Chapitre 7 : Blessée et aguerrie 3/4

     Je suis face à Ben qui est sacrément amoché, sûrement un de mes agresseurs. Je ne faiblis pas face à lui et n'hésite pas à le provoquer du regard. Son œil au beurre noir et sa posture bancale montrent qu'il souffre, qu'il n'a même pas été assez futé pour parvenir à me tuer. Éric brise ce duel en passant devant moi et en me regardant avec dureté. Je l'entends soupirer avant de prendre la parole, je crois que me voir défier Ben ne lui a pas plu.

- La deuxième partie de l'initiation consiste à voir si votre mental est bien celui d'un Audacieux. Pour cela, vous allez subir des simulations le matin pendant une période de deux semaines et l'après-midi, on continuera les séances de renforcement musculaire, de tirs et de combats. Ensuite viendra la troisième et dernière partie de l'initiation, que je vous expliquerai plus tard.

- C'est quoi une simulation ?

- Une simulation, c'est un peu comme le test d'aptitude. Mais là, c'est vos peurs qui nourrissent la machine. Par exemple, quelqu'un ayant la phobie des araignées, va être plongée dans une scène avec des arachnides. Le rôle d'une simulation est de forger votre mental. Il va falloir surmonter vos peurs ou les combattre par vos propres moyens. Si vous réussissez, vous passez directement à une autre peur, dans un paysage différent. Aujourd'hui vous allez être confronté à une seule peur, histoire que vous ne fassiez pas d'arrêt cardiaque à cause d'une trop forte dose d'adrénaline.

- On a combien de peur ? Demande Érend en triturant sa barbe.

- Ça dépend de la personne. Quelqu'un peut en avoir onze et une autre quatorze, ou moins. À vous de combattre ou de surmonter les vôtres. Quatre prend les transferts et moi les natifs. Aaron, tu passes le premier.

Cette seconde phase me semble bien coriace, mais elle ne paraît pas invincible. Quatre balade son regard sur son calepin puis appelle Alex en ouvrant la porte face à nous. Je me raidis en apercevant le même siège qui a servi au test pour mon choix. Je m'assois et me prend au défi de retrouver tous les abrutis qui se sont attaqués à moi. Je jauge les visages, analyse les postures, examine chaque regard fuyard. Natacha a les poings bleuis et une lèvre explosée, elle fait sans nul doute partie de mes agresseurs. Elle me déteste tellement que je n'en suis pas vraiment étonnée... Je cherche le troisième à avoir contribué à mon agression, mais je n'arrive pas à savoir qui ça peut-être. Peut-être Jake, il est facilement manipulable à cause de ses origines Fraternels. Ces gens-là ont beaux être pacifiques, ils restent naïfs et prêts à passer à l'acte. Il n'a pas l'air bien, son sourire débile qu'il affiche habituellement laisse place à une grimace constante qui démontre une souffrance. Il a ramené ses genoux contre son buste, ses mains tremblent à moitié et il fixe le sol.

- Je te vois observer tout le monde depuis au moins dix minutes. Tu cherches les coupables ? Me questionne Haley en susurrant à mon oreille.

- Ben, c'est sûr que c'est lui car Éric a vu Quatre le finir. Natacha a des contusions à ses mains et le comportement de Jake est celui de quelqu'un souffrant d'une culpabilité à en crever.

- Tu veux te venger ? Me demande-t-elle curieuse autant qu'inquiète.

- Non, je vais me charger d'aller au plus haut dans cette initiation juste pour les faire chier tout au long de leur vie. Moi qui n'avais pas d'objectif, j'en ai un maintenant. Celui de devenir leader et de leur faire payer à ma manière. La lâcheté, c'est une attitude bannit chez les Audacieux. Je ne comprends pas pourquoi ils ne sont pas jugés. Donc, je vais leur faire subir la peine qui me semble la plus juste à leur égard.

- C'est tout de même une sorte de vengeance... Ne cède pas à la colère. Deviens leader pour leur montrer qu'ils ont échoué, ce sera déjà une sacrée défaite à encaisser.

