Chapitre 4 : Raisonner pour gagner 4/4

     Je ne dis rien et le suis comme il me l'a demandé. Je ne sais pas pourquoi mais je ne parviens pas à lui communiquer oralement mon inquiétude par rapport à cette ordonnance de l'accompagner. Je ne sais pas où il m'emmène. Il m'inspire de la peur. J'ai un mauvais pressentiment. Il me fait entrer dans son bureau et vraisemblablement aussi celui de mon frère Jacob. Il s'installe derrière son pupitre puis se laisse distraire par une notification sur son ordinateur avant de relever sa tête en ma direction. Que me veut-il quoi ?

- J'ai quelque chose à te dire. Assieds-toi. Me propose-t-il en me désignant une chaise.

- Je t'en prie, ne me dis pas que tu vas m'annoncer un décès.

- Ho non. Désolé si je te rends anxieuse, j'ai la tête ailleurs. Ta mère a accouché d'une fille la nuit dernière. Lâche-t-il enfin.

- Ouf ! Et elle va bien ? Tu as plus d'informations ?

- Oui, ne t'inquiètes pas, les deux vont très bien. Je ressentais juste le besoin de te faire part de cette nouvelle même si je n'aie pas forcément le droit.

- Pourquoi tu le fais alors ? Le questionné-je en lui lançant un regard inquisiteur.

- Jacob me l'a demandé. C'est pour ça qu'en théorie, j'ai interdiction de te le dire. Je suis le lien entre ton frère et toi. Zéro contact avec la famille, tu vois le truc ? Ce n'est pas être respectueux envers le règlement de te donner cette information. Mais Jacob semblait avoir très envie que tu sois au courant de la venue au monde de Béatrice.

- Et bien merci de m'avoir prévenu. Je... Je vais donc te laisser. L'informé-je en commençant à tourner mon buste et à pousser sur mes membres inférieurs pour me lever.

- Au fait ! S'exclame-t-il pour me retenir. Cette nuit tu as été digne d'une vraie Audacieuse. Tu es sur la bonne voie. Prend confiance en toi Laur' et tu seras prodigieuse sur le terrain.

Je sens mon visage s'enflammer. Je dois être rouge comme une pivoine... Je ne trouve pas mes mots face à de telles paroles venant de sa part. Il m'est difficile d'accepter les compliments surtout quand je les trouve infondés. Mais force est d'admettre qu'il a en partie raison sur le fait que j'ai agis comme un Audacieux.

- Merci. C'est gentil. Prononcé-je sur une intonation des plus niaise possible, ce qui me fait tellement honte que j'ai envie de me transformer en une insignifiante poussière pour disparaître de son champ visuel.

- Bon, tu peux partir. M'indique Éric amusé par ma voix tremblante.

- Excuse-moi pour le différend qu'on a eu tout à l'heure. Ajouté-je retenue par l'envie de rester en sa présence.

- C'est passé, n'en parlons plus. Me confie-t-il en s'approchant de moi lentement sans faire de bruit. Évite juste de remettre en cause mon autorité devant autant de personnes. S'il te plaît Laur'. Je me répète mais c'est vraiment chiant quand tu me tiens tête.

- Cesse donc de t'acharner sur moi. Tu ne te rends pas compte à quel point ton attitude avec moi peut être anxiogène. Lâche-moi les basques et je ne te dirai plus rien.

- Marché conclu. Déclare Éric une main tendue vers moi pour sceller ce compromis en serrant la mienne.

Je crois qu'Éric a deux facettes : la méchanceté et la gentillesse. Cette proximité me fait paniquer mais a aussi un effet assez déstabilisant car un frisson me parcourt le corps tout entier. Je brûle d'envie de pouvoir rien que frôler le dos de sa main. Je n'arriverai jamais à cerner cet homme. J'ai l'impression qu'il est attiré par moi mais qu'il me déteste en même temps. Je me demande si c'est réciproque toutes ses sensations flippantes que j'ai quand je suis près de lui.

Je suis retournée rejoindre les autres novices dans la Fosse. Ils étaient inquiets pour moi mais je me suis contentée de raconter un bobard histoire de ne pas discréditer Eric. Je n'ai rien fais de la journée à part flemmarder et rigoler en compagnie d'Aaron et Haley. Au dîner, je mange vite fait et pars me coucher tôt pour que mon corps soit reposé afin d'être parée pour mon dernier combat demain. Je songe aux multiples altercations que j'ai pu avoir avec Éric mais je me résigne rapidement à y penser pour m'endormir vite. Je n'ai pas parlé à Alex de la journée et je crois qu'il m'évite. J'espère qu'il n'est pas jaloux de mes nouvelles rencontres... C'est bon. Je suis encore en train de me préoccuper... Ce soir-là, je m'endors avec difficulté, le cerveau embrouillé par de nombreuses questions qui ne trouvent pas de réponses.

