Chapitre 12 : Audacieuse ou Sans-faction ? 1/4
Je n'ai presque pas dormi de la nuit à cause de l'inquiétude. Je ne veux pas échouer à la dernière phase de l'initiation. Je ne peux pas me ramasser si proche du but. L'estomac dévoré par la peur et la sensation d'avoir perdue la moitié de la capacité de mes poumons m'oppressent terriblement. Je maltraite mon oreiller en le pressant à maintes reprises pour qu'il ait une forme convenable. Ça me détend dans le sens où j'ai contrôle sur cet objet, ce que je n'ai pas avec mon destin. Je m'efforce à retrouver mon calme en tentant d'avoir une respiration ventrale mais c'est un échec. J'envie la tranquillité d'Éric, endormi dans son canapé lit. Il paraît tellement serein... C'est la première fois que je suis jalouse de voir quelqu'un dormir. Je commence à devenir folle à cause de la fatigue qu'induit cette initiation. Mais je n'ai jamais été aussi heureuse que depuis que je suis novice Audacieuse donc ça compense les épreuves que j'ai dû traverser. Même s'il m'est arrivé pas mal de choses... Entre mon agression qui a donné suite à l'hôpital à cause de ma blessure qui s'était infectée puis ma divergence me menaçant de mort quotidiennement ainsi que la relation étrange avec Éric. J'ai vécu une sacrée épopée pour arriver enfin au terme de cette initiation. J'aurais pu abandonner plus d'une fois, j'aurais pu mourir aussi, et j'aurais pu essuyer des échecs à plusieurs reprises. Je ne sais pas si j'ai de la chance ou si je suis juste méritante par ma combativité.
- Le somnifère ne t'a pas aidé à dormir ? Me demande Éric en me faisant sursauter.
- Tu m'as fait peur ! J'étais dans mes pensées... Lui signalé-je. J'ai réussi à trouver le sommeil pendant quatre heures car ton comprimé m'a bien assommé mais pour ce qui est du reste de la nuit, j'avais les yeux grands ouverts. Et, ça s'est corsé quand l'anxiété est venue se joindre à moi.
- Mais pourquoi te fais-tu autant de soucis ? Tu es arrivée deuxième à la première partie. C'est comme si tu étais déjà Audacieuse...
- Je crains de ne pas réussir... Tout le monde va voir les phobies qui m'habitent, puis j'angoisse beaucoup étant donné que je ne sais pas sous quelle forme vont m'apparaître mes peurs.
- Dis-moi ce que tu as raté depuis que tu es ici ? Pas grand-chose. Puis vois ton paysage des peurs comme une mise à nue. Tu pourras en faire une force, c'est une opportunité pour toi.
- Crois-moi, l'une de mes peurs est loin d'être une force aux yeux des Audacieux.
- Combats-la alors et tu obtiendras l'admiration des membres de notre faction. Aies confiance en toi Laur', tu es capable de bien des choses, c'est juste que tu n'en as pas conscience. Maintenant, lève-toi et habille-toi, il faut qu'on y aille.
Je me hisse hors du lit et pars vers la salle de bain afin de changer mon bandage. C'est peut-être le dernier jour que je passe ici donc je vais savourer chaque instant de cette journée. Je commence à sortir de l'appart' mais Éric me retient par le bras et me tire vers lui. Il pose une main sur ma hanche puis pose ses lèvres sur mon front avant de me chuchoter un « bon courage » dans l'oreille. Je prends une grande inspiration et me détache de lui à contre cœur. J'ai eu peur qu'il m'embrasse quand j'ai senti le contact de ses mains sur moi et que j'ai vu ses yeux azurs s'implanter dans les miens. Je lui adresse un timide sourire puis pars pour la cafétéria.
Alex, Haley et Aaron sont déjà attablés. Leurs mines enjouées qu'ils affichent tous les jours ont disparu, elles montrent la fatigue et la crainte que représente le paysage des peurs pour les novices.
- Prête pour la dernière ligne droite Laur' ? Me questionne le natif Audacieux.
