Chapitre 5 : Un nouvel entourage 1/4

      Une pression sur mon épaule m'extirpe brusquement de mon sommeil. Dans un sursaut, j'ouvre les yeux et me redresse d'un coup puis me cogne contre le front d'Alex.

- Ho, excuse-moi. Je ne voulais pas t'effrayer... On doit partir dans dix minutes Laur'. M'annonce Alex, surpris par ma réaction.

Je le regarde et hoche la tête mécaniquement. J'ai le cœur en pagaille... J'ai cru que c'était mon père, et que je n'avais pas entendu ses menaces avant qu'il vienne me violenter pour que je sorte de mon lit.

- Ça va ? Tu as l'air... Totalement perdue.

- Je vais bien. Je n'aime pas les réveils tactiles. Dans l'avenir, préfère la parole si tu veux me faire émerger. J'ai de vieux réflexes, ce serait dommage que tu te prennes un coup. Ça va ta tête ?

- Euh... Oui, rien de bien méchant. Se prendre un coup de boule de bon matin, ce n'est pas le bout du monde. Dit-il sur un ton qui sent à moitié la rancœur.

Je soulève ma couette et tourne mon corps sur le côté gauche du matelas pour me lever. Je m'étire lentement pour ne pas trop solliciter mes muscles tétanisés.

Je me dirige vers la salle de bain pour prendre une douche bien froide, histoire de me donner du tonus pour cette nouvelle journée. Mes vêtements sont au sol, je les pousse à l'aide de mes pieds sous le lavabo et m'empresse d'allumer l'eau. Je règle la température pour ne pas être trop gelée, et prend le pommeau de douche que je fais valser tout autour de mon corps. Plus musclée qu'avant, je redécouvrir chaque parcelle de ma peau en la savonnant. Mes membres sont plus épais avec les entraînements que j'ai subis, je sens déjà que je suis en pleine mutation entre Érudite et Audacieuse. Mon corps finement sculpté est en train de changer, de prendre de la masse musculaire. Même mon mental est en pleine évolution. Je le sens car je n'ai plus à faire face aux mêmes difficultés. La vie d'ici est plus excitante, elle offre le plaisir du dépassement de soi. Je n'ai plus à craindre les coups car je peux les contrer et j'ai surtout le droit et l'obligation de les combattre.

Le miroir plein de buée laisse refléter grossièrement ma silhouette. Je me trouve petite et trapue. Je ne suis pas vraiment fan de l'image que je renvoie. J'aurais aimé être plus svelte et à mon avis j'ai fini ma croissance donc je peux oublier mon rêve de m'affiner en grandissant. Ma sœur sera peut-être aussi grande que moi quand elle aura mon âge. En tout cas j'espère qu'elle sera un peu plus calme que ses frères, car je ne sais pas si ma mère supportera d'avoir un autre enfant turbulent. Je n'apprécie pas trop le prénom que mes parents lui ont donné. « Béatrice », c'est trop long... Ça ne ressemble pas à ma mère... Elle est plutôt pour les prénoms à deux syllabes. Cela doit être encore une idée merveilleuse de mon père. Quel abruti lui... Rien que le fait de penser à lui me donne la nausée.

Je détourne mes pensées vers mes cheveux que je suis en train de shampooiner. Je frotte mon crâne énergiquement et me rince. La serviette encore humide de la veille est très désagréable. Je suis attachée au confort que j'avais chez les Érudits. Le coton tout doux et chaud qui séchaient sur le porte serviette me rend nostalgique. Le sèche-cheveux et le tapis me manquent aussi... Il faut faire une croix sur certaines commodités de la vie quotidienne. Surtout niveau hygiène... J'appréciais me pouponner le matin avec ma mère. Même si la superficialité de mon ancienne faction m'exécrait, elle m'était tout de même agréable. J'enfile mes habits noirs et lacent fermement mes baskets. Les lacets défaits, c'est ce qui agace le plus Éric. Je n'ai pas envie de me faire remarquer une énième fois. Je passe une main dans ma chevelure et secoue quelques mèches pour leur donner un semblant de volume. Je rejoins Alex qui m'attend dans le dortoir.