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     Je reconnais ces murs de couleurs bleutés, je reconnais aussi cette pile de cahiers qui est entassée sur ce bureau métallique et cette couverture placée au bout de ce lit à l'armature en bois. Je suis dans ma chambre d'Érudite et la voix de ma mère parvient faiblement à moi. Elle discute avec quelqu'un, sûrement avec mon père. J'appuie sur la poignée de ma porte que j'ouvre doucement dans un silence complet qui fait monter une grande tension en moi. Je me dirige vers les voix qui viennent de la cuisine et passe la tête dans l'encadrement de l'entrée de la pièce pour apercevoir les protagonistes qui l'occupent. Ma mère est toujours aussi ravissante avec son chignon soigné et ses joues couvertes d'une légère poudre teinté. Richard, remet sa cravate et ajuste son veston en le reboutonnant délicatement comme à son habitude. Le ventre rond de ma mère a disparu. J'ai oublié que je voulais rester cachée. Trop tard, mon père m'a vu et ses traits commencent déjà à être étirés par la rage qu'il entretient à mon égard.

Soudain, les lumières s'éteignent et je me retrouve dans le même appartement mais avec un liquide rouge d'une quantité affolante. C'est du sang, c'est celui de ma mère, étalée sur le sol qui a mis au monde ma sœur. Je cherche l'enfant mais ne la trouve pas... Je ne parviens pas non plus à aider ma mère qui m'est impossible d'atteindre, car je suis sans arrêt distraite par quelque chose dont je ne me rappelle même plus et qui vient m'empêcher de venir au secours de la femme qui m'a donné la vie. J'ai l'impression que ça fait des heures que je tourne et j'entends maintenant les cris du bébé et ceux de mon père résonner tout autour de moi. Je me mets donc à courir mais je ne me déplace pas assez vite. Cela augmente la fureur de la tempête qui sévit dans mon environnement. Apercevant Richard, je m'arrête nette et me retrouve spectatrice d'une terrible scène. Tenant un poignard dans sa main droite musclée, il fait pénétrer la lame aiguisée de l'objet dans la poitrine du petit être à l'étincelle de vie si fragile. Je me réveille en sursaut, les larmes coulant le long de mes joues. Alex est assis à côté de moi, les sourcils froncés en signe d'incompréhension.

- Calme-toi c'est juste un cauchemar Laur'. Murmure-t-il en serrant avec force mes mains.

Je n'arrive pas à me détacher de cette vision d'horreur. Même Alex ne parvient pas à m'aider en me caressant le dos. Je me lève brusquement pour sortir du dortoir suivi de mon ami qui veut rester auprès de moi.

- Et ? Tu sais, je suis là hein.

- Oui, oui je sais. Merci. Fais-je savoir avec une sècheresse âcre dans ma voix.

Les larmes coulent... J'ai honte de paraître si faible aux yeux d'Alex... Il se rapproche de moi et me serre dans ses bras. Ça me calme peu à peu. Je me sens mieux, mais repousse l'étreinte de mon ami que je trouve ambiguë. La situation m'a gênée et je crains qu'il y ait un quiproquo qui naisse entre nous deux.

- Je suis désolée Al'. C'est malaisant.

- Nan c'est moi, ne t'inquiètes pas Laur'. Tu sais, ça arrive d'avoir un coup de mou. Aller va te recoucher, je vais attendre que tu t'endormes pour aller me rendormir.

- Non merci. C'est gentil mais ça va aller. Crois-moi. Ce n'était qu'un cauchemar vraiment tétanisant. Je vais mieux. Certifié-je pour avoir la paix et lui éviter de veiller pour moi.

- Compris. Si ça ne va pas, fais-moi un signe. M'annonce Alex, toujours une main en contact avec mon épaule.

Je me dirige vers mon lit,encore toute déboussolée par ce cauchemar infernal. J'aime bien Alex mais j'ail'impression que c'est différent pour lui. Je n'ai pas envie de tout mettre enl'air juste pour des sentiments non réciproques. Je m'endors avec un brin deperplexité face au comportement affectif d'Alex et terrifiée face aux imagesqu'ont créé mes inquiétudes subconscientes.

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