Chapitre 3 : S'acharner 3/4

     - Qu'est-ce que des Érudits font ici ? Demandé-je sans me poser une seule question sur les conséquences de ma demande.

Tous se retournent vers moi et s'écartent pour laisser passer les deux personnes que je déteste le plus au monde. Jeanine et Richard s'approchent de moi mais mon père garde une certaine distance avec moi.

- Des affaires urgentes Laur', mais il me semble que ton statut ne te permet pas de poser cette question. Décroche une place au sein de cette faction mais sache que ta défection est un réel gâchis pour notre compagnie scientifique. Tes facultés en génétique étaient très appréciées... M'explique Jeanine avec son air rusé et enjoliveur.

- Ce qui est fait, est fait et je ne regrette en rien ma décision. Je n'aurais pas réussi à trouver une plénitude totale en étant plongée dans la science toute ma vie. Bon courage et faite attention de ne pas vous perdre dans ce dédale... Dis-je avec un calcul futé de chacun des mots que j'ai prononcé.

- Bon courage pour la suite alors. Et merci pour ta prévenance mais ça ira. Répond la leader blonde aux bras croisés, symbole d'une personne fermée.

- Excuse-nous mais nous sommes pressés par le temps. Au revoir. Dit brusquement mon paternel en tournant rapidement le dos pour décamper le plus rapidement possible de l'espace où respire sa fille.

Quel lâche... Un soupire s'échappe de ma bouche quand les silhouettes s'enfoncent dans un couloir à un dizaine de mètre de moi, à ma gauche.

- Désolé de te dire ça mais Jeanine et ton père sont vraiment des connards... J'ai horreur de la façon qu'ils ont de parler aux gens avec cet air supérieur totalement irrespectueux. Déclare Alex avec l'accompagnement du hochement de tête d'Érend.

- Ne t'excuse pas. Ce sont des salauds et ce n'est pas depuis hier... Affirmé-je tête baissée.

- Ton père est toujours comme ça ? Me questionne Érend curieux des relations qu'entretiennent les gens entre eux.

- Si tu veux tout savoir, son comportement était plutôt pas mal là... Je te laisse imaginer quand il se lève du pied gauche. Avoué-je en grimpant les marches du fameux bâtiment B45 que nous avons finalement trouvé sans réelles grandes difficultés.

- Tu vas peut-être trouver ça déplacé mais comment est la relation que tu entretiens avec ton père ? M'interroge l'ex Sincère à la parole finement aiguisée.

- C'est déplacé et ça fait à peine deux heures que l'on se connaît. Je ne me confie pas si facilement donc il va falloir que tu te contentes des hypothèses que tu peux tirer via la rencontre plutôt froide qui vient d'avoir lieu avec celui qui s'avère être mon géniteur. Indiqué-je en échangeant un regard avec Alex qui a compris depuis le début qu'il y avait certains sujets à ne pas évoquer avec moi.

- Cinq minutes de retard ! S'exclame Eric limite heureux d'avoir une raison de s'enflammer pour une fois dans sa piètre vie de leader.

- En même temps, quand notre instructeur ne daigne pas nous signaler comment se rendre d'un point A à un point B, il serait préférable qu'il s'attende à ce qu'il y ait des retardataires. Protesté-je très irritée par son attitude odieuse en n'ayant rien à foutre des futurs regards noirs qu'il projette de me lancer dans un futur très proche.

- Dis-moi, tu as un grade au-dessus du miens pour te permettre de critiquer mes façons d'inculquer les valeurs de cette faction ? Il me semble que non, donc tu vas te la fermer et aller prendre une arme pour essayer de tirer avec.

- Je ne sais pas comment fonctionne ce genre d'engin. Lui signalé-je en commençant à entrevoir les répercussions de mes propos.

- Et tu sais lire des panneaux et te diriger dans un espace supérieur à quarante mètres carrés ? Oui, parce que c'est logique que je te montre comment te servir d'un instrument de combat de ce type car tu ne t'en aies jamais servis, contrairement à tes jambes et à ton sens de l'orientation qui a été évalué lors de tes douze ans. Je ne vous aurais jamais laisser dans l'enceinte Audacieuse si vous n'aviez pas été alphabétisés donc arrêtez de croire que je fais exprès de vous faire chier pour des choses aussi minimes. Maintenant, au boulot. Je te laisse la main Quatre...