- Tu en as mis un temps fou !

- Tu n'étais pas obligé de m'attendre hein... Fais-je remarquer.

- Je vois. Madame n'a pas eu un bon réveil donc elle est de mauvais poil. Dit-il un brin énervé.

J'ai eu un petit instant de blocage où l'envie de le cogner m'a... Frappé l'esprit.

- C'est dans mon droit d'être de mauvaise humeur non ? Puis, si ça te dérange de m'attendre, tu n'avais qu'à pas le faire. Tu ne me dois rien et moi non plus d'ailleurs. Je n'ai pas envie d'avoir un petit toutou qui me suit partout.

- Ah donc je suis un chien pour toi. À croire que tu ne connais pas l'amitié ma chère. En même temps, quand on voit la faction dans laquelle tu as été élevée, ça ne m'étonne pas. À part vous tirez dans les pattes, c'est tout ce que vous savez faire, vous, les Érudits. Opportuniste de mes couilles ! Crache-t-il la voix pleine de dégoût. Tu penses la même chose de Caren j'imagine ! Continue-t-il visiblement en rogne.

Je ne comprends pas du tout sa réaction. Être enchaîné à quelqu'un, je n'en ai pas envie... Qui en a envie d'ailleurs ? Ici, c'est chacun pour soi. Puis pour ce qui est de Caren, je ne vois pas l'intérêt de tisser des liens avec quelqu'un qui risque de partir vivre avec les sans-factions quand le classement sera publié. Je lui lance un dernier regard noir et commence à partir. Il n'a pas à avoir d'attente de ma part, je ne l'apprécie pas assez pour pouvoir répondre à ses demandes.

- Je te parle ! Crie Alex derrière moi.

Je l'entends baragouiner mais ne sais pas ce qu'il a pu dire, je n'y ai pas prêté attention.

- Fiche moi la paix le temps d'une journée ! Laisse-moi respirer. Lâché-je avec fracas.

- Qu'est-ce que tu peux être égoïste...

- C'est ça ! Ça se dit Sincère et ça juge sans réfléchir. Ah, mais c'est vrai qu'être trop franc, ça pousse à être inhumain. Songe à l'impact de tes paroles et à la nécessité de les dire avant d'ouvrir ta grande gueule.

Je me rue sur la porte du dortoir et la claque avec force. J'ai besoin de vivre sans menottes, sans attache. Je ne veux plus me plier aux autres, je veux juste vivre pour moi. J'ai envie de cogner dans quelques choses, de casser une assiette, de briser un objet. J'ai cette envie irrépressible d'exercer ma force pour me libérer de ma colère. Je ne supporte pas qu'on me mette des barrières, surtout quand ça vient d'une personne quelconque. Je souffle bruyamment et tente de me calmer en me concentrant sur mon environnement.

Les couloirs sont toujours aussi sombres et leurs néons émettent une sorte de grésillement qui m'est très anxiogène. Soudain, j'entends quelqu'un marcher très rapidement derrière moi. Je ne sais pas si c'est Alex et je ne veux pas me retourner pour ne pas avoir affaire à lui. Tout à coup, une main se pose brutalement sur mon épaule droite.

- Va te faire foutre putain ! M'écrié-je en me dégageant de l'emprise exercer sur mon moi.

Je me sens soudain très bête et perçoit toute la colère partir en un instant. Ce n'est que Jacob, mon frère aîné.

- Oh... Désolée, je ne pensais pas que c'était toi. M'excusé-je en lui touchant le bras.

- Qu'est-ce qui se passe ? Tu as l'air vraiment contrarié. S'inquiète-t-il en fronçant les sourcils.

- Rien, je suis juste énervée contre un connard pot de colle qui est très étouffant. Mais, tu n'as pas le droit de me parler normalement... Tu prends des risques Jacob. Lui rappelé-je en baissant le son de ma voix.