- Euh... Je n'en sais trop rien... Je ne sais pas si on peut un jour être prêt pour ce genre d'examen.
- Je ne te rassure personne n'est préparé à vivre ce qui va suivre. On est tous dans le même panier. Me rassure Haley.
Je n'ai pas beaucoup mangé, je n'ai guère l'appétit ce matin, puis les autres n'ont pas fait beaucoup plus mal à leurs plateaux que moi. C'est le premier petit déjeuner silencieux qu'on a passé, c'était très anxiogène.
La salle de passage du paysage des peurs est totalement spécialisée pour passer les simulations finales. Tous les leaders Audacieux sont rassemblés à l'intérieur, avec Janine ainsi qu'une bonne vingtaine d'Audacieux et d'Érudits qui pianotent sur les tableaux de bords qui entourent le siège nous recevant lors du test.
Nous sommes dans un petit dôme fait de métal et de briques. Des rangées d'immenses fenêtres à arc en plein cintre sont en hauteur et donnent sur un couloir qui contourne la pièce. Les Audacieux pourront donc nous observer à travers les vitres de cet étage étroit qui longe tout le dôme. Le palier exigu est pourvu de rambardes en fer puis semble peu lumineux contrairement au rez-de-chaussée ayant des portes fenêtres. La lumière pénètre pourtant difficilement car le rayon du dôme est trop important pour que cet éclairage suffise. Des poutrelles arquées en acier forment une sorte d'araignées dont le corps, un disque moulé en fer, surplombe tout en haut de la coupole. Des projecteurs y sont fixés pour illuminer le centre de la pièce. Deux écrans géants sont suspendus et permettront aux leaders de visionner ce que nous aurons à faire face. Cet endroit est le plus lumineux du secteur Audacieux. Il n'est pas angoissant et a un semblant Érudit. Ça me rassure un peu.
La majorité des personnes passe avant moi dont Aaron et Ben. Je suis l'avant dernière à subir cette ultime épreuve et la tête terrifiée qu'affiche mes camarades après leur supplice m'effraie. Je suis plongée en plein tourment, je n'arrive plus du tout à me canaliser. De plus, mes frères et Éric vont voir mes peurs... J'aurais sincèrement pu me passer de ça. Une novice native nommée Jenna descend du fauteuil et s'assoit aux côtés de ceux qui l'ont précédé. Max pose ses yeux sur moi et me fait signe de venir.
C'est bon, c'est le moment où il ne faut surtout pas que je fléchisse. J'ai intérêt à ne pas oublier ce que Quatre m'a dit et surtout ce qu'il m'a conseillé. Je me répète la phrase qu'il me dit tout le temps : « Surmontes ou combats tes peurs ». Il y a des personnes qui croisent les bras en me dévisageant tout autour de moi, c'est assez flippant. Jacob et Ethan m'adressent un léger sourire, mais je ne suis même pas apte à leur répondre vu l'état mental dans lequel je suis... Je monte les quelques marches de l'estrade où se situe le siège et m'y installe. Éric arrive avec la seringue, la dernière que je vais recevoir. Un spot m'éblouit et m'empêche donc de voir clairement son visage. Il libère mon cou des quelques mèches de cheveux pour m'injecter le sérum.
- Ça va aller... Tu vas être prodigieuse.
Il appuie sur le piston, me laissant sentir se diffuser la froideur du produit dans ma carotide. Je me suis sentis partir avant de pouvoir lui prononcer les trois mots qui me brûlent les lèvres depuis avant-hier.