Des chuchotements s'élèvent derrière moi comme si on venait de donner un coup de pied dans une ruche et que son effervescence était à son comble. Quatre ne dit rien, il monte juste un AK 47 totalement en pièce. À la fin, il le charge, nous regarde et tire sur un panneau métallique situé derrière lui, juste à côté d'Éric qui est assis sur le muret du toit. Le leader a été surpris et c'est bien la première fois que je vois la minuscule flamme de la peur s'allumer sur son visage. Dis-donc, cette après-midi nous sommes servis en preuves que la brute aux piercings n'est pas si inhumaine que ça. Si tout cela continu, on va commencer à croire que tout ceci n'est qu'un sketch déguisé !

L'exercice que nous devons exécuter est de monter le AK. J'ai plutôt bien suivi et devrais pouvoir y arriver sans problèmes. La crosse ou poignée permet une bonne prise en main de l'arme à feu. Elle a un plastique légèrement souple et rugueux, qui nous aident à avoir une bonne adhésion au matériau, en cas de mains moites qui glisseraient sur une matière trop lisse. Quatre nous indique comment tenir correctement l'objet de l'exercice, et tire plusieurs fois jusqu'à ce l'arme soit dépouillée de ses balles. Il nous montre la technique pour réapprovisionner le chargeur. Je constate qu'Éric ne nous regarde pas, il a l'air perdu dans ses pensées... Ses yeux sont dirigés vers les immeubles dressés à sa gauche. Les gravillons qui tapissent le toit de l'édifice font un bruit assourdissant lorsqu'ils sont remués par la dizaine de novices se déplaçant pour se positionner face à une cible. Je me souviens des airs de jeux qui en avaient une tonne à leurs pieds. Petits, ils s'insinuaient dans nos chaussures et nous faisaient un mal de chien quand ils arrivaient à se faufiler sous le talon.

Les mannequins sont moins larges que ceux de ce matin et le bois a été remplacé par un métal argenté. Dix mètres me séparent de l'objectif et je sens d'ores et déjà que je vais rencontrer des difficultés. J'espère juste que je ne vais pas devoir subir les réflexions désobligeantes d'un de mes instructeurs. Nous copions la posture que nous a appris Quatre, et appuyons sur la gâchette après avoir pris la précaution de protéger notre audition qui seraient agressée par le son transperçant des coups de feu. La crosse cogne mon épaule d'un coup sec et le canon s'est propulsé vers le ciel, me faisant totalement rater mon but.

- Putain, c'est dément la puissance que ça a ! S'extasie Alex.

- Sans blagues ! J'ai loupé mon tir à cause de la propulsion. Je ne m'attendais pas du tout à ça...

Lui, a réussi du premier coup contrairement à Érend qui a du mal avec le fonctionnement de ce nouvel outil. J'ai un sentiment de puissance, c'est super étrange. J'essaie une nouvelle fois et j'échoue sûrement à cause de ma rigidité trop importante. Il faut que je trouve un juste milieu dans tout ça sinon je ne vais pas réussir cette épreuve, et elle est majeure pour les Audacieux...

- Personnes ne bougent tant que chacun de vous n'a pas atteint trois fois l'objectif. Ordonne Éric qui revient comme par miracle parmi nous.

Son côté agaçant m'irrite les nerfs, je préfère quand il est en retrait. Au moins, il ne vient pas nous cracher son venin en pleine figure... Il s'est levé du pied gauche, ou peut-être du pied droit vu que son humeur est semblable à tous les autres jours que j'ai passé à être l'objet de son acharnement... Bref, je me concentre sur ma visée et tire une troisième fois.

- En plein dans le mille ! Hurle Alex de manière à attirer l'attention jusqu'à me faire rougir de malaise.

Je n'ai même pas eu le temps de me rendre compte que j'ai réussis, qu'Alex se met à le gueuler. J'ai eu un sursaut et j'évite de penser à la vague de chaleur qui est venu inonder mes pommettes.

- Ça vous dit qu'on voit qui réussit le mieux entre nous trois ? Le dernier va devoir accomplir un défi qui sera définit après l'épreuve. Propose Alex, en me regardant avec un air moqueur.

- Soyez indulgent avec moi alors... Je suis loin d'être prêt pour planter une balle dans la chose qu'est là-bas. S'apitoie Érend qui tient son arme du bout des doigts, comme s'il y avait la peste incrustée dessus.

