Chapitre 3 : S'acharner 4/4
- Vous avez interdiction de venir ici en dehors des heures d'entraînement. Dit-il comme s'il crachait du venin.
- Oui, mais on voulait s'entraîner encore un peu. Argumente Caren, un peu naïve face à la bête féroce qui est parmi nous.
- Apprends à te la fermer et à ne pas me contredire. Vous dégagez d'ici à moins que vous préfériez peut-être partir définitivement de l'enceinte des Audacieux ? Nous menace-t-il l'air hautain.
- On a le devoir d'être plus fort mais on n'a pas le droit de s'entraîner plus... C'est bien la politique la plus débile que je connaisse. Remarqué-je en colère.
Il se met face à moi en croyant m'intimider avec sa carrure imposante et son visage agacé.
- Je crois que tu n'as pas bien compris à qui tu as affaire là. Je suis leader et je peux décider de te virer quand je veux. Tu risques beaucoup plus gros que lorsque tu provoquais ton père et que tu te recevais un simple coup de ceinture dans le dos.
Il n'aurait pas dû dire ça... Je sens que je vais exploser comme quand la vapeur d'une centrale s'échappe bruyamment à cause de la pression qu'elle exerce sur les parois de son réservoir.
- Tu n'es vraiment qu'un gros connard. Vire-moi si ça te chante... Ça à l'air d'être jouissif pour toi de faire les gens souffrir ! Aboyé-je hors de moi.
- Les autres, vous sortez. Je dois parler à Laur', elle a besoin d'une ou deux piqûres de rappel par rapport au règlement.
Je commence à paniquer là, mais ce n'est pas la même peur que j'ai quand mon père s'apprête à me frapper. J'ai beau lui faire face, j'ai peur de ce qu'il est capable de faire. J'ai peur non pas de la violence qu'il peut entreprendre d'exercer grâce à sa force physique mais bel et bien de la puissance qu'il peut mettre dans ses paroles et ses décisions. Je tremble mais ne parviens pas à décrocher mon regard furieux du sien qui bout d'une impétuosité affolante.
- Cesse de remettre en cause mon autorité, tu sais comment ça va terminer... Tu as un gros potentiel alors arrête d'être bornée et d'avoir l'arrogance de me défier comme un Érudit. Me dit-il calmement.
- Ne parle donc plus jamais des traitements que j'ai reçu de cette sorte et qui plus est, en public.
- Tu es une vraie tête brûlée ma parole. Tu n'es pas en mesure de m'ordonner quoi que ce soit. Déclare-t-il bouillonnant de colère.
- Et donc, c'est à cause de mon « potentiel » que tu es toujours sur mon dos ? L'interrogé-je pour essayer de calmer la situation malgré mon énervement encore bien présent.
- Non, mais il faut toujours te pousser pour que tu dépasses tes limites. Pousses toujours plus loin, arrêtes de toujours vouloir me faire face et je te laisserai tranquille. Le deal te convient ?
- Ce sont les paroles de mes frères ou les tiennes ? Démandé-je sèchement. Non parce que si c'est le cas, ils peuvent aller se faire foutre. Je n'ai pas besoin de traitement de faveur.
- Ce sont les dires d'un leader qui voit un bel avenir pour toi au sein de cette faction si tu y mets du tiens. Bref... Ne parle pas de notre discussion et retourne vaquer à tes occupations. Il n'y a pas de privilège que je puisse t'attribuer même si Jacob ou Ethan me le demandent.
- Pourtant, toutes nos discussions privées portent à le croire... Murmuré-je sans me rendre compte que je ne parlais pas dans ma tête.
- Comment ? Qu'est-ce que tu as dit ?
- Rien. Je disais que j'avais bien reçu ta demande de fermer ma gueule. Je dois y aller. Annoncé-je à la hâte.
- Attends. Tes soins à l'infirmerie sont achevés ?
- Oui oui. Crié-je en m'éclipsant par la grande porte.
Je n'ai pas bien compris l'enjeu de cette discussion. Il m'a conseillé ? Il n'a pas pété un câble. C'est bizarre venant de sa part et puis je me demande pourquoi il mise autant sur moi. Je suis sûr que ça vient de mes frères. Il a à moitié évité la question... "Ce sont les dires d'un leader"... Quel leader ? Lui, Max, Ethan ou Jacob... ? Ajoutons à cela qu'il a dit vouloir garder notre discussion pour nous. Sûrement pour garder un minimum de crédibilité au niveau de son autorité ou il m'a dit ça pour une tout autre chose... Je ne comprends rien du tout là. Je rejoins mon groupe d'amis, assit à une table dans la Fosse.
- Alors, il t'a dit quoi ? M'interroge Érend angoissé.
- Bah... Il m'en a foutu plein la gueule. Lâché-je sans en dire plus.
- Ah... Mais ça va aller ? Questionne Alex.
- Oui, juste que c'est la dernière fois qu'il m'accorde ça ...
- Faut que tu fasses gaffe avec lui... Il est perfide... Explique Al' irrité par le comportement d'Éric.
- Arrêtez de prendre cet air, on dirait qu'il y a eu un mort ! Je ferai attention, ne vous inquiétez pas pour moi... Bon ! On va manger ?
- Allez ! S'exclame Caren enjouée et souriante à la manière des Fraternels.
