour la ville.

- Merci, mais je n'avais pas besoin d'un cours miss je sais tout.

- Désolé, je prenais juste la peine d'expliquer quelque chose à un illettré.

Il me lance un regard noir et continue de faire des réflexions auxquelles je pourrais répondre de façon scientifique, mais je fais juste en sorte de l'ignorer et de conduire correctement. Je connais bien le chemin jusqu'au secteur Audacieux donc j'écrase la pédale d'accélérateur. À la sortie du souterrain, je ralentis un peu et tente de me repérer en allumant les phares car la pluie est battante aujourd'hui. De gros nuages obscurs dissimulent le ciel bleu et le soleil. Il ne fait que quinze degrés dehors, ce qui est raisonnable pour un mois d'avril. J'ai fais un sacré détour mais je ne souhaitais pas me perdre et entendre Edgar me rabaisser, puis je sais où je suis, donc c'est le principal. Les paysages défilent, nous sommes désormais entourés de vergers en fleur. Je roule moins vite, de peur qu'un Fraternel ne traverse. Ils sont un peu dans la lune dans cette faction, donc j'ai beaucoup de risques d'en renverser un. Edgar sort une carte et me désigne trois endroits grâce à son index. Je me rend donc à l'un des lieux et sors de la voiture en ajustant ma capuche. Ed' prend un parapluie, une trousse à outils et commence à m'abriter.

- On doit faire quoi précisément ?

- Réajuster l'angle de vue et ressouder les fils là.

- D'accord. Je suppose que c'est moi qui doit faire.

- C'est bien, tu as deviné.

- Donne moi un tournevis.

- Le s'il te plaît, il est en option ?

Je le regarde méchamment qui le fait émettre un large sourire. Il me tend l'objet en acier. Je dévisse le trépied de la caméra qui est relié à un poteau. L'escabeau tangue un peu, je ne suis pas réellement rassurée d'être perchée là dessus. Je tourne la caméra vers le portail en fer forgé grisâtre et revisse le morceau de métal. J'ai le pantalon totalement mouillé, ce n'est pas du tout agréable... Puis Edgar a mal incliné le parapluie donc l'eau me coule dans le cou, mon tee-shirt et mon pull me collent à la peau et le vent froid ne m'aide pas à me réchauffer. Je soude vite fait les fils et remonte dans la voiture où le chauffage est très apprécié par Edgar qui émet un soupir en s'asseyant sur le siège passager. Il se frotte les mains et met sa ceinture tout en râlant à cause du mauvais temps. Je le regarde, amusée par son comportement.

- Quoi ?

- ... Rien. Je te trouve amusant.

- Paye-toi ma gueule encore une fois et je t'encastre la tête dans un mur.

- Et bien vas-y ! Essaie ! Tu crois que tu me fais peur avec tes menaces à deux balles ? Puis ça t'avance à quoi de me dire que tu vas me violenter ? À rien. Tu es pitoyable des fois Edgar.

- Bien sûr. Remet-toi un peu en question Laur', tu es loin d'être parfaite. Tu n'as peut-être pas tuer des sans-factions, mais tu étais en quelque sorte au courant de l'extermination qui se préparait.

- Qu'est-ce que je donnerais pour te voir ne serais-ce qu'un instant à ma place. Vous, les sans-factions, n'avez pas d'obligations. C'est l'anarchie dans votre groupe, c'est le désordre total. Il n'y a aucune règle pour vous dire ce que vous devez faire. Ok, c'est bien parce que vous avez une liberté totale, mais est-ce que ça vous aide réellement à vivre bien ?

- Ne crois pas que j'apprécie le désordre. Je prône l'idée que les gens doivent être gouvernés pour vivre en paix. Tu crois que renverser un état et élaborer directement un nouveau système gouvernemental est simple ? Non, c'est extrêmement complexe, et je crois que même ta mère a du mal à le comprendre. Je ne sais pas si tu te rends compte du bouleversement que la suppression des factions a fait... Des milliers de personnes ont vécu pendant des générations dans le système des factions, qui est un mauvais système. Pourquoi ? Parce que l'on renforce la différence des gens en les casant dans une catégorie. Il n'y a pas d'égalité, pas vraiment de liberté et la fraternité n'existe plus depuis bien des années. Donc critique ta mère, critique ce nouveau gouvernement mais pas devant moi. En échange, je ne te remémorerai pas tes fautes.

