Chapitre 9 : Une étreinte, un frisson 1/4
POINT DE VUE ERIC
Il est trois heures du matin et il pleut à plein temps dehors. Posté devant mes baies vitrées, contemplant les lumières qui constellent la colossale tour des Érudits, je passe le temps pour remédier à mon insomnie. Laur' a le sommeil très agité, sa respiration est rapide et elle bouge tout le temps. On dirait qu'elle mène une lutte acharnée contre je ne sais quoi. Je choisis d'aller allumer la lampe placée à côté du lit où elle dort, pour que la luminosité la libère du cauchemar qui séquestre son esprit. Les traits de son visage sont tiraillés par la peur. Son corps est aussi rigide que celui d'un cadavre tant son épouvante est grande.
- Laur'... Chuchoté-je en posant une main sur son front perlé de sueur.
Elle ouvre les yeux d'un coup et se redresse rapidement tout en scrutant les moindres recoins de l'appartement. Elle fond en larmes, me pousse et se lève. Je l'observe nager en plein délire, ses vas et viens entre le lit et la table de la cuisine sont incessants. Totalement impuissant, je ne sais quel comportement adopter sans la faire encore plus paniquer. Prises de tremblements ses mains tressautent, son dos se courbe puis sa tête se loge entre ses épaules. Elle sanglote de plus en plus et s'époumone en toussant bruyamment. Le contrôle de son corps, elle l'a perdu. Il faut que j'agisse, elle risque de faire un malaise si elle subsiste dans cet état de crise.
- Calme-toi et viens auprès de moi.
- Tais-toi ! Ne me parle pas, je ne veux pas de bruit. C'est insupportable ! Hurle-t-elle en faisant tomber une chaise.
Sans vraiment le vouloir, je me lève et la prend dans mes bras. À ma plus grande surprise, elle se laisse faire et pose son front sur mon torse. Mon rythme cardiaque augmente, je le sens car j'ai l'impression que mon cœur va faire sauter ma cage thoracique. Une frayeur me tord les boyaux, mes muscles ne semblent plus répondre. Cette distance que je viens d'annuler en la lovant contre mon corps, c'est ce que mon cerveau désirait le plus au monde. C'est ce que je voulais et que je refoulais au plus profond de mon être. Je caresse ses cheveux, le temps s'est arrêté. Elle se calme peu à peu, place ses mains dans mon dos pour me presser contre elle. Cette étreinte fait tressaillir mon enveloppe charnelle, elle donne naissance à un frisson qui me parcourt de la tête aux pieds.
- Éric...
- Oui ?
- Merci. Souffle-t-elle dans mon cou, me faisant frémir une seconde fois.
Elle se détache de moi, recule légèrement tout en adressant une caresse à mon bras droit. Je fais descendre ma main gauche jusqu'à ses lombaires puis la laisse mettre fin à ce moment qui a mis pause au temps comme si l'eau d'une clepsydre avait cessé de s'écouler.
- N'en parle pas à mes frères... Je ne faisais normalement plus de paralysie du sommeil. On dirait une gamine de cinq ans, j'ai honte.
- Je n'en ferai pas part, ni à Jacob, ni à Ethan. Ce genre de trouble est compliquée à vaincre, je comprends tout à fait que ça puisse te mettre dans une transe pareille. Tout le monde a des faiblesses. Permets-toi d'en avoir car elles ne feront jamais de toi une personne fragile. Ça ne peut que te rendre plus forte si tu fais preuve de bravoure et de sagesse en étudiant le bon côté de ce sommeil enfiévré.
- J'ai du mal à voir ce qu'il y a de positif quand on se réveille dix fois par nuit. Être enfermé dans son rêve, tout en étant conscient, c'est traumatisant.
- Oui, je le conçois mais tu vas t'y habituer. Plus tu feras des paralysies du sommeil, plus tu pourras te détacher de ce qu'il y a en face de toi et peut-être manipuler ce qui t'effraie pour le transformer en quelque chose de plus sympa.
- J'ai du mal à y croire... J'espère que ça ne va pas devenir trop récurrent. Je n'ai jamais été dans un état de folie comme celui-là. Je suis désolée, je suis vraiment gênée. Je n'aurais pas dû mal te parler, ni cogner la chaise...
- Tu peux être entière avec moi. Je serai sûrement le dernier à me servir de ce qui vient de se passer contre toi.
Elle me regarde longuement en affichant un mince sourire. Son visage fatigué a un regard plein d'affection. Retournée se coucher, elle s'enroule dans sa couette bien chaude puis enfouis son crâne dans l'unique oreiller du lit. Je m'assois à ses côtés pour en fin de compte choisir de m'étendre à quelques centimètres de son corps. Je m'égare dans ses yeux noisette encore rougis par la terreur qui l'a bouleversé. Laur' est magnifique, et ce n'est pas que son corps qui me fait penser ça. Sa personnalité la rend si attrayante. Elle me rend fou.
- Je ne sais pas pourquoi tu fais preuve d'amitié que quand on est seuls. J'évite de me poser trop de questions. Pourtant, la tyrannie dont tu fais preuve envers moi en public m'est vraiment pénible à supporter. Mais, merci quand même pour ce que tu fais pour moi... Merci Éric. Me murmure-t-elle en faisant danser ses doigts le long de mon épaule jusqu'à mon coude.