J'ai menti mais bon c'est pour une bonne cause puis je ne suis pas obligée de tout leur dire. On se met à une table pas très loin de Quatre et Ethan. Mon frère me fait un grand sourire puis un signe de la main. J'ai du mal à me remettre de mes émotions mais je mange quand même un peu. Je ne veux pas qu'Alex se rende compte que quelque chose ne va pas même s'il l'a forcément déjà remarqué.
- Tu as du chocolat sur le coin de la bouche Érend... Signale Caren visiblement sous le charme de l'ancien Sincère au doux langage.
- Ah, merci. Rougit-il en s'essuyant frénétiquement à l'aide de sa serviette.
On reste à table un moment pour parler de tout et de rien. C'est le seul moment où on est détendu et où il est permis de rigoler fort. Le dîner est sans doute la seule période de la journée où je me sens à cent pourcent Audacieuse. Les éclats de rire, le bruit des verres qui s'entrechoquent ainsi le brouhaha des voix font que je me sens à ma place. On respire la liberté d'être qui on veut... J'aime ça, j'aime le fait de pouvoir affirmer mon identité en parlant haut et fort. Chez les Érudits, on s'affirme en prouvant que notre intelligence est supérieure à celle des autres. Ici, on brille en imposant sa personnalité et en prouvant que sa force physique permet de remplir les objectifs de la faction. J'observe le tourbillon ivre des âmes libres qui pétillent autour de moi. La silhouette de Ryan apparaît brusquement avant de disparaître dans la dense foule qui s'est formé dans la cafétéria. La fumée de cigarette donne un côté mystérieux avec la réverbération de la lumière sur celle-ci. J'ai eu à peine le temps de réaliser que je venais de croiser mon frère qu'il s'est déjà volatilisé. Cela fait un an que je ne l'ai pas revu. Il a l'air d'être toujours aussi grand qu'avant... C'est déjà un premier aperçu pensé-je amusée par moi-même. Il a gardé son regard bleuté ainsi que sa chevelure aux reflets doré que ma mère appréciait beaucoup quand nous étions petits. Il a gagné en masse musculaire et aussi en maturité au niveau du visage.
- Laur' ? M'interpelle justement Ryan.
- On n'a pas le droit d'avoir de contact je te rappelle... Si Éric te voit... Il m'a déjà pété un boulon tout à l'heure.
- On s'en fiche de ce type. Tu m'as manqué petite sœur ! Dit-il en me serrant fort dans ses bras assez maladroitement sûrement à cause de l'alcool vu l'odeur de vinasse qui émane de son corps.
- Toi aussi mais on va se revoir maintenant. Notre séparation est arrivée à terme Ryan. Lui expliqué-je en m'extirpant de son étreinte.
- Ça se passe bien ton initiation ? Moi j'en ai bavé, mais bon je suis tout de même content du poste que j'ai eu. Être dirigeant des brigades patrouillant chez les Sincères, j'aime bien.
- J'imagine, puis hyperactif comme tu es, tu dois adorer bouger toute la journée.
- C'est clair, puis je sais plein de choses que personne ne sait... J'ai l'impression d'être un voyeur parfois quand je dois surveiller des entrevues... C'est assez gênant !
- Ryan ? Tu es au courant que la famille ne doit avoir aucun contact avec les novices pendant l'initiation ? Ou il faut peut-être te rafraîchir la mémoire ? Intervient Éric en attrapant avec fermeté l'épaule de mon frère.
- Nan Éric, ça va aller. J'ai une putain de bonne mémoire même quand j'ai les dents du fond qui baignent !
- Je n'en doute pas. Maintenant, va plus loin. Ordonne-t-il en le poussant.
Mon frère m'adresse un dernier regard avant de partir. Éric se contente de me regarder sans afficher une quelconque expression négative et instinctivement, je baisse les yeux vers mon plateau.
- Tu as combien de frères en tout ici ?! Demande Caren.
- Si je compte bien, il me semble que trois vivent dans cette faction. En gros, les trois seuls frères que j'ai ! Rigolé-je face à Alex qui secoue la tête et roule des yeux à l'écoute de mes hypothèses moqueuses.
- Ah oui ! En fait c'est une réunion de famille ? S'extasie Érend en rassemblant les déchets dans une seule et même assiette.
- C'est un peu ça. Dis-je en arborant un léger rictus.
- Je suis crevée, il faut qu'on aille se coucher les gars. Déclare Caren en baillant disgracieusement.
On décide donc de partir au dortoir. Alex s'endort directement après m'avoir adressé une caresse dans le dos et un "bonne nuit". Érend se couche sans dire un mot tout comme Caren. Elle ne parle pas beaucoup, c'est un peu bizarre parfois. Elle aurait dû choisir Altruiste car elle sait très et même trop bien s'effacer. Cela peut être gênant car elle est avec nous sans vraiment l'être... Une vraie plante verte. Enfin bref... Aujourd'hui, ça a été éprouvant et en plus Éric s'est totalement lâché sur moi. Mais c'est étrange son comportement de tout à l'heure. Ça se peut que Jacob soit derrière tout ça... Mais je n'ai pas réellement de moyen de le savoir sans me mettre en danger. En tout cas, j'ai des amis en or et je me sens vraiment bien dans cette faction malgré les quatre combats que j'ai foiré. Je me demande bien ce qu'on va faire demain à l'entraînement. Le silence de Quatre me trotte dans la tête mais le sommeil finit par gagner face à mes inquiétudes et à mes innombrables questions.
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