- Hummm...

Je suis étonné de sa réponse, il a pas mal de répartie. Je ne lui répond pas vraiment car, je me dis que chacun a ses opinions et que tout le monde doit respecter les avis des autres. Je crois que ça s'appelle la bienséance, le savoir-vivre. Respecter autrui et ses convictions sont relativement importantes dans une société.

- Tu ne peux pas accélérer un peu ? Ça me gonfle d'être ici avec cette pluie qui ne s'arrête pas de tomber...

- Les chemins sont remplis d'eau, je ne veux pas finir dans le talus ou encore sur le dos les quatre roues en l'air. Profite d'être à l'intérieur. Puis, comme tu m'as dis tout à l'heure, on a le temps.

- Oui mais, j'aimerais finir avant que la nuit tombe. Il est déjà dix-sept heures Laur'.

- Il ne reste plus que deux caméras, ça devrait aller.

- Non, une seule. Une autre équipe fera la dernière car elle est moins importante que les autres que l'on a réparé.

- Tu veux dire, que j'ai réparé...

- Pfff oui... Tu ne veux pas non plus une médaille ?

- Non mais, je ne veux pas que tu te fasses passer pour le héro des caméras auprès d'Evelyn...

- Tu es casses couilles. Tu tiens ça de ta mère.

Je ris et me gare à côté du poteau qui a en son sommet la fameuse caméras. Je la répare tout en faisant attention de bien brancher les fils au bon endroit. La petite LED rouge clignote, nous pouvons donc enfin rentrer à la Ruche. Je repense à Éric qui ne doit pas être très loin de moi, ça me fait un pincement au cœur...

- Il a quoi comme autres nouvelles règles ?

- Il y a un couvre feu à vingt heures, sinon, tout fonctionne comme avant... En fait, ta mère est en train de tout élaborer avec ses équipes.

- Un couvre feu ? C'est vraiment nécessaire ?

- Bah pour faire respecter l'ordre dans une ville qui vit presque dans l'anarchie, oui.

Je voulais voir Éric ce soir... Mais ce fichu couvre-feu me fait hésiter un instant. Je repense à ma mère et me demande ce que Cléo (le personnage qu'elle a créé) ferait si elle était à ma place. Je cramponne le volant que le visage de ma mère me vient à l'esprit. Je repense à elle, à ses mains et à sa voix qui me berçait tant qu'en j'étais enfant. Mes yeux se remplissent de larmes, mais je fais tout pour les retenir. En fait, je ne parvient pas à me dire que ma mère n'est plus là, que je ne la reverrai plus jamais, qu'elle n'est qu'un souvenir... Elle est devenue une part du passé... J'aurais dû tuer Richard avant, j'aurais dû prendre sa vie de monstre bien avant qu'il presse trois fois la détente en visant sa femme. Qu'est-ce que ferait ma mère si elle serait à ma place ? Parce que Cléo est en fin de compte ma mère... Je pense qu'elle s'en ficherait royalement du couvre-feu et irait rapidement rejoindre celui qu'elle aime. Je prend une grande inspiration et me rend compte que nous sommes déjà arrivés. J'arrête le moteur et descend du véhicule. Edgar est silencieux et m'accompagne jusqu'aux escaliers, qu'il monte avec moi. J'apprécie le fait qu'il prenne en compte ma phobie sans trop me critiquer...

- Tu es très pensive comme personne. Ça se voit quand tu cogites.

- Et pourquoi ?

- Ton expression faciale peut changer du tout au tout. Je trouve ça fascinant.

Je le regarde en haussant un sourcil pour faire genre que je ne vois pas de quoi il parle. Il me lance un coup d'oeil, fouille dans sa poche et me tend le bracelet d'Éric.

- Tu l'avais fais tomber quand tu vissais la dernière caméra.

- Merci...

J'aperçois Evelyn qui affiche un grand sourire lorsque j'entre dans son champ de vision. Lara, Liam et Mikael se postent à côté d'elle et je ne peux pas m'empêcher de leur sourire. Je suis ravie de revoir mes fères, ils m'ont tellement manqué ces deux là. Maddy sort du couloir à ma droite et vient me voir. Je lui donne un baiser sur la tête et viens serrer ma famille dans mes bras, sauf Evelyn, avec qui je met toujours un peu de distance. Edgar passe derrière moi et continue sa marche en direction de la sortie.