Je suis enfermée dans le noir et je perçois des faisceaux de lumières passer sous une porte. L'odeur me rappelle avec effroi où je me trouve. Le placard, son exiguïté, sa noirceur, sa fraîcheur et son manque d'espace. Quel effroyable souvenir... Mon corps est totalement compressé contre les manches à balais, c'est atroce. Je sens la pelle à ordure dans mon dos, elle est collée à ma colonne vertébrale. J'entends la voix de Richard, mon père. Je vois l'ombre de ses pas et tressaille d'effroi. Il faut que je surmonte ma claustrophobie et la crainte que j'ai de mon père... C'est impossible à mes yeux... Je commence à paniquer et à ne pas trouver mon air pour respirer. Je ferme les yeux et essaye de me détendre. Je pense à Éric et à ses bras qui sont venus m'enlacer ce matin. Son odeur est apaisante mais ce qui me séduit le plus chez lui c'est sa voix grave et rassurante... Je n'aurai jamais imaginé aimer quelqu'un comme ça... C'est indescriptible ce que je ressens pour lui, je n'arrive pas à comprendre le pourquoi du comment.
Soudain, je me retrouve en pleine mer. Je suis passée à une autre peur, celle de me noyer dans de profondes eaux tourmentées... L'épave d'un navire flotte à quelques mètres de moi et les vagues sont très violentes. Je bois la tasse plusieurs fois, je commence à croire que je vais finir engloutie. Je vais mourir si je n'atteins pas le bateau... Je rassemble donc toutes mes forces et commence à nager. Une vague déferle sur moi et me propulse sous l'eau. Une autre s'abat à côté de moi, et m'écarte encore plus de mon objectif s'éloignant à une vitesse fulgurante. Je ne vais pas y arriver... Les flots m'engloutissent et je sens l'eau gelée s'engouffrer dans ma bouche. Je parviens à remonter à la surface et tousse à plusieurs reprises mais une autre déferlante vient s'écraser sur moi et me submerge violemment sous les ondes au tumulte meurtrier. Je me retourne et distingue l'embarcation qui commence à partir. Je réunis le peu d'énergie qu'il me reste puis nage. Je bois plusieurs fois de grandes bolées d'eau salé mais j'arrive à m'agripper au bois trempé et glissant du bateau pour me hisser dessus. Je me mets sur le dos et profite du dernier instant de tranquillité au milieu du néant de la mer enragée. J'inspire profondément et me prépare à la troisième peur qui va se présenter à moi.
Je ferme les yeux et quand je les rouvre, je suis en haut d'un édifice. Je suis au sommet d'une tour en plein océan dans le cœur d'une tempête. Le vent fait flotter mes cheveux blonds. Le vide me tétanise, je cherche un moyen pour combattre cette peur sans que je manipule la simulation. Le toit est en métal, et en dessous il y a une fenêtre. Je ne sais pas par quel miracle j'ai réussi à voir ça. Je peux essayer de me cramponner au toit afin de me balancer pour me projeter dans la fenêtre avant de l'avoir brisé. Je dois rentrer dans le bâtiment, ça ne va pas être facile... J'ai envie de me recroqueviller sur moi-même pour pleurer tant la peur me détruit le cerveau. Je me concentre et essaie de calmer la rageuse angoisse s'empiffrant de mes organes. Je ne dois pas céder à la panique mais me concentrer du mieux que je peux. Mes jambes tremblent à la vue du vide en dessous de moi. Je m'assois et laisse mes pieds pendre. Je m'accroche au toit et commence à me balancer. Tout d'un coup ma main glisse à cause de la pluie qui retire le peu d'adhérence que je pouvais avoir avec le matériau auquel je dois me tenir. Je vais lâcher ! La peur a pris possession de moi et je ne peux plus retenir mes larmes. Je vais échouer comme ça... Juste parce que ma peur du vide a le dessus sur moi. Mon autre main ne va pas tarder à abandonner. Allez, je suis dans une simulation... Je ne peux pas mourir, il faut que je me reprenne. Je suis une Audacieuse ou pas ? Je m'évertue à me focaliser sur mon but : me mettre en sûreté. Je lance ma main au-dessus de ma tête et me cramponne à la zinguerie du toit. J'agite mon corps, explose la lucarne puis me propulse dedans. Quelques morceaux de verre ont créé des coupures sur mes bras, mais j'ai réussi et je me relève avec fierté. J'ai réussi à prendre le dessus sur une de mes peurs qui me paralysait le plus.
En quête de l'apparition d'une autre peur, je décide de fermer les yeux puis de remplir mes poumons d'air.
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