Haley ne le dit pas mais il est évident qu'elle pense que la vengeance n'est pas une solution. En soit, elle a raison mais je veux leur faire payer, sinon, personne ne le fera. Je me suis jurée de ne plus éprouver ce genre de douleur physique et moral que m'infligeait mon père. Nul n'a le droit de me porter atteinte, je leur ferai le mal qu'ils m'ont fait.

J'essaie de fixer mon esprit sur l'instant présent et repense à la simulation qui m'attend. Je stresse un peu à l'idée d'être confronté à l'une de mes peurs. Le pire, c'est que je ne vois pas du tout ce qui pourrait m'effrayer, à part les endroits clos. La porte s'ouvre et Alex sort de la salle, il a une très mauvaise tête... Rien de bon augure pour moi.

- Laur', c'est partie. Annonce Quatre en me souriant.

Je me lève avec beaucoup de difficultés, je suis obligée de forcer et de contenir les crispations de mon visage pour ne rien laisser paraître. J'entre dans la pièce et m'installe sur le siège à côté de l'ordinateur et de la seringue comme pour le jour du test d'aptitude. Je souffle fortement afin d'évacuer la douleur qui me fracasse le ventre. J'ai l'impression qu'une voiture m'est passée dessus...

- Ça va ? Tu n'as pas de trop de séquelles ? Tu as l'air d'être en souffrance.

- Ça va, juste une entaille au ventre, des bleus partout et le visage endommagé comme tu peux le constater. Le tranquillisé-je.

- Tu as de la chance que j'ai croisé ton chemin. Dans le cas inverse, ils t'auraient sûrement massacré. Je n'ose l'imaginer... J'étais très inquiet qu'Éric t'emmène avec lui. M'explique-t-il avec angoisse.

- Parce que c'est toi qui es intervenu ?

- Oui. Éric ne te l'a pas dit ? Demande-t-il étonné.

- Non, en fait on en a pas du tout parlé. Il s'est juste chargé de m'expliquer ce qu'il avait fait pour que je reste chez les Audacieux.

Je commence à lui expliquer en détail tout ce qui s'est déroulé lors de cette agression dont ce que j'ai ressentis et pu voir ou encore entendre. Je lui ai aussi appris ce qu'Éric a négocié avec le médecin pour que je ne devienne pas Sans-faction. Quatre a l'air éberlué par ce que je lui dis, il tripote le rebord du clavier de l'ordinateur et reste muet.

- Ça ne va pas ? Demandé-je soucieuse de son silence singulier.

- Je n'arrive pas à cerner cet homme. Il est le plus inhumain que je connaisse et là, son action envers toi est totalement déroutante... Il adopte cette conduite qu'en ta présence.

- Je ne sais pas comment le prendre si ça peut te rassurer. Il ne parle pas beaucoup et n'exprime pas d'émotions quand j'ai le droit à un échange verbal avec lui. C'est ce qui est le plus déstabilisant car je ne sais pas vraiment qui il est par rapport à moi. Un leader, un instructeur, un ami ou encore un proche...

- Sûrement tout à la fois. Je pense que ses agissements peuvent être traduis par le fait qu'il soit proche de Jacob puis, tu as un très fort potentiel. Il se peut aussi qu'il y ait un besoin d'un leader de sexe féminin. Tu serais donc la seule à être capable d'occuper le poste. Explique Quatre comme s'il traduisait un rébus.

- Peut-être ou peut-être pas. On ne saura peut-être jamais, qui sait ? Tout ce qui compte, c'est qu'il m'a en partie sauvé. Je ne cherche pas à voir plus loin avec lui.

- Oui, tu n'as pas tort... Bon ! Tu es prête ?

Quatre a l'air d'avoir beaucoup de rancune. Je savais qu'il y avait une réelle opposition entre ces deux types mais je ne pensais pas que c'était à ce point-là.

Il saisit la seringue et introduit l'aiguille dans ma carotide. Je sens le liquide circuler dans mes veines, c'est froid et douloureux.

