Chapitre 8 : Divergence, synonyme de mort 3/4

     Arrivée à la cafétéria, je m'assois en face de Quatre avec mon plateau garni d'une salade de chèvre chaud et d'une simple pomme en guise de dessert.

- Tu vas mieux ? Miss claustrophobe. Demande-t-il en esquissant un sourire moqueur.

- Ah, très drôle. J'aimerai bien t'y voir Monsieur l'instructeur. Au fait ! Toi aussi tu as des peurs. Je suis sûr que ça te plairait de les partager avec moi. Le provoqué-je en prenant une bouchée dans mon assiette.

- Figure-toi que je vais pouvoir m'en passer. Je suis ton supérieur, si tu me vois me faire dessus face à mon paysage de peurs, tu ne vas plus me prendre au sérieux. Il faut toujours paraître invincible face aux gens qui sont en dessous de soi.

- C'était un très long discours pour simplement dire que tu n'as rien dans le pantalon. Du moins, c'est ce que j'ai cru comprendre. Dis-je avec sarcasme.

- D'accord, tu viendras avec moi dans mon paysage de peurs !

- Tu as déjà fait du théâtre ? Car je te trouve vraiment fort. Demandé-je en prenant un air sérieux et surjoué.

- Ce n'était pas une demande en l'air. Tu viendras avec moi, je t'oblige à le faire. Pour ton bien.

- Euh... Mais je disais ça pour rire. C'est quand même super personnel de savoir les peurs qui habitent quelqu'un...

- Ça m'est égal. Je dois t'apprendre à vivre une simulation sans que ta divergence soit décelée. Je vois tes phobies, à toi de voir les miennes.

- Je vais les vivre, pas les voir là hein... Je ne sais pas Quatre, c'est bizarre.

- Allez Laur'... Considère ça comme un échange en bonne et due forme. M'implore-t-il.

- Bon, vu que tu insistes... J'accepte.

- Très bien. Je vais donc te donner quelques conseils qui te seront bien utiles dans l'avenir. Combat tes peurs ou surmonte les. Ne manipule pas la simulation. Trouve un moyen intérieur pour te calmer ou cherche une façon logique de te sortir de la situation qui t'effraie. Je te montrerai dans mon paysage de peurs mais n'oublie pas que nous pouvons être conscients lors des paysages des peurs. C'est uniquement les simulations qui sont censées nous tromper.

- Merci... Dis... On n'est pas si dangereux que ça nous les divergents... Pourquoi nous traquer pour nous tuer ?

- On n'est pas conforme à leurs règles. Ça leur fait peur donc ils nous éliminent. On pense de mille façons, c'est ça qui les dérange en fait. On devrait penser d'une seule et même façon mais nous on pense Audacieux, Sincère, Altruiste, Fraternel et Érudit. On doit appartenir à l'une des cinq factions pour maintenir la paix. Chacun a sa place, mais nous, on a cette aptitude à pouvoir être tout à la fois. Ce qui peut détruire la paix et c'est ça ce qui les effraie.

- Pourquoi détruirait-on la paix ? L'interrogé-je échauffée par tant de conneries incompréhensives.

- Parce qu'on prendrait partie dans les actes de corruptions des Érudits... On combattrait ce qu'ils trafiquent pour faire le mal... La plupart des Sans-factions sont divergents, c'est pour ça qu'ils pillent et tentent d'avoir des informations sur certaines factions. Ils préparent un coup d'état, j'en suis persuadé.

- Ils ne seront jamais assez pour créer un tel soulèvement... Ce n'est que quelques personnes qui rêvent de tout détruire. Je refuse que les factions soient mises en péril pour une bande de pouilleux qui ont soif de vengeance et de pouvoir. Il est question de laisser une place aux divergents, pas de tout ravager.

- Je te rassure, je ne cautionne pas leurs actions. Je suis d'accord avec toi, on mérite d'être compris et de ne pas être vu comme des dangers pour notre société. Je ne crois pas que le problème vienne des factions mais plutôt de quelques Érudits qui nous voient comme des troubles fêtes.