- Demain, huit heures tapantes devant la Ruche avec tes hommes Laur'. Ne sois pas en retard.

Je lève les yeux au ciel et me tourner vers Mike qui me fixe intensément. Je sais qu'il veut me parler, et je sais le sujet qu'il veut aborder avec moi. Je détourne mon regard vers Maddy qui s'accroche au jean d'Evelyn. Liam est adossé au mur, il fait des grimaces à la petite qui a l'air plus effrayé qu'autre chose. Seule Lara rit en regardant notre frère jumeau, une vraie gamine celle-là... Soudainement, un groupe de personnes arrive dans le couloir face à moi. Je reconnais très vite Arthur et Thomas qui sont suivis des hommes que j'ai guidé lors de notre fuite chez les Fraternels et aussi lors de la révolte. Evelyn prend Maddy dans ses bras et s'éclipse par une porte non loin de nous. Je pense qu'elle avait peur de se sentir tâche avec autant d'ex Audacieux autour d'elle. Arthur donne une tape dans le dos de ma sœur et vient me serrer brièvement dans ses bras. Thomas, lui, se contente d'un signe de tête.

- Bon ! Ça va la grosse malade qui lance des grenades et fait face à une dizaine d'hommes armés jusqu'au dents ?!

- Han ! C'est Aaron qui t'a raconté ça !

Aaron, Haley, Jenna et Alex sortent de la masse de gens qui s'est accumulée dans le couloir.

- Il fallait bien que je lui dise à quel point tu es suicidaire quand tu es déterminée.

- Ouais... On va dire que c'était une grand poussée d'adrénaline !

- Mais oui bien sûr ! On va passer le passage où je te fais la moral hein ?

- Oui oui. Jacob devrait déjà bien me la faire... Sinon, vous allez bien ? Les sans-factions ne vous ont pas trop brutalisés ?

- Non, ne t'inquiète pas pour ça. Ils sont plus humains que les Érudits, c'est déjà ça.

- Hummm... Bon... Écoutez-moi tous ! J'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer...

Le silence s'installe brusquement et tout le monde me regarde sans faire un bruit. Je pourrais limite entendre la discussion des personnes dans la pièce adjacente tellement c'est calme. Je prend une grande inspiration car, je me sens fautive là dedans et je m'en veux d'avoir engendré l'établissement d'une telle mesure...

- Lors de mon jugement, Evelyn n'a pas voulu me condamner en me collant dans une cellule ou encore en m'exécutant. Elle a opté pour une solution qui m'embarrasserai davantage... Et elle vous a tous mis dans le même sac que moi. Le gouvernement des sans-factions nous a donc condamné à servir Evelyn auprès de son sbire préféré, Edgar. Je suis désolée de vous avoir entraîné là dedans... Je n'aurais pas dû vous engager dans cette rébellion.

- Pffff ! Ne crois pas que c'est toi qui nous a entraîné dans ce foutoir ! Même sans toi comme leader, on serait aller sauver ces putains de données avec Tris Prior. Mais, j'avoue que sans toi, on aurait eu plus de mal...

Je souris un peu face à la réflexion d'Arthur qui me déleste d'un poids assez pesant sur mes épaules.

- Merci... Merci pour tout ce que vous avez fais. Si le système des factions existaient encore, je vous aurais dis que vous avez été de bons Audacieux, mais je vais éviter d'avoir des problèmes.

Je fais un clin d'oeil à Lara qui lève les yeux au ciel. Elle pouffe de rire quand Arthur vient poster son doigt sur sa bouche pour nous dire de parler moins fort.

- Sinon on dort où ?

- ...

Je regarde Mike et Liam qui haussent les épaules comme de vulgaires pantins. Je ne peux pas compter sur eux aujourd'hui. Il va donc falloir que je leur trouve une solution rapidement, je ne peux pas les laisser sans abri...

- C'est une très bonne question Arthur. Je ne sais vraiment pas où vous pouvez dormir, je ne sais même pas si Evelyn a réservé un lieu où vous pourrez vous reposer...