- Si tu pars défaitiste, c'est clair que tu ne réussiras pas... Secoues-toi et montres ce que tu as dans le ventre ! Enfin... Si tu es un homme... Taquiné-je le pessimiste aux yeux verts.

- Voyons Laur' on sait tous que tu n'es pas invincible ! Puis ta féminité ne t'aide pas beaucoup n'est-ce pas ? Intervient Alex pour me provoquer en duel.

- Bien sûr... J'ai les couilles de te faire ravaler ce que tu viens de dire ! Défié-je mon coéquipier.

Depuis qu'on s'est lancé le gage d'y arriver tous les trois, on n'a pas raté un seul tir. Enfin, je ne parle pas d'Érend qui est en galère perpétuelle... Je suis hyper concentrée sur ce que je fais et je parviens toujours à toucher l'endroit visé. Quatre se rapproche de nous, les mains fusionnées dans son dos.

- Vous avez quartiers libres. Avec toutes les munitions que vous venez de tirées je pense que c'est bon, on peut dire que vous avez acquis en partie le tir.

Notre instructeur n'a pas tort et nous lui rendons donc les armes en prenant soin de les ranger dans leurs boîtes et de retirer les balles logées dans le chargeur.

- Bonne soirée et ne vous couchez pas trop tard dans les jours à venir. Conseille Quatre en marchant en direction des autres novices.

- Pourquoi ? Interroge Alex les sourcils rehaussés.

Pas de réponses... Je ne sais pas si je dois avoir peur de ce qui se prépare ou si je dois être heureuse de savoir qu'on va sûrement avoir une bonne dose d'adrénaline. On commence à partir vers la Fosse pour ensuite se diriger vers la salle d'entraînement afin d'aider Caren, l'ex Fraternelle submergée par toutes les sollicitations que la faction des Audacieux demande à son corps. Nous avons attendu une bonne vingtaine de minutes avant qu'elle ne pointe le bout de son nez. Malgré l'air désapprobateur d'Alex, qui juge que mon aide n'est qu'une perte de temps pour une personne qui ne réussira en rien à affronter les épreuves de l'initiation, je n'annule pas la séance de remise à niveau. Avoir bon cœur, on ne me la jamais permis chez les Érudits... C'est donc la première fois que j'ai le droit d'être bienveillante, un peu comme une Altruiste.

- Prête ?! La questionné-je avec détermination.

- On va dire que oui...

- Bon ! Viens te mettre dans le ring et prend une bonne posture pour te défendre.

Les garçons s'assoient par terre et discutent entre eux en chuchotant. Pieds nus, je regarde Caren avec sa fébrile corpulence et réfléchis à la direction que mon poing va prendre. J'ai peur de lui déboîter une épaule... Al' n'a peut-être pas si tort que ça sur le fait que c'est une cause perdue. Son Choix n'a pas dû être réfléchis, c'est du suicide de s'être aventuré ici. Tout ce qu'elle va gagner, c'est le fait d'avoir un ticket pour être sans-faction et vivre dans la misère tout le restant de ses jours. Si on commence à imaginer tous les vices qui vont la ronger quand elle fréquentera les rues, on pourrait se croire dans une pièce de théâtre tragique.

Je lui fais un signe de tête pour que ce soit elle qui me frappe. Je lui rectifie sa position et lui donne quelques conseils pour que ses coups aient un effet très néfaste pour la personne contre qui elle combat. Je contre ses attaques sans réel effort et me sens vite abattue devant le travail titanesque qu'il va falloir pour remettre a niveau Caren. J'ai envie d'abandonner... Mais j'ai aussi envie de la secourir face à l'avenir terrifiant qu'elle va devoir affronter. Je lance un regard désespéré à Alex qui me répond en haussant les sourcils comme pour me signaler que son opinion défavorable concernant Caren était bien fondée. Subitement, une masse entre dans la salle d'entraînement, ce qui entraîne la baisse simultanée de ma garde et me fait subir la douleur du poing faiblard de ma camarade qui atterrit sur ma pommette gauche. Éric a fait irruption dans la pièce bétonnée. Mes muscles se raidissent vivement quand j'analyse l'énervement plaqué sur sa figure aux traits tiraillés. 

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