Chapitre 18 : La Clôture 1/4

     Nous sommes en train de nous restaurer dans la cafétéria avec mes frères. Jacob échange un regard complice avec Tyna. Ethan discute avec Éric puis Ryan les écoute attentivement après m'avoir donné un léger sourire. L'air ambiant est frais et l'humidité des lieux m'empêchent de me sentir bien. J'ai à moitié froid et la fatigue n'améliore pas mon état. Un léger courant d'air me fait frissonner. Je frotte mes bras en analysant les parois rocheuses surplombants nos têtes. La pierre est grossièrement taillée puis parsemée de clous d'ancrages, vestiges d'un temps où il y avait un filet en prévention de potentielles chutes de roches. Je reste un moment à rêver en faisant parcourir mes yeux sur les éléments m'entourant. J'essaie de faire abstraction du froid qui me hérisse le poil en collant mes mains sur ma tasse de café brûlante. Une fumée dansante s'évapore au-dessous de mon nez. Je renifle les subtiles émanations de ma boisson chaude aux notes boisées et délicatement cacaotées.

Je regarde mes proches avec un brin d'émotion. Entendre leur voix, sentir les vibrations de leurs mouvements autour de moi, voir leur visage affichant un sourire radieux. C'est bel et bien un cadeau. Ils sont ma richesse, mon point faible aussi. J'ai pris la meilleure décision en choisissant de devenir Audacieuse.

Ce matin débute ma troisième mission. Une semaine à surveiller la Clôture avec Éric. J'espère que ce sera plus calme que ce que j'ai pu avoir à faire face ces derniers temps. Je commence à avoir en horreur les Sans-factions. Leurs attaques répétées me rendent de plus en plus impitoyable et je pense clairement que les abattre sera l'unique solution qui s'avancera vers moi. Je ne me voyais pas être autant atteinte par ces événements mais voir les corps de mes camarades puis me faire tirer dessus... Ça me dépasse et cultive une haine sans limites contre ce fléau. Les deux dernières semaines au sein des brigades m'a fait prendre conscience de la difficulté du métier de patrouilleur. Je me suis liée avec mes coéquipiers grâce à ces difficultés que nous rencontrons et qui nous force à se souder pour être efficace. J'ai adoré ce retour sur le terrain, j'en avais clairement besoin.

Cela fait maintenant quinze jours que mes frères et moi savons la vérité au sujet de nos parents. La douleur de cette révélation diminue de jour en jour sans que je le veuille. J'accepte de plus en plus car de toute façon je n'aie pas du le choix et la vie continue, c'est ainsi. Je n'ai pas la possibilité de m'arrêter de vivre à cause de ces péripéties. Pas en étant leader... Puis j'ai ce désir d'avancer pour accéder à ma résilience. Je ne suis pas encore en mesure d'accepter et de passer outre les sévices que j'ai pu vivre certes. Mais je suis sur la bonne voie. Ma mère et ma sœur sont en sûreté, je ne peux rien demander de plus. Je suis tombée de haut ce jour-là. Je ne m'attendais pas à ce genre d'aveux. Comment s'attendre à ceci ?

- Ça va Laur' ? On ne t'entend pas ce matin. Souligne mon frère cadet.

- Euh... Oui, je suis un peu pensive. En plus, je me caille le cul.

- Tu prendras un pull avant qu'on parte. Jacob, tu pourras te charger d'appeler pour que le système de ventilation soit réparé ? L'humidité ne s'évacue pas, ça doit être encore en panne... Ordonne Éric en se levant.

- Reçu.

- On part dans une demi-heure, j'ai des choses à faire. Me prévient l'homme au regard froid. Je t'aime. Me murmure-t-il les lèvres collées à mon oreille avec ses bras m'entourant d'un amour puissant.

- Ah bon ? Le questionné-je pour le taquiner. Et tu m'aimes grand comment ?

- Je t'aime autant que tu es chiante. C'est à dire beaucoup trop.

Je lève les yeux au ciel et lui donne une tape dans le bras en guise de réponse.

- Serais-tu un homme maltraité Éric ? Le sonde Ethan sous le ton de l'ironie.

- Lui ? Un homme battu ? Je dirai plutôt un soumis ! Rié-je.

Éric me lance un de ses fameux regard noir mais celui-là est plein de malice. Je me décale brusquement avant qu'il ne m'attrape. Je pousse Ethan en m'éloignant et tente de rattraper sa cuillère qui lui a échappé à cause de moi. Maladroite comme je suis, je me loupe et l'envoie dans le bol de café appartement à Ryan. Il se retrouve le visage éclaboussé, ce qui ne manque pas de me faire éclater de rire. Même lui, sérieux au possible, se lâche et rit un peu avant de passer un essuie tout sur ses joues.

- On ne te félicite pas Laur'. Juste pour m'éviter ! Je te rappelle que tu passes la journée avec moi. J'aurais donc tout le loisir de me venger. Signé, le soumis. Blague-t-il, avec un clin d'œil émis en un fraction de seconde avant de s'évaporer derrière une porte battante.

- Heureusement que nous ne sommes pas des Sincères car mes habits auraient été blanc et le café n'aurait pas fait bon ménage. Vive le noir et ta maladresse chère sœur. Proclame Ryan en se mettant debout pour se rendre à son travail.

- Pour me racheter, je débarrasserai ton plateau.

- Tu le débarrasseras tous les jours pendant une semaine dans ce cas-là. Expose-t-il, un sourire provocateur dessiné sur sa mine enjouée.

- Mais va te faire foutre ! M'écrié-je rieuse.

- Ho tu es dure en affaire petite sœur. Va pour cette fois mais le prochain coup, je ne te louperai pas. Compte sur moi ! S'engage-t-il en ayant toujours son joli rictus.