Liam, toujours adossé au mur, m'affirme qu'Evelyn saura être clémente.

- Va voir tes frères. On s'occupe de tout. Suivez-moi, on va aller voir Evelyn. C'est par ici.

Lara m'offre un baiser sur la joue et part se joindre à la foule. Je suis désormais seule avec Mike qui trépigne d'impatience de me parler d'Éric. Il me fait un signe de la main pour m'inviter à le suivre. Nous sortons de la Ruche et commençons à marcher dans les rues du secteur Érudit où la révolte a laissé quelques traces. De nombreuse baies vitrées sont brisées et de multiples murs sont criblés de balles. Des trottoirs et des routes sont totalement défoncés, une pluie de grenades a dû s'abattre sur notre ville... Ou plutôt devrais-je dire, la tyrannie qui a déferlé dans nos rues ? Les Fondateurs de cette « expérience » ont créé cet endroit pour faire de l'homme, un être meilleur, mais j'ai l'impression que leur expérimentation a échouée.

- Tu comptes aller le voir ce soir ?

- Oui.

- Tu sais qu'il y a un couvre-feu ? Evelyn a décrété cette loi quand elle arrivait au pouvoir.

- Les lois fixent des limites au peuple. Or, pour moi, quand je vois une limite, je cherche par tout les moyen de la franchir. Donc son couvre-feu de merde, il peut aller se faire foutre.

- Je me doutais que tu allais dire un truc dans le genre. Je te laisse gérer alors... Bon, premier étage de ce bâtiment, appartement dix-sept. Sois prudente.

Mike me caresse doucement le dos de la main et court dans la rue voisine. Je ne perçois maintenant que sa silhouette aux larges épaules. Je me décide à entrer dans la bâtisse et à grimper les vingt marches de l'escalier. Je ne prend pas la peine de toquer et rentre comme une furie dans le logement. Je ne déroge pas à mes habitudes quel que soit les circonstances ! Tyna et Jacob sont sur le canapé, ils n'ont pas l'air surpris...

- Putain j'ai fais peur à personne ici ?!

- On savait à peu près l'heure où tu allais arrivée donc on s'était préparé à ton entrée quelque peu indiscrète.

- C'est nul... Je ne parviens même plus à vous surprendre !

Jacob rit un peu et se lève pour venir me serrer fort contre lui. Il passe deux trois fois sa main dans mon dos avant de laisser Ryan me faire un câlin.

- Tu nous as manqué la petite ! Ravi de te revoir parmi nous sœurette.

Éthan entre dans la pièce à vivre, il pose une main sur un angle de mur et évite de croiser mon regard. Obi... Elle a péris lors de la révolte, ça a du le briser comme quand j'ai appris le décès d'Éric. Je serre les poings et m'approche de mon frère avec qui j'entretenais une relation fusionnel avant qu'il fasse son choix. Je pose une main sur son bras et plonge mon regard dans le sien. Les yeux sont la fenêtre de l'âme, et là, je vois une souffrance insupportable. Je vois un manque, une tristesse, une colère profonde envers cette société qui lui a pris celle qui lui a fais connaître l'amour. Ses yeux se remplissent de larmes, il baisse la tête et pleure. Pendant une micro seconde, j'ai la sensation que le Éthan que j'ai connu est mort avec Obi...

- Je suis navrée Éthan...

Ça me fracasse le cœur. Je passe une main sur son visage et lui tend un mouchoir, qu'il prend pour ensuite partir se terrer dans sa chambre.

- Elle est morte dans ses bras... Il ne mange plus, ne parle plus... Dès qu'on lui parle, il se met à sangloter et part se réfugier dans son lit.

- Et vous ? Vous allez bien ?

- Ouais... On va dire ça. J'aimerais récupérer la garde de Béatrice et j'aurais aussi l'envie de me barrer de ce secteur, si tu vois ce que je veux dire...

- Oui, je comprend ce que tu veux me dire Jacob... Ce soir et cette nuit, je ne serais pas là. Je dois aller voir Johanna Reyes pour régler quelques petits trucs et aussi pour trouver un logement pour nous tous. Je vais essayer de voir avec elle pour Béatrice.