- Janine Matthews et Richard Scott sont les principaux colporteurs. Tu peux le dire, mon père est un connard fini. Enfin, ce n'est pas important. Indiqué-je pour abréger cette séquence critique communautaire. Tu connais d'autres divergents ?

- Non, tu es la seule que je connaisse.

- OK. D'ailleurs, Éric a totalement gobé la panne du système.

- Tant mieux, je n'ai pas envie de le voir me sermonner aujourd'hui.

- Vous n'avez pas l'air de vous apprécier...

- C'est peu dire. Ironise-t-il en roulant des yeux.

- Mais pourquoi ? Y-a-t-il une véritable raison pour qu'il y ait autant de rancœur entre vous deux ?

- On ne s'est jamais entendu. C'est un Érudit déguisé en Audacieux. Il extermine les divergents, c'est le chien de Janine et je pense qu'il a envoyé notre instructeur à la mort car il était comme toi et moi. Méfie-toi de lui, s'il a le malheur de découvrir ce que tu es, il te tuera sans aucun regret.

- Je sais mais c'est compliqué avec lui. Il a un comportement attachant envers moi. Je rencontre des difficultés à lutter contre une amitié naissante.

- C'est sûrement un piège, ne le laisse pas t'amadouer. Il sera mortel pour toi. Ne t'engage pas dans un chemin plus que casse-gueule.

Ça me fait froid dans le dos qu'il me dise ça sur Éric car je vis un peu avec quoi... Puis je commence vraiment à l'apprécier, c'est impossible pour moi de couper les ponts. Si je retourne au dortoir, je signe mon arrêt de mort. Je suis soulagée que Quatre me couvre. Cependant, j'ai l'impression d'avoir le cul entre deux chaises avec d'un côté Éric et de l'autre, Quatre. J'ai le sentiment de jouer avec le feu sur ce coup-là. Cette situation n'a probablement pas fini de me tourmenter.

Quatre s'évapore derrière les portes battantes de la cafétéria. Je me retrouve seule, secouée par la hantise qui me ronge la cervelle.

Les novices sont tous à la salle d'entraînement pour renforcement musculaire. Ils en ont de la chance, j'aimerai pouvoir me défouler un peu. Stuart, de la brigade criminelle, est venu me voir. Je dois venir avec eux demain pour me rendre chez les Érudits, dans le labo' du médecin légiste. Ils veulent me montrer leur travail sans que ce soit sur un écran. Il y a du retard dans les analyses biologiques, ça semble les arranger pour la petite excursion de demain... Voir un cadavre, ça ne me fait pas trépigner d'impatience. Étonnant...

Dans un élan d'ennui massacrant, je décide d'aller me balader dans l'enceinte. Je suis sûr qu'il y a des endroits cachés comme dans chaque faction. À la recherche d'un havre de paix, je marche au ras des murs longeant le Gouffre. Dépourvu de barrière, cet endroit est le plus périlleux du secteur Audacieux. Une chute serait fatale, surtout quand les roches sont à cinq mètres en dessous de nos pieds et qu'elles ne laissent aucune chance de survie à celui qui s'aventurerait à sauter. La rivière, serpentant la pierre d'acier, détient un courant assez puissant pour avaler un corps et le noyer avec nulle pitié. Je reviens sur mes pas et descend les escaliers pour m'asseoir sur un rocher plus ou moins plat. L'atmosphère est humide, emplie de tumulte et de calme à la fois. L'eau vient s'écraser avec vitesse contre les parois qu'elle rencontre, c'est apaisant. Le flux enragé a un effet hypnotique sur moi. Je ne pense à rien, ma tête est vide de pensées qu'elles soient négatives ou positives. Je distingue un petit chemin où l'on peut descendre plus bas dans le Gouffre. Je m'y hasarde, et savoure la fraîcheur de l'écume qui m'éclabousse les jambes. Je ressasse tout ce qui s'est passé ces dernières semaines. Le test d'aptitude, mon choix, mon premier combat et mon dernier, le jour des Visites, mon agression, Éric, ma divergence, Quatre. Pourquoi il faut toujours que ce que je suis aille contre ce que je veux ? Ma divergence va à l'encontre de ce que je veux devenir : une Audacieuse. Elle fait aussi obstacle aux gens que j'apprécie : mes frères, mes amis et Éric. J'espère réussir à être à la hauteur pour faire partie de cette faction et aller au plus haut poste. Certes, je n'y suis pas, il faut tout d'abord que je réussisse la deuxième phase de l'initiation mais j'y crois dur comme fer. Je suis destinée à être leader, je vais me battre pour ça.

Je me suis centrée sur moi même pendant près d'une heure et j'ai jugé bon d'aller voir les novices s'entraîner. Sur le trajet les gens me regardent bizarrement, et je ne sais pas du tout pourquoi. Arrivée à la salle d'entraînement, Éric est en train de faire le point. Je croyais qu'il ne travaillait pas aujourd'hui... Les plans ont dû changer. C'est trop tard pour suivre une session d'exercices, dommage... J'aurais aimé pouvoir observer mes camarades pour déterminer qui a la meilleure technique afin d'avoir la possibilité de m'améliorer quand je pourrai reprendre le sport. Tous les novices s'en vont, je me fais donc petite pour qu'ils ne prêtent pas attention à moi. J'aimerais toucher deux mots à Éric afin de m'excuser pour l'avoir envoyé paître ce midi. Quatre me regarde puis se tourne vers son collègue. Mon cœur commence à s'emballer quand l'un d'eux me regarde avec plus d'insistance. Le leader vient vers moi assez rapidement ce qui me fait faire un pas en arrière, et pour cause, il a l'air bien remonté.

- Je peux savoir ce que tu as fait ? M'interroge Éric visiblement à bout de nerfs puis apeuré.

- Tu parles de quoi ? Dis-je la voix terrassée par l'incompréhension et la crainte.

- Ton tee-shirt ! Chuchote-t-il en refrénant son envie de m'hurler dessus pour ne pas attirer les regards.

En effet mon haut est plein de sang au niveau de mon abdomen. Je ne comprends pas, je n'ai rien fais de la journée...

- Vas à l'infirmerie et bouge-toi sinon je t'y traîne par le col de ta veste.

- Éric... Soufflé-je les yeux pleins d'imploration afin que sa colère cesse de s'abattre sur moi.

- Arrêtes ! Tu veux quoi ?! Mourir ?! S'offusque l'instructeur en faisant des gestes très secs avec ses bras.

- Non mais...

- Cesses de te rendre intéressante alors. Et active-toi, tes ennemis se font déjà un plaisir de te voir dans cet état, ne va pas leur donner encore plus de satisfaction en attrapant une bactérie à la con. Me coupe-t-il en rage.

Je ne comprends pas du tout sa réaction là. Je ne veux pas aller à l'infirmerie, il a rêvé lui.

- Écoute-le Laur'... Me recommande Quatre qui est à quelques mètres de moi.

- Mais ferme ta gueule toi. Tu te prends pour qui ? C'est moi qui donne les ordres ici et je n'ai pas demandé que tu ouvres ton clairon. Rugi Éric au bord de la crise de nerf sûrement à cause de la fatigue.

- C'est bon, laisse-le tranquille. Quémandé-je en touchant son poing serré. Je n'ai pas senti la douleur ni le sang couler. Excuse-moi, je vais tout de suite me faire soigner. Annoncé-je en maintenant le contact avec sa main.

Il se détend presque automatiquement puis plonge ses yeux dans lesmiens. Je vois de la peur mais me détache de lui par crainte que quelqu'un nousait vu. Je ne reste pas une seconde de plus dans cette atmosphère qui me rendtendue. 

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