Ryan est un malin... Le plus espiègle de mes frères, le plus perfide aussi. Je me suis longtemps chamaillée avec lui pour un oui ou pour un non. J'adorais être dans l'anticipation de ses gestes puis le contredire à chaque fois. J'avais un don pour le faire rager, cela m'amusait réellement. L'amour vache entre lui et moi, c'est ce que j'aime le plus. On s'en met plein la gueule mais on a beaucoup d'affection l'un pour l'autre.

Je reste seule avec Ethan. Il semble étrange, il dépiaute un morceau de pain dans son plateau de manière excessivement rapide. Ses mains semblent trembler un peu, il les fixe le regard vide.

- Ça ne va pas ?

- Je vais bien. Ne t'inquiète pas. Je suis heureux de me retrouver avec toi. Ça faisait un bail...

- On aimait bien jouer dans ta chambre avec les dominos. On faisait le moins de bruit possible pour que papa ne prête pas attention à nous.

- Oui... Ces moments paraissent affreux, mais c'étaient les moments que je préférais car tout était calme et j'étais avec toi. Tu sais, je suis vraiment heureux que tu aies trouvé le bonheur avec Éric. Tu le mérites vraiment Laur'.

- Merci Ethan. Toi tu nous ramènes quand une nana ? Je veux une belle sœur moi ! Parce que Tyna est cool mais elle manque un peu de gaieté... À part parler de son travail, elle n'est pas vraiment intéressante.

- En même temps, Jacob n'est pas très captivant sans son statut de leader hein... Il vit pour les Audacieux, il s'associe bien avec elle. Enfin bon... Je ne suis pas grand-chose moi non plus à vrai dire.

- Tu as une vie sociale contrairement à notre frère. Tu sors, tu vois du monde alors que Jacob me fait penser à papa quelques fois. On dirait qu'il se comporte comme quelqu'un qui a quarante ans alors qu'il n'en a que vingt-trois. Il semble tellement pondéré dans tout ce qu'il fait... Il a un air supérieur...

- Pour monter dans les classements de leader il faut être ce qu'il est Laur'. Mais je ne changerai pas pour être en haut du podium. Me déclare Ethan, le ton plein de dédain vis-à-vis du comportement de notre frère.

- Moi si. Je veux aller au plus haut, je veux pouvoir prendre des décisions sans avoir un mur d'obstacles devant moi. N'empêche que Jacob pourrait arrêter d'arborer son air non-chaland quelque fois. Il paraîtrait plus humain.

- Il a toujours été comme ça Laur'... Me rappelle mon frère.

- Entre Ryan qui est qu'un égoïste arrogant et Jacob qui est extrêmement froid par nature, on est servis ! Heureusement que tu as de l'humanité sinon ce serait loin d'être simple pour moi. Je me sentirai seule. Affirmé-je le regard appuyant sur son visage pensif. ... Tu voulais me dire quelque chose non ? Tu n'es pas dans ton état normal.

- Oui. J'ai une question que j'ai envie de te poser depuis très longtemps... Je ne veux pas te faire peur Laur' car je ne te ferai pas de mal mais on est différent tous les deux. Ton résultat du test a donné quoi ?

- Euh... Audacieux... Pourquoi tu me demandes ça ?

- Tu étais consciente lors du test ? M'interroge-t-il tout bas.

Soudain je comprends ce que mon frère essaie de savoir... Il me demande si je suis divergente. Je me raidis et mon visage change d'expression sans que je le veuille. J'ai soudain une peur bleue qu'Ethan essaye de me coincer pour me dénoncer.

- Je le savais que tu en étais une... Je pensais être le seul entre nous quatre mais j'ai rapidement fait un rapprochement avec toi. Maman nous disait souvent en rigolant qu'on ne ressemblait pas à des Érudits parfois du fait de nos réactions très atypiques.

Mais oui... Ethan, divergent. C'est comme une évidence. Il pense comme moi. C'est-à-dire, de mille façons différentes. Il est capable de comprendre chaque faction. Il a la faculté de pouvoir se montrer intelligent, brave, désintéressé, honnête et très pacifique. Un vrai divergent.

- Maman savait pour nous alors. Enfin... C'est logique qu'elle savait vu ce qu'elle nous disait, nan ? Susurré-je étonnée par cette énième révélation.

- Elle doit sûrement être comme nous. Décidément... Combien de choses allons-nous apprendre sur maman ?

- Aucune idée... Elle est tellement pleine de mystères. C'est assez impressionnant. Remarqué-je.

- Mais ça ne te dérange pas toi ? C'est notre mère et on ne sait rien d'elle...

- Ça ne me dérange pas tant que ça... On n'a pas besoin de savoir tout de notre mère. C'est une information dangereuse que seuls nous deux avons en notre possession. Précisé-je le cœur bondissant à la vue de mon retard sur l'horloge. Il faut que j'y aille ! Éric va m'engueuler ! Je t'aime Ethan... Merci de m'avoir confié ça. Lui révélé-je en portant une main sur son épaule.

- Promet-lui une gâterie en réparation pour le retard et les mots de ce matin. Blague-t-il en me faisant un clin d'œil.

- Euh... Ethan... Dis-je, honteuse.

- Quoi ?! Vous n'avez encore rien fait ?! Je le croyais plus entreprenant le Éric !

- Ethan ! Mêle-toi de ton cul s'il te plaît !

- Euh... Vu le sujet, ne parles pas de mes fesses hein ! S'exclame mon frère.

- Tu es dégueulasse ! Relevé-je avant de tourner les talons.

Je ne vais pas le louper celui-là. Il a volontairement omis le sujet « petite amie ». Je note ça dans un coin de ma mémoire pour pouvoir le mettre mal à l'aise à mon tour dans un avenir plus ou moins proche.



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