- Tu sais, tu peux nous dire que tu vas retrouver Éric. C'est dans tes droits d'aller voir celui que tu aimes.

- J'appréhende...

- Pour le couvre-feu ?

- Mais non Jacob... Ta sœur appréhende de revoir Éric. Tu n'es vraiment pas logique parfois.

- Merci Tyna.

- Vous êtes au courant pour mon asservissement à Evelyn avec Edgar comme coéquipier ?

Mes frères rient et Tyna hoche la tête.

- J'adore les mots que tu utilises ! Ce n'est pas du tout exagéré !

- Mais putain ! Elle m'a collé avec Edgar ! Le connard de base quoi !

- Tu préfères peut-être la prison ?

- Non, ça ira... Bref ! Je dois vous laisser. Souhaitez-moi bonne chance !

J'embrasse Ryan et Jacob et dis au revoir à ma belle sœur ravie qu'une présence féminine vienne casser cette ambiance un peu trop masculine. Je sors de l'appartement et dévale les escaliers. Je vais faire l'Audacieuse ce soir, je vais courir comme une cinglée et prendre des risques. J'ai envie de me dépenser, car passer une semaine dans un lieu d'à peine dix mètres carré, c'est un vrai supplice. La pluie a cessé de tomber, j'aurais pu changer de vêtements mais, je suis tellement pressé à l'idée de le revoir que j'en perd la tête. Je ne suis pas très loin de la Ruche, et il faut que j'aille au Nord-Est pour rejoindre le secteur Fraternel. Là, je ne suis pas armée, je suis donc en position de faiblesse face aux gardes de ma mère. Il faut que j'apprenne à être discrète car je ne suis plus dans la ville que j'ai connu autrefois. La guerre a fait de moi une hostilité pour les nouveaux dirigeants du gouvernement. Je n'aime pas être vu comme un objet dangereux qui est néfaste pour la population et le règne de l'ordre... J'ai l'impression que mes actes ont été mauvais, comme si je n'avais pas agis en étant juste mais en étant monstrueuse, comme Richard. Aie-je été inhumaine ? C'est la question qui me travaille depuis que l'on m'a jugé... Je me colle à un mur et retiens ma respiration quand je vois une horde de gardes apparaître. Ils sont cinq ou six et scrutent chaque parcelle de rues où quelqu'un pourrait se cacher. Je ne vais jamais réussir à atteindre mon but... Ils sont partout et sont beaucoup trop nombreux pour moi seule. Pourtant, il faut que je tente quand même mais, l'échec m'effraie terriblement. Je réunis le courage qui est en moi et tape un sprint sur au moins un kilomètre, histoire de passer la Ruche et ses environs. J'ai beaucoup de chemin à faire... Ça va être long et éprouvant à parcourir, mais je pense que ça en vaut largement la peine.

- Et ! Que faites-vous là ? Le couvre-feu vous interdit d'être dehors à cette heure là.

Je ne me retourne même pas pour voir mon interlocuteur et court m'engouffrer dans une petite ruelle très sombre. Le sol est glissant par endroit à cause de son humidité dû aux intempéries. Je manque donc de tomber et me rattrape à un panneaux électronique qui montre des images d'Evelyn en train d'expliquer ses nouvelles lois. J'inspire et continue ma course, ne laissant aucune chance à cet abruti de me suivre.

- Arrêtez ! J'ai le devoir de vous tirer dessus, si vous ne cessez pas votre fuite.

Je ris intérieurement et redouble de vitesse. Je vais à gauche, dans une rue faiblement éclairée, aux immeubles flambant neufs. Je met le pied en plein dans une flaque d'eau, ce qui m'éclabousse et mouille totalement le bas de mon pantalon. Je ne fais guère plus attention à cet élément désagréable et fonce. Je me stoppe nette quand plusieurs faisceaux de lumières sortent d'un boulevard plus loin à ma droite. Je ne réfléchis pas et entre dans la tour à côté de moi. Je me jette sur la porte en face de moi pour sortir d'ici et recommence à courir comme une dératée. Je constate que je suis à la frontière du secteur Érudit. Je vois au loin des vergers, des champs et des maisonnettes en bois massif. Je lâche un soupire de soulagement et décide de continuer à courir. Voir le dôme des Fraternels et la grange de Johanna me procurent une sensation d'euphorie, c'est très plaisant. La première chose que je remarque est que les Fraternels ne respectent pas le code vestimentaire d'Evelyn. Je me rend donc dans le dôme pour y trouver Johanna, qui est en train de manger avec des proches à elle.