- Je sais très bien mais il fallait que je vienne te dire bon courage pour ton dernier combat. Je sais que tu vas y arriver. Je te soutiens petite sœur.

- Merci, je l'avais presque oublié ce fameux duel. Tu m'as manqué, tu sais ? Vraiment. Je sais que je n'ai pas été la plus tendre des petites sœurs. Je vois tellement de choses différemment depuis que tu es parti. J'ai beaucoup de phrases gardées secrètes que j'aurais aimé te dire avant ton départ.

- Laur'... Souffle-t-il les yeux remplis de larmes. Je t'aime, j'ai beaucoup pensé à toi. Sois prudente, on se revoit à la journée des Visites.

- Je t'aime aussi. Et merci de m'avoir prévenue via Éric pour maman.

- Remercie surtout ton instructeur car il ne voulait pas te le dire quand je le lui ai demandé. Tu viens de m'apprendre qu'il s'est décidé. Bref. À plus. M'expose Jacob qui finit par racler sa gorge puis s'enfuit dans la pénombre après m'avoir donné un baiser sur le front.

Je l'aime tellement. C'était le premier à s'interposer entre mon père et moi quand celui-ci s'apprêter à me frapper. C'est celui qui m'a toujours soutenu. Même si nous ne sommes pas proche, il y a un lien très fort qui nous unit. Je retiens mes larmes, il faut que je reste forte. Je reprends mes esprits et continue mon trajet pour aller petit-déjeuner. Arrivée à la cafétéria, j'aperçois Aaron qui me fait signe de le rejoindre en faisant de large geste avec son bras. Ça me fait sourire, on dirait un guignol. Je m'assois à côté de lui, en face d'Haley.

- Tu en fais une tête ce matin ! Ça ne va pas ? Me questionne-t-il.

- Si, c'est juste que mon réveil n'a pas été génial et Alex me pompe le système... Il passe sa vie à me coller et il a trop d'attentes. Je n'ai pas demandé à avoir un toutou qui me suit partout. Puis je soupçonne qu'il ait des sentiments pour moi.

- Casses lui la gueule ! Me conseille Haley en pouffant de rire.

- J'y ai pensé ! Mais bon... Je doute que les instructeurs acceptent la violence entre les novices hors des entraînements. Et même s'ils cautionnent ça, il reste incorrect de lui taper dessus pour si peu.

- Dis-lui ce que tu penses... Me conseille Aaron.

- Je te rassure je ne me suis pas gênée...

- Bah voilà ! Il n'y a pas de problèmes alors ! S'écrie Haley qui s'empiffre de brownies.

- Si tu le dis. Soufflé-je.

- On va te changer les idées. Comptes sur nous. Me rassurent-ils en se faisant un clin d'œil.

- Merci. Mais vous n'êtes pas obligés.

Ça me fait du bien de voir d'autres visages. Haley me fait rire. Elle est timbrée cette fille ! C'est une boule de nerf, son énergie débordante est contagieuse. Ça me plaît. Enfin quelqu'un qui va me comprendre et qui pourra faire les quatre cents coups avec moi. Elle a l'air d'une vraie combattante, une véritable Audacieuse. C'est une belle brune assez grande et mince avec un regard noir charbon. Ses cheveux sont coupés en carré dégradé et sont un peu décoiffés, ce qui renforce son côté aventurière. Elle a des bras très fins qui feraient croire qu'elle est totalement inoffensive. Ses mains ne sont pas très belles, les sacs de frappe abîment la peau au niveau des articulations. Je commence à avoir les mêmes marques qu'elle... Nous avons à disposition des crèmes cicatrisantes que l'on met le soir avant d'aller se coucher. Heureusement car le mal est conséquent, il empêche de se concentrer sur son objectif. La douleur nous rappelle à l'ordre à chaque coup. Je sais que le dernier recours pour des blessures pareilles, c'est le bandage imprégné de baume. Ça évite d'aggraver la situation et ça limite les maux.

Aaron se lève et part pour son dernier combat.








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