- ... Ce n'est rien. Ajouté-je fuyant son regard pour éviter à avoir à fournir une explication.
Elle ne semble pas contre le fait que je reste auprès d'elle et s'endort en quelques dizaines de minutes. J'éteins la lumière en prêtant attention aux bruits que j'émets pour ne pas la réveiller. Je savoure la chaleur de sa main encrée entre mes pectoraux et contemple la finesse de ses courbes que je devine dans la pénombre. Je me sens faible avec elle mais ce rapprochement provoque chez moi un sentiment de bien-être. Je caresse son bras tout en restant pensif. Sa respiration est tranquille contrairement à tout l'heure. Elle m'attire tellement, c'est mon centre de gravité. Il faut que je renonce à ce qui pourrait se passer avec elle, je ne peux pas... Je suis leader, je suis son instructeur et je suis ami avec ses frères. Il n'est pas admissible que j'entretienne une relation avec elle. Surtout pas avant la fin de l'initiation... Je dois la préserver en dépit de ce que je ressens pour elle. Après tout, je ne la connais pas, elle est juste captivante... Elle serait une faiblesse pour moi, et je ne pourrais pas la contrôler. J'ai des objectifs dans ma vie, je ne dois pas me détourner de mes buts. Je dois abandonner l'idée d'être avec elle et simplement lui permettre de devenir Audacieuse. Je ne vais pas me distraire à cause d'une fille qui ne sera peut-être qu'une éventuelle aventure de quelques temps. Je me résous à sortir du lit, avec un pincement au cœur mais je secoue la tête et fronce les sourcils. Reprends-toi Éric, merde. Je m'exile dans mon canapé et m'efforce à sombrer dans le sommeil pour oublier ce que j'ai cru être des sentiments. Je suis Éric, je ne peux pas me perdre dans un flirt qui n'aura peut-être qu'un effet négatif sur ma vie. Il faut que je remette les pendules à l'heure demain.
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POINT DE VUE LAUR'
Quand je me réveille, je n'ai plus Éric auprès de moi. Il est retourné dormir dans le clic-clac et paraît être plongé dans un sommeil de plomb. Je me hisse en dehors du lit et me dirige vers la salle de bain. Je change vite fait mon bandage, qui est toujours autant imbibé de sang, et me prépare pour partir. J'ouvre la porte donnant sur le reste de l'appartement qui est un grand studio de cinquante mètres carrés. Éric n'est plus couché, il vient d'enfiler un tee-shirt et saisit sa veste posée sur le porte-manteau.
- Ne racontes rien de ce qui s'est passé cette nuit. D'accord ? M'ordonne-t-il dans un ton très menaçant.
- Sinon quoi ? Le provoqué-je pour voir s'il use encore du talent qu'il a pour manier le sarcasme.
Il s'empresse de se rapprocher de moi et d'empoigner mon bras avec force. Il ne blaguait pas visiblement...
- Sinon il serait fort probable que tu ne puisses pas devenir Audacieuse. M'indique-t-il en intensifiant la pression qu'il exerce sur ma peau.
- C'est bon, je ne vais rien dire aux autres. Putain ! Pour information monsieur le leader nombriliste, je n'ai jamais parlé de ton comportement étrange donc fiche moi la paix. Je ne vais pas aller cracher à tout le monde que le puissant Éric est en fait un petit chaton attendrissant. Précisé-je, le poussant pour qu'il lâche son emprise.
- Tu n'as jamais rien dit ? S'étonne-t-il en haussant les sourcils.
- Non, j'ai toujours tout gardé pour moi. Je ne suis pas du genre à aller me vanter d'être assez faible pour avoir besoin de la protection d'un leader et je ne vais surtout pas aller tirer vanité de recevoir une attitude affectueuse de ta part.
- Ce qui s'est passé cette nuit, ce n'est rien. Ne te fais pas d'illusion à mon sujet, tu n'es rien pour moi. Dit-il avec mépris.
- Ah, en fait, ce n'est pas qu'en public que tu peux être un pur connard. Tant mieux que je ne sois rien pour toi, tu n'es pas bien plus que ce que je suis pour toi. Enfin bon, je vais être en retard, à ce soir Éric. Déclaré-je en prenant soin de claquer la porte assez forte pour susciter encore plus de colère chez lui.
Il m'a piqué en plein cœur, ça me fait un mal fou. Je me suis trompée, ce n'est qu'un monstre, un sadique qui prend un plaisir jouissif à faire souffrir les autres. Pourquoi je me suis attachée à lui ? Pourquoi s'est-il joué de moi aussi facilement ? Je ne peux pas croire que cette nuit n'était que du chiqué. Je suis en colère contre lui et contre moi-même, j'ai une forte envie de me cogner le crâne contre un mur afin de me punir d'avoir été aussi naïve. Comment ai-je pu être autant débile pour croire que je plairai à un mec aussi haut placé et antipathique ?! Il n'a jamais aimé que sa propre personne. Putain d'égoïste de merde ! Pourquoi m'aimerait-il ? Une simple fille qui fait des cauchemars comme une gamine de six ans, qui est pitoyable au possible et qui a failli mourir en se faisant tabasser par ses propres coéquipiers... J'ai envie de pleurer, de hurler, de frapper dans tout ce qui me fait barrage.
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