- Johanna.

- Laur' ! J'ai cru qu'elle allait t'exécuter... Je suis ravie de te voir. Comment vas-tu ?

- Oui et vous ? Et Béatrice ? Et Emmett ? Et ... ?

- Suivez-moi et cessez de m'importuner avec vos questions.

Comme toujours, elle sourit et me mène à l'hôpital et plus précisément, dans les sous-sols. Elle me fait entrer dans une chambre où il y a un petit lit de bébé et un lit d'enfant. Béatrice dort profondément, je l'entends du pas de la porte. Emmett lit, il saute de son lit et vient se blottir contre moi.

- J'ai cru que tu allais mourir... Je veux pas que tu meurs.

- Et bien, je ne suis pas morte. Je suis là et je ne te lâcherai plus jamais. Je m'engage à répondre à tous tes besoins Emmett, je t'en fais la promesse.

- Je veux juste retourner vivre avec ta famille.

- Johanna... Pensez-vous que l'on peut venir vivre ici avec ma famille ? Le secteur Érudit ne nous rappelle pas de bons souvenirs. Puis, pour les enfants, ce serait mieux de rester ici.

- Je ne vous dis pas non Laur' mais, il y a un problème.

- Lequel ?

- Nous sommes des rebelles pour Evelyn... Nous avons refusé de se plier à ses règles. Je ne souhaite pas voir le système des factions mourir dans l'anarchie totale. Nous avons créé avec une poignée de personnes, l'assemblée des Loyalistes qui lutteront contre ce gouvernement. Quatre en fait partie, donc vu que tu es beaucoup engagée, je t'invite à nous rejoindre.

- Euh... J'aimerais y réfléchir et me concerter avec le reste des membres de ma famille. Johanna...  D'ailleurs, pouvez-vous envoyer un message à Mike lui disant que tout le monde doit m'attendre devant la Ruche à huit heures demain matin. 

- Pas de problèmes, je vais aller le faire.

- ... Je ne suis pas venue ici que pour voir Emmett et Béatrice. Je suis ici aussi pour...

- Éric. Suivez-moi.

La peur me prend les organes et en fait de nombreux nœuds qui me terrifient davantage. J'embrasse Emmett sur le front et le laisse aller se recoucher. Je suis Johanna sur une vingtaine de mètres avant d'atterrir devant une grande porte boisée.

- Je vous laisse avec lui.

Je suis seule, face à une porte qui cache celui que j'aime, celui qui m'a sauvé la vie, celui qui a fait batte mon cœur comme personne ne l'a fait. J'appuie sur la poignée et pousse la porte des retrouvailles. Puis, je le vois enfin... Il est de dos, grand, musclé, comme avant. Une carrure magnifiquement virile, un dos que j'aimais masser et embrasser, des bras qui me berçaient pendant des heures et des cheveux que j'aimais humer à pleins poumons. Je sens mon cœur cogner contre ma cage thoracique, comme s'il voulait me dire qu'il est bien vivant quand Éric est avec moi. Comme si la vie qui sommeillait en moi, se réveillait qu'en la présence de l'homme que j'aime...

- Je crois que je me suis perdue dans ton labyrinthe Ric'.

Voilà pour le chapitre 2 du Tome 3 !! Pas taper, pas taper ! XD Va falloir attendre le chapitre 3 pour retrouver réellement notre fameux Éric ! Puis, ne vous plaignez pas, vous l'avez vu de dos ! C'est mieux que rien ! :')

Dites-moi ce que vous en pensez. J'espère que ça vous plaît toujours et que vous êtes toujours autant passionnés de lire les mésaventures de Laur'. Je vous souhaite une belle et heureuse année 2017 les amis pandas ! Merci pour tout ce que vous m'avez offert durant 2016 ! C'est grâce à vous tout ça, c'est grâce à vous que Laur' vit et que j'ai toujours la gnaque de continuer ! Bon dimanche et encore Bonne année les pandas ♥

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