Je m'éveille en haut de la Ruche. Attend ? En haut de la Ruche ! Elle mesure au moins cent mètres de haut ! Je sens le vent me rudoyer le visage, il est puissant à cette altitude. J'ai le cœur qui bat la chamade, il pulse à une vitesse lumière pour me faire survivre à ce cauchemar. Le vide ... Pourquoi je n'y ai pas pensé... J'ai toujours eu une peur bleue du vide, je sentais mes jambes tremblées même en étant à trois mètres du sol. Ici, c'est tout mon corps qui est ébranlé par cette phobie paralysante. Je panique totalement, je me couche sur la petite plateforme où je me trouve. Je rapproche mes genoux vers ma poitrine et ferme les yeux. Je ne sais pas si j'ai un moyen de partir de là, je n'ai pas la force d'aller voir si c'est le cas. Je vais disjoncter, ma vie va finir comme ça ? Non, ce n'est pas possible. Mais ? Comment ai-je pu atterrir ici, je ne suis pas stupide au point d'aller au sommet du plus haut immeuble de la ville. Je tente d'avoir une réflexion sensée pour trouver le pourquoi de cette situation. J'en viens rapidement au fait que je suis dans une simulation. Tout est faux ! Ce n'est que du mensonge pour tromper mon cerveau. Je ne vais pas mourir, tout est factice. J'inspire et expire à plusieurs reprises afin de calmer mon rythme cardiaque. Je me concentre sur ma respiration et j'essaie de faire abstraction de ce qui m'entoure. Je pense à ma mère et ça suffit pour me détendre. J'imagine qu'elle est à mes côtés, qu'elle passe sa main délicatement le long de ma colonne vertébrale. Elle m'encourage et me donne la force pour affronter cette peur. Je me répète « Je t'aime maman » au moins dix fois pour me créer une bulle imaginaire dans la simulation.

- Laur', c'est fini. Affirme Quatre, m'incitant à ouvrir les yeux. Tu as un super temps ! Pour une première, c'est pas mal. Ça va bien ?

- Euh ... oui. J'avais oublié que tout ce qui était autour de moi était illusoire donc j'ai mis du temps à me calmer.

- Attends ? Tu... Tu étais consciente d'être dans une simulation ?

Tout d'un coup, je me rappelle qu'être capable de savoir que l'on est dans une simulation, c'est être divergent. C'est un danger de mort. Il faut que je me rattrape et vite.

- Euh non. Je voulais juste dire que j'ai mis du temps à me calmer. Dis-je en descendant à la hâte de mon siège.

- ... Si tu le dis. Ajouta-t-il en fronçant les sourcils. Tu ? Tu es ?

- Je suis quoi ? Une pétocharde qui flippe quand elle voit le vide ? Bah oui, je ne peux pas être une parfaite Audacieuse, qui n'a peur de rien et qui combat sa peur valeureusement ! M'exclamé-je pour l'empêcher de croire que je puisse être une divergente.

- Euh... Je ne pensais pas à ça, mais laisse. Passe une bonne journée.

- Merci. Dis-je en sortant le plus vite possible.

Lorsque je pose ma main sur la poignée, il me retient par l'épaule. Je pense que mon regard paniqué a alarmé Quatre au moment où je me suis retournée, il m'a donc lâché et a reculé d'un pas en arrière.

- Euh... Dit-il gêné. Je voulais juste ajouter que j'ai eu peur hier soir. Sache que dans tous les cas, je ne t'aurais jamais laissé sans défense. Bégaye-t-il sans réelle conviction, comme s'il avait renié l'envie de me partager ce qu'il voulait me dire initialement.

Je le regarde un instant, mon incompréhension doit se faire sentir mais je décide de passer outre et pose ma main sur la sienne puis lui souris.

- Tu évites d'être saoul ce soir, même si j'imagine que c'est l'un des moyens les plus simple pour oublier la douleur psychique qui te terrasse.

- Je ne suis pas faible au point de boire pour assoupir mes angoisses. Mais fais gaffe à toi, l'ivresse te guette plus que moi ! L'avisé-je dans un ton rieur.

- Mais bien sûr ! Allez va avant de dire d'autres conneries.

- Ce n'est que la vérité. Affirmé-je en fermant la porte derrière moi.

Je suis la seule à afficher un sourire en sortant de la salle de simulation. Les autres doivent se demander si je n'ai pas reçu un coup sur la tête pour arborer une pareille expression après m'être faite torturer par